25 janvier, 2023

Galaxie (1ère série) n°029 – Avril 1956

Tout est affaire de terrain pour ce numéro 29 de Galaxie, avec Robert Sheckley, Theodore Sturgeon, Daniel F. Galouye et Lester Del Rey au sommaire.

Allô chef ? On fait quoi après le clic droit sur la couverture ?

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 Sommaire du Numéro 29 :

1 - Richard E. SMITH, Le Piège (The snare, 1956), pages 2 à 12, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par WEISS

2 - Jacques DROIT, Malheureux Ulysse, pages 13 à 33, nouvelle

3 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 35 à 37, courrier

4 - James E. GUNN, L'Androïde sentimental (Little Orphan Android, 1955), pages 38 à 59, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Ed EMSH

5 - Robert SHECKLEY, Une chasse difficile (Hunting Problem, 1955), pages 61 à 71, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Mel HUNTER

6 - Daniel F. GALOUYE, Un monde parfait (Country Estate, 1955), pages 72 à 91, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Irv DOCKTOR

7 - Floyd L. WALLACE, Amour et Cie (The Man Who Was Six, 1954), pages 92 à 110, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par ASHMAN

8 - Franklin ABEL, Omission capitale (Freudian slip, 1952), pages 111 à 120, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par HARRINGTON

9 - Theodore STURGEON, Précieuse et le cerf-volant (Talent, 1953), pages 121 à 127, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Ernie BARTH

10 - Lester DEL REY, Les Ans s'écoulent quand même (The Dwindling Years, 1956), pages 128 à 138, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par JOHNS

11 - Alan ARKIN, Le Coupeur de dimensions (Whiskaboom, 1955), pages 139 à 144, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par DIEHL

 

Terrains en tous genres, donc. Terrains de chasse (Le piège, par Richard E. Smith ; Une chasse difficile, par le régulier Robert Sheckley ; Précieuse et le cerf-volant par Théodore Sturgeon), terrains physiologiques (L'androïde sentimental, par James E. Gunn ; Amour et Cie, par F. L. Wallace) ou des lois de la physique (Omission capitale, par Franklin Abel ; Le coupeur de dimension, par Alan Arkin), de l'espace (Les ans s'écoulent quand-même, par Lester Del Rey) et du temps (Malheureux Ulysse, par Jacques Droit – lauréat du troisième Prix du concours de nouvelles lancé par Galaxie). L'ensemble de ces terrains demeurant à conquérir... encore faudrait-il déjà les comprendre ! (Un monde parfait, par Daniel F. Galouye).

Pour approfondir un tantinet le survol des nouvelles de ce numéro : Le piège, par Richard E. Smith, rappelle non seulement Trafalmadore, la planète récurrente dans l’œuvre de Vonnegut dont les habitants marquent un peu trop une tendance à prendre l’univers pour leur laboratoire privé, mais aussi le principe de "La sentinelle", la nouvelle d’Arthur C. Clarke à la base du remarquable film « 2001, l’odyssée de l’espace. »

Malheureux Ulysse, par Jacques Droit, est une belle et audacieuse leçon d'uchronie, qui place déjà les bases du multivers.

Un monde parfait, par Daniel F. Galouye, est une intéressante utopie qui questionne la notion de "civilisation" qu'on met au centre de notre vision de société...

Amour et Cie, par un F. L. Wallace non crédité dans l’epub d’origine (nous n’avons pas eu accès à l’édition papier pour vérifier cette information), traite de la même problématique que "Les mains d'Orlac" de Maurice Renard, à savoir : la survivance de l'identité du donneur dans une greffe sur autrui ; l’ensemble est ici traité cependant avec humour (quand il s’agissait d’épouvante chez Renard).

Omission capitale, par Franklin Abel, détonne par son aspect presque surréaliste et dans l'inventivité brillante de ses descriptions.


Une lettre questionnant la vitesse ultime de la lumière ouvre sur d’intéressantes spéculations scientifiques :

...Peut-on concevoir des vitesses supérieures à celle de la lumière ? Dans les récits de science-fiction, les auteurs ne se privent pas d’inventer des super-moteurs ou des utilisations de champs cosmiques. Basent-ils ces « fictions » sur des faits scientifiques ou, plus simplement, escamotent-ils la difficulté ? (Mme DETAPE, Vire.)

 

LA vitesse de la lumière n’est qu’une limite imposée par la relativité aux corps doués de masse, tout au moins à la surface de la terre.

On peut toujours concevoir des vitesses supérieures, par exemple, celle de la pensée, qui peut nous transporter en imagination à n’importe quelle distance de notre Galaxie, et immédiatement. Certaines œuvres de science-fiction sont d’ailleurs fondées sur cette rapidité extrême de la pensée. Toutefois, ce n’est pas encore un mode de propulsion utilisable pour des corps matériels…

D’autre part, si l’on admet les théories de l’univers en expansion, selon lesquelles les galaxies s’éloignent d’un centre commun – comme toutes les parties de l’enveloppe d’un ballon que l’on gonflerait démesurément s’éloigneraient rapidement de son centre, tout en conservant des vitesses plus raisonnables les unes par rapport aux autres à la surface de l’enveloppe – on est forcé d’admettre par le calcul que les masses galactiques situées à l’opposé de la nôtre s’en éloignent à des vitesses bien supérieures à celle de la lumière.

Ici intervient un paradoxe : tout en admettant l’existence de ces galaxies diamétralement opposées à la nôtre sur le « ballon » de l’univers, nous ne pourrions les voir, puisque leur lumière ne nous parviendrait plus.

En réalité, le « truc » des romanciers spécialisés consiste à imaginer des passages successifs de notre « dimension » dans une autre où la relativité joue à une échelle infiniment supérieure, ce qui n’est encore qu’un concept de l’esprit, mais n’a rien d’impossible. Il se peut qu’une seconde de notre univers représente une pleine année dans un monde infiniment plus petit, ou qu’une de nos années soit comme une seconde dans une autre dimension, gigantesque par rapport à nous. Les voyages interstellaires deviennent alors « possibles » par le passage d’un temps dans un autre, au cours même d’une vie humaine.

Dans la réalité, nous en sommes encore très loin.

 

Un autre extrait nous présente les derniers progrès en matière de soins contre les affections respiratoires (n’oublions pas qu’en 1956, la tuberculose était une maladie encore assez répandue, et tragique.) C’est dans l’aspect « simulacre » que la description vaut le détour (ceux qui se rappellent la fin du film « Soleil vert » comprendront le sinistre de l’allusion).

...SAVIEZ-VOUS QUE

il est désormais possible de s’offrir sans déplacement et sans perte de temps l’équivalent d’une cure à la mer ou à la montagne ?

 

C’EST ce que permettrait le Centre d’Oxygénation qui vient d’être créé à Paris et qui est le premier en Europe.

On y traitera, notamment, la nervosité et le surmenage, les trachéites, sinusites, bronchites, grippes, rhino-pharyngites, et certaines maladies infantiles telles que la coqueluche, la diphtérie, la broncho-pneumonie.

Le procédé est des plus simples : on place le malade sous une tente transparente en nylon, et l’air salutaire, dûment dosé en oxygène, est répandu, sous surveillance médicale, dans cet abri. Le sujet éprouve des sensations variant selon la température de l’air qui lui est diffusé. À 20°, c’est l’impression de fraîcheur de la campagne ; plus frais, c’est l’évocation de la brise marine ou du vent vif des cimes.

Le cadre change selon le genre de villégiature ordonné à chaque patient. C’est ainsi que les cures maritimes s’effectuent dans une chambre bleue. Une chambre verte recrée le calme de la campagne, tandis qu’une chambre rouge correspond à l’atmosphère vivifiante de la haute montagne. Pour compléter l’illusion, d’immenses photographies de paysages correspondant à chaque climat s’encadrent dans des fenêtres postiches.

24 janvier, 2023

Cadeau bonus : « Les survivants de l’infini » - Raymond F. Jones 1952 (VF 1956)

Le 24 Janvier 1994 disparaissait un auteur peu traduit en France, assez discret, mais emblématique des tendances philosophiques qu’abordait quelque peu la S.F. américaine dans les années d’après-guerre : Raymond F. JONES. En hommage à cet auteur, nous vous proposons le plus célèbre de ses romans, hélas resté ensuite dans les tiroirs, « Les survivants de l’infini », n°37 de la série Le Rayon Fantastique que se partageaient Hachette et Gallimard.

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Texte du 4ème de couverture : « L'Univers est déchiré depuis des siècles par une guerre implacable que se livrent les deux grandes confédérations de planètes : Llanan et Guarra, dont les savants et les ingénieurs sont parvenus à d'incroyables réalisations scientifiques et technologiques.

Bien que la Terre ne fasse partie d'aucune confédération universelle, elle est bien connue des Llanan et des Guarra. Les uns et les autres décident-ils de disséminer par toute la Terre des usines qui fabriqueront en secret les armements nécessaires à leur guerre, et singulièrement « l'Interocitor », prodigieuse machine de télécommunication et de transmission de pensée, de volonté et d'énergie. L'une de ces usines est située en Arizona et emploie un jeune électronicien, Cal Meacham, et sa femme Ruth en qualité de psychiatre. Lorsque les Guarra attaquent les installations Llanan sur la Terre, ceux-ci décident d'abandonner notre planète à leur adversaire acharné. Meacham s'est rendu avec sa femme, par avion interstellaire, au Quartier Général des Llanan ; il réussira à convaincre ceux-ci de défendre la Terre, et leur apportera des éléments de victoire que leur progrès scientifique incessant leur avait fait perdre peu à peu : l'imagination et l'enthousiasme. »

La Revue des livres du n°32 de Fiction en établit cette recension (sous la plume d’Igor B. Maslowski) :

Dans « Les survivants de l'infini » (This island Earth) (Rayon Fantastique-Gallimard), Raymond F. Jones nous apprend que la Terre n'est qu'un minuscule pion sur l'échiquier de la guerre que se livrent, depuis des générations, deux puissantes confédérations inter-galactiques, Llanan et Guarra. Notre planète, en fait, n'est que l'usine où se fabriquent certaines pièces de rechange pour des machines compliquées dont les Llananiens ont besoin pour se défendre. Ces derniers, comme leurs adversaires, ne font qu'appliquer, sur le plan militaire, les décisions de leurs computeurs électroniques. Mais alors que les généraux de Guarra font également intervenir le hasard, ceux de Llanan s'en rapportent totalement aux machines, ce qui les amène au bord de la catastrophe. Il faudra, pour rétablir la situation, l'intervention d'un élément humain, sous l'aspect d'un ingénieur terrien, Cal Meacham, et de sa femme, Ruth, qui expliqueront à leurs alliés llananiens les causes de leurs récentes défaites et, par là même, sauveront notre planète, menacée d'abandon et d'anéantissement. La morale de l'histoire, « Méfiez-vous d'une science trop absolue ! » n'apparaît que dans les derniers chapitres, mais le roman tout entier est fort intéressant. Véritable œuvre de suspense, il se lit avec un intérêt soutenu et, bien qu'on se doute d'avance de la fin, cet intérêt ne faiblit à aucun moment.

Si ne pas souscrire aveuglément aux attraits d’une science absolue fait partie de ses moralités possibles, l’ouvrage dépasse tout de même allègrement son sujet, qui rappellera celui de « Ombres sur le Soleil » de Chad Oliver évoqué dans nos pages le 1er janvier dernier. Il y est aussi question d’une race d’extraterrestres plus avancés technologiquement et secrètement basés sur notre bonne vieille Terre, et de l’intronisation d’un terrien dans le club très fermé de ceux qui savent.

Mais il est surtout question des problèmes éthiques soulevés par la colonisation : sentiment de supériorité des « espèces » colonisatrices sur les autochtones, rapports étroits entre Guerre de longue durée et Paix durable… Si les péripéties intergalactiques et l’exotisme extraterrestre ne manquent pas, elles ne font que rythmer un ensemble de réflexions qui continuent d’être profondes et actuelles.


On s’amusera aussi à découvrir la page de présentation de la collection « Le rayon Fantastique », intitulée : « Qu’est-ce que la Science-Fiction ? »

LE RAYON FANTASTIQUE vous présente LA SCIENCE-FICTION

QU’EST-CE QUE LA SCIENCE-FICTION ?

Comme son nom l’indique un mélange de réalité et imagination. C’est l’aventure de demain…

DEPUIS QUAND EXISTE LA SCIENCE-FICTION ?

Personne ne peut le dire. Elle est aussi ancienne que la fantaisie. Platon, Cyrano de Bergerac, Voltaire, Edgar Poe, Jules Verne en ont fait bien avant que le mot soit inventé en 1926, par l’Américain Hugo Gernsback.

À QUI S’ADRESSE LA SCIENCE-FICTION ?

À tous les lecteurs curieux de nouveau et d’évasion intelligente. Ce qui ne l’empêche pas de compter de grands savants parmi ses fidèles lecteurs.

LA SCIENCE-FICTION EST INSTRUCTIVE.

On peut même dire que c’est le plus instructif des genres littéraires. Ses lecteurs apprennent bien des choses qu’ils n’auraient jamais sues sans elle.

LA SCIENCE-FICTION DÉVELOPPE L’IMAGINATION.

En entraînant ses lecteurs dans un domaine sans limite où l’esprit peut vagabonder à travers l’espace, le temps et les dimensions. Elle ne connaît pas d’« impossible ». Elle prévoit la réalité toute proche, peut-être.

LA SCIENCE-FICTION EST DISTRAYANTE.

Elle ne manque jamais ni d’action, ni d’aventures, ni même d’émotions fortes. Plus que tout autre genre, elle absorbe le lecteur par ses récits si éloignés des choses de tous les jours et des événements conventionnels.

LA SCIENCE-FICTION EST VARIÉE.

L’une de ses principales vertus est son infinie variété, son renouvellement incessant. Alors que les autres genres sont limités à notre Monde, elle a l’Univers entier.

LA SCIENCE-FICTION est une fenêtre ouverte sur l’avenir.


Mais ce roman qui n'a plus été édité depuis 1956, est surtout connu pour son adaptation au cinéma : « This Island Earth », réalisé par Jack Arnold et Joseph Newman en 1955 (et l’on peut supposer que l’édition française a « surfé sur la vague » de cette diffusion de l’œuvre de Jones).

F. Hoda en parle en ces termes laconiques dans le Fiction n°31 :

« Les survivants de l'infini » est le titre choisi par Universal-International pour distribuer en France « This island Earth », qui fit pas mal de bruit lors de sa projection aux États-Unis, l'année dernière. Technicolor de budget normal, cette bande, tournée d'après un scénario de Franklin Coen et Edward G. O'Callaghan, adapte un roman célèbre de Raymond F. Jones. Je n'ai pas encore eu l'occasion de voir le film, mais si j'en crois mon ami Forrest J. Ackermann, critique de films de science-fiction à Hollywood, il s'agit d'une œuvre intéressante, très bien réalisée par Joseph Newman. Le sujet est quelque peu abracadabrant : un homme venu de la planète Metaluna tente d'enlever un savant nucléaire américain et une jeune terrienne. La suite de leurs aventures se déroule sur la planète précitée. J'attendrai de voir le film pour vous les raconter.

 Puis dans le n°36 deFiction (extraits choisis pour ne pas trop divulguer l’intrigue, ce que F. Hoda s’autorise allègrement !)

" Je me suis beaucoup amusé à la projection de « This island earth » (traduit par « Les survivants de l'infini »). Les décors de la planète Metaluna sont admirables et constituent ce qui a été fait de mieux jusqu'ici dans le genre. Malheureusement ils n'apparaissent que dans les dernières minutes du film. Un parti pris de représentation systématique du fantastique (l'intérieur de la soucoupe, la télévision, les laboratoires, l'appareil compliqué qui se désintègre, etc.) rend l'entreprise sympathique et insolite, malgré un côté infantile et assez linéaire dans le récit. Le film rappelle en même temps le cinéma allemand des années 20 et le « serial » des beaux jours. Le poste de pilotage de la soucoupe reproduit à quelques détails près certains décors de « Flash Gordon », ce fameux serial de 1936, qui avait jadis fait mon délice. Mais la désolation de la planète Métaluna, attaquée par des ennemis de l'espace, atteint à une réelle grandeur. Cependant les événements extraordinaires, les monstres, les guerres galactiques, les désintégrations sont multipliés comme dans les sérials. Pourquoi avoir affublé les Métaluniens de ces immenses fronts qui les confondent tous en en faisant des robots de série ?

(…) Ce qui manque au film, c'est un ton de fantaisie. Joseph Newman, qui apparemment n'aime guère la science-fiction, introduit sans arrêt, et dans les meilleurs moments, un sérieux grandiloquent. Le dialogue utilise les clichés habituels sortis sans doute du fameux « Memento du dialoguiste hollywoodien » traduit par Chabrol dans le numéro spécial des « Cahiers du Cinéma » consacré au cinéma américain. Ainsi, l'assistant du savant-héros dit à son patron : « Cet Exeter ne me dit rien qui vaille. » Toutes les conversations sont de cette veine. Les réparties incisives sont extrêmement rares. J'en ai relevé une seule. Dans la soucoupe qui les emporte vers Métaluna, le savant-héros reproche à Exeter de vouloir faire travailler des hommes de science pour la guerre. Exeter lui répond : « J'ai appris cela sur terre. »


Un seul moment on a vraiment peur : la jeune Faith montre à son amoureux de collègue le laboratoire qui va lui être réservé. Ils ouvrent tous deux la porte et dans la pénombre un cri déchirant glace le spectateur. La lumière nous montre un chat qui saute vers la porte. Curieux que le seul élément d'épouvante soit emprunté à l'arsenal classique du policier.
« This island earth » débute par le meilleur générique de science-fiction que je connaisse : les titres se déroulent sur un paysage galactique impressionnant. On assiste à un strip-tease étonnant qui nous conduit, comme me l'a dit l'ami Thirard, au-delà même du strip-tease. En effet, dans l'appareil de transformation du métabolisme, Faith Domergue et son ami le savant subissent des transformations qui rendent visibles non seulement leur peau, mais aussi l'intérieur de leur corps. Arrivé à ce point le spectateur constate avec étonnement que nos Terriens sont asexués et qu'aucun élément organique ne permet de différencier la femme de l'homme. Est-ce l'effet du voyage interplanétaire ? Ou bien la censure arrive-t-elle, par quelque effet de magie, à transformer le corps humain ? Voilà un problème que les savants seront appelés un jour à trancher. (…) Que dire de plus. Je ne me sens pas en mesure de juger définitivement un tel film. Il atteint par moments à une certaine grandeur. À d'autres, il sombre dans l'infantilisme. Mais ce qui est sûr, c'est qu'à aucun moment il n'ennuie."

Nous n’atténuerons pas la critique de F. Hoda en vous proposant la nôtre. Comme trop souvent dans le travail d’adaptation d’un roman à l’écran, certains choix se posent pour accélérer l’action ou rendre plus vivante à l’écran la force de la littérature qui est de pouvoir passer de la description à la réflexion en toute fluidité. De même, les héros de l’écran ont toujours dans leur cahier des charges d’être un tant soit peu exceptionnels, pour rehausser l’enjeu et forcer une identification béate chez le public. L'adaptation de « This island Earth » n’échappe bien entendu pas à ces règles.

Aussi, il n’est plus question ici d’un modeste chercheur en électronique, mais d’un savant réputé travaillant sur l’énergie contenue dans les matières inertes (comme le plomb). Il est attifé d’un assistant dans toute la première partie du film (la mise en place de « l’Interocitor »), procédé commode pour la mise en dialogue, mais ce sont là deux éléments, deux entorses au roman de Jones, qui font du secret entourant la base extraterrestre un mystère bien mal protégé – d’autant que l’assistant, certes faire-valoir, disparait de la suite de l’histoire.

Exit aussi le personnage du traitre (nous ne divulguerons pas son identité ici), tandis que Ruth, le personnage féminin, passe de la profession de psychiatre chez Jones à celle de chercheuse en physique nucléaire dans le film. Les « Ingénieurs de la Paix », à leur tour, n’y sont plus que de simples ingénieurs d’élite, ce qui fait de Carl Meachum, notre héros, l’équivalent d’une recrue potentielle de la Silicon Valley.

L’Ingénieur de la Paix en chef s’appelle ici Exeter, et transpire un paternalisme sympathique, là où son adjoint Brack est plus énigmatique (et donc plus intéressant).

On quitte définitivement le livre et ses péripéties lorsque les extraterrestres font sauter leur base terrienne, un peu dans l’urgence et dans un enjeu mal motivé par le scénario. Le film se termine par un aller-retour Terre-Metaluna, en proie à une destruction massive à coup de météorites ennemies – la planète évoque alors Hiroshima ou Berlin en 1945. Mais surtout, à défaut pour nos deux héros d’être les derniers humains, c’est Exeter qui devient le dernier de sa race ; il a été blessé par un « mutant », l’espèce de monstre à tête hypercéphale bien connu (voir notre photo), et qui sert ici d’élément de séquence à sensation plutôt que de réel élément de l’intrigue.

Bref, nous voilà loin du discours philosophique de Jones sur les rapports étroits entre la Paix et la Guerre, sur la colonisation et le sentiment de hiérarchisation des civilisations selon leurs avancées uniquement technologiques. On pressent surtout dans cette production hollywoodienne à fort budget une forme de propos pro-nucléaire et pro-électronique, alors mamelles du progrès à l’américaine. On pense finalement à l’essor japonais à venir – nul doute d’ailleurs que ce film aura grandement influencé le cinéma de genre nippon.

Les effets spéciaux sont très bons (et rappellent les solarisations du célèbre feuilleton « Les envahisseurs »), et ont sûrement été novateurs pour leur époque. Quelques séquences aussi, dans la base secrète des Ingénieurs de la Paix, donneront l’impression de se situer dans le Village de la série « Le prisonnier » - Sophia Antipolis avant l’heure !


Vous pouvez retrouver ce film en partage sur le site de nos fabuleux cinéphiles de l’Univers Étrange et Merveilleux du Fantastique et de la Science-Fiction, sur cette page !

18 janvier, 2023

Galaxie (1ère série) n°028 – Mars 1956

Tout en collant de près sa publication native américaine, ce numéro 28 de Galaxie nous propose quelques notules françaises.

 

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Sommaire du Numéro 28 :


1 - Daniel F. GALOUYE, L'Antre de Satan (Satan's Shrine, 1954), pages 2 à 18, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par BATH

2 - Floyd L. WALLACE, La Bête de Bolden (Bolden's Pet, 1955), pages 19 à 32, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par DIEHL

3 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 33 à 35, courrier

4 - Robert SHECKLEY, Un billet pour Tranaï (A Ticket to Tranai, 1955), pages 36 à 58, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par CAVAT

5 - Theodore STURGEON, Étincelle (Twink, 1955), pages 59 à 73, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par ASHMAN

6 - Manly BANISTER, Un cadeau de la Terre (A Gift from Earth, 1955), pages 75 à 88, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par KOSSIN

7 - Bernard GUILLEMAIN, Holopherne, pages 89 à 103, nouvelle

8 - J. T. McINTOSH, L'Espion (Spy, 1954), pages 104 à 128, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par SENTZ

9 - William TENN, La Gloire de Morniel Mathaway (The Discovery of Morniel Mathaway, 1955), pages 129 à 140, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par SMITH

10 - Jean LEC, Grains de sable, pages 141 à 144, nouvelle

L'Adversaire et la douloureuse nécessité de son existence ; c’est « L’antre de Satan » par D.-F. GALOUYE. On notera qu’au passage Galouye invente l'escape game.

« La bête de Bolden » par F.-L. WALLACE traite de thérapeutique extra-terrestre. Un sujet original et traité avec sensibilité.

L'utopie est définitivement hors de portée pour l'étranger dans « Un billet pour Tranaï » par ROBERT SCHECKLEY, ou : de la difficulté d'apprécier les mœurs immuables. (Cette nouvelle est étonnamment non citée dans l’Encyclopédie des Utopies de Versins, qui dresse pourtant tout un article sur Sheckley.)

« Etincelle » par THEODORE STURGEON est une belle nouvelle, menée avec brio par un Sturgeon maître de ses effets et de ses thèmes.

« Un cadeau de la Terre » par MANLY BANISTER est une bonne nouvelle sur la colonisation lente par le dit "progrès", en réalité par le système d'endettement de la société de consommation à crédit. On y retrouve tout le faste illusoire des années 50.

« Holopherne » par BERNARD GUILLEMAIN, second lauréat du concours de nouvelles de Galaxie après Michel Lacre le mois précédent, est une amusante histoire de parole animale. Qu'est-ce qui nous distinguerait de l'animal si nous perdions ce monopole ?

« L’espion » par J. T. McINTOSH, avec toujours chez cet auteur ce penchant pour la psychologie des personnages, et de la quête d'identité. Une bonne nouvelle.

Au passage, on y trouvera une petite présentation de la science (nouvelle à cette époque) des sondages, qui vaut par sa candeur :

— Le reportage-enquête est une chose assez nouvelle (...) Vous vous rappelez les analyses de l’opinion publique, les questionnaires adressés au hasard, et le reste ? J’obtiens les mêmes résultats en procédant différemment et avec bien moins de frais.

— Vous voulez dire que vous devinez ?

— Pas exactement. Mais on a fini par penser que si, en interrogeant seulement dix personnes judicieusement choisies, on pouvait avoir l’opinion de la masse des gens dont on désirait connaître l’avis, ce serait une méthode bien plus avantageuse.

« La gloire de Morniel Mathaway » par WILLIAM TENN nous suggère une petite entourloupe sur le paradoxe temporel d'un artiste confronté à la somme de son travail à venir : qui en est réellement l'auteur ? Tenn relève le défi de répondre à la question de la poule et de l'oeuf.

Pour terminer, dans la série : « faut-il explorer seul les exoplanètes ? », voici « Grains de sable » par Jean LEC.


Galaxie ne brille pas à cette époque par la profondeur de ses réflexions périphériques (et malgré la présence épisodique du pertinent Willy Ley dans ses pages). C’est toutefois dans le plébéien de ses vulgarisations que des pages comme nous en propose la rubrique « Saviez-vous que » est souvent édifiant pour les lecteurs de notre début de XXIème Siècle.

...SAVIEZ-VOUS QUE…

…la grande centrale atomique des États-Unis commencera à fonctionner au début de 1957 ?

 

ELLE comporte, notamment, un « cœur » nucléaire, fait de 12 tonnes d’uranium naturel et de 52 kilos d’uranium enrichi. L’eau qui circule, sous pression de 136 atm. autour de ce « cœur », atteindra à sa sortie du réacteur la température de 300 degrés.

Cédée à un autre circuit d’eau, sous pression normale, cette chaleur produira la vapeur nécessaire pour alimenter un turbo-générateur électrique produisant une puissance de 100.000 kw.

Le cœur nucléaire est contenu dans une sphère d’acier de 11 mètres de diamètre, conçue de manière à écarter tout péril grave dû à un excès de pression ou à une rupture de canalisation.

Outre ses applications pratiques immédiates, la nouvelle centrale sera ouverte aux savants du monde entier.

Une centrale « ouverte aux savants du monde entier », apte de surcroît à « écarter tout péril grave », nous sommes en pleine science-fiction, comme dirait Gotlib ! Mais voilà bien l’enthousiasme et l’optimisme qui accompagnait à cette époque la production d’énergie nucléaire. Pourtant, en cette même année 1956, Lester Del Rey publiait son roman « Nerves » (« Crise » en VF – Ailleurs et Demain 1978) traitant des causes inattendues d’un accident nucléaire. Les impératifs de la reconstruction d’après-guerre auront su une fois de plus faire taire les Cassandres…

Un autre aperçu sur l’étendue des connaissances de l’époque :

...SAVIEZ-VOUS QUE…

…il y a des virus qui se transmettent par hérédité ?

 

C’EST l’étude d’une maladie des végétaux, la « mosaïque du tabac », qui a permis de découvrir le mécanisme de la transmission des virus. Entre autres travaux, ceux du professeur Lhéritier, qui dirige, à Gif-sur-Yvette, un laboratoire de génétique, ont pu ainsi établir qu’un virus se transmet, de génération en génération, par de petites mouches : les drosophiles.

En injectant à des mouches saines des extraits de mouches infectées, il les a infectées à leur tour, le virus devenant ainsi partie intégrante de leur patrimoine héréditaire. Il en a déduit que le virus est une particule génétique à l’état pur, un fragment du noyau de la cellule.

Travaux d’autant plus intéressants que, du point de vue biologique, les virus se situent exactement à la limite de la matière chimique et de la matière vivante. L’observation des petites mouches drosophiles va-t-elle nous faire faire un nouveau progrès vers la découverte du secret de la vie ?


Dans un autre registre, un lecteur interroge la revue sur les prix attribués aux romans de science-fiction. Sans doute que la publication du « Grand prix du roman d’Anticipation » attribué au mystérieux Edson McCann (en réalité Frederik Pohl et Lester Del Rey), ainsi que la nouvelle de Michel Lacre parue dans le numéro précédent aura motivé des velléités d’écriture. Le constat de Galaxie est assez évocateur :

…Quels sont les récompenses, les prix étrangers ou français attribués aux meilleurs romans d’anticipation ou de science-fiction ?

 

M. ESCOUBÉ, Tulle.

 

EN ce qui concerne les prix et récompenses, il ne faut pas oublier que la science-fiction, en tant que genre littéraire bien établi, avec ses normes et ses moyens propres, en est encore à ses débuts, du moins en France.

Le pays d’élection de la science-fiction est l’Amérique, d’où nous arrivent couramment des revues et romans spécialisés, du plus grand intérêt. La proportion nous en est indiquée par le seul fait qu’il existe aux États-Unis une bonne trentaine de magazines de science-fiction largement diffusés, alors que nous n’en avons encore que deux en France.

Aux États-Unis, un grand prix de 6.500 dollars a été attribué, l’an passé, au roman d’anticipation Preferred Risk, d’Edson McCann. Il est évident qu’il s’agit là d’une somme importante, et nous ne savons encore si cette récompense sera attribuée annuellement.

Ce roman a paru, ces mois derniers, dans notre magazine GALAXIE, sous le titre : Assurances sur l’Éternité.

En France, le Grand Prix du roman de Science-Fiction a été décerné en 1955 à Jean-Gaston Vandel, pour son roman très original : Bureau de l’Invisible.

Rappelons également que, récemment, GALAXIE a organisé un concours de nouvelles et que le premier prix a été décerné à un amateur, M. Michel Lacre, dont la nouvelle, intitulée Les Larmes, a paru le mois dernier dans notre publication.

Quant aux auteurs les plus connus en France et à l’étranger, il est impossible de les énumérer tous. Néanmoins, les auteurs américains dont les noms figurent régulièrement dans notre magazine comptent parmi les plus fameux, non seulement dans leur propre pays, mais dans le monde entier.

En France, on ne doit pas oublier de mentionner Léon Groc, qui a fait figure de pionnier ; René Barjavel, qui nous a fait passer des heures angoissantes et agréables à la fois en une période mouvementée ; Jacques Spitz ; Michel Lecler ; G.-M. Dumoulin ; Paul Hébert ; Jean-Gaston Vandel, tous auteurs de romans passionnants de science-fiction.

Après l’unique Prix Rosny-aîné du roman d’Anticipation, monté par Jean Birgé et ses éditions Métal en vue d’une auto promotion (voir ICI), Galaxie fait donc mention d’un « Grand Prix du roman de Science-Fiction ». Il s’agit en réalité d’une autre promotion interne, celle des Editions Fleuve Noir ; ce prix aura récompensé quatre de ses auteurs « maison » entre 1954 et 1957 (Jimmy Giueu, J.G. Vandel, Stefan Wul et M.A Rayjean).

Difficile de prendre au sérieux des prix ainsi distribués, comme des éditeurs qui semblent « jouer à la dînette ». Ces Prix de complaisance auront peut-être causés plus de tort que de promotion à la S.F. en France.

11 janvier, 2023

Galaxie (1ère série) n°027 – Février 1956

Après avoir changé de dénomination (Galaxie Anticipation remplaçant Galaxie Science-Fiction dès son n°25), il semble que la revue lorgne encore davantage sur le fond de commerce de sa « rivale » Fiction, avec plusieurs nouvelles à teneur fantastique, et plusieurs auteurs français !

 

Cliquez-moi bien dans les yeux !


Sommaire du Numéro 27 :

1 - William TENN, Le Monstre aux yeux plats (The Flat-Eyed Monster, 1955), pages 2 à 28, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par ASHMAN

2 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 29 à 31, courrier

3 - Michel LACRE, Les Larmes, pages 32 à 46, nouvelle, illustré par Henri GRÉLARDON

4 - Jack McKENTY, Les Feux d'artifice de Mars ($1,000 a plate, 1954), pages 47 à 54, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par BECK

5 - Frederik POHL, Grand-père le diable (Grandy Devil, 1955), pages 55 à 60, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par ASHMAN

6 - Evelyn E. SMITH, Destinée inutile (Jack of No Trades, 1955), pages 61 à 71, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par CAVAT

7 - Edson McCANN, Assurances sur l'éternité (2ème partie) (Preferred risk, 1955), pages 72 à 104, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par KOSSIN

8 - Léon GROC, Le Suprême exode, pages 105 à 115, nouvelle

9 - Stephen TALL, Lueurs sur la montagne (The lights on Precipice Peak, 1955), pages 117 à 128, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par NEWMANN

10 - Willy LEY, Voyage à travers la galaxie avec Walt Disney, pages 129 à 136, article, trad. (non mentionné)

11 - (non mentionné), Saviez-vous que..., pages 137 à 137, notes

12 - Jean LEC, Les Cinq étoiles, pages 139 à 144, nouvelle

Le monstre et son point de vue : avec « Le monstre aux yeux plats », par William Tenn, nous trouvons de l'humour, certes, toutefois avec moins de style que Sheckley, par exemple. Les E.T. rappellent les Yithians de « Dans l'abîme du temps » de Lovecraft.

« Les larmes » par Michel Lacre est une très belle nouvelle, dont le sujet rappelle « Le jour des fous » d'Edmund Cooper - mais ici le parti-pris de la folie est beaucoup mieux rendu. Michel Lacre est le lauréat prometteur du concours de nouvelles lancé par l’édition française de Galaxie. On se rappelle avec quelle acrimonie Fiction avait évoqué ce concours dans son numéro 28 de Mars 1956. Fiction récupèrera malgré cela la seconde nouvelle de Michel Lacre dans son numéro 43, mais cela ne suffira malheureusement pas à lui ouvrir une carrière d’écrivain de science-fiction.

« Les feux d’artifice de Mars » par Jack McKenty est une bonne nouvelle qui sensibilise déjà sur la pollution lumineuse.

« Grand-père le Diable », par Frederik Pohl est une sympathique petite histoire fantastique.

Dans un monde de mutants aux super-pouvoirs, il n'est pas simple de se faire une place... C’est « Destinée inutile » par Evelyn E. Smith.

Fin du roman demeuré inédit ensuite de Frederik Pohl et Lester Del Rey, « Assurances sur l'Eternité », par Edson McCann. Dans l'action et dans un espoir de reconstruction possible, le roman demeure une vision somme toute assez américaine de la Révolution.

Un exemple de SF à l'ancienne, pétrie de références bibliques : « Le suprême exode » par Léon Groc, une nouvelle inédite, pour les collectionneurs de merveilleux scientifique à la française.

Rencontre du 3eme type en haute altitude avec « Lueurs sur la montagne » par Stephen Tall.

« Voyage à travers la galaxie avec Walt Disney » est un très lucide article de Willy Ley sur la fabrication d’un film à caractère éducatif… et ses limites spéculatives.

On pourra apprécier ce film d'animation en VO ici :

 

... ainsi qu'une version (inédite !) sous-titrée chez nos amis de l'UFSF ICI !!!
 

« Les cinq étoiles » par Jean Lec, demeure une nouvelle fantastique sur la métempsychose, empreinte d’un argot bien fleuri. Jean Lec sera maintes fois publié dans Galaxie les mois suivants. On aurait pu imaginer qu’une prometteuse carrière d’auteur de science-fiction commence ici – très malheureusement, Jean Lec sera victime d’un accident vasculaire cérébral en 1958, qui le laissera paralysé jusqu’à sa mort en 1964.

Jean Lec est surtout connu en sa qualité de chansonnier, et de producteur d’une des toutes premières émissions satyriques de la télévision française : « Le grenier de Montmartre ». Les lecteurs de science-fiction auront pu apprécier dans la série 2000 des Éditions Métal deux romans : « L’être multiple » et « La machine à franchir la mort ». A l’origine peintre et illustrateur, directeur avant-guerre d’une agence de publicité, ce touche-à-tout était surtout un anarchiste convaincu et généreux.

Un roman érotique de sa plume, « Mine de rien », porte en couverture une illustration dont le style rappelle fortement celui du mystérieux L.G. Keller, illustrateur de l’édition de luxe de « La tentation cosmique » du non moins mystérieux Roger Sorez dans la sus-citée Série 2000. Lec (Fernand Henri François Gustave Lecoublet) serait-il L.G. Keller sous pseudonyme ? A détailler le style fleuri de Lec, on y retrouve même un peu celui de Sorez. Le PReFeG est sur la piste…

Mise à jour de février 2023 : Galaxie se fendra même pour Jean Lec d'un texte de présentation de l'auteur dans son numéro 31, ce qui rapproche davantage encore  cette revue de la politique éditoriale de Fiction.


Dans la rubrique Votre courrier, deux questions, peut-être anodines, vont parler à nos contemporains du début de ces années 2020 :

…Qu’est-ce, exactement, qu’un virus ? En quoi diffère-t-il des bactéries ? Les virus sont-ils des êtres vivants comme le donnent à penser de nombreuses études ? (Mme FOSTER, Aubenas.)

 

LES bactéries sont des micro-organismes à cellule unique qui se développent dans les tissus animaux et végétaux et sont parfois les agents de maladies.

Il y a longtemps déjà que les savants ont pu observer les bactéries au microscope, et l’avis général était qu’on se trouvait en présence de la forme la plus élémentaire de la vie. Toutefois, un certain nombre de maladies – la grippe chez l’homme, par exemple, et ce qu’on appelle la mosaïque du tabac, chez les végétaux – se manifestaient sans qu’il fût possible de découvrir au microscope une bactérie quelconque qui en fût responsable.

Des développements scientifiques nouveaux, le microscope électronique entre autres, ont permis de découvrir enfin les virus et d’en étudier l’aspect.

Les virus semblent être des gènes à l’état libre, c’est-à-dire sans matière cellulaire autour d’eux. Ils se présentent sous l’aspect d’amas innombrables de particules toutes semblables pour un virus donné, de taille considérablement plus faible que les bactéries.

Il est incontestable que les virus sont des êtres vivants, puisqu’ils se reproduisent par dédoublement, qu’ils ne se multiplient que dans le protoplasme « nutritif » d’autres organismes, qu’ils sont sujets à des mutations et qu’ils transmettent à leurs descendants leurs caractéristiques.

Néanmoins, les virus se comportent également comme des composés chimiques et sont capables de se grouper en amas de cristaux quand ils se trouvent hors d’un milieu favorable. Ils reprennent d’ailleurs leur « vie » dès qu’on les replace dans un milieu nutritif favorable.

Nous nous trouvons donc, avec les virus, en présence de particules qui semblent marquer la transition entre la matière et la vie.

 

…On constate chaque jour que les matières plastiques jouent un rôle de plus en plus important dans la vie des hommes. Il me semble que cette industrie est assez récente. À quelle date est-elle née ? Comment s’est-elle développée ? Mme Hélène GIRARD (Etampes).

 

EN réalité, il y a certaines substances plastiques naturelles qui sont utilisées depuis toujours, par exemple l’ivoire, la corne, l’ambre. Mais leur emploi fut longtemps très limité. C’est seulement depuis que l’on fabrique des matières plastiques artificielles que cette industrie a pris une énorme extension.

La première matière plastique fabriquée fut le celluloïd, il ne date pas précisément d’hier, il naquit en 1869 aux U.S.A. Sa première forme fut sphérique. Parce que l'ivoire était rare et cher aux États-Unis, les fabricants de boules de billard américains offrirent un prix de 10.000 dollars à qui découvrirait un produit de remplacement. Le prix fut gagné… par un imprimeur. Celui-ci, qui était à Albany (État de New-York), trouva la bonne formule : nitrate de cellulose et camphre.

Il monta une petite usine et l’usage du celluloïd se répandit dans le monde entier, en s’étendant à de nombreux objets. Il avait un grave inconvénient : il était très inflammable. Cependant, à un certain moment, vers 1930, la production mondiale en fut de 40.000 tonnes.

Vint ensuite la bakélite, du nom de son inventeur, le Belge Baekeland, qui le fabriqua en 1909. Ce produit prit une extension rapide, en raison de son application aux isolants réclamés par les industries électriques. Puis, ce fut le tour de la caséine, dont on fit la galalithe (pierre de lait).

Mais la grande époque des matières plastiques commença réellement au cours de la guerre de 1914-18, avec l’acétate de cellulose. La rayonne naquit. On plaisanta, tout d’abord : « Toutes les femmes, disait-on, ont des jambes de bois ! » Mais l’essor du nouveau produit devait être foudroyant.

Les plastiques, cette fois, avaient définitivement gagné la partie. Les différents types pullulèrent. Sans prétendre les énumérer tous, on peut en citer quelques-uns : plexiglas, nylon, caoutchouc synthétique, etc. La liste n’est pas près d’être close. On en est actuellement à utiliser, pour leur fabrication, les radiations à grande énergie des piles atomiques. Et la production mondiale approche de 2 millions de tonnes, les deux tiers en provenance des États-Unis.

 

Dans « Saviez-vous que… », nous voyons que la technologie miniature des années n’a rien à envier à nos montres connectées :

Saviez-vous que …un ingénieur américain a conçu et mis au point un poste de radio réellement minuscule ?

CE poste, tout ensemble émetteur et récepteur, est si petit qu’il peut être porté au poignet, à la manière d’une montre-bracelet. Il comporterait une membrane très sensible, impressionnée par les vibrations mêmes de la voix, produisant ainsi l’énergie nécessaire au fonctionnement du poste.

Les applications d’un tel appareil semblent devoir être nombreuses. En voyage, par exemple, l’homme qui le porterait au poignet, qu’il se trouve en auto, en chemin de fer, en bateau, en sous-marin, en avion, ne perdrait le contact ni avec sa famille, ni avec ses relations d’affaires. Et cela sans se trouver encombré par des engins pesants et de dimensions gênantes !

Notons qu’un appareil de ce genre était décrit dans un roman de science-fiction, qui parut voici quelques années : « Le Maître du Soleil », par Léon Groc.

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