17 avril, 2024

Fiction n°063 – Février 1959

Une très bonne nouvelle de Cyril Kornbluth, demeurée inédite depuis de surcroît, jouxte un très beau texte de sa veuve Judith Merril, parmi un tiers de textes français de bonne facture. 

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Sommaire du Numéro 63 :

NOUVELLES


1 - Judith MERRIL, Les Souhaits aux étoiles (Wish Upon a Star, 1958), pages 3 à 15, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE

2 - Fernand FRANCOIS, Les Temps à venir, pages 16 à 19, nouvelle *

3 - Charles FINNEY, Le Grand chien noir (The Black Retriever, 1958), pages 20 à 27, nouvelle, trad. Alex DIEUMORAIN (aka. Alain Dorémieux) *

4 - Cyril M. KORNBLUTH, Vivez à l'échelle cosmique ! (The Cosmic Charge Account, 1956), pages 28 à 49, nouvelle, trad. CATHERINE *

5 - Julia VERLANGER, Reflet dans un miroir, pages 50 à 52, nouvelle

6 - Brian ALDISS, Comment tuer un brontosaure (Poor Little Warrior!, 1958), pages 53 à 58, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH

7 - Philippe CURVAL, Histoire romaine, pages 59 à 64, nouvelle

8 - Robert A. HEINLEIN, Une porte sur l'été (III) (The Door Into Summer, 1956), pages 65 à 115, roman, trad. Régine VIVIER

9 - Richard MATHESON, Au bord du précipice (The Edge, 1958), pages 116 à 124, nouvelle, trad. Daniel MEAUROIX (aka. Alain Dorémieux)

CHRONIQUES


10 - Jacques VAN HERP, Edgar Rice Burroughs, l'inventeur du space-opera, pages 125 à 130, article

11 - Jacques GRAVEN, Le Thermomètre qui voyage dans le temps, pages 131 à 133, article

12 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX & Gérard KLEIN & Roland STRAGLIATI, Ici, on désintègre !, pages 134 à 140, critique(s)

13 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 141 à 143, article

14 - (non mentionné), Notre référendum - Résultats du mois de décembre, pages 144 à 144, chronique


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Dans un vaisseau arche, les femmes si indispensables à la survie de l'espèce prennent la place dominante. C'est Les souhaits aux étoiles, jolie nouvelle de Judith Merril, réunie dans ce numéro de Fiction avec son mari récemment décédé, Cyril Kornbluth.

Dans un style direct, presque animal, Fernand François déploie avec Les temps à venir un conte très amer sur la domestication qui suit de près la colonisation. Concis, peu disert mais allant à l'essentiel. Juste et intelligent, qui n'est pas sans rappeler "Oms en série" de Stefan Wul.

Traduction par Alain Dorémieux sous pseudo et ambiance de voisinage pour Le grand chien noir, petite allégorie du danger pulsionnel qui menace les petites communautés paisibles, par Charles Finney, qu'on connait en France surtout à travers son roman "Le cirque du Docteur Lao" (adapté au cinéma par Georges Pal en 1964, visible ici chez nos amis de l'UFSF - https://muaddib-sci-fi.blogspot.com/2011/11/le-cirque-du-docteur-lao-7-faces-of-dr.html.)

La nouvelle suivante est remarquable, comme souvent avec le (mort trop jeune) Cyril Kornbluth. Voici comment Fiction la présente :

Il est impossible d'ouvrir certains magazines français ou américains sans y trouver d'annonces rédigées à peu près dans ces termes : « Les secrets des anciens vont vous être révélés… Voulez-vous acquérir de la personnalité ?… Réussir en affaires ?… Influencer vos proches ?… Écrivez à XXX qui vous enverra gratuitement le Livre Secret des anciens…» 

Il faut croire que les gens qui font ces annonces sont des philanthropes, puisqu'ils ne réclament jamais d'argent. On se demande aussi pourquoi ils ne profitent jamais de leurs secrets pour acquérir eux-mêmes la gloire, la fortune et l'amour… Le regretté C. M. Kornbluth, avec l'ironie acerbe qui lui était particulière (souvenez-vous de « La saison du serpent de mer » ou de « Manuscrit trouvé dans un sablé chinois », dans nos numéros 1 et 55), raconte les conséquences catastrophiques de l'invention d'une méthode de ce genre qui marche réellement !

Les lecteurs attentifs remarqueront que ce type d'annonce pullule dans la revue (rivale) Galaxie (1ère série).

Ce qu'était la vie dans la Zone Pestiférée ? Oh ! il ne s'y passait pas grand-chose. On errait au hasard à la recherche de la nourriture. Bien des gens avaient l'air malade, mais néanmoins satisfait. Les fermiers vous donnaient à manger, l'universel sourire idiot aux lèvres, mais leurs récoltes étaient maigres. Les parasites les décimaient. Personne ne mangeait de viande, apparemment. Personne ne cherchait querelle, personne ne se battait, personne ne disait même un mot désagréable, dans la Zone Pestiférée. Et c'était l'enfer sur terre. 

Vivez à l’échelle cosmique ! est un petit bijou d'humour et un sympathique palimpseste sur l'occulte et ses pouvoirs présumés. Kornbluth réussit une SF très particulière avec des éléments éminemment fantastiques.

On imagine bien Julia Verlanger avoir lu "Un miroir pour les observateurs" d'Edgar Pangborn, pour composer son Reflet dans un miroir. Une bonne nouvelle malgré une fin un peu trop annoncée.

Comment tuer un brontosaure, ou une partie de chasse que ne renierait pas Bradbury, mais avec ce brin de modernité de plus qui annonce un grand auteur, Brian Aldiss.

Philippe Curval pousse le voyage dans le passé au-delà du paradoxe, et déjoue la règle morale chère à Poul Anderson de ne pas faire dévier l'Histoire. Et c'est aussi au futur Dick que l'on pourra penser, pour son « À rebrousse-temps» en fait, mais surtout au sentiment dickien de vivre notre époque contemporaine comme une illusion gouvernée par l'Empire romain. C'est Histoire romaine.

Rien ne pouvait arriver, puisque rien n'arriverait… je veux dire, « n'était arrivé »… Je cessai de me débattre dans les temps de verbes, me disant que si le voyage dans le temps devenait une réalité courante, la grammaire devrait bien s'en accommoder. (Chapitre X)

Une romance sympathique que Une porte sur l’été de Robert Heinlein, qui se lit avec plaisir. On s'amusera des intuitions spéculatives d'Heinlein, qui invente en bon ingénieur des machines qui feront les composantes de nos ordinateurs domestiques, on plaisantera avec lui de son amour pour les chats - et on laissera de côté l'attrait pour la jeunesse qui n'a pas beaucoup plus d'importance dans ce qui rend ce roman agréable.  

Univers devenus adjacents pour le pauvre héros de Richard Matheson, dans Au bord du précipice. Un court cauchemar qui laisse interloqué.


Dans l'article "EDGAR RICE BURROUGHS, L'INVENTEUR DU SPACE-OPERA", Jacques Van Herp écrit :

Reste le reproche majeur : l'anthropomorphisme perpétuel des personnages. Qu'ils soient Martiens, Vénusiens, gens d'Altaïr ou de Véga, ils sont des hommes. Ils sont noirs, bleus, verts, ils ont parfois des antennes ou quatre bras, mais ils sont des hommes avec les désirs et les passions des hommes. Il y a peut-être là un certain manque d'imagination, mais il y a surtout une nécessité organique. Pour captiver un grand nombre de lecteurs le récit doit sacrifier à cet anthropomorphisme. Un des esprits les plus déliés du XIXe siècle étudia fort bien ceci à une époque où il n'était pas encore question de S.F. 

Rendant compte de l'opérette « Le Voyage dans la Lune », Jules Lemaître regrettait d'abord que tout y évoquât par trop la Terre et se demandait quelles pouvaient être les raisons de cette humanisation. Il terminait son article par ces quelques réflexions :

« Nous n'inventons que ce que nous avons senti et perçu, et nous ne percevons que ce qui est de la Terre. Le Vieil axiome « Nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu »{Rien n'est dans l'intellect qui ne soit d'abord dans le sens.}, joignez-y, si vous voulez, ce corollaire : « Nihil est in sensu terrenorum quod non sit terræ » {Rien n'est dans le territoire qui ne soit d'abord sur la terre.}; Voilà le mur de prison où nous nous heurtons éternellement.

Si nous ne pouvons imaginer ni un site, ni une architecture, ni un costume qui ne soit terrestre, c'est que nous sommes incapables aussi de concevoir un autre mode de vie que le nôtre. M. Camille Flammarion, le lyrique astronome, n'a su lui-même en venir à bout. Il nous montre un soleil bleu, un soleil vert, un soleil orange. Mais les couleurs qui sont au-delà du violet foncé, est-ce M. Flammarion qui nous les révélera ?  

Tout revient à dire : ailleurs les arbres sont bleus ou rouges, et plus grands que chez nous, mais enfin ce sont des arbres ; ailleurs les hommes ont des ailes comme les oiseaux ou les insectes de chez nous, mais ce sont des hommes ; ailleurs, les sens sont plus délicats ou plus puissants que les nôtres, mais ce sont là encore des sens de chez nous. Bref, ailleurs c'est mieux que chez nous, mais, au fond, c'est comme chez nous.

Et même, est-ce mieux que chez nous ? 

La vérité, c'est que, en combinant notre organisme avec celui de certaines plantes et de certains animaux, et en supposant portés au dernier degré de perfection des sens et des facultés que nous possédons déjà, nous arrivons à concevoir des formes vivantes assujetties à moins de nécessités que les corps dont nous sommes captifs ; mais ces formes rêvées, nous ne les aimons pas, nous ne désirons même pas qu'elles existent. Au fond c'est d'hommes semblables à nous que notre songerie peuple les planètes. Si les habitants des autres mondes diffèrent de nous essentiellement, nous n'avons et ne pouvons avoir aucune envie de lier connaissance avec eux. » 

Et comme les auteurs doivent gagner l'attention de leurs lecteurs ils peuplent les planètes de créatures humaines, ou à tout le moins humanoïdes.

Au niveau de la spéculation qu'invite à faire toute littérature de science-fiction, on pourra citer la théorie universitaire qui consiste à considérer que les auteurs de SF n'échappent pas à un effet appelé "Bulle de présent" quand ils élaborent leurs futurs imaginaires.

Rapport du PreFeG (Avril 2024)

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    Prochaine publication prévue pour le mercredi 24 avril 2024 : Fiction n°064.

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