26 avril, 2023

Fiction n°037 – Décembre 1956

Du meilleur Asimov et du très bon Matheson ouvrent le programme de ce Fiction n°37.

Clique sur l’écran, mon petit !

 Sommaire du Numéro 37  :


NOUVELLES

 

1 - Isaac ASIMOV, Les Fournisseurs de rêves (Dreaming is a Private Thing, 1955), pages 3 à 18, nouvelle, trad. Roger DURAND

2 - Richard MATHESON, Derrière l'écran (Through Channels, 1951), pages 19 à 24, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX

3 - Paul A. CARTER, Disproportion explosive (Unbalanced equation, 1956), pages 25 à 44, nouvelle, trad. Roger DURAND

4 - Bruno MARTIN, Ombres du voyage, pages 45 à 58, nouvelle

5 - J. T. McINTOSH, La Main tendue (Beggars All, 1953), pages 59 à 87, nouvelle, trad. Richard CHOMET

6 - Alain DORÉMIEUX, Le Signe, pages 88 à 90, nouvelle

7 - Zenna HENDERSON, La Promenade de Tante Morte (Walking Aunt Daid, 1955), pages 91 à 98, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX

8 - Edgar Allan POE, Mellonta Tauta (Mellonta Tauta / Mellonta Tauta: On Board Balloon, 1849), pages 99 à 104, nouvelle, trad. (non mentionné)

9 - Robert S. RICHARDSON, Après notre arrivée sur Mars (The Day After We Land on Mars, 1955), pages 105 à 111, article, trad. (non mentionné)

CHRONIQUES


10 - Jacques VAN HERP, Un maître du feuilleton : Jean de La Hire, pages 112 à 113, article

11 - (non mentionné), Service Bibliographique étranger, pages 114 à 115, article

12 - Jacques BERGIER, Ici, on désintègre !, pages 116 à 116, critique(s)

13 - F. HODA, Les Monstres d'été, pages 117 à 118, article

14 - COLLECTIF, Courrier des lecteurs, pages 121 à 127, article

15 - (non mentionné), Table des récits parus dans « Fiction », pages 128 à 128, index

Photo-montage de couverture de Philippe Curval illustrant la nouvelle « Derrière l'écran ».

 

Les fournisseurs de rêves se révèle être une des meilleures nouvelles d'Isaac Asimov publiée pour le moment. Toujours friand de décrire ses concepts par du dialogue, ceux-ci se mêlent d’avantage à l’intrigue, bien resserrée autour d’une journée de travail d’un producteur de « rêves » (comme on serait producteur de cinéma). Cette idée de faire des rêves un matériau conservable se retrouve développée dans le roman dystopique OKéANOS, hélas encore inédit et toujours inachevé, d'un auteur contemporain méconnu.

A la suite, Derrière l'écran est aussi une très bonne nouvelle de Richard Matheson, concise, et d'un très original traitement narratif, qui ferait une excellente fiction radiophonique. Le courrier des lecteurs du numéro 39  reviendra sur ses problèmes de traduction.

Disproportion explosive de Paul A. Carter est présenté comme faisant le pendant d’un article spéculatif sur les nécessités d’équiper les astronautes en partance pour Mars de « filles compréhensives ». Nous mettons bien entendu « équiper » avec tous les guillemets de rigueur, tant la vision des astronautes de l’avenir des années 50 reste inscrite dans une phallocratie sans borne.

La nouvelle de Carter, toutefois, peut rappeler la série "Une chance sur..." de McIntosh, vu qu’il y est question non pas d’un voyage, mais d’une reconstruction de l'humanité sur Mars. On eût toutefois souhaité que le point de vue choisi y fut féminin...

Ombres du voyage sera la seule nouvelle publiée par le traducteur Bruno Martin. Si elle raconte une histoire de fantômes assez classique, elle demeure bien menée. Le chant lexical y est notablement riche (et on reconnaîtra là tout le métier de traducteur qui est d’avoir un vocabulaire extrêmement étendu).

Nous évoquions J. T. McIntosh ; La main tendue pourrait être du Poul Anderson ou du Chad Oliver par ses passionnants aspects sociologiques : l'étude d'une colonie terrienne trop longtemps coupée de sa culture d'origine. Malheureusement, et malgré le métier de McIntosh, le récit est alourdi par des phases stratégiques un peu bancales et qui traînent en longueur.

Dans Le signe, Alain Dorémieux pastiche le style de Fredric Brown. Plus tard, Moorcock reprendra à son tour l'exercice de réinterpréter l'un des plus célèbres mythe de l'humanité.

Une belle traduction de Dorémieux pour suivre, avec La promenade de tante Morte de Zenna Henderson, nouvelle plus allégorique que fantastique, sur les rapports entre mort et sommeil, vie et rêve.

Fiction a déniché une nouvelle inédite de Edgar Allan Poe, Mellonta Tauta,  qui sera reprise ensuite sous d'autres traductions dans plusieurs recueils du poète. Ici, la revue théorise sur le peu de capacités d'un écrivain à spéculer correctement sur l'avenir, mais ce petit conte de Poe sans prétention doit surtout être lu comme un commentaire de la vie new-yorkaise qui sacrifiait à la modernité des valeurs plus anciennes. Poe se moque très visiblement de ses contemporains plutôt qu'il n'imagine un futur probable pour lui.

Le jour de notre arrivée sur Mars (ou Après notre arrivée sur Mars, tel qu’intitulé dans le sommaire), de l’astronome Robert S. Richardson (connu aussi outre-atlantique pour des récits de S.F. sous le pseudonyme de Philip Latham) est un article qui se veut novateur en matière de morale mais qui, après n'avoir imaginé la dure colonisation de Mars que par des hommes (c'est-à-dire : de sexe masculin) pose la nécessité de leur adjoindre des "filles compréhensives". La femme n'est pas même imaginée comme intellectuellement ou physiquement égale à l'homme - et demeure reléguée au rang d'exutoire aux pulsions masculines présentées comme incontournables. On attend avec intérêt la réponse de Poul Anderson promise pour le prochain numéro (mais nous ne divulgâcherons rien à avouer qu’elle ne rachètera pas les mentalités masculines de l’époque).

Après Léon Groc disparait un autre précurseur de la S.F. en France. Jacques Van Herp, dan son article hommage Un maître du feuilleton : Jean de la Hire, passe toutefois sous silence la condamnation de De La Hire après-guerre, ou encore ses faits de spoliation d'éditeurs juifs durant la guerre (Ferenczi, principalement.) Voir à ce propos "La science-fiction en France dans les années 50" de Francis Saint-Martin - Le rayon vert, qui lui consacre tout un chapitre.

19 avril, 2023

Fiction n°036 – Novembre 1956

Lovecraft à l’honneur pour ce numéro d’automne 1956 de Fiction, avec une traduction originale signée Alain Dorémieux, et un article de fond de Jacques Van Herp.


Pas de pichenette sur la bille, un clic suffit !


Sommaire du Numéro 36 :

NOUVELLES

1 - Frank GRUBER, Sortilèges à Las Vegas (Piece of eight, 1955), pages 3 à 25, nouvelle, trad. Bruno MARTIN

2 - Richard MATHESON, Cycle de survie (Pattern for Survival, 1955), pages 26 à 30, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX

3 - Jean-Jacques OLIVIER, La Nuit de chance, pages 31 à 43, nouvelle

4 - J(ohn Cameron Audrieu) B(ingham Michael) MORTON, À la queue ! (On the Way to her Sister, 1954), pages 44 à 47, nouvelle, trad. Roger DURAND

5 - René LEFÈVRE, Houa, pages 48 à 61, nouvelle

6 - Chad OLIVER, Le Vent du nord (North Wind, 1956), pages 62 à 83, nouvelle, trad. Régine VIVIER

7 - Pierre VERSINS, La Bille, pages 84 à 93, nouvelle

8 - Howard Phillips LOVECRAFT, Celui d'autre part (The Outsider, 1926), pages 94 à 98, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX

10 - André PICOT, L'Homme qui lisait "Fiction", pages 108 à 112, article


CHRONIQUES

9 - Jacques VAN HERP, H. P. Lovecraft, magicien de l'incommensurable, pages 99 à 107, article

11 - COLLECTIF, Ici, on désintègre !, pages 113 à 115, critique(s)

12 - Jean-Jacques BRIDENNE, Les Cent ans de Lavarède, pages 119 à 123, article

13 - F. HODA, L'Infini garde son charme, pages 125 à 127, article



Sortilèges à Las Vegas, par Frank Gruber, étonnera sans doute les lecteurs : entre l'ambiance "côte ouest" et les sortilèges régulés par des pièces anciennes, nous voilà bien en présence avec un des inspirateurs des Tim Powers, K. W. Jeter et James Blaylock.


Cycle de survie est devenu un classique de Richard Matheson, habile pourvoyeur de points de vue. La notice de fin de nouvelle (peut-être de la plume de Dorémieux ici traducteur) est un peu trop explicite , mais ne nuit pas à la nouvelle.


Avec La nuit de chance, de Jean-Jacques Olivier, nous voilà confrontés à une tentative de conte de fée, mais qui ne vaut que dans ses évocations. Venise n'y est qu'un décor un peu plat, et l'intrigue se perd en surréalisme un peu creux. Dommage.


À la queue !, par J. B. Morton, nous interroge sur un aspect pour nous acquis voire suranné de nos vies urbaines : faire la queue. La chose était héritée des années de restrictions dues à la guerre, et est ici déclinée à l'absurde.


Houa, par René Lefèvre, vaut par son humour, mais le récit aurait eu plus de chien avec des figures de style plus maintenues.


L’ingérence impérialiste comme moteur de la colonisation dans Le vent du nord, par Chad Oliver. Une belle nouvelle axée sur la mission d'un bureaucrate exerçant sa tache sans affect.


La bille, par Pierre Versins, est une histoire d'échelle comme aurait pu l'écrire William Morrison, avec l'humour bon enfant de Versins en prime.


L'homme qui lisait « Fiction », par André Picot, avec son protagoniste qui s’appelle Laneret au début et Tluaner à la fin, est une potacherie sans prétention, totalement décousue, et qui ne vaut que par son très gros jeu de clés - 110 selon la rédaction.


Howard Phillips Lovecraft à l’honneur, disions-nous. Celui d’autre part, dans une belle traduction de Dorémieux, paraît ici pour la première fois en français. Cet hommage discret à Edgar Poe (et son conte Le masque de la mort rouge) sera repris en 1961 dans le volume qui portera son nom plus célèbre : Je suis d’ailleurs (Présence du Futur n°45 – Denoël).

Avec H. P. Lovecraft, magicien de l'incommensurable, Jacques Van Herp signe un travail méritoire qui fera sans doute référence durant un long temps. Outre une bibliographie quasi exhaustive (fait remarquable pour l’époque), Van Herp analyse les constructions lovecraftiennes dans leurs grandes lignes avec un esprit de synthèse de bon aloi.

Van Herp sait reconnaître les maîtres en matière de fantastique. On ne sera donc pas étonné qu’il puisse mesurer l’ampleur de l’œuvre de Lovecraft à l’aune de celle de Jean Ray. Et c’est cependant en les ramenant sans cesse dos à dos que le critique s’autorise, sans complaisance, à comparer les qualités et les faiblesses de ces deux auteurs qu’un océan sépare.

C’est aussi dans cette comparaison que cet article se perd sur des chemins que l’on sait depuis galvaudés. En posant face à face un Jean Ray aventurier et un Lovecraft puisant sa connaissance du monde dans des livres d’un autre âge, il conforte pour l’un comme pour l’autre des fictions biographiques qui auront la vie dure, à l’instar des notices biographiques sur Poe signée par Baudelaire (et tirée des campagnes de dénigrement de Griswold, pourtant exécuteur testamentaire de Poe).

C’est d’ailleurs principalement chez l’exécuteur testamentaire auto-proclamé de Lovecraft, August Derleth, éditeur et fondateur d’Arkham House, que Van Herp puise sa documentation. En témoigne sa citation du fameux texte dit « de magie noire », très souvent utilisé pour présenter Lovecraft par lui-même :

« Tous mes récits, bien que sans lien apparent, sont basés sur des légendes fondamentales : ce monde fut habité autrefois par des races différentes de la nôtre qui, par suite de la pratique de la magie noire, perdirent leur puissance et furent expulsées de la Terre. Mais elles persistent à vivre dans l'espace, rôdent aux abords de notre monde, toujours prêtes à reprendre possession de notre terre. »

Cette citation est devenue célèbre, tant elle semble explicite... Mais elle est en réalité de August Derleth, reprenant ce que lui restitua de mémoire le musicien Harold Farnese qui avait correspondu avec Lovecraft. On aurait aimé que Van Herp se réfère plutôt à une autre citation de Lovecraft, celle à l’éditeur de Weird Tales Farnsworth Wright, qui contredit ce point de vue d’un panthéon somme toute anthropomorphique :

« Toutes mes histoires sont basées sur l’idée fondamentale que les lois, les intérêts et les émotions partagés par l’humanité n’ont ni validité ni signification au niveau du cosmos. Pour moi il n’y a que puérilité dans une histoire où la forme humaine – et les passions, conditions et normes humaines – sont montrées comme natives à d’autres mondes ou d’autres univers. Pour atteindre l’essence d’une réelle altérité, que ce soit en termes d’espace, de temps ou de dimensions, il faut oublier l’existence même d’un certain nombre de choses : la vie organique, le bien et le mal, l’amour et la haine, et tous les autres attributs purement locaux d’une race négligeable et temporaire appelée humanité. » (Lettre du 05 Juillet 1927)


La critique de Van Herp vise principalement l’ordonnancement d’un panthéon, qu’il juge certes remarquable, mais trop matérialiste pour réaliser l’effroi attendu. Armé de cette citation à Wright, il aurait pu envisager le point de vue d’un sentiment d’horreur cosmique dépassant même la démarche froide et rigoureuse du matérialisme scientifique.

Un point, toutefois, mérite d’être relevé dans l’analyse critique de Van Herp, celui de l’usage d’un certain type de vocabulaire : blasphématoire, impie, jouxtant les grotesques et autres non-euclidiens.

« Or, rien n'est impie ou blasphématoire pour le matérialiste : un tel jugement n'est valable que dans un contexte religieux, c'est-à-dire avec référence à une réalité transcendante qui nous dépasse et nous échappe. »

Van Herp met bien là le doigt sur le paradoxe dans lequel avait été situé Lovecraft, à la fois matérialiste et, semblait-il, attaché à un salut de l’âme, du moins à une forme d’intégrité de la santé mentale à préserver dans un but transcendantal. Or, cette construction religieuse, du moins manichéenne sinon janséniste de « la mythologie de Cthulhu » (Van Herp traduit l'expression sans doute directement de l'anglais "Cthulhu mythos"), n’est que celle de Derleth, croyant convaincu et en cela radicalement différent d’un Lovecraft très matérialiste, impie lui-même, et souvent provocateur en matière de religion.

La vision de Derleth perdurera quelques décennies encore, avant que les travaux de S.T. Joshi, entre autres, fassent de Lovecraft une figure bien plus complexe que celle qui nous était vendue dans les années 50.


12 avril, 2023

Galaxie (1ère série) n°035 – Octobre 1956

Depuis qu’il y a des êtres humains, l’homme a toujours été en conflit avec ses propres machines. Ou c’est lui qui les dominera, ou elles le domineront. Il est difficile de prédire quelle est l’éventualité la plus terrifiante. Mais toute civilisation formée essentiellement d’hommes doit en détruire une autre où les machines dominent, sous peine d’être elle-même anéantie. Il en a toujours été ainsi. (in Les talents de Xanadu par Theodore STURGEON).

Cliquez délicatement sans faire vibrer les liens !

Sommaire du Numéro 35 :

1 - Wyman GUIN, Les Volplas (Volpla, 1956), pages 3 à 26, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Dick FRANCIS
2 - Richard DEMING, L'Encombrant fantôme (The helpful haunt, 1953), pages 27 à 35, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par KOSSIN
3 - William TENN, Châtiment payé d'avance (Time in Advance, 1956), pages 36 à 61, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Dick FRANCIS
4 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 63 à 64, courrier
5 - Jimmy GUIEU, Les Soucoupes volantes, pages 65 à 67, chronique
6 - Theodore STURGEON, Les Talents de Xanadu (The skills of Xanadu, 1956), pages 68 à 92, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Virgil FINLAY
7 - Lucien BORNERT, Le Dernier vieillard, pages 93 à 101, nouvelle
8 - Poul ANDERSON, Le Valgolian (Inside Earth, 1951), pages 102 à 127, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par David STONE
9 - (non mentionné), Saviez-vous que..., pages 128 à 128, notes
10 - Algis BUDRYS, Un phénomène de mimétisme (Protective Mimicry, 1955), pages 129 à 136, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par WILLER
11 - Jerome BIXBY, Ces pauvres Zens ! (Zen, 1952), pages 137 à 144, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par ASHMAN 

 

Les Volplas par Wyman Guin est assurément une nouvelle d'anthologie, demeurée inédite pourtant. La question de la vie de synthèse et du type de culture qui convient de lui inculquer se pose avec force humour et profondeur.

A propos de Wyman Guin, on peut lire, dans l’anthologie « Histoires de sociétés futures » (Livre de poche, 1984) : Guin (Wyman). – Né en 1915. Carrière professionnelle principalement consacrée au domaine pharmaceutique. S’est imposé à l’attention par des nouvelles écrites en 1950 et 1962 et développant selon une minutieuse rigueur des thèmes de départ parfois outrés.

L'encombrant fantôme, par Richard Deming, est une histoire de fantôme au ton badin, malheureusement gâchée par un titre trop évocateur.

Un beau problème de loi et de justice que pose William Tenn dans son Châtiment payé d’avance. Et aussi une belle réflexion sur la morale. 

On appréciera l’adaptation pour la télévision pour la série Out of the Unknown et l’épisode : Time In Advance, en 1965, réalisé par Peter Sasdy. On peut le retrouver chez nos infatiguables amis de l’UFSF ici : https://muaddib-sci-fi.blogspot.com/2010/12/out-of-unknown-1965-1971.html

Dans Les Soucoupes Volantes, Jimmy Guieu nous rappelle l’impunité dont jouissaient quelques techniciens issus du nazisme, sans toutefois citer Werner Von Braun qui sera aux Etats-Unis le grand architecte de la conquête spatiale. On déplorera malgré tout que Guieu ne fasse qu’aménager ses effets et faire son auto- promotion. La farce durera malheureusement trop longtemps (jusqu'au n°54).

Les talents de Xanadu par Theodore Sturgeon est une autre nouvelle d'anthologie, une utopie qui plutôt qu'être détruite par la venue d'un étranger, use de l'art de convertir en douceur. Curieusement, il n’y sera pas fait référence dans le Versins (L'Encyclopédie de l'utopie, des voyages extraordinaires et de la science-fiction – L’âge d’Homme 1972).

Le dernier vieillard par Lucien Bornert demeure une petite bluette un peu maladroite dans sa façon d'amener le contexte d'anticipation. On pardonnera le jeunisme qui rend la nouvelle un peu naïve.

Le Valgolian est une bonne nouvelle de Poul Anderson qui soulève la question de la résistance ou non au colonisateur. Si celui-ci est en capacité d'apporter pacifiquement des bienfaits, la véritable issue réside dans le métissage.

Un phénomène de mimétisme par Algys Budrys est une nouvelle à chute qui rappellera Dollars à gogo de T. L. Sherred, (in Galaxie 31). Ici, le contexte est plus exotique et le style direct est plus travaillé. Algis Budrys, à la bilbiographie assez conséquente, sera surtout connu comme critique littéraire pour la revue Galaxy dans les années 60.

Pour terminer, Ces pauvres zens ! par Jerome BIXBY reste une petite nouvelle sans trop d'intérêt sur une espèce en voie de réapparition. L’auteur nous aura habitués à mieux.


Pour extrait de cette revue, un extrait de « Saviez-vous que… », rubrique toujours très instructive sur les visions d’époque. Cette fois-ci nous avons la description d’une très étrange expérience qu'on croirait sortie d'un démenti discret à l'ufologie...

...SAVIEZ-VOUS QUE…

...les Américains ont réussi à créer une étoile artificielle en libérant l’énergie solaire « stockée » chimiquement dans les atomes de la haute atmosphère ?

 

L’EXPÉRIENCE s’est déroulée au centre d’essais Holloman (Nouveau-Mexique), d’où fut lancée une fusée, du type Aerobee, contenant un gaz – de l’oxyde d’azote – sous pression. Quelques minutes plus tard, on vit apparaître dans le ciel une nouvelle « étoile », deux fois plus brillante que Vénus et qui dépassa bientôt un diamètre apparent supérieur à quatre fois celui de la Lune. À mesure qu’elle grandissait, sa luminosité s’atténuait. Elle finit par disparaître.

Voici ce qui s’était produit : dans la couche supérieure de l’atmosphère (à cent kilomètres environ de la terre), la fusée avait libéré le gaz qu’elle contenait. Or, l’oxyde d’azote a la propriété de permettre aux atomes d’oxygène libres présents dans la haute atmosphère de se combiner deux par deux pour former une molécule d’oxygène. Au cours de ce processus, les atomes d’oxygène libèrent, sous forme de lumière, l’énergie solaire emmagasinée en eux.

Les savants américains envisagent déjà d’utiliser l’énergie qu’il est ainsi possible d’obtenir : 1°) pour la propulsion des fusées dans la haute atmosphère ; 2°) pour l’alimentation en énergie des futurs satellites artificiels ; 3°) pour la radio. Ils ont, en effet, remarqué que le nuage d’oxyde azotique donnait, sous l’action du Soleil, naissance à une « ionosphère artificielle » qui devrait permettre d’améliorer les transmissions radio phoniques à longue distance.

05 avril, 2023

Galaxie (1ère série) n°034 – Septembre 1956

Pendant que Robert Sheckley continue sa partie de cache-cache (ou la pose de ses pièges à ours) à l’aide de pseudonymes (ce qui ne l’empêche pas de faire la couverture), d’autres auteurs s’égaient en « one-shot » au milieu des piliers de Galaxie.

 

Cliquez sans chatouiller SVP !

 
Sommaire du Numéro 34 :


1 - Ned LANG, Une paille ! (Death Wish, 1956), pages 3 à 12, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par WEISS

2 - Jack TAYLOR, À cheval sur le règlement (The Moralist, 1956), pages 13 à 21, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par WEISS

3 - (non mentionné), Un pionnier du roman d'anticipation : Léon Groc, pages 23 à 23, article

4 - William MORRISON, Le Go'ille (G'rilla, 1954), pages 24 à 44, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par KOSSIN

5 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 45 à 46, courrier

6 - R(ichard) DeWitt MILLER, Swenson, chef du trafic (Swenson, Dispatcher, 1956), pages 47 à 68, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Dick FRANCIS

7 - Jimmy GUIEU, Les Soucoupes volantes, pages 69 à 71, chronique

8 - Clifford Donald SIMAK, L'École du bonheur (Kindergarten, 1953), pages 72 à 94, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Don SIBLEY

9 - Maurice LIMAT, L'Étincelle vivante, pages 95 à 107, nouvelle

10 - Vaughan SHELTON, Point de départ (Point of Departure, 1956), pages 108 à 127, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par WEISS

11 - Jean DUZAL, La Gloire tombe de la Galaxie, pages 129 à 136, nouvelle

12 - Theodore STURGEON, Le Disque de solitude (A Saucer of Loneliness, 1953), pages 137 à 144, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Tom BEECHAM

Commençons donc par ces auteurs qui passeront comme des étoiles filantes : nous ne les retrouverons plus, parfois à regret, parfois non.

C’est par exemple le cas de Jack TAYLOR, dont la nouvelle À cheval sur le règlement nous semble abstruse et de peu de pertinence, voire un peu inepte ; même si bien écrite, elle demeure sans intérêt quant à sa chute.

De même pour R. De Witt MILLER et son Swenson chef du trafic, une nouvelle barbante qui croit faire de l'esprit avec du vide et de la S.F. avec des joujoux spatiaux. Sans en tirer de conclusions de causes à effets, notons que Richard De Witt Miller, disciple de Charles Fort, pourrait être qualifié de « Jimmy Guieu américain », en sa qualité de pionnier de l’Ufologie outre-atlantique.

Nous regretterons par contre que Vaughan SHELTON ne soit pas plus traduit ou publié. Sa nouvelle  Point de départ tord le cou de façon très intéressante au cliché de la supériorité des civilisations mystérieuses antédilluviennes (et s’opposerait ainsi aux romantismes mystiques des Charles Fort ou autres Denis Saurat…)

Un autre nouvel auteur, qu’on pourra retrouver dans deux autres nouvelles en 1957 et en 1958, à la fois dans Galaxie et dans Fiction, est Jean DUZAL.  Ici, avec La gloire tombe de la Galaxie, il nous rappelle le ton sympathique de Marcel Aymé dans ses contes fantastiques.

Le Fiction n°47 (Octobre 1957) précisera à son sujet : « Jean Duzal est né à Tunis en 1922 et a fait ses études de droit à Paris, où il réside, assurant des fonctions de conseil juridique. Il a déjà rédigé de nombreux articles dans cette spécialité et a entrepris, au cours de ses vacances, d'écrire pour se délasser des nouvelles d'un genre moins austère. Il a également mis en chantier deux romans policiers. À noter que Jean Duzal n'est autre que le mari de Julia Verlanger, dont « Fiction » publie dans ce même numéro la troisième nouvelle. »

Avant d’évoquer les piliers américains de la revue, saluons tout de même les efforts de Galaxie pour s’inscrire, comme sa revue sœur/rivale Fiction, dans une politique de publication d’auteurs français. On retrouve ainsi Maurice LIMAT, explorant encore le thème de la dissociation corps esprit dans L’étincelle vivante. On sent malgré tout l'influence du cahier des charges de type Fleuve Noir, avec cette romance vaguement érotique plaquée à la péripétie. Et, comme c’est trop souvent le cas dans Galaxie, le texte de présentation en dévoile un peu trop.

Du côté des piliers inébranlables du temple de la S.F., aile outre-atlantique, nous admirerons la petite rareté Une paille ! par Ned LANG, pseudonyme dont on reconnait bien l’auteur : Robert Sheckley, avec son lot de machines raisonnant par l'absurde. Une nouvelle restée depuis inédite !

Le go’ille par William MORRISON surprendra par son ton fantastique inaccoutumé chez cet auteur. On retrouve toutefois son goût pour les points de vue si poétiques de l'enfance.

Enfance encore à L’école du bonheur par Clifford D. SIMAK ; tout est dans le titre... On reconnait bien la fibre humaniste de Simak, peut-être un peu bigot mais essentiellement pacifiste.

Enfin, une belle réinterprétation de la soucoupe volante, et toujours cette poésie un rien désabusée de Theodore STURGEON, avec Le disque de solitude. On notera que cette nouvelle sera adaptée deux fois pour la télévision, sous le titre La soucoupe de solitude, dans la série française « De bien étranges affaires » en 1982, réalisé par Philippe Monnier ; puis dans la série Twillight zone (saisons des années 80 connues en France sous l’appellation « La Cinquième dimension » sous le titre Un mot pour le dire (Saison 2 - Episode 02) en 1986, réalisé par John Hancock. Vous pouvez retrouver ces films chez nos incomparables archivistes du cinéma de genre, j’ai nommé l’Univers Etrange et Merveilleux du Fantastique et de la Science-Fiction " : MuadDib for ever...,  en cliquant sur les liens suivants

https://muaddib-sci-fi.blogspot.com/2015/10/de-bien-etranges-affaires-1982-fr.html

https://muaddib-sci-fi.blogspot.com/2014/02/la-cinquieme-dimension-twilight-zone.html

 

Pour finir, et  nous l’avions évoqué dans notre billet sur le n°34 de Fiction, à l’occasion de son décès, LÉON GROC est à l’honneur avec un article : Un pionnier du roman d’anticipation. On pourra regretter qu’il soit un peu laconique (comparément à l’article de Jean-Louis Bouquet paru dans Fiction). Nous vous proposons ici des extraits d’un texte de Francis Valéry, une préface rédigée à l’occasion de la réédition des romans de Léon Groc - La Cité des Ténèbres (1926), Une invasion de Sélénites (1941) et La Planète de cristal (1944) - dans la collection La Bibliothèque voltaïque (Editeur : Les moutons électriques) en 2013.

Léon Joseph Paul Groc voit le jour le 7 avril 1882 à La Rochelle, en Charente Maritime. De bonne famille et doté d’une intelligence vive, il suit de brillantes études à la fois littéraires et scientifiques qui le conduisent à préparer le concours d’entrée à Polytechnique. Reçu parmi les premiers, il doit malheureusement renoncer à cette voie royale pour des raisons de santé. Il choisit alors la carrière journalistique et, dès 1907, il est nommé grand reporter d’abord à L’Éclair puis pour d’autres journaux.

Bientôt attiré par l’écriture, Léon Groc publie en 1913 son premier roman, Ville hantée, dans la collection « Les Récits Mystérieux » des Éditions Albert Méricant, bientôt suivi par L’Autobus évanoui (1914) aux Éditions P. Lafitte. Outre le fait d’être à peu près introuvable dans ces premières éditions, ces deux romans ont en commun le fait de s’intéresser à ce que Pierre Versins appelle l’aspect technique et scientifique des manifestations psychologiques. (…)

Cette belle entrée en terre de conjecture est hélas interrompue par le déclenchement de la Première Guerre mondiale. En 1914, Léon Groc a 32 ans. Il est mobilisé et affecté, comme sous-officier, au 205ème régiment d’infanterie de ligne. Au cours de la bataille de la Somme, en 1916, il est enterré vivant avec ses hommes dans leur tranchée. Sauvé in extremis mais grièvement blessé, il est démobilisé – mais entend bien continuer le combat avec son arme de prédilection : l’écriture. (…)

Désormais démobilisé également sur le plan littéraire, le soldat-écrivain renoue avec le journalisme. Léon Groc travaille désormais pour L’Intransigeant ainsi qu’à La Journée Industrielle, avant d’être rapidement promu chef du service informations au Petit Parisien, alors qu’il n’a pas encore quarante ans. Ces nouvelles et importantes responsabilités éditoriales ne l’empêchent pas de reprendre également sa plume littéraire pour de nouvelles excursions en terre de conjecture. Chaque année voit désormais paraître un roman en feuilleton, pour l’essentiel dans L’Intransigeant : Le Disparu de l’ascenseur (1920), On a volé la Tour Eiffel ! chronique de l’an 1930 (1921), L’Assassinée du téléphone (1922), Le Chasseur de Chimères (1923), L’Ombre du Tribun (1925) – ce dernier plus connu sous le titre de sa reprise en volume : Le Bourreau fantôme.

Deux des romans de L’Intransigeant méritent plus qu’une simple mention.

Dans On a volé la Tour Eiffel, chronique de l’an 1930, un savant alchimiste à ses heures découvre qu’un banal morceau de fer, pour peu qu’il ait été exposé pendant plusieurs années à un fort rayonnement hertzien, peut être aisément transmuté en or. La Tour Eiffel étant en fer et baignant en permanence dans un tel environnement, de par la présence de puissantes antennes émettrices à son sommet, notre homme décide de l’arracher de son socle au moyen d’ondes spéciales… afin de la transformer en quelque sept mille tonnes d’or pur ! De quoi assurer ses vieux jours. Mais c’est sans compter avec une jeune journaliste particulièrement fouineur et tenace ! Le cru 1923 – Le Chasseur de Chimères – est, quant à lui, fort mémorable du fait qu’il y est question de désintégration nucléaire, un motif peu commun à l’époque, même dans la science-fiction étasunienne.

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1930 : alors que outre-Atlantique un magazine destiné à marquer durablement l’histoire du genre, Astounding Stories of Super Science, fait son apparition dans les kiosques, Léon Groc fait paraître aux Éditions de la Nouvelle Revue Critique ce qui, avec le recul, apparaît comme son œuvre maîtresse : La Révolte des Pierres– roman également connu sous le titre de sa réédition de 1941 : Une Invasion de Sélénites. Un scientifique scandinave, le professeur Frandt, a mis au point un appareil de communications qui lui permet d’entrer en contact avec les Sélénites. Ceux-ci s’avèrent être des organismes minéraux et radioactifs. Lorsque l’une de ces créatures arrive sur Terre, il apparaît que les Sélénites sont capables d’exercer une forte attraction sur les autres pierres – cette fâcheuse capacité entraîne la destruction de plusieurs immeubles et monuments parisiens, ainsi l’Obélisque de la Place de la Concorde s’en va démolir le Palais-Bourbon ! Détail intéressant, les pierres vivantes que sont donc les Sélénites n’exercent leur pouvoir que dans une seule dimension spatiale, en ligne droite en somme ; mais elles peuvent collaborer : ainsi lorsque trois d’entre elles unissent leurs pouvoirs, initialement appliqués à trois directions différentes, et en modulent les intensités respectives, la nouvelle créature qu’elles constituent alors peut intervenir dans l’ensemble des directions de l’espace. Mathématique, mon cher Watson ! Notons au passage que ce type de collaboration où l’entité globale s’avère supérieure à la somme de ses constituants anticipe de plus de vingt ans la notion de gestalt, tel que mis en scène dans des œuvres ultérieures comme Les plus qu’humains (1952-53) de Theodore Sturgeon.

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Plus remarquable est La Planète de cristal (1944). L’auteur y postule de l’existence d’un second satellite naturel, resté ignoré jusqu’à ce jour puisque constitué d’un unique cristal parfaitement poli et donc transparent à la lumière. À sa surface vivent d’étranges créatures polygonales infiniment plates – donc à seulement deux dimensions. Totalement incompréhensibles pour un esprit humain, tant dans leur comportement que dans les supposés mobiles de leurs actes, en somme irréductibles à toute projection anthropocentriste, ces créatures ne peuvent résister au contact avec une forme de vie évoluant dans un monde tridimensionnel. Lorsqu’un humain les touche, elles perdent immédiatement leurs couleurs et s’étiolent. Mais les explorateurs ne sont en définitive pas mieux lotis, puisqu’ils seront à leur tour détruits par une créature à quatre dimensions – ou plutôt par son intersection tridimensionnelle avec notre univers. Voilà qui n’est pas sans rappeler Edwin A. Abbott et son classique Flatland, A Romance of Many Dimensions (1884) – une métaphore mathématique que Groc a pu connaître, de par sa curiosité et son goût pour les sciences autant que pour les lettres – ni annoncer nombre de variations ultérieures de ce motif fascinant qu’est la rencontre, aléatoire et nourrie d’incompréhensions réciproques, de créatures évoluant dans des univers à dimensions différentes.

(…)L’Émetteur inconnu (1949), première collaboration romanesque avec son épouse Jacqueline Zorn(…) . L’année suivante, le couple signe un second roman beaucoup plus intéressant et parfaitement en phase avec l’air du temps – désormais aux couleurs d’une science-fiction étasunienne qui commence, lentement mais inexorablement, à se faire connaître en France, et deviendra très rapidement l’unique référence d’un lectorat friand de nouvelles sensations.

Le motif principal de L’Univers Vagabond (1950) est celui du navire-générations. Un astronef s’envole à destination d’Alpha Centauri, avec plusieurs familles à son bord. À cause de la durée du voyage, chacun sait parfaitement qu’il finira ses jours à bord du vaisseau, et que seuls les descendants de ces courageux volontaires auront la chance d’atteindre un nouveau monde. Et c’est bien le cas. Si ce n’est que ce sacrifice n’aura servi à rien, car la planète est habitée par de dangereuses créatures minérales et radioactives – réminiscentes des Sélénites de La Révolte des Pierres ; et il n’y aura, côté humain, qu’un unique survivant. (…) Le plus souvent très ignorants de la culture autre qu’anglo-saxonne, les historiens étasuniens du genre – et partant les sites de type Wikipedia – attribuent à tort à Brian Aldiss la paternité du premier roman entièrement consacré au motif du navire-générations, avec Non-Stop (1958, traduction : Croisière sans escales). Mais c’est bel et bien à Léon Groc que revient cet honneur.

En 1951, Léon Groc, qui est alors âgé de 69 ans, publie son ultime roman aux Éditions TallandierLa Grille qui tue. Suivent cinq années de silence au terme desquelles son nom fait une discrète réapparition, au sommaire de la revue Galaxie, pour une nouvelle titrée « Le Suprême exode ». Dernière publication – et première dans une revue spécialisée dans un genre dont il fut l’un des principaux pionniers en France. Hommage ultime à l’écrivain qui disparaît quelques mois plus tard, le 19 juin 1956 – et entre alors pour de longues années au purgatoire des écrivains de science-fiction ancienne, d’anticipation ou de roman scientifique comme on disait de leur temps.

Connue et appréciée pour l’essentiel des seuls spécialistes, régulièrement citée par les historiens du genre, son œuvre peine à être redécouverte. Marabout réédite La Planète de cristal en 1975 ; plusieurs discrètes éditions hors commerce, réalisées par des amateurs, voient le jour au cours des années 1980 ; enfin la « Petite Bibliothèque » Ombres inscrit La Révolte des pierres à son catalogue en 1998. C’est peu. Puisse cette nouvelle édition d’un choix de son œuvre contribuer à une réévaluation d’un écrivain cultivé et curieux de tout, talentueux et réellement novateur.

Francis Valéry


Dans la rubrique « Votre courrier », qui nous en dit tant sur les mentalités des années 50, tout du moins en France, on pourra lire :

« Ajoutons que, s’ils nécessitent d’importants investissements pour leur construction, les fours solaires ne comportent que des frais d’exploitation réduits. »

Assurément un virage technologique n'a pas été pris. Pourtant, on savait déjà que les matériaux fossiles mèneraient à une impasse énergétique. Mais se l’explique-t-on déjà ? La nouvelle Point de départ de Vaughan Shelton explicite ce que l’on subodore déjà (et c’est bien là tout à l’honneur du genre S.F.) :

La traduction des six premiers spécimens de cette série (de textes) révélait qu’ils concernaient une ultérieure – peut-être l’ultime – acquisition scientifique de la civilisation poséïdon : un petit convertisseur d’énergie solaire capable de fournir une puissance tellement fantastique que nos sources nucléaires modernes sont, comparativement à elle, aussi primitives que les moulins à vent !

Je remarquai que l’invention ne serait peut-être pas accueillie avec enthousiasme dans un pays où l’économie était entièrement liée au pouvoir atomique. Kane approuva, en affirmant qu’il expliquerait le secret. Il dit que le docteur Roseau et vous, monsieur Caplet, sentiez que le procédé pourrait être expérimenté clandestinement, puis transféré au gouvernement afin que l’exploitation en propriété privée d’une source d’énergie à vil prix – si elle fonctionnait – ne puisse précipiter le chaos économique.

Quant aux creusets d’énergie fossile, la même rubrique évoque le continent antarctique en ces termes :

…Quand j’étais enfant, les maîtres de l’anticipation ne parlaient que du Pôle nord. Pourquoi toujours le Pôle nord ? Le Pôle sud offrirait-il moins d’intérêt ?

C’EST tout le contraire : l’Antarctique est bien plus à la mode, si l’on peut dire, que l’Arctique. Mais il y a relativement peu de temps que chercheurs et savants ont mesuré l’importance de ce continent. « Mesuré », c’est peut-être beaucoup dire : en réalité, on sait avec certitude peu de choses sur lui. Mais ce « peu de choses » est très attirant. Si attirant que quatorze nations se sont lancées à sa découverte. Parmi elles, la France, les États-Unis, l’U.R.S.S.

Récemment encore, des aviateurs américains y ont exploré des oasis, dont une seule aurait 500 kilomètres carrés de superficie et serait parcourue de courants d’air chaud, provenant de matériaux fissiles tels que l’uranium, qui dégageraient une puissante radio-activité. Ce mystérieux continent, dont l’atmosphère est singulièrement sèche et pure, nous promet de belles surprises. On a pu écrire, sans être démenti, qu’il constitue une réserve extraordinaire de trésors naturels : charbon, cuivre, uranium, graphite, etc.

Une seule crainte : c’est que la mariée soit trop belle et provoque de nouveaux conflits !…

Une affaire à suivre ? Un beau sujet de fiction spéculative quoi qu’il en soit.

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