Nous poursuivons nos
publications numériques avec ce n°4 de la revue Fiction, daté de Mars 1954.
Apprécions tout particulièrement « Le
sacrifié », toute première nouvelle de Philip K. Dick publiée en
France dans une revue. Première publication aussi dans une revue française pour
Alfred Bester, avec la nouvelle « L’homme
que Vénus va condamner ». Et les grands débuts dans Fiction du belge
Jacques Sternberg avec « Le désert »,
qui signera aussi un grand nombre de couvertures pour cette revue.
Sommaire
du Numéro 4 :
NOUVELLES
1 - BOILEAU-NARCEJAC, Le Grand secret, pages 3 à 10, nouvelle
2 - Ruth M. GOLDSMITH, Adieu, veau, vache... couvées !
(Yankee exodus, 1953) , pages 11 à 22, nouvelle, trad. (non mentionné)
3 - Philip K. DICK, Le Sacrifié (Expendable, 1953) , pages 23
à 29, nouvelle, trad. (non mentionné)
4 - Alexandre RIVEMALE, Le Jongleur, pages 30 à 48, théâtre
5 - Robert SHECKLEY, Désirs de roi (The King's Wishes, 1953)
, pages 49 à 59, nouvelle, trad. (non mentionné)
6 - Charles L. HARNESS, Les Joueurs d'échecs (The
Chessplayers, 1953) , pages 60 à 72, nouvelle, trad. (non mentionné)
7 - Jacques STERNBERG, Le Désert, pages 73 à 75, nouvelle
8 - John ANTHONY, L'Hypnoglyphe (The Hypnoglyph, 1953) ,
pages 76 à 86, nouvelle, trad. (non mentionné)
9 - William Lindsay GRESHAM, Le Peuple du Grand Chariot (The
Star Gypsies, 1953) , pages 87 à 102, nouvelle, trad. (non mentionné)
10 - Alfred BESTER, L'Homme que Vénus va condamner (Star
Light, Star Bright, 1953) , pages 103 à 119, nouvelle, trad. (non mentionné)
CHRONIQUES
11 -
Jacques BERGIER & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 120 à 122,
critique(s)
12 - F.
HODA, Guerres interplanétaires, pages 123 à 128, article
Rapport du PReFeG :
- Relecture, corrections orthographiques et
grammaticales
- Ajout de la note 7
- Vérification et mise à jour des
liens internes
- Mise au propre et noms des
fichiers html
- Mise en gras les titres in
Revue des Livres
- Mise à jour de la Table des
matières
- Mise à jour des métadonnées
(auteurs, résumé, série, date d'édition)
Dans ce numéro, nous pouvons retrouver un extrait
d’article qui évoque bien les réserves soulevées par ce genre nouveau qu’était
la Science-fiction (encore souvent appelée « Anticipation
Scientifique »).
« La Gazette de Lausanne
» a consacré une page de son supplément littéraire, « La Gazette littéraire », du 28 novembre dernier, à la «
science-fiction ». Un long article de Boris Vian : « Si Peau-d’Âne m’était conté… » explique, témoigne et plaide
éloquemment en faveur du genre. M. Henri-François Rey, dans un autre article au
titre significatif : « Science-fiction ou
science-mystification ? » est plus réservé et exprime ses craintes sur ce
qu’il considère comme un envahissement des « technocrates ». M. H.-F. Rey
désigne ainsi les savants, les ingénieurs, en un mot les scientifiques.
« Cette nouvelle
philosophie, car c’en est une, se présente, donc avant tout comme une
entreprise de libération. Voilà bien la mystification.
Il m’a été donné de lire
récemment quelques livres fictionnistes, la plupart traduits de l’américain.
L’identité des thèmes est flagrante. Partant de données scientifiques
actuelles, nos nouveaux penseurs s’empressent d’extrapoler, de donner à leurs
prémices le coup de pouce de l’imagination, ce qui leur permet de construire un
univers utopique qui, en fait, finit par n’avoir plus aucune justification
scientifique. L’aventure du brave homme qui devient amoureux d’une habitante de
Vénus en est une preuve, et aussi celle, de tous ces héros aux prises avec de
méchants Martiens.
À priori, bien sûr, il
ne nous est pas permis de réfuter l’existence d’êtres vivants sur telle ou
telle planète, mais je pense qu’il nous est permis de ne pas croire à
l’agressivité obligatoire de ces êtres vivants. Pourtant pour les
fictionnistes, pas de problèmes ; tout ce qui vit sur les autres planètes
existe « contre nous » ; tous les procédés scientifiques décrits par ces
nouveaux poètes sont des procédés servant à la défense de la race humaine ou,
dans le meilleur des cas, à la destruction des races concurrentes.
Mais, surtout, ne nous
leurrons pas. Voyons bien les choses en face et disons que la « science-fiction
» n’a jamais considéré le progrès scientifique comme un moyen de libération,
mais essentiellement comme un moyen d’oppression de la race humaine, comme un
moyen de contrôle des réactions humaines. Il ne s’agit pas de prévoir un monde,
enfin harmonieux, mais de décrire une planète qui, en s’élargissant aux
dimensions de l’univers, deviendra de plus en plus effrayante, de plus en plus
tyrannique pour ses malheureux occupants.
Que l’on fasse bien
attention, ce postulat de base n’est pas né du hasard. Reprenons le thème
central des ouvrages fictionnistes. Il est toujours le même : le monde et la
race humaine sont plus que jamais menacés, mais il y a quelques hommes, très
peu d’ailleurs, qui peuvent nous sauver, car ils en ont les moyens, quelques
hommes à qui l’humanité devra son salut.
Et quels sont ces hommes
? Les savants, les ingénieurs, les scientifiques, autrement dit, les
TECHNOCRATES.
Nous voilà au cœur du
problème.
L’histoire, encore elle,
nous apprend que l’évolution des sociétés veut que sans cesse les classes
sociales luttent entre elles pour la possession du pouvoir. En ce milieu du
siècle, au-delà peut-être des perspectives marxistes qui réduisent l’histoire à
une lutte de classes très circonscrite, on peut constater que, au sein même de
chaque groupe social, divers éléments luttent pour l’exercice du pouvoir. Et
partout, aussi bien à l’est qu’à l’ouest, ce sont les technocrates qui sont les
mieux placés dans cette course et qui risquent de la gagner définitivement.
Sous le douteux prétexte
que tous les problèmes qui se posent à l’homme peuvent être résolus par l’«
organisation », ces fabricants d’équations et de statistiques prétendent
imposer leur présence dans tous les hauts conseils de direction.
Le malheur, c’est qu’ils
ont toutes les chances de supplanter les hommes d’État et les politiciens
classiques, car le métier qu’ils exercent, la science qu’ils représentent, leur
donnent aux yeux du grand public l’apparence du sorcier. »
Ce postulat est évidemment discutable.
Sans nier que le thème d’un grand nombre de romans de S.-F. repose sur les
intentions agressives d’êtres vivant sur une autre planète que la nôtre, il
faut constater qu’il existe d’aussi nombreux ouvrages du genre qui ne sont pas
bâtis sur ce thème et qui sont même bâtis sur le thème contraire. M. H.-F. Rey
n’a sans doute pas eu la main heureuse dans le choix des « quelques livres
fictionnistes » qu’il a lus jusqu’à présent.