28 juin, 2024

Philippe DRUILLET fête ses 80 balais !

 

On a pas tous les jours 80 ans. Longue à vous, Monsieur Druillet, nous serions ravis que vous signiez pour 80 balais de plus.

En ce 28 juin, avec les hommages respectueux du PReFeG !

26 juin, 2024

Fiction n°068 – Juillet 1959

Magnifique couverture de Jean-Claude Forest en pleine page pour ce numéro d'été de Fiction d'une bonne qualité d'ensemble, avec une mention spéciale à Chad Oliver. 

Un clic droit, mais pas à l'aveuglette

Sommaire du Numéro 68 :


NOUVELLES

 

1 - Charles HENNEBERG, Au pilote aveugle, pages 3 à 16, nouvelle

2 - Damon KNIGHT, Quelle Apocalypse ? (What Rough Beast?, 1959), pages 17 à 36, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH

3 - BELEN, Je vous salue, maris..., pages 37 à 39, nouvelle

4 - Reginald BRETNOR, L'Intruse (One of the Family, 1951), pages 40 à 45, nouvelle, trad. Roger DURAND *

5 - Anne McCAFFREY, La Tour d'ivoire (The Lady in the Tower, 1959), pages 46 à 63, nouvelle, trad. Roger DURAND *

6 - Thomas OWEN, La Présence désolée, pages 64 à 68, nouvelle

7 - Idris SEABRIGHT, Les Vins de la Terre (The Wines of Earth, 1957), pages 69 à 74, nouvelle, trad. Catherine GRÉGOIRE

8 - Floyd L. WALLACE, Le Virus du Nevada (The Nevada Virus, 1957), pages 75 à 95, nouvelle, trad. Roger DURAND *

9 - Chad OLIVER, Le Vent souffle où il veut (The Wind Blows Free, 1957), pages 96 à 119, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM 

CHRONIQUES


10 - Jean-Jacques BRIDENNE, Nadar ou la science-fiction vécue d'hier, pages 121 à 124, article

11 - Aimé MICHEL, Bas le masque, Professeur Hynek !, pages 125 à 127, article

12 - Alain DORÉMIEUX, La Mort de "Galaxie", pages 129 à 130, article

13 - Alain DORÉMIEUX & Gérard KLEIN, Ici, on désintègre !, pages 131 à 134, critique(s)

14 - F. HODA, Une mouche monstrueuse, pages 136 à 137, article

15 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 138 à 143, article


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Nathalie Henneberg (toujours sous le nom de son mari récemment décédé) donne raison à l'axiome : "le primitif est la grande quête de la modernité" dans Au pilote aveugle. Ici, c'est en revisitant le mythe des sirènes tel que rapporté par Homère. On repensera beaucoup aussi à la "Shambleau" de C. L. Moore.

Il est peut-être un peu exagéré de relier Quelle apocalypse ?, récit à la première personne, avec l'Apocalypse - ou le second avènement tel que décrit par Yeats. Damon Knight nous livre toutefois une bonne nouvelle qui, de l'anecdotique, fait virer son intrigue vers de plus en plus d'universel. Mondes parallèles et pouvoirs psis en prime. 

On aurait pu croire à une simple inversion des positions sociales de l'homme et de la femme dans Je vous salue, maris…pamphlet du mystérieux Belen (dont on pourra apprendre qu'il s'agit en réalité de la cinéaste Nelly Kaplan).. Mais l'autrice va un peu plus loin et pousse la logique en faisant du sexe mis en position de faiblesse un bétail. Concis et de bonne facture.

L’intruse, c'est "Le Horla" façon Reginald Bretnor, décidément capable d'horreur psychologique. Une belle étude d'une décompensation psychique suite à un deuil mal digéré. Du fantastique psychologique de très bonne facture. 

La tour d’ivoire, par la nouvelle arrivée Anne McCaffrey, est une romance sidérale un peu surfaite mais aux personnages attachants. 

En ouverture à La présence désolée, Thomas Owen cite Arthur Machen en érudit, quand en 1959 n'avait été traduit que son court roman "Le grand dieu Pan" (VO 1894 - VF 1938), dont est d'ailleurs tirée l'exergue. Il faudra attendre 1963 pour découvrir Arthur Machen dans la revue Planète, et 1968 pour lire un nouveau recueil de l'auteur gallois en français. Pour la nouvelle, aux prises d'un piège semblable au puits du Jeu de l'oie, le voyageur de Owen se résigne peut-être un peu vite à son sort. On y perd en effroi. Dommage.

Les vins de la Terre, et le principe du vin en général, est vu comme une culture interplanétaire partagée. Idris Seabright pour une fois sans sarcasme ni cruauté, boit à la santé de tous les peuples. 

Le virus du Nevada, par Floyd L. Wallace, décrit Zone de quarantaine et état de guerre. On se retrouve finalement en terrain connu avec cette nouvelle traitant d'une épidémie mortelle.

Le vent souffle où il veut est une très belle nouvelle de Chad Oliver, fin observateur des mouvements de la sensibilité humaine, sur le thème du vaisseau arche, allégorie des lendemains qui chantent et du meilleur qui se perpétue dans un avenir toujours remis au lendemain.

Dernier article de Jean-Jacques Bridenne sur Nadar, assez passionnant sur les débuts de l'aviation - mais on pardonnera difficilement à Bridenne d'utiliser le "n word" sans mise en contexte…


Qui a écrit :

Bradbury avait-il réellement quelque chose à dire au temps des « Chroniques » ? J'ai défendu jadis cette idée, en bonne compagnie, du reste. Je n'en suis plus aussi sûr aujourd'hui. 

Non, ce n'est pas Alain Dorémieux, bien qu'on eut pu le lire très critique envers l'auteur américain. Il s'agit de son plus fidèle admirateur, Gérard Klein, qu'on a pu appeler le Bradbury français tant il était empreint de son style ; la citation est ici à propos du dernier recueil paru : "Le vin de l'été".


Nous l'avons noté dès notre début d'article, la couverture de Forest est tout aussi remarquable que celle du Fiction spécial n°1. Voyons ce qu'en dit la rédaction à travers les lettres des lecteurs :

NOS LECTEURS ONT LA PAROLE

À PROPOS DE NOS COUVERTURES

M. Louis FRITSCH, Strasbourg.

Je ne suis pas d'accord au sujet des couvertures avec votre lecteur M. Comby (« Fiction » n° 66). Je trouve au contraire que le procédé du photo-montage est la technique la plus propice à la création d'effets d'étrange. J'ai la nostalgie des images inventées par Jacques Sternberg et Philippe Curval. « Symbolisme de pacotille » ? « Manque total d'inspiration » ? Pourtant, comment pouvait-on mieux que Philippe Curval et grâce au montage illustrer « La rue perdue », de Marcel Brion ?

Cela dit, si je puis me permettre de vous donner mon avis en tant que professeur d'une école d'Arts Décoratifs, je n'ai pas aimé le côté froid, statique, de Rose Gauthey. Lucien Lepiez avait de l'étoffe, mais après des dessins aussi efficaces – aussi beaux que ceux des numéros 50 (« La machine à deux mains ») et 60 (« Le collier de marrons »), je ne lui pardonne pas celui du n° 66. C'est mauvais. Il est vrai que c'est surtout le violet dont j'ai horreur… J'en ai souffert pendant huit jours. Les Curval 59 et 62 restent rattachés à mes amours d'antan. P. J. Izabelle : il est trop tôt pour le juger. Enfin, Jean-Claude Forest : il m'a séduit dès le n° 57 (« La mort de chaque jour »). C'est un grand dessinateur, techniquement au point, ayant le sens de la poésie et du fantastique. Quelle réussite que sa « Déesse de granit » du n° 64 !

M. Jean COPANS, Paris (8e).

Je sais bien qu'il faut vendre, mais faut-il vraiment chercher le style « tape-à-l'œil » comme dans les couvertures du n° 64 ou du n° 66 ? Ce sont peut-être des essais d'art moderne, mais vous n'êtes tout de même pas une revue pornographique (les nouvelles incriminées par l'illustration n'étaient pas de ce goût, d'ailleurs).

M. Jacques GASCHAT, A.F.N.

Si je vais me permettre ici quelques critiques, c'est en tant que fidèle et ancien lecteur de votre revue, en tant qu'amateur passionné et, je crois, éclairé, de SF, et aussi en tant qu'artiste peintre et décorateur. J'ai l'intention de m'attaquer à la présentation de « Fiction ». Croyez bien que si je le fais, c'est à cause de l'intérêt que je lui porte.

Vous n'êtes pas sans déplorer, tout comme moi, que, pour une grande majorité, la SF soit considérée comme un genre mineur, et même comme une médiocre pâture pour des esprits infantiles. La responsabilité de cet état de choses incombe, à mon avis, moins aux textes qu'aux illustrations utilisées dans les couvertures.

On relève dans vos derniers numéros, le tout dernier spécialement, une amélioration du dessin de couverture, bien supérieur aux vaseux photomontages que vous sembliez affectionner. Néanmoins, le titre, par exemple, présenté dans une vague tache noire et triangulaire, la disposition du texte, ainsi que l'impression d'ensemble, n'incitent pas les détracteurs du genre à prendre le contenu au sérieux. La présence d'une illustration ne me paraît même pas indispensable ; du moins, si elle consistait en un jeu de taches abstraites ou en un graphisme non figuratif, présenterait-elle moins de danger quant au goût.

J'espère que vous ne m'en voudrez pas de ces quelques remarques sur votre revue qui est aussi la mienne et que par ailleurs j'estime beaucoup.

 

NOTRE RÉPONSE :

Le problème des couvertures nous préoccupe largement en ce moment et nos lecteurs auront pu remarquer que nous faisons, depuis le début de l'année, des tentatives variées dans ce domaine (diversité des styles et des dessinateurs, utilisation de couleurs nouvelles, impression des lettres en blanc sur couleur foncée, etc.). Tout cela sans parler de la couverture de notre numéro spécial, qui représentait une formule jamais employée par nous. Nous ne prétendons pas atteindre la perfection ; il n'en reste pas moins que nous nous estimons fiers d'avoir montré, par exemple dans le numéro 64, que l'illustration de SF pouvait se hausser à un indéniable niveau artistique (la couverture de ce numéro ne nous paraît absolument pas mériter les reproches généraux de M. Gaschat, non plus d'ailleurs que l'accusation de pornographie de M. Copans). Nous continuerons dans les mois à venir de rechercher la diversité, en comptant sur nos lecteurs pour nous tenir au courant de leurs réactions. D'ores et déjà, nous sommes heureux d'avoir misé, entre autres, sur un jeune illustrateur de talent comme Jean-Claude Forest (que pensent nos lecteurs de son dessin pour le présent numéro ?)

21 juin, 2024

Cadeau bonus : Fiction Spécial n°01 - La première anthologie de la science-fiction française (Mai 1959)

Un clic droit, puis "enregistrer sous"
pour obtenir votre epub.
    Au mois de Mai 1959, alors que la revue Fiction en était à son numéro 67, paraissait dans les kiosques son premier numéro "Spécial Hors-série" sur une série de 34, intitulé "La première anthologie de la science-fiction française".

Sur une magnifique couverture pleine page de Jean-Claude Forest, les lecteurs purent en effet apprécier sur 224 pages, et pour la somme modique de 250 (anciens) francs (soit 37 de nos cents, quand un numéro de Fiction coûtait 140 francs - 27 cents ! - pour 144 pages ) un panorama presque exhaustif des valeurs montantes ou d'autres plus établies de la science-fiction en France, ou, comme les décrira son initiateur Alain Dorémieux, les représentant de "ce qu’on peut appeler une école française de la science-fiction.".

Voyons en tout d'abord la préface :

À NOS LECTEURS


Ce numéro spécial est né d’un impératif. On assiste incontestablement, depuis quelque temps, à la formation de ce qu’on peut appeler une école française de la science-fiction. Maintenant que le genre est entré chez nous dans les mœurs, que ses limites sont explorées et reconnues, il se produit une sorte de génération spontanée d’auteurs et plus notamment de jeunes auteurs, qui est un phénomène tout à fait remarquable. L’abondance des manuscrits que nous recevons, et leur qualité nettement accrue, en sont les symptômes. Il nous a semblé intéressant de faire, pour la première fois, un tour d’horizon de ce domaine en pleine gestation. Ce tour d’horizon, nous l’avons voulu aussi vaste que possible. C’est pourquoi vous trouverez dans ce numéro, aux côtés d’auteurs déjà consacrés, un nombre important d’auteurs récemment révélés par notre revue ou même y faisant leurs débuts. L’ensemble de leurs récits nous paraît témoigner d’un niveau certain de recherche. Il est difficile, dans ce genre si profondément marqué par les Anglo-Saxons, d'éviter dans une certaine mesure l’exploitation des recettes. Pourtant, derrière ces recettes, les auteurs ici rassemblés nous semblent découvrir des sentiers neufs, qu’ils foulent avec plus ou moins de bonheur, mais toujours avec la conscience essentielle d’un but à atteindre. Nous vous invitons à juger de leurs efforts. Notre vœu est que cette anthologie ne reste pas sans suite, mais que nous puissions vous offrir, l’an prochain, un nouveau recensement revu et amélioré des possibilités de la science-fiction française, qui est en train de se créer sous nos yeux.

ALAIN DORÉMIEUX

 

Sommaire du Fiction Spécial n°1 :


1 - Alain DORÉMIEUX, À nos lecteurs, pages 2 à 2, introduction
2 - (non mentionné), Les Auteurs de ce numéro, pages 5 à 8, dictionnaire d'auteurs
3 - ARCADIUS, Le Recrutement, pages 9 à 13, nouvelle *
4 - René BARJAVEL, Colomb de la Lune, pages 14 à 17, nouvelle
5 - Marcel BATTIN, Fond sonore, pages 18 à 21, nouvelle
6 - Jacques BERGIER & Pierre VERSINS, i, pages 22 à 38, nouvelle *
7 - Hervé CALIXTE, Monsieur, Madame et la petite bête, pages 39 à 52, nouvelle *
8 - Michel CARROUGES, Five o'clock sélénite, pages 53 à 58, nouvelle *
9 - Francis CARSAC, Le Baiser de la vie, pages 59 à 71, nouvelle
10 - Philippe CURVAL, C'est du billard !, pages 72 à 80, nouvelle
11 - Alain DORÉMIEUX, La Vana, pages 81 à 89, nouvelle
12 - Michel EHRWEIN, L'Heure du départ, pages 90 à 93, nouvelle *
13 - Clarisse FRANCILLON, La Nuit du 24 avril, pages 94 à 107, nouvelle *
14 - Fernand FRANCOIS, Chapitre 13, pages 108 à 113, nouvelle *
15 - Charles HENNEBERG, Pêcheurs de lune, pages 114 à 129, nouvelle
16 - Michel JANSEN, Prima Donna, pages 130 à 136, nouvelle
17 - Gérard KLEIN, L'Observateur, pages 137 à 143, nouvelle *
18 - Ilka LEGRAND & Alec SANDRE, La Chose, pages 144 à 153, nouvelle
19 - Jean-Claude PASSEGAND, Le Piège, pages 154 à 160, nouvelle *
20 - Kurt STEINER, Le Règne des Plusieurs, pages 161 à 166, nouvelle
21 - Jacques STERNBERG, Bonnes vacances !, pages 167 à 174, nouvelle
22 - Jean-Paul TOROK, Escale en permanence, pages 175 à 179, nouvelle *
23 - François VALORBE, Le Réfractaire, pages 180 à 189, nouvelle *
24 - Claude VEILLOT, Araignées dans le plafond, pages 190 à 204, nouvelle
25 - Julia VERLANGER, Soyez bons pour les animaux, pages 205 à 209, nouvelle
26 - Bruno VINCENT, L'Autre, pages 210 à 222, nouvelle *

* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Un plus notable de ce numéro spécial, dont la motivation est d'établir les bases d'un courant littéraire émergent, est d'avoir établi la liste des auteurs, avec une notice biographique plus détaillée que d'habitude. Nous reproduisons ici ces biographies sommaires, en regard des notes de lecture des nouvelles de cette anthologie.

Pour commencer : pas beaucoup de SF dans LE RECRUTEMENT par ARCADIUSoù les planètes tiennent lieu de continents, où des jeunes filles passent leur bac et lisent des revues papier… Mais Arcadius exploite une nouvelle sorte d'esclavagisme, là où on s'attendrait à la traite des blanches. 

ARCADIUS.

Né en 1932. Il part du space-opera pour en tirer des perspectives imagées et des résonances symboliques. Ses manuscrits révèlent qu’il a des idées et de l’imagination. C’est un des jeunes auteurs sur lesquels nous misons. (Une nouvelle parue dans « Fiction » : Les naufrageurs, n° 60.)

RENÉ BARJAVEL
 
fait pour Fiction de l'autofiction lyrique, exaltée, un brin mélancolique, avec COLOMB DE LA LUNE. Un très beau texte, dont voici un court extrait : 

(…) regret de n’avoir qu’une vie si courte, si étroite, d’être limité à soi. Si peu de capacités ! Se sentir si impuissant, infirme, minable quand il y a l’univers à embrasser.

Mais profiter de ce qu’on peut, au maximum. S’ouvrir de partout. Les yeux et le cœur. Accueillir, recevoir les merveilles de tous les instants.

René BARJAVEL.

Né en 1911. Il occupe une place à part dans la science-fiction française : il en est le « doyen » et le promoteur, et il a cessé aujourd’hui d’en écrire. Mais des romans comme « Le voyageur imprudent » ou « Ravage », parus bien avant que le terme de science-fiction soit accrédité en France, sont aujourd’hui des classiques et restent supérieurs à la plupart des ouvrages actuels. Nous ne pouvions concevoir ce numéro spécial de « Fiction » sans y rendre hommage à Barjavel. À notre demande, il est sorti de son silence et a bien voulu écrire un texte spécialement à cette occasion. Plus qu’une nouvelle, c’est un poème en prose où la réalité de demain sert de point de départ à une méditation philosophique d’une haute envolée lyrique. (Une nouvelle rééditée dans « Fiction » : « Béni soit l’atome », n° 58.)


Le bruit de fond du monde pour les "petites gens" fait un tumulte coupé du leur. FOND SONORE par MARCEL BATTIN pourrait être décliné sur bien des périls. 

Marcel BATTIN.

Né en 1921. Il a quelque chose à dire et aussi quelque chose dans le ventre. En S.-F., il est tenté par les veines du tragique et de l’humour noir. Son talent est encore à l’état brut, mais il s’affirmera : nous lui faisons confiance. (Nouvelles parues dans « Fiction » : « Un jour comme les autres », n° 58 ; « Mission à Versailles », n° 61.)


I pour information, théorisée en tant que principe physique non pas matériel, mais toutefois conséquent à la fois qualitativement et quantitativement. Partant d'observations réelles, PIERRE VERSINS et JACQUES BERGIER font sous forme d'un dialogue cocasse une nouvelle de hard-science trépidante … d'informations.

Le petit extrait suivant témoigne d'une hauteur de point de vue très instructive :

Il paraît qu’il y a un gars, il y a bien longtemps, qui a prévu qu’un jour viendrait où les hommes auraient besoin d’une petite révolution de temps à autre, une révolution organisée par le gouvernement, en quelque sorte, tous les ans, tous les cinq ans ou plus, je ne me souviens pas. Mais il ne pouvait pas prévoir vraiment, il n’avait aucune raison de penser aux Grooms. Et même s’il y avait pensé, il ne pouvait pas prévoir qu’il y aurait un jour des gens assez bêtes pour pressurer les autres à un point qui n’est pas supportable, alors, les autres, ils n’ont plus qu’à se révolter, mais vraiment, avec du sang et de la boucherie, pas pour rire… Entre vivre comme du bétail domestique et mourir dans la bagarre, il n’y a pas à hésiter. Ça me rappelle le type, il y a deux ans environ, à qui on demandait pourquoi il avait tenté de se tuer. Le Groom de garde lui a dit, texto : « Vous n’aimez donc pas la vie ? » Et il a répondu : « Vous appelez ça une vie, vous ? » Après quoi, il est tombé sur le Groom à bras raccourcis, et celui-ci l’a étendu raide. Ils ne connaissaient pas ça, avant…
Jacques BERGIER.
Né en 1912. C’est un « personnage ». Ses amis voient volontiers en lui : soit un robot à cerveau électronique ; soit un mutant ; soit un extraterrestre déguisé (parfois assez mal) en humain… Ses connaissances sont éclectiques et leur étendue est inquiétante. En matière de vulgarisation scientifique, il fait autorité et a écrit certains des meilleurs ouvrages de l’après-guerre dans le genre. À part cela, il manifeste un goût certain pour le canular et la propagation savante des nouvelles fantaisistes. Le tandem Bergier-Versins risque de devenir assez étonnant, si ses activités se poursuivent. La méthode de travail est la suivante : Bergier imagine l’idée, l’expose à Versins, et celui-ci brode autour en rédigeant la nouvelle. (Nouvelles parues dans « Fiction » : en collaboration avec Pierre Versins, « Solidarité », n° 55 ; en collaboration avec Francis Carsac, « La revanche des Martiens », n° 64.)

Pierre VERSINS.

Né en 1923. C’est peut-être l’une des personnalités les plus attachantes de la science-fiction française. Il écrit à tour de bras, pêle-mêle, romans, nouvelles, poèmes, sketches radiophoniques, textes divers. Sa verve s’exprime volontiers dans le genre satirique ou canularesque. Ce qui ne l’empêche pas d’être capable de la plus grande sobriété tragique. Chercheur et animateur infatigable, il a créé le Club de S.-F. Futopia, et réuni la plus vaste collection européenne d’ouvrages du genre. (Nouvelles parues dans « Fiction » : « Le dernier mur », n° 29 ; « La bille », n° 36 ; « Ma pomme », n° 48 ; « La force », n° 54. En collaboration avec Jacques Bergier : « Solidarité », n° 55. En collaboration avec Martine Thomé : « Ceux d’Argos », n° 62.)


A monstre, monstre et demi. HERVÉ CALIXTE mêle dans MONSIEUR, MADAME ET LA PETITE BÊTE des références à l'Atlantide avec des polars célèbres ( ou non ) dans une nouvelle jubilatoire sur la bêtise humaine. 

Hervé CALIXTE.

Né en 1931. C’est certainement l’auteur français de S.-F. qui a le plus de pseudonymes… mais il nous est interdit de dévoiler lesquels. Il est actuellement le rédacteur en chef de la revue « Satellite ». (Nouvelles parues dans « Fiction » : « Quelqu’un saura peut-être… », n° 40 ; « Le problème du carré pointu », n° 49.)

 

La matière grise d’un cerveau tient dans un espace naturellement donné. En vertu de quoi la science n’aurait-elle pas le pouvoir et le droit de réduire cet espace ? Cette matière grise est ajustée à une forme extérieure donnée. Soit. Mais qui m’empêchera d’en réduire les circonvolutions et de la transplanter dans une autre forme ? (...) Le caoutchouc mental, voilà l’avenir.

On retrouve dans FIVE O’CLOCK SÉLÉNITE les thèmes de MICHEL CARROUGES, comme la mise en boîte des êtres vivants, les applications de la matière solide et malléable que représente le caoutchouc, ou les savants fous… avec ce petit plus lyrique qui fait toute sa personnalité d'auteur. 

Michel CARROUGES.

Né en 1910. Essayiste et romancier (« Les portes dauphines », « Les grands-pères prodiges »). La science-fiction l’attire sous l’angle du bizarre et du merveilleux psychologique. Il y mêle volontiers une pointe de parodie et de surréalisme. (Nouvelles parues dans « Fiction » : « Le cache-nez de caoutchouc », n° 14 ; « La veillée du Capitaine Chang », n° 38 ; « Une vache indomptable », n° 45.)



FRANCIS CARSAC rend un bel hommage à Poul Anderson en imitant son style et, nous devons bien l'avouer, son anthropocentrisme un peu réactionnaire. LE BAISER DE LA VIE est toutefois plaisant et trépidant, pour une inquiétante description de planète-piège.

Francis CARSAC.

Né en 1919. Spécialiste de l’anthropologie (comme Chad Oliver aux U.S.A. et Efremov en U.R.S.S. !) Sous son vrai nom, il enseigne la préhistoire à la Faculté des Sciences de l’Université de Bordeaux. Ses occupations professionnelles ne lui laissent que peu de temps pour écrire, depuis ses romans « Ceux de nulle part » et « Les robinsons de l’espace ». Déplorons-le, car il est un des rares Français à avoir porté la S.-F. à un point d’achèvement technique digne des meilleurs auteurs américains. Francis Carsac est d’ailleurs en relations épistolaires suivies avec plusieurs de ces derniers, notamment avec Poul Anderson, pour lequel il éprouve une vive estime. (Nouvelles parues dans « Fiction » : « Taches de rouille », n° 7 ; « Hachures », n° 10 ; « l’homme qui parlait aux Martiens », n° 56. En collaboration avec Jacques Bergier : « La revanche des Martiens », n° 64).


" Yorge se souvint qu’ils possédaient un très vieil « Aviation », un de ces premiers appareils sans flippers qu’avait connu le monde avant que le règne de Gottlieb ne s’instaurât. Cette machine à deux fois deux francs avait été la première borne plantée dans le passé par la société actuelle, avant que la Terre et les humains fussent devenus fonction des appareils à flippers, que le monde moderne fût régi par l’énergie que dépensaient les quatre milliards d’hommes et qui, chaque jour, suffisait à faire éclore les fruits et les légumes dans les jardins hydroponiques, entretenir les bacs à viande, propulser les tubes aériens, assurer la marche régulière des usines, des robots, des coptéors."

Qu'on ne se méprenne pas, Gottlieb désigne non pas un fameux dessinateur français, mais une réelle marque célèbre de flippers. PHILIPPE CURVAL quitte le domaine du lyrisme poétique pour s'amuser avec le langage pseudo-technique des joueurs de flipper, dans C’EST DU BILLARD ! On repensera à "Loterie solaire" de Philip K. Dick, où l'accession au pouvoir est gouvernée par le jeu, ou encore (pour une œuvre plus récente) à un épisode de la série "Black Mirror" où l'énergie de toute une société est produite par des joueurs en ligne pédalant sur des vélos d'appartement. Mais ici Curval nous propose une nouvelle à chute qu'on ne voit pas arriver. Sympathique et (malgré tout) moderne.

Philippe CURVAL.

Né en 1929. Il y a en lui de l’esthète et du mystificateur. Un ton décontracté n’appartenant qu’à lui, une technique du gag allusif, un style séduisant et sophistiqué, sont les principales armes de sa panoplie. Avouons que si Curval n’existait pas, il faudrait l’inventer ! Pour la petite histoire et la compréhension de sa nouvelle dans ce numéro, précisons qu’il est un fanatique des machines à sous (quiconque hante les cafés de Saint-Germain-des-Prés a des chances d’y rencontrer Curval faisant corps avec l’une d’elles !). C’est cette haute science qui lui a permis de faire cette peinture d’une civilisation de l’avenir tout entière basée sur l’usage des billards électriques… (Nouvelles parues dans « Fiction » : « l’œuf d’Elduo », n° 25 ; « Le langage des fleurs », n° 32 ; « l’odeur de la bête », n° 41 ; « Un rêve de pierre », n° 55 ; « Histoire romaine », n° 63.)

 

"'La Vana" évoque
ce tableau de Picasso.

Dans une société ou les sources de bien-être sont devenues des biens de consommations, artificiels et clivés en catégories, où le bonheur ne signifie plus que le confort, on n'est pas loin de l'exploitation du vivant - et même ici de ravaler la femme au rang de "satisfactrice" charnelle. Dans LA VANAALAIN DORÉMIEUX explore cette idée dans une traite des femmes extraterrestres, bien entendu pour le pire…

Alain DORÉMIEUX.

Né en 1933. Après avoir été critique littéraire à « Fiction », il cumule aujourd’hui ces fonctions avec celles – absorbantes – de rédacteur en chef de la revue. En critique, il a la déplorable habitude de dire ce qu’il pense, ce qui lui a valu de solides inimitiés… et des amitiés non moins solides. Il a débuté en littérature sous le signe du fantastique, en s’abreuvant aux sources du genre. Il ne se considère toujours pas comme un auteur de science-fiction, mais il ambitionne d’en écrire, en la prenant comme prétexte à développer des situations psychologiques insolites. (Nouvelles parues dans « Fiction » : « Le chemin sur la route », n° 6 ; « Le crâne », n° 14 ; « Le ballet », n° 17 ; « Rêver un homme », n° 24 ; « Le meneur », n° 31 ; « Le signe », n° 37 ; « La Valse », n° 50.)


Avoir un avenir devant soi est la plus grande félicité. L’HEURE DU DÉPART par MICHEL EHRWEIN est une nouvelle à chute sur la marchandisation du temps et des voyages temporels.

Michel EHRWEIN.

Né en 1934. Sa pente naturelle le porte vers un fantastique symbolique et poétique traité en demi-teinte. Peut-être par réaction et sans doute pour élargir son domaine, il s’essaie aujourd’hui à la science-fiction réaliste. Son talent n’est encore que prometteur, mais son envergure devrait croître dans l’avenir. (Nouvelles parues dans « Fiction » : « La harpe », n° 53 ; « Les billes », n° 61.)


Culte du jeunisme et modifications expérimentale de l'âge du corps, CLARISSE FRANCILLON signe avec style LA NUIT DU 24 AVRILnouvelle aux psychologies complexes et fragiles où sauver les apparences peut mener loin dans le déni. 

Clarisse FRANCILLON.

Née en 1899. Peu de femmes en France sont tentées par la S.F. : Clarisse Francillon est l’une d’elles. Elle ne se spécialise d’ailleurs pas dans le genre et ne s’y intéresse qu’accessoirement, préférant se consacrer, comme dans son dernier roman, « La lettre », au réalisme psychologique. Mais elle a su trouver, dans ses évocations d’un monde futur, un ton recherché et captivant, en prenant ce monde comme cadre dépaysant de drames de tous les temps. (Une nouvelle parue dans « Fiction » : « Sarcome d’amour », n° 42.)


Reprenons ici cette observation de la rédaction de Fiction : "Peu de femmes en France sont tentées par la SF". Rappelons le cas de Nathalie Henneberg contrainte de signer sous le nom de son mari pour des raisons éditoriales abstruses et partisanes, ou le travail conséquent que fournira la revue "Lunatique" dirigée par Jacqueline H. Osterrath pour défendre les autrices. Il n'est en effet pas question d'être "tentées" ou non, mais d'être promues et éditées.


Le "somnophone", que FERNAND FRANÇOIS évoque dans CHAPITRE 13fait écho à des expériences réelles d'apprentissage par méthode subliminale durant le sommeil. Mais ici l'auteur pousse plus loin la fourberie latente d'une telle innovation technique. Surprenant et d'un style très subtil et moderne. 

Fernand FRANCOIS.

Né en 1900. Il fut révélé par « Mystère-Magazine », qui publia ses premières histoires criminelles, mais semble porté de plus en plus aujourd’hui vers la science-fiction. Il est capable d’écrire aussi bien des œuvres satiriques que poétiques, avec la même sûreté de main. (Nouvelles parues dans « Fiction : « Travailler est un vrai plaisir », n° 54 ; « Les temps à venir », n° 63.)



Beaucoup de littérature pour une histoire somme toute assez simple ; NATHALIE HENNEBERG (sous le nom de son mari CHARLES HENNEBERGtouche avec PÊCHEURS DE LUNE aux limites de son style trop présent, bien qu'avec talent. 

Charles HENNEBERG.

(1906-1959). Il était en plein essor, en voie de devenir l’un des plus grands auteurs français dans notre domaine. Sa mort subite, dont nous avons fait part à nos lecteurs dans « Fiction » de mai, l’a frappé en pleine activité. Comme Fernand François, cité ci-dessus, il avait été découvert par « Mystère-Magazine ». Mais bien vite, avec son roman « La naissance des dieux », qui reçut un prix, il s’était tourné vers la science-fiction. Il avait par la suite atteint, dans son genre, une sorte de perfection. Ses récits au style fouillé, aux perspectives « en profondeur », au cadre exubérant, faisaient éclater les limites de la S.-F. pour créer un fantastique nouveau. Il se plaisait aussi, compensant l’éloignement dans l’espace par l’éloignement dans le temps, à recréer avec minutie et lyrisme l’atmosphère semi-légendaire d’une civilisation ancienne, comme vous pourrez en juger par son histoire dans le présent numéro. (Nouvelles parues dans « Fiction » : « La sentinelle », n° 28 ; « L’évasion », n° 39 ; « Les non-humains », n° 56 ; « La fusée fantôme », n° 60.)


Une "intelligence artificielle" accède à la conscience, puis à la réflexion. Dans PRIMA DONNA, Jacques Van Herp, sous son pseudonyme de MICHEL JANSEN, signe une vision assez précise de ce qui fait, depuis, notre présent.

Michel JANSEN.

Né en 1923. Sous son vrai nom : Jacques Van Herp, il est l’un des collaborateurs attitrés de nos chroniques littéraires, dans lesquelles il s’est livré à des analyses savantes et attentives de l’œuvre de nombreux auteurs. Il est professeur de mathématiques de son métier. Ses goûts et ses activités de critique l’ont poussé à devenir également auteur. (Nouvelles parues dans « Fiction » : « Weerwolf », n° 44 ; « Excès de vitesse », n° 57.)


" Je suis né sur un monde situé dans le centre de la Galaxie, en un temps où mes semblables étaient nombreux. Ils s’appelaient les Hommes, et maintenant, moi, le dernier, je me nomme l’homme, quoique j’aie oublié l’origine de ce nom et me souvienne à peine qu’il ait, une fois, désigné une espèce.

Car cette espèce est morte, ayant conquis trop tard avant que de périr une sorte d’immortalité. Je suis capable de vivre aussi longtemps que cet univers, et cela, sans doute, parce que je suis le dernier. "

Dans un hommage à peine voilé à Olaf Stapledon, GÉRARD KLEIN mise efficacement sur l'empathie que l'on ressent pour le dernier être de l'espèce, errant dans la galaxie en quête de ses semblables. Très bonne nouvelle que L’OBSERVATEUR, restée inédite dans d'autre recueils depuis.

Gérard KLEIN.

Né en 1937. Il fut longtemps le « jeune auteur prodige » de la science-fiction française, avant de tenir ses promesses et d’en devenir un des meilleurs auteurs tout court. Il s’est également affirmé comme critique à « Fiction » et sera probablement un jour ou l’autre essayiste. Son recueil de nouvelles « Les perles du temps » a poussé très loin l’art de l’expression. Son roman « Le gambit des étoiles », qui aurait dû normalement avoir le prix Jules Verne, marque chez lui une volonté de rompre avec le genre de ses débuts et de s’engager dans une voie nouvelle. (Nouvelles parues dans « Fiction » : « Civilisation 2190 », n° 26 ; « Les villes », n° 30 ; « Point final », n° 40 ; « Le bord du chemin », n° 45 ; « Le visiteur », n° 53 ; « Drame de famille », n° 57 ; « Le monstre », n° 59 ; « Le condamné », n° 65.)


Plutôt fantastique, LA CHOSE par ILKA LEGRAND et ALEC SANDRE est un récit d'emprise assez classique. Fiction ne dévoilera rien sur l'identité de ce Alec Sandre, mais l'on sait qu'Ilka Legrand aura pu signer sous d'autres pseudonymes des récits écrits à quatre mains avec l'autrice Jacqueline Bolle.

ILKA LEGRAND.

Née en 1902. Elle a publié de nombreuses histoires criminelles dans « Mystère-Magazine » et a eu plusieurs romans édités dans sa patrie, la Belgique. Elle fait ses débuts dans la science-fiction avec l’histoire écrite en collaboration que vous lirez dans ce numéro.


Très bien menée, LE PIÈGE se positionne contre la guerre poussée dans ses retranchements les plus absurdes.  Déjà remarqué, JEAN-CLAUDE PASSEGAND surprend et réveille. 

Jean-Claude PASSEGAND.

Né en 1935. Il est encore à ses débuts. Il a des dons, de la sensibilité, le sens de la poésie. Il s’inscrit plus ou moins dans la lignée de Bradbury, mais sa personnalité est déjà décelable. (Une nouvelle parue dans « Fiction » : « L’amoureux du soleil », n° 58.)


KURT STEINER, toujours friand d'expériences scientifiques un peu folles et de détails sanglants et horrifiques - d'aucun dirait "gore", démontre dans LE RÈGNE DES PLUSIEURS un effort notable dans la scénarisation, cependant.

Kurt STEINER.

Né en 1922. Il est un des poulains de cette écurie bien rodée qui court sous les couleurs du Fleuve Noir. On a déjà vu se détacher du peloton un Stéfan Wul ; ce sera peut-être aussi le cas de Kurt Steiner, qui est passé maintenant à la collection « Anticipation », après 18 « Angoisse » qui, il l’avoue, l’ont épouvanté lui-même ! Auparavant, il fut instituteur, prospecteur d’uranium et… médecin (il a un authentique diplôme, qu’il s’est contenté de rouler dans son armoire). Ajoutons qu’il ignore totalement pourquoi il a choisi un pseudonyme teuton.


" A présent qu’on y était, et jusqu’au cou, il fallait bien reconnaître qu’ils s’étaient tous trompés dans leurs prévisions. Les incurables pessimistes comme les optimistes, non moins incurables sans doute. Les uns avaient, en effet, prédit que l’Ère Atomique signifierait la fin du monde, les autres qu’elle serait synonyme d’un Âge d’Or et de Bonheur pour tous.

Que croire ? En réalité, le monde est toujours là, à peu près intact et l’or est toujours enfoui dans les caves des banques, de même que le bonheur demeure toujours un mythe dont les chefs d’état et les sociologues pimentent leurs discours ou leurs théories. Et, pourtant, l’Ère Atomique bat son plein depuis longtemps déjà. Elle a connu tous les triomphes, toutes les apothéoses ; elle nous a réservé les surprises les plus spectaculaires. Mais ces avantages abstraits mis à part, qu’y avons-nous gagné sur le plan du quotidien, du réalisme ? Un surcroît d’ennuis simplement, de soucis mineurs, de taxes nouvelles et une redoutable augmentation du coût de la vie. Et aussi d’innombrables sources de tentations qui contribuent à faire de la vie de chaque individu une épuisante course à l’objet, aux multiples perfectionnements que l’on découvre sans cesse. Une course à l’argent en somme car beaucoup de choses ont été remplacées, mais rien n’a remplacé l’argent ni les lois essentielles du commerce. Et l’argent est plus que jamais synonyme de travail forcené. C’est dire que nous n’avons fait qu’amplifier la folie furieuse qui s’était emparée de ce monde depuis l’invention du moteur et de l’électricité. C’est dire aussi que jamais l’acte de gagner sa vie n’a été aussi proche d’un acte de perdition. "

Tel est l'incipit de BONNES VACANCES !, témoignant  de l'impressionnante lucidité de JACQUES STERNBERGnon seulement sur son époque, mais encore sur la tonalité des temps à venir, le nôtre si bien décrit dans son ineptie et la valeur centrale déléguée au travail et à son corolaire : la consommation.  

Jacques STERNBERG.

Né en 1923. Il commença par être le funambule du fantastique, jonglant avec les théorèmes de la géométrie dans l’absurde. Cet absurde lui ouvrit directement la porte des mondes impossibles de la science-fiction. Dans son roman « La sortie est au fond de l’espace » et son recueil « Entre deux mondes incertains », il a mêlé la rigueur lucide de la satire à la démence de l’imagination. Aux yeux des amateurs de S.-F., Sternberg est en voie de devenir une institution. Il finira bien un jour par être enterré au Panthéon ! (Nouvelles parues dans « Fiction » : « Le désert », n° 4 ; « Un beau dimanche de printemps », n° 11 ; « La géométrie dans l’impossible », n° 21 ; « Le navigateur », n° 32 ; « Les conquérants », n° 35 ; « Comment vont les affaires ? », n° 42 ; « Vos passeports, Messieurs ! », n° 49 ; « Partir c’est mourir un peu moins… », n° 51 ; « Marée basse », n° 56.)


L'Amour absolu chez des extraterrestres… On se laisse porter agréablement par JEAN-PAUL TOROK dans ESCALE EN PERMANENCEjusqu'à la chute très inattendue.

A propos de Jean-Paul Török (qui en est l'exacte orthographe), Gérard Klein écrira dans son anthologie "En un autre pays" (Seghers - 1976)

" Je ne sais presque rien de Jean-Paul Torok, sinon qu’il est né en 1936, qu’il se disait au temps du premier numéro spécial de Fiction passionné de cinéma et de littérature, ce qui n’engage guère, et que je ne connais de lui que deux nouvelles, dont celle-ci. Je regrette qu’il n’ait pas jugé possible ou bon d’écrire davantage. "

L'anthologie de la science-fiction française "Les mondes francs" (Livre de poche - 1988) précisera :

" Passionné de cinéma, membre de comité de rédaction de la revue Positif, scénariste de nombreux films… " 

On pourra en effet le voir co-scénariser (entre autres) le film de Claude Sautet "Un mauvais fils" (avec Sautet et Daniel Biasini, en 1980). Cette petite précision nous permet de mieux décoder l'une des dernières lignes de sa nouvelle, publiée donc en Mai 1959, qui dit ceci : "EXTRAIT DE « NÉGATIF », REVUE DE CINÉMA, N° DE MAI 1960".

Jean-Paul TOROK.

Né en 1936. Passionné de cinéma et de littérature. Publié pour la première fois, il est l’un des deux « débutants complets » que nous avons choisis pour figurer dans ce numéro spécial.


Pour une thèse différente de celle de Sternberg : c'est la notion arbitraire de mérite qui finira par détrôner l'argent pour FRANÇOIS VALORBE. Dans LE RÉFRACTAIRE, le travail devient activité obligatoire mais sans le moindre sens. Valorbe rejoint ici Sternberg dans le constat que nous nous dirigeons vers une globale perte de sens. 

FRANÇOIS VALORBE.

Né en 1914. Il a publié plusieurs recueils de poèmes et de textes en prose influencés par le surréalisme. Il est particulièrement épris d’humour noir, biais par lequel il cherche à rendre l’absurdité de la condition humaine. La science-fiction, qu’il aborde pour la première fois, lui a servi de prétexte idéal pour cette démarche.

Tout comme dans la nouvelle précédente, le pire ennemi pour CLAUDE VEILLOT est la peur, génératrice de paranoïa… ARAIGNÉES DANS LE PLAFOND est d'un niveau d'un (bon) Fleuve Noir, et que n'aurait pas reniée ce sacré Jimmy Guieu.

Claude VEILLOT.

Né en 1925. Il est journaliste et s’est toujours intéressé à la science-fiction, en lui consacrant des articles ainsi qu’un livre basé sur les satellites artificiels. Ses préférences le poussent vers l’horrible, avec une prédilection pour le thème de la « captation », de la « possession ». Nous publions aujourd’hui sa première nouvelle dans le genre.

 

SOYEZ BONS POUR LES ANIMAUX est une histoire à chute, mais une chute un peu trop attendue. Pas du meilleur JULIA VERLANGER pour cette anthologie. 

Julia VERLANGER.

Née en 1930. Elle a fait ses premières armes dans « Fiction » et a pris place parmi nos auteurs français les plus en vue. Ses thèmes sont simples, leur facture est en général peu orchestrée, mais elle a le don de les rendre frappants en les « matérialisant » et en leur donnant un prolongement en sourdine. Son talent a acquis de la solidité et de la maturité. (Nouvelles parues dans « Fiction » : « Les bulles », n° 35 ; « Brouillard qui tue », n° 44 ; « La fille de l’eau », n° 47 ; « Les derniers jours », n° 51 ; « La fenêtre », n° 61 ; « Reflet dans un miroir », n° 63.)


Pour finir, il faut s'appliquer à lire entre les lignes pour apprécier pleinement L’AUTRE de BRUNO VINCENT, stylisé simplement, poisseux et gris comme un soir d'orage. 

Bruno VINCENT.

Né en 1931. C’est le second débutant que nous lançons à l’occasion de ce numéro. Il s’intéresse en science-fiction aux réactions humaines devant des données nouvelles.

Le PReFeG vous propose également