05 juin, 2024

Galaxie (1ère série) n°065 – Avril 1959

Adieu sacré Jimmy, adieu Maurice Limat, adieu Georges Murcie... Ces quelques auteurs disparaîtront de la politique éditoriale des revues Fiction et Galaxie avec ce dernier numéro de la 1ère série de Galaxie, revue qui, semblable au phénix, renaîtra de ses cendres en mai 1964, sous l'égide des éditions Opta.

Un dernier clic droit pour la Galaxie  !
 

Sommaire du Numéro 65 :


NOUVELLES

 

1 - Jack VANCE, La Retraite d'Ullward (Ullward's Retreat, 1958), pages 2 à 23, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Wallace (Wally) WOOD

2 - J. F. BONE, Compagnon de voyage (Insidekick, 1959), pages 24 à 54, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Wallace (Wally) WOOD *

4 - Maurice LIMAT, Le Reflet, pages 57 à 62, nouvelle

5 - Frederik POHL, D'amères pilules (The Bitterest Pill, 1959), pages 63 à 73, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par JOHNSON

6 - Robert SHECKLEY, Le Temps meurtrier (4ème partie) (Time Killer / Immortality, Inc. (version abrégée sous le titre, 1958/1959), pages 74 à 107, roman, trad. (non mentionné), illustré par Wallace (Wally) WOOD

9 - Georges MURCIE, Les Rescapés de l'infini, pages 113 à 125, nouvelle *

 

CHRONIQUES


3 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 55 à 56, courrier

7 - (non mentionné), Saviez-vous que..., pages 108 à 108, notes

8 - Jimmy GUIEU, La Rubrique de l'étrange, pages 109 à 112, chronique

10 - Claude VAUZIÈRE, Livres d'aujourd'hui et de demain, pages 127 à 128, notes


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.


L'intimité, vrai luxe pour une planète surpeuplée, c'est l'espace et le territoire désiré pour soi seul.

" LES chaussures automatiques dirigèrent la famille Voiroux vers son logis, choisissant les tournants appropriés, montant ou descendant dans les puits convenables. Les champs de déflexion faisaient virevolter Eugénia et ses parents parmi la foule. Comme eux, chacun portait un manteau et un capuchon de pellicule réflective, pour préserver son intimité. Les panneaux – illusion s’étalant sur le plafond du corridor offraient une vue de tours se dressant sur un attrayant ciel bleu, comme si le piéton évoluait dans un des passages supérieurs éventés. "

On pourrait conclure de cette anticipation que la civilisation pourrait aller vers le moins de dépense possible (financière, énergétique, logistique…). Aussi, laisser leur liberté de mouvement aux milliards de "dividus" coûterait plus que de les confiner dans des caissons. Vance n'y songe guère, mais c'est ce qu'aura compris Daniel Drode dans son roman "Surface de la planète" (Prix Jules Verne 1959). Quoi qu'il en soit, La retraite d'Ullward est une jolie fable de Jack Vance, qui pose question sur la possibilité du retour en arrière quand l'humanité s'est coupée des contemplations du monde naturel.

" En surface, Antar était sans importance, et triste comme toute planète à l’époque de la pénétration. Il y avait les comptoirs commerciaux habituels, les usines pilotes, le commerce en gros et en détail, et les centres récréatifs et touristiques. Tout cela conçu pour habituer les indigènes à la présence des Terrestres, à leurs activités, et pour les préparer à se faire « plumer » commercialement dès qu’ils auraient acquis le goût des produits de la civilisation. "

Il est question de "colonisation douce" dans Compagnon de voyage de J. F. Bone. Et au travers cette histoire intelligente du parcours entre un humain et un symbiote, qui apprennent à cohabiter plutôt que l'un soit colonisé par l'autre, cette colonisation devient aussi allégorique. 

Un peu téléphonée, Maurice Limat nous propose une histoire de pacte faustien sans originalité dans Le reflet. On retrouvera la fascination pour les stars du cinéma dans le numéro 66 de Fiction, sous la plume de Fritz Leiber, avec beaucoup plus de subtilité.

"Apparition du surhomme", comme l'écrivait B. R. Bruss, mais dans D'amères pilules, Frederik Pohl est plus goguenard et humoristique que l'auteur français, avec ce court récit à la première personne.

Pour ce qui est du Temps meurtrier, la quatrième partie tire un peu en longueurs et les résolutions sont un tantinet décevantes, mais cela passe tout seul grâce au talent narratif de Robert Sheckley. Il y développe une mentalité libérale toute américaine, toutefois.

Nous avons la preuve que ce sacré Jimmy ne lit décidément pas dans l'avenir, quand il écrit dans ce dernier numéro de Galaxie : Dans les mois à venir, je ne manquerai pas d’aborder les problèmes qui vous intéressent particulièrement… Pétard mouillé, bye bye Jimmy !

Pas vraiment d'action ni de décisions cornéliennes dans Les rescapés de l'infini, une histoire de catastrophe spatiale. Un naufrage, et un sauvetage géré par des calculs et des machines automatiques, où l'humain semble n'être que figurant. Bye bye aussi Georges Murcie !

Mais qu'en dit la revue "Fiction" ? Il faudra attendre Juillet 1959 avant de voir paraître cet article de Alain Dorémieux, dans le n°68.

LA MORT DE « GALAXIE »

Alain Dorémieux

 

Il y avait longtemps – deux ans au moins – qu'on enterrait périodiquement « Galaxie ». J'ai bien entendu courir une dizaine de fois le bruit de sa mort, toujours prématuré. Le mois suivant, on le voyait quand même paraître, sous ses affreuses petites couvertures bariolées, dont certaines eussent pu être fort belles.

Et puis, sans crier gare, « Galaxie » est mort pour de bon après être entré dans son soixante-cinquième numéro. C'était quand même notre compagnon fidèle, si l'on peut dire. Son orbite et la nôtre étaient parallèles. Nous avions commencé nos carrières ensemble et nos numéros portaient chaque mois le même chiffre.

Je ne viens pas ici verser des larmes de crocodile sur sa tombe. J'aimerais simplement me pencher sur cette disparition pour tenter d'en étudier les causes profondes et d'en dégager une moralité.

Remontons en arrière. Nous sommes à la fin de l'année 1953. La SF commence péniblement, modestement, à se faire un nom en France. Les premières parutions du Fleuve Noir et du Rayon Fantastique ont recruté un premier noyau d'amateurs. Deux revues américaines, parmi les plus célèbres dans leur pays d'origine, décident simultanément l'une et l'autre de lancer une édition française. Il s'agit de « Galaxy Science Fiction » et de « Fantasy and Science Fiction ». La première sera « Galaxie », la seconde « Fiction ».

Voici donc deux publications dont on peut dire qu'elles commençaient chacune leur carrière dans des circonstances strictement analogues, avec autant (ou aussi peu) de chances de succès l'une que l'autre. Elles avaient un terrain vierge à défricher, un public neuf à découvrir, une voie difficile à tracer. Cette voie était la même pour toutes les deux ; seuls pouvaient différer les moyens d'accès.

Que voyons-nous ensuite ? Qu'on m'excuse de tomber dans l'odieuse fatuité d'un auto-panégyrique, mais les faits parlent d'eux-mêmes. Très vite, se sont manifestés deux « styles » différents. Dans un cas, nous avons une revue américaine adaptée, transposée, digérée, sélectionnée et augmentée à l'usage du public français ; dans l'autre, une revue américaine décalquée anonymement sans apport personnel, sans effort de recherche, et surtout, malheureusement, sans conviction. Dans le premier cas, l'ébauche progressive et la formation d'une politique rédactionnelle, avec des tâtonnements, des erreurs, mais toujours une ligne de conduite ; dans le second, l'absence continue de toute politique rédactionnelle, le produit de manufacture à l'état brut. Bref, d'un côté, une revue qui se veut vivante, c'est-à-dire en perpétuelle évolution, et de l'autre une revue à tout jamais stéréotypée, c'est-à-dire sclérosée.

Il serait inutile de rechercher les responsables de cet état de choses pour « Galaxie », puisqu'il fallait plutôt en accuser l'absence de responsables. « Galaxie » avait le malheur d'être édité par des gens qui n'y comprenaient rien, n'y croyaient pas et s'en foutaient, attachant bien plus d'importance aux autres publications à succès de leur maison, destinées aux midinettes ou aux amateurs de faits divers sanglants. Et ainsi a-t-on pu dire, sans même que ce fût une boutade, que les seules personnes qui faisaient la revue, c'étaient les traducteurs. La rédaction-fantôme de « Galaxie » (tellement fantôme que jamais personne n'arrivait à voir le « rédacteur ») n'était en somme qu'un secrétariat s'occupant de transmettre des textes américains à traduire.

Le résultat de tout cela n'avait pas de quoi surprendre. Nous savions de source certaine que « Galaxie » tirait deux fois moins que « Fiction » et vendait trois fois moins… Alors que « Fiction » n'a jamais cessé depuis sa création d'accroître (très lentement mais régulièrement) son chiffre de vente.

Autrement dit, « Galaxie » portait en lui-même le germe de son fiasco. Et ce ne sont pas les timides et ternes tentatives faites pour animer la revue (courrier des lecteurs entièrement apocryphe, rubrique des soucoupes volantes signée Jimmy Guieu, critiques de quelques livres) qui pouvaient y changer quelque chose.

Et pourtant, je l'avoue, je serai de ceux qui regretteront « Galaxie ». Il fut un temps où chaque numéro apportait à l'amateur de SF au moins deux ou trois nouvelles « à tout casser ». Un des titres de gloire de la revue est d'avoir révélé au public français le merveilleux Robert Sheckley. On y lisait régulièrement des nouvelles de Clifford Simak, Theodore Sturgeon, Damon Knight, Fritz Leiber et autres excellents auteurs. Chose curieuse, cependant, tous ces écrivains – même des stylistes comme Damon Knight – adoptaient dans « Galaxie » le même style uniforme et impersonnel. De là à conclure qu'ils tiraient à la ligne quand ils travaillaient pour le « Galaxy » américain, il n'y avait qu'un pas, mais il est juste de dire en outre que leurs récits étaient proprement sabotés par des traductions exécrables, et régulièrement amputés d'un bon tiers dans l'édition française. 

Le « Galaxy » américain, copieux, imprimé avec soin, avec de belles illustrations et de superbes couvertures, donnait une impression de richesse que n'a jamais eu sa médiocre et pâle reproduction française. D'un bout à l'autre, à tous les stades, on peut vraiment dire qu'il s'agissait là d'une entreprise de sabotage, poursuivie avec un haut degré d'inconscience. 

On pourrait créer un « sottisier » de « Galaxie », en l'alimentant d'anecdotes multiples. Il y eut par exemple une période délirante où une consigne avait décrété que tous les récits traduits de l'américain seraient censés se dérouler en France ; une action primitivement située en Californie ou en Floride se voyait transposée quelque part dans le Calvados ou le Morbihan ; quant aux personnages, leurs noms étaient francisés de façon littérale, chaque fois que la chose était possible : Mr. Brown devenait M. Brun et Mr. Fischer M. Pêcheur !

À « Galaxie », on ne s'apercevait jamais de rien. Le roman d'Alfred Bester « Terminus les étoiles » fut publié originellement en feuilleton dans le « Galaxy » américain et l'édition française en avait donc les droits. Quand elle se décida à le publier (d'ailleurs abominablement tronqué), le roman avait déjà été traduit depuis plusieurs mois chez Denoël, mais personne à « Galaxie » ne s'en était rendu compte !

De même, comme le fait remarquer mon ami Pierre Versins, personne à « Galaxie » n'a dû s'apercevoir que la revue allait cesser de paraître, puisque le numéro 65 et dernier comporte l'annonce d'une nouvelle devant figurer dans le numéro suivant…

Voici encore une autre anecdote certifiée exacte. Dans le numéro 62 de « Fiction », en présentant « Ceux d'Argos » de Martine Thomé et Pierre Versins, je lançais un coup de patte à « Galaxie », sans le nommer, dans les termes suivants : ce Martine Thomé méritait bien cette seconde chance après avoir passé l'an dernier une nouvelle intitulée « Maternité », dans une revue de science-fiction où l'irrespect des textes est une insulte aux lecteurs – nouvelle qui fut à ce point estropiée par la rédaction qu'elle eut du mal à la reconnaître ! » Peu après, je rencontrai un ami, collaborateur d'une autre revue de la maison éditrice de « Galaxie », lequel ami me raconta qu'il avait mis ces lignes sous les yeux des personnes intéressé ». Aucun dirigeant de « Galaxie » ne s'y était reconnu ! Tous prétendaient n'avoir jamais entendu parler de cette Martine Thomé, et affirmaient que ce n'était certainement pas leur revue qui était en cause… 

J'ai souvent pensé qu'il fallait au « Galaxy » américain une sérieuse dose de qualités pour qu'il en subsiste au moins un reflet après ces destructions systématiques. Lire « Galaxy » dans le texte, c'était tout de même autre chose. Cette revue a créé un ton, et de ce fait a marqué profondément le genre. Ce ton, ces dernières années, est allé en se dégradant. C'est la rançon du succès et de l'exploitation des recettes. Mais il y a eu là une prodigieuse pépinière d'idées de science-fiction. Un climat intellectuel excitant, une savoureuse sophistication, une virtuosité évoquant le jeu d'un jongleur, voilà ce qu'on trouvait et que l'on trouve encore, quoique de façon plus rare, dans « Galaxy ». Mais de tout cela, je le répète, les lecteurs français n'ont jamais eu qu'une image déformée et amoindrie, par la faute d'éditeurs qui ont joué en l’occurrence le rôle de l'éléphant dans un magasin de porcelaines.

En conclusion, je ne pourrai dire qu'une chose : la carrière de « Galaxie » a représenté une incroyable série de maladresses, et son échec final a été le plus bel exemple d'auto-destruction qui se puisse concevoir. L'erreur majeure a sans doute été, de la part des éditeurs de « Galaxie », de s'imaginer qu'il s'agissait d'une revue populaire (l'habitude de leur marchandise !), au lieu de se rendre compte qu'il s'agissait d'une revue pour intellectuels légèrement biscornus. Ils ont tout fait pour mettre « Galaxie » au niveau des concierges ! Mais les concierges ne lisaient pas « Galaxie »… Il y a eu là de l'aberration, mais comment en vouloir à ces gens : la science-fiction, après tout, ils ne savaient même pas ce que cela voulait dire !…


Nous sommes fiers d'avoir tenu une partie de notre objectif en vous proposant ce dernier numéro de Galaxie "1ère série". Cette revue renaîtra de ses cendres sous l'impulsion d'Alain Dorémieux et des éditions OPTA en Mai 1964. Si nous parvenons à maintenir notre rythme, nous vous proposerons ce numéro 1 de Galaxie 2ème série le 06 août 2025. Dans l'intervalle, nous continuerons de découvrir Fiction et les numéros spéciaux que la revue va proposer à partir de Mai 1959 (à venir très prochainement dans nos pages, donc…).

A dans 15 mois si les astres s'alignent bien !

Rapport du PreFeG (Mai 2024)

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