28 septembre, 2022

Fiction n°022 – Septembre 1955

L'on passe des marchés et l'on signe des pactes avec l'adversaire - fusse-t-il le Diable en personne, ou encore la machine faite aussi avide qu'un démon - dans ce 22ème numéro de Fiction.

 

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Sommaire du Numéro 22 :


NOUVELLES

1 - Edmond HAMILTON, Matériel humain (Sacrifice Hit, 1954), pages 3 à 25, nouvelle, trad. (non mentionné)

2 - Clifford D. SIMAK, Spectacle d'ombres (Shadow Show, 1953), pages 26 à 58, nouvelle, trad. (non mentionné)

3 - Bernard MANIER, La Beauté du Diable, pages 59 à 70, nouvelle

4 - Edward LEE, Kalato (Kalato, 1954), pages 71 à 86, nouvelle, trad. (non mentionné)

5 - William MORRISON, Gammes à tous les étages (Music of the Sphere, 1954), pages 87 à 109, nouvelle, trad. (non mentionné)

6 - Marcel SCHWOB, L'Homme voilé, pages 110 à 113, nouvelle

 

CHRONIQUES

7 - Jean-Jacques BRIDENNE, Hommage à Marcel Schwob, pages 113 à 116, article

8 - F. HODA, Un monstre inédit, pages 117 à 119, article

9 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 121 à 124, critique(s)

Rapport du PreFeG (Septembre 2022)

  • Relecture
  • Corrections orthographiques et grammaticales
  • Vérification du sommaire
  • Vérification des casses et remise en forme des pages de titre
  • Mise en gras des titres in "Revue des livres"
  • Notes (2b), (3b) et (5b) ajoutées.
  • Ajout de la note (6b) (Erratum publié dans le Fiction n°23)
  • Vérification et mise à jour des liens internes
  • Mise au propre et noms des fichiers html
  • Mise à jour de la Table des matières
  • Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)

Matériel humain, par Edmond HAMILTON, pose un cas de conscience militaire. Comme annoncé dans la présentation quel lui accorde Fiction, le style en est très proche de celui de J. T. McINTOSH. Il faut préciser qu'Edmond HAMILTON figure parmi les grands précurseurs de la science-fiction américaine. Il publie ses premières nouvelles très jeune, dès le milieu des années 20. Pionnier du space-opéra, on lui doit la série de romans et de nouvelles mettant en action le personnage de Capitaine Futur, adapté en dessin animé par la Toei Animation en 1978-1979 et connu en France sous le nom de Capitaine Flam. HAMILTON scénarise aussi des épisodes de Superman pour DC Comics dès les années 40. Il est l'époux de Leigh Brackett.

On notera sans doute un petit paradoxe éditorial : si l'on considère Fiction comme une revue bien décidée à favoriser le développement de l'édition de la S.F. française (encore bien timide car aliénée à un champ éditorial bien menu), ou encore à sensibiliser le lectorat français à des formes de SF plus diverses que le "space-opera", et si l'on compare cette ligne éditoriale à celle de Galaxie où ne paraissent que très rarement des auteurs français, mais bien plutôt des piliers de "l'âge d'or" de la SF américaine, Edmond Hamilton, qui trouverait naturellement sa place dans cette seconde revue, n'y sera pourtant jamais publié.

Spectacle d’ombres, par Clifford D. SIMAK, est une intéressante nouvelle, en cela qu'elle préfigure par son thème (s'en remettre à une machine qui se nourrit de la vie pour en créer un   ersatz) une autre nouvelle : "Au temps de poupée Pat" de Philip K. Dick (1963), qui servira à son tour de creuset originel à son célèbre "Dieu venu du Centaure" (1965).

Regagner sa jeunesse pour la perdre dix fois plus vite qu'avant, voilà un marché faustien qui parait des plus classiques dans La beauté du Diable du belge Bernard MANIER.

Kalato, par Edward LEE, est, comme annoncé dans l'introduction, une très belle nouvelle qui aurait pu faire partie des "Chroniques martiennes" de Bradbury. Une course de dupe mue par l'activité humaine.

L'intrigue bien menée de la nouvelle Gammes à tous les étages, par William MORRISON, et son humour toujours un peu sardonique, renvoie à la guerre éternelle qu'est la guerre économique ; l'adversaire est démasqué mais laissé libre d'agir…

L’homme voilé, par le "mort-trop-jeune" Marcel SCHWOB, est un court cauchemar, où la mise en place des éléments fantastiques, et leur "acceptabilité", est habile.  Mais Schwob ne laisse aucun choix à son protagoniste, nul marché, sinon peut-être celui passé avec le lecteur, et la fascination qu'exerceraient sur ce dernier le mal et la mort.

*

En guise d'extrait de ce numéro, une petite note, d'un temps où les départements "Recherches et développements" n'étaient pas encore dénommés ainsi :

"Le premier laboratoire d’anticipation.

Il est parfois nécessaire de laisser vieillir une découverte pendant plusieurs années, sinon plusieurs dizaines d’années, avant de pouvoir en tirer la pleine utilisation. Partant de ce principe, les Américains viennent d’installer un « bureau d’anticipation », destiné à prévoir quelles seront les inventions rentables d’ici dix, vingt-cinq ou même cinquante ans. Des savants, choisis parmi les plus qualifiés dans toutes les branches, se basent sur les données actuelles et le rythme probable des innovations pour imaginer ce que pourront être, dans x années, un carburateur d’auto, par exemple, ou une fibre textile, ou encore les aliments synthétiques en vue dans l’avenir, etc. Nous avons là un nouveau mode d’anticipation « dans la vie » : l’anticipation scientifico-industrielle. Les démarches en sont complexes, mais, a priori, les résultats doivent atteindre à une grande part de probabilités."

21 septembre, 2022

Fiction n°021 – Août 1955

« Une guerre de cent ans sur les bras avec ces makrons martiens, et il faut qu’on me jette des choses comme celle-là dans les jambes ! » (in "Le porte-guigne" (Prone - 1954) par MACK REYNOLDS). En voilà une bien bonne, pour accompagner le très bon ensemble de nouvelles de ce n°21 de Fiction.

A quelle heure passe l'impossible ?

Un clic sur ce collage de Sternberg

et toute la Fiction s'offre à vous !

 

Sommaire du Numéro 21 :
 

NOUVELLES

 1 - Eric LINKLATER, Celui qui venait de la mer... (Sealskin trousers, 1952), pages 3 à 16, nouvelle, trad. (non mentionné)

2 - William MORRISON, Le Dicton qui manquait (There Ought to Be a Lore, 1954), pages 17 à 29, nouvelle, trad. (non mentionné)

3 - Thelma D. HAMM, Gallie et sa maison (Gallie's House, 1953), pages 30 à 33, nouvelle, trad. (non mentionné)

4 - Yves DERMÈZE, La Ceinture du robot, pages 34 à 54, nouvelle

5 - Mack REYNOLDS, Le Porte-guigne (Prone, 1954), pages 55 à 64, nouvelle, trad. (non mentionné)

6 - J. T. McINTOSH, Les Sélectionnés (Selection, 1955), pages 65 à 94, nouvelle, trad. (non mentionné)

7 - Jacques STERNBERG, La Géométrie dans l'impossible, pages 95 à 109, nouvelle

CHRONIQUES

8 - Jean-Jacques BRIDENNE, Les Thèmes scientifiques chez Jules Verne (suite et fin), pages 110 à 116, article

9 - COLLECTIF, Ici, on désintègre !, pages 117 à 121, critique(s)

10 - F. HODA, Conquête de l'ennui, pages 123 à 124, article

 

Rapport du PreFeG (Septembre 2022)

  • Relecture
  • Corrections orthographiques et grammaticales
  • Vérification du sommaire
  • Vérification des casses et remise en forme des pages de titre
  • Mise en gras des titres in "Revue des livres"
  • Note (16b) ajoutée.
  • Vérification et mise à jour des liens internes
  • Mise au propre et noms des fichiers html
  • Mise à jour de la Table des matières
  • Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)


"Celui qui venait de la mer…" (Sealskin trousers) par Eric LINKLATER (1947) évoque tout le corpus lovecraftien autour d'Innsmouth et "Ceux des profondeurs" (la nouvelle de ce nom composée par James Wade ne le sera qu'en 1969).

Une nouvelle bien dans le ton léger et bon enfant de William MORRISON : "Le dicton qui manquait" (There ought to be a lore - 1954). Un propos sur le sujet devenu sensible des différences entre les sexes, plus moderne - quoi qu'il en soit - que la nouvelle de Jimmy Guieu qui paraîtra quelques mois plus tard dans le numéro 30 de Galaxie ("La fin des hommes").

L'imaginaire de l'enfance serait-il un monde parallèle en soi ? Peut-on dès lors y aller et en revenir par un simple effort d'imagination ? Voilà le postulat de départ posée par la nouvelle "Gallie et sa maison" de Thelma D. HAMM... postulat qu'elle fait évoluer et fait résonner avec la peur de la bombe propre aux appréhension de la Guerre Froide.

Qu'est-ce qui différencie un androïde à l'image de l'homme, ou de la femme, d'un esclave corvéable à merci, voir d'un appareil électro-ménager ? Et que sommes-nous, au fond, dans notre condition humaine, si nous ne jouissons pas d'un minimum de libre-arbitre ? Yves DERMEZE, auteur français méconnu et peu réédité depuis ces années 50, visite l'évolution du point de vue d'un homme de l'avenir confronté à nos mœurs contemporaines, la relation de couple principalement, dans "La ceinture du robot".

"Le porte-guigne" rappellera sans doute le prétexte du film "La chèvre" aux francocinéphiles de nos lecteurs. Mais comment gérer un tel épouvantail quand il fait partie d'un corps d'armée ? Mack REYNOLDS visite la situation, non sans esprit ni humour, comme à son habitude.

Le style particulier à J. T. McINTOSH, toujours tourné vers la sensation intime, ne fera pas défaut à cette nouvelle : "Les sélectionnés" (Selection - 1954), qui inverse la donne de "Une chance sur..." qui traitait de la notion d'élus pour le salut. Ici, "être sélectionné" ne signifie plus que le tourment. Une nouvelle par le sujet très proche de "Conquérants sacrifiés" de Miriam ALLEN De FORD, paru dans le Galaxie n°19.

Enfin, le parrainage de Fiction pour l'œuvre de Jacques STERNBERG se déploie ici avec la publication de nombreux extraits de son recueil de (courtes) nouvelles : "La géométrie dans l'impossible". Une chance pour les curieux de ce livre qu'on ne trouve plus...

A propos de Jacques STERNBERG, et pour extrait de ce numéro : l'évocation d'une petite curiosité littéraire sur laquelle nous aimerions bien "mettre la main pour y jeter un œil", dans une note de lecture au second degré signée Alain Dorémieux :

" Pour terminer, une œuvre de salubrité publique : il importe de clouer au pilori de la morale bien pensante une dangereuse publication qui vient avec une vitalité scandaleuse (et des fonds pourtant restreints) d’atteindre son numéro 5 et qui semble risquer de devoir poursuivre longtemps son pernicieux travail de démolition par la base. Il s’agit du « Petit Silence Illustré », qui ose (et avec fierté, encore !) s’intituler « la seule revue qui n’ait strictement rien à dire » (on mesure à ce slogan inique la gravité de son déviationnisme). Les principaux responsables de cette coupable entreprise, les dénommés Jacques Sternberg et Philippe Curval, sont, de toute évidence, de louches individus ne reculant devant rien pour satisfaire leur manie de la destruction et de la plaisanterie de mauvais goût. Non contents de suspendre, sur leur couverture, un téléphone à une potence ( !), ils osent dans leurs écrits mépriser d’augustes institutions bien de chez nous, comme la « Nouvelle Revue Française », railler de grands écrivains français comme M. André Maurois, Mme Simone de Beauvoir ou Mlle Françoise Sagan, tourner en dérision les valeurs les mieux établies et les opinions les plus respectables, avec un parti pris dans la narquoiserie qui touche à l’agressivité. Et pour faire mieux que de se moquer d’autrui en général, ils se moquent même de leurs lecteurs en leur donnant comme matière des textes où il est impossible de trouver une phrase seulement sérieuse, où le saugrenu a droit de cité, où le fantastique devient abracadabrant, où la « science-fiction » se fait loufoque, où chaque ligne ne semble là que pour vous cligner de l’œil. Une véritable honte ! Enfin, pour couronner le tout, ces messieurs se sont mis maintenant à jouer le double jeu en publiant dans leur numéro 5 « Le train de minuit », d’Alfred Noyes, une nouvelle fantastique d’un auteur anglais qui a quelque chose à dire, et bien plus, une nouvelle fantastique tellement extraordinaire qu’elle a de quoi faire pâlir d’envie la direction de « Fiction » ! La mesure, décidément, est comble.

Heureusement pour l’ordre social et la bienséance, cette revue malfaisante n’a qu’un tirage intime (et ronéotypé) et elle n’est vendue que dans quelques officines douteuses comme la librairie « La Lune » (170, boulevard Saint-Germain) ou la librairie « La Balance » (2, rue des Beaux-Arts), cette dernière ayant en fait l’audace de l’éditer et de lui tenir lieu de siège social. Mais les lecteurs de « Fiction » n’auront pas, bien entendu, l’esprit assez perverti pour aller s’y procurer des spécimens."

 

17 septembre, 2022

Cadeau bonus / Hommage à Jean RAY : "Harry Dickson - Une intégrale" Volume 1 (1931 - 1932)

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En ce 17 septembre, nous rendons hommage à l'un des grands maîtres de la littérature francophone, Jean RAY, disparu le 17 septembre 1964 à l'âge de 77 ans.

Nous ne reviendrons pas ici sur le grand intérêt littéraire de Jean Ray. Vous pourrez vous en référer à notre article publié pour le n°9 de Fiction. Qu'il nous suffise toutefois de rappeler qu'en 1954, les aventures de Harry Dickson, mélangeant fantastique, policier, science-fiction et épouvante, n'étaient plus considérées autrement que comme une obscure publication d'avant-guerre, dont les lecteurs assidus avaient gardé un sentiment d'émerveillement, mais dont l'identité de l'auteur - anonyme sur les publication- demeurerait un insondable mystère...

Longtemps, ces fascicules bi-mensuels des années 30 seront la cible privilégiée de collectionneurs, amateurs de ces pépites littéraires jalousement gardées dans des alcôves occultées aux regards des béotiens. Harry Dickson aurait ainsi pu non pas tomber dans l'oubli, mais devenir une référence un peu mythique, dispensée par des experts s'adressant à un public qui n'aurait pas connu ce temps "que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître".

Fort heureusement, la donne va changer, notamment par les bons soins des Éditions Marabout entre 1966 et 1974, puis la Librairie des Champs-Élysées, entre 1980 et 1981, les Nouvelles Éditions Oswald, entre 1984 et 1986, et Corps 9, entre 1984 et 1990.

 

NOTE sur la présente « intégrale »

Si l’intégrale absolue des histoires du « Sherlock Holmes américain » Harry Dickson, telle qu’entreprise avec minutie par les Éditions Corps 9 et les Nouvelles Éditions Oswald, ne parait pas une tâche impossible, grâce aux bons soins de collectionneurs chevronnés, d’amateurs éclairés et d’éditeurs nombreux, la qualité littéraire soulevée par une bonne partie de ces dime-novels à la française peut cependant, quelques fois, laisser à désirer. Le personnage Harry Dickson lui-même, créé en 1927, aurait d’ailleurs sombré dans les limbes de l’oubli après-guerre sans les bons soins d’un auteur talentueux appelé à la rescousse pour leurs publications en France dans les années ’30, nommons ici Jean RAY.

 

Lisons ce qu’en rappelait un autre auteur de fictions populaires, son ami Henri VERNES, l’auteur de la série Bob Morane :

Henri Vernes en 1966    

Lorsque naquit Harry Dickson, au début des années 30, la vogue des Dime Novels, née au siècle dernier, aux États-Unis, était passée depuis longtemps. (…)

En même temps que les fascicules d’origine américaine relatant les exploits de Buffalo Bill et de Nick Carter, les autres séries, en presque totalité d’origine allemande, furent traduites en français par les soins d’une certaine maison Eichler, installée à Paris mais dont les capitaux étaient allemands.

Vint la guerre 1914-1918. Après la défaite des armées de Guillaume II, les biens allemands en France furent saisis, et notamment les publications Eichler, qui devaient être mises sous séquestre. Lors de la liquidation de ce séquestre, la propriété des publications Eichler fut adjugée à l’encan. Un éditeur hollandais acheta les droits de Buffalo Bill, de Nick Carter, de Nat Pinkerton et de Lord Lister, un autre ceux des Dossiers Secrets du Roi des Détectives. Aussitôt, les aventures des quatre premiers héros, imprimées en Belgique, firent leur apparition sur le marché, où elles devaient être vendues encore jusqu’à ces dernières années, en des rééditions successives.

La quasi-totalité des Dossiers Secrets du Roi des Détectives n’avait pas été traduite en français. L’éditeur hollandais qui en possédait les droits se mit donc à la recherche d’un traducteur capable d’en tirer une version du texte original allemand. Par le truchement d’un distributeur gantois de ses amis, Jean Ray fut contacté. À cette époque, seuls les Contes du Whisky étaient parus, et Jean Ray accepta la proposition qui lui était faite (…) Il traduisit quelques dizaines des anciennes aventures apocryphes de Sherlock Holmes, mais devant la platitude des événements et du style, il se lassa vite et, comme à son habitude, il se mit à ruer dans les brancards. Au lieu de continuer à traduire les fades élucubrations originales, il imagina des aventures nouvelles. L’éditeur accepta cette décision mais, comme il avait acheté les clichés des anciennes couvertures, Jean Ray dut tenir compte du sujet desdites couvertures en écrivant ses nouveaux récits. C’est ainsi que, sur les couvertures des fascicules des Harry Dickson parus entre 1930 et 1940 et censés se passer à cette époque, les personnages portent des vêtements démodés, datant de la première décade du siècle.

En partie à bord, en partie au cours de ses escales à Gand, Jean Ray devait ainsi écrire 105 aventures de Harry Dickson, les marquant toutes de la griffe de son génie fantastique, les peuplant de goules, de vampires, de gorgones, de loups-garous, d’êtres quadri-dimensionnels, tous issus directement de la terrible mythologie rayenne (…)

Henri VERNES. (Extraits de la Préface à Harry Dickson 01 – Éditions Marabout - 1966)

 

Ainsi, c’est dans une parfaite démarche "inédiste" (*) que Jean RAY a déployé son génie au bénéfice d’un "sous Sherlock Holmes" à l’origine sans saveur et sans cela voué à un oubli résigné.

Car dès qu’il reprend les rênes de la série pour sa version française, Jean RAY y insuffle tout son talent (d’autant plus qu’il s’agit souvent de premiers jets, on peut féliciter l’excellence du métier de l’écrivain belge), y mêlant audace, humour, fantastique et science-fiction, galerie de personnages attachants, monstres au propre ou au figuré, à des décors souvent glauques, bien souvent empruntés à ce qu’on imagine comme faisant partie du vécu propre de l’auteur, aventurier par goût et écrivain par nécessité.

 

Il faut ainsi délibérément séparer l’ensemble des publications allemandes et flamandes du « Roi des détectives » à leurs traductions françaises, et séparer ces mêmes traductions entre tâches vulgairement automatiques et réécriture rayenne.

L’ensemble est ardu, d’autant que non crédité par les éditeurs d’origine. Voyons de nouveau ce qu’en disait Henri VERNES.

« (…) Et, en 1931 - j'avais 13 ans - un nouveau héros apparut, Harry Dickson, le Sherlock Holmes Américain. En gros, le fascicule ressemblait aux autres. Même format. Même nombre de pages. Même portrait du héros en médaillon. Mais avec une différence pourtant. Et de taille ! Le bandeau de titre, au lieu d'être en rouge, se présentait en bleu. EN BLEU !... Vous vous rendez compte !... Une révolution ! Et il y avait le contenu !

Les textes des dime-novels ayant résisté à la guerre, et de ceux qui n'y avaient pas résisté, se révélaient en général assez plats, écrits sur des canevas stéréotypés. Avec Harry Dickson, l’imagination éclatait ; dans une accumulation d'imprévus, de fantastique touchant à la démence. Un style plus nouveau aussi, plus riche en dépit des nombreuses coquilles qui, dans la hâte de la lecture, m'échappaient.

Tout cela portait la griffe de Jean Ray, mais je l’ignorais. J’ignorais alors encore tout de Jean Ray.

(…) Un jour, Jean Ray dînait chez moi. (Les Vingt-cinq meilleures histoires noires et fantastiques étaient en cours d’impression). Incidemment, je lui parlai des dime-novels, citai des titres, dont celui de Harry Dickson. Jean Ray me lança un regard qui se voulait terrible, grommela :

- Harry Dickson, mais c`est moi ça !

Surprise ! Je connaissais Jean Ray depuis une vingtaine d'années, depuis une vingtaine d'années je recherchais les Harry Dickson, et voilà que cette révélation me tombait dessus. J'allai chercher ma collection, nous la feuilletâmes ensemble. La mémoire de Jean Ray demeurait claire. Il me conta des anecdotes. Par exemple qu'il avait écrit La Terrible Nuit du Zoo en une nuit, à la mort de sa mère : les imprimeurs hollandais attendaient son texte.

(…) C'est ainsi que Jean Ray écrivit quelque cent cinq aventures originales de Harry Dickson. Il m'en cocha les titres au dos du cent soixante-douzième fascicule : Usines de Mort.

On considère que cette liste pourrait ne pas être exacte, que Jean Ray, après toutes ces années, se serait trompé pour certains titres, qu'il aurait perdu la mémoire. Je ne puis que nier cette dernière assertion. La mémoire de Jean Ray était excellente. Prodigieuse même. »

Henri VERNES. (Extraits de la Préface à Harry Dickson .1 – Éditions Lefrancq- 1994)

 

Si Usine de mort (dernier de la série) est crédité sur les bibliographies connues de Jean Ray comme étant le fascicule n°178 (et non le 172ème), ce serait plutôt de la mémoire de Henri VERNES dont on pourrait se défier. Quoi qu’il en soit, cette liste paraphée de la main même de Jean RAY a longtemps fait référence absolue pour la détermination de ce qu’il avait créé, adapté, ou plus simplement traduit dans l’ensemble des aventures du détective américain.

 

Jusqu’au travail de titan élaboré par André Verbrugghen et publié par l’Amicale Jean Ray, qui a consisté à reprendre les fascicules allemands et néerlandais et les comparer minutieusement avec les fascicules français. De là, quelques rares attributions abusives ont pu être débusquées, et d’autres modestes oublis de Ray lui-même lui revenir de droit. Mais sans ce travail, une « authentique » intégrale des Harry Dickson "travaillés" par Jean RAY serait restée hypothétique.

 

Pour finir, établir la chronologie des histoires de Harry Dickson n’est pas des plus ardues – Jean RAY écrivait dans l’urgence et ses nouvelles étaient publiées dans la foulée. Il suffit donc de suivre la numérotation des fascicules.

Leur datation, toutefois, s’avère plus problématique, une bibliographie officielle datant le numéro 178 – dernier de la série – du 1er Avril 1938 (Hervé Louinet, sur le site très documenté par ailleurs jeanray.noosfere.org), une autre, issue d’une recherche bibliographique plus exhaustive, de décembre 1937.

Là où la première proposition repose semble-t-il sur les bases d’un savant calcul de datation bimensuelle, voire même du 1er ou du 15 de chaque mois, comme indiqué un peu hâtivement dans l’intégrale incomplète (car interrompue) des Éditions Lefrancq, la seconde proposition fait état d’un jeudi sur deux, en précisant les dates, ce qui paraît nettement plus probable.

 

Cette intégrale repose donc sur l’authenticité présumée de la seconde datation, qui se réfère à une bibliographie telle que publiée en ligne sur le site du Bélial. 

Parfois, certaines nouvelles peuvent être de fait et selon les sources attribuée à telle ou telle année, mais l’écart reste l’affaire de quelques mois. 

 

Quant aux nouvelles retenues pour cette intégrale (et c’est le pourquoi de l’appellation « Une intégrale », car elle peut être remise en question comme ses prédécesseurs des Éditions NéO et Corps 9), elles le sont en vertu des recherches précédemment citées d’André Verbrugghen.

 

C’est en majeure partie l’Intégrale des Nouvelles Éditions Oswald qui nous a servi de corps de texte (malgré la critique souvent faite de ses corrections parfois invasives.) Quelques coquilles, dues davantage au travail de numérisation d’amateurs éclairés qu’aux éditions papiers ont été à l’occasion de cette relecture débusquées et corrigées après comparaison entre diverses éditions.

 

Comme d'habitude dans les publications proposées par le PReFeG, une relecture consciencieuse et une mise en forme guidée par le confort de lecture ont été menées. Il peut toutefois demeurer des imperfections, que vous pouvez nous aider à débusquer par vos commentaires en retour. Le PReFeG se fera un devoir de corriger coquilles et bugs...

 


14 septembre, 2022

Galaxie (1ère série) n°020 – Juillet 1955

Impossible de cliquer sur l'image

avec les mains en l'air !

"Il y a de moins en moins de personnes qu’il faut enfermer dans les maisons de fous, non pas en raison de l’amélioration de la thérapeutique, mais bien parce que les techniques analogues s’améliorent de jour en jour. Un type qui, il y a cinquante ans, aurait été un fou incurable a maintenant dans la tête un petit homme qui le domine et le fait agir normalement. Extérieurement, il est normal ; au-dedans, c’est un fou furieux. Bien plus, le type qui n’aurait été qu’un peu fêlé il y a cinquante ans – et que l’on aurait guéri – est à présent tout aussi fou que le premier. Cela n’a plus d’importance. Nous pourrions être tous fous à lier que le monde continuerait de marcher comme avant.(...)

— Et alors ? En tout cas, c’est un monde où règne la paix.

— D’accord. Pas de guerres, pas de possibilités de conflits, pas de meurtres, pas de vols, pas de criminalité du tout. C’est parce que chacun a un flic dans le crâne. Mais l’action appelle la réaction, Beaufort, aussi bien en psychiatrie qu’en physique. Une prison est un endroit d’où il faut sortir, même si l’on doit y consacrer toute sa vie. Poussez un piston, un autre monte. Encore quelques années à mon avis – disons dix à vingt – et vous verrez que la courbe de la folie recommencera à monter. Parce qu’il n’y a pas d’autre moyen d’échapper à la contrainte des tuteurs que de se réfugier plus profondément dans la folie. Au bout d’un certain temps, on vient au point où aucun traitement ne suffit plus."

Extrait de "Son voyage durera 1 000 ans" par DAMON KNIGHT.

Sommaire du Numéro 20 :

1 - Floyd L. WALLACE, L'Impossible combat (Student Body, 1953), pages 2 à 21, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par ASHMAN

2 - William MORRISON, L'Évasion difficile (Runaway, 1952), pages 23 à 34, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par ASHMAN

3 - Charles VAN DE VET, Gros ballot (Big Stupe, 1955), pages 35 à 43, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par KOSSIN

4 - J. T. McINTOSH, L'Amour est le plus fort (Mind Alone, 1953), pages 44 à 63, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par VIDMER

5 - Damon KNIGHT, Son voyage durera 1.000 ans (Ticket to Anywhere, 1952), pages 64 à 86, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par WILLER

6 - Edward W. LUDWIG, Un choix troublant (Spacemen Die at Home, 1951), pages 87 à 93, nouvelle, trad. (non mentionné)

7 - Joseph SHALLITT, Pour plaire à sa Terrienne (Education of a Martian, 1952), pages 95 à 102, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Ed EMSH

8 - Clifford D. SIMAK, La Croisade de l'idiot (Idiot's Crusade, 1954), pages 103 à 113, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Ernie BARTH

9 - (non mentionné), En Galaxie, pages 114 à 114, notes

10 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 115 à 118, courrier

11 - René Charles REY, Secret d'état, pages 119 à 121, nouvelle

12 - Theodore STURGEON, La Double résurrection (Hurricane Trio, 1955), pages 122 à 143, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par ASHMAN

 

Rapport du PreFeG (Août 2022)

  • Relecture
  • Corrections orthographiques et grammaticales
  • Vérification du sommaire
  • Vérification des casses et remise en forme des pages de titre
  • Note (1) ajoutée.
  • Note exceptionnellement ajoutée in tête de chapitre "L'évasion difficile" pour cause de "divulgâchage".
  • Vérification et mise à jour des liens internes
  • Mise au propre et noms des fichiers html
  • Mise à jour de la Table des matières
  • Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)

L’impossible combat par F.-L. WALLACE

Jusqu'à quel stade un animal mutant pourrait-il muter pour survivre à sa déprédation ? Le "droit du sol" du colon ici rattrapé par sa volonté d'adapter à lui le terrain colonisé.

L’évasion difficile par WILLIAM MORRISON

Une belle nouvelle sur les rêves de l'enfance... Hélas gâchée par le texte de présentation (une note apocryphe à ce sujet apparaît dans le corps de texte de l'epub proposé).

Gros ballot par CHARLES V. DE VET

Une histoire de colonisation qui prend l'humour au sérieux, et fait tourner le sérieux à la dérision. Sheckley n'est pas loin.

L’amour est le plus fort par J.T. MCINTOSH

L'anamnèse, sujet récurent de McIntosh (dont Fiction et Galaxie se disputent la publication). Une intrigue d'espionnage un peu légère, toutefois.

Son voyage durera 1 000 ans par DAMON KNIGHT

Deux intrigues, qui gagneraient à être davantage développées, se succèdent : l'une sur un conditionnement massif de l'espèce humaine (voir notre introduction), l'autre sur un voyage galactique suivant un concept proche de celui qui sera plus tard développé dans la série " La grande porte" de Frederick Pohl.

Un choix troublant par EDWARD W. LUDWIG

On pourrait appeler cela "complexe d'Ulysse", cette propension à imaginer ou croire l'homme plus désireux de voyages que la femme. Une belle nouvelle toutefois, qui laisse un tragique goût de destins ratés ou incomplets.

Pour plaire à sa Terrienne par JOSEPH SHALITT

L'émigration des autres espèces et son lot de paradoxes ; amours exotiques, conformités aux colons, complexes d'infériorité ou de supériorité, racisme sous-entendu ou manifeste...

La croisade de l’idiot par CLIFFORD D. SIMAK

Une excellente nouvelle de Simak, devenue un classique. On retrouve le thème de l'invasion extraterrestre par l'esprit, mais ici rendue périlleuse pour les colons par la force du candide.

Secret d’État par RENÉ CHARLES REY

Une courte nouvelle par un auteur français plutôt accoutumé aux polars (sous le pseudonyme de Jean Mazarin). Voire... René-Charles Rey, né à Tunis, ne deviendra écrivain professionnel que vingt ans plus tard (Fleuve noir, Série noire). Les étranges circonstances qui font publier ce jeune auteur amateur français dans les pages de Galaxie nous demeurent inconnues.

 La double résurrection par THEODORE STURGEON

Une romance un peu phallocrate, où la SF sert presque de faire-valoir. Étonnant pour du Sturgeon.

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