Des novellas de très bonne facture accompagnent un bon niveau général pour ce numéro d'été 1958, marqué par la disparition prématurée du talentueux Cyril M. Kornbluth.
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Sommaire du Numéro 55 :
NOUVELLES
1 - François TRUFFAUT, A bas la science-fiction, pages I à II, critique(s)
2 - Jacques BERGIER & Pierre VERSINS, Solidarité, pages 3 à 30, nouvelle *
3 - John Dickson CARR, L'Homme au col de fourrure (New Murders for Old, 1939), pages 31 à 45, nouvelle, trad. Roger DURAND
4 - Robert BLOCH, Mon barman et son monstre (How Bug-Eyed Was My Monster, 1958), pages 46 à 50, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
5 - Jehanne JEAN-CHARLES, Trois petits tours et puis s'en va, pages 51 à 53, nouvelle
6 - Ray RUSSELL, Le Dialogue des sourds (Incommunicado, 1957), pages 54 à 56, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE *
7 - Anthony BOUCHER, Gandolphus (Gandolphus, 1952), pages 57 à 64, nouvelle, trad. Roger DURAND *
8 - Philippe CURVAL, Un rêve de pierre, pages 69 à 80, nouvelle
9 - Lester DEL REY, L'Enfant qui n'était pas là (Little Jimmy, 1957), pages 81 à 92, nouvelle, trad. Suzanne RONDARD *
10 - Evelyn E. SMITH, Mon Martien et moi (Outcast of Mars, 1957), pages 93 à 99, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
11 - G.C. EDMONDSON, Renaissance (Renaissance, 1957), pages 100 à 114, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH *
12 - Cyril M. KORNBLUTH, Manuscrit trouvé dans un sablé chinois (MS. Found in a Chinese Fortune Cookie, 1957), pages 115 à 126, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH
* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.
CHRONIQUES
13 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 127 à 133, critique(s)
14 - F. HODA, A bas la S.F. ? : Truffaut ne "marque" pas un point..., pages 134 à 135, article
15 - Forrest J. ACKERMAN, Si peu de temps après Kuttner..., pages 137 à 137, article
16 - COLLECTIF, Courrier des Lecteurs, pages 138 à 139, article
17 - (non mentionné), Connaissez-vous le club "Futopia" ?, pages 141 à 141, article
18 - F. HODA, La Mante et les dinosaures, pages 143 à 144, article
19 - (non mentionné), Table des récits parus dans "Fiction", pages 144 à 148, index.
On commence avec Solidarité, par Pierre Versins (sur une idée de Jacques Bergier) , une très bonne novella, tant sur sa forme aux multiples rebondissements, que sur le fond - d'une modernité que nos Tchernobyl ou Fukushima ne sauraient détrôner. On aurait pu frémir à l'usage de certains mots "canceled " si la morale de l'histoire n'avait pas emprunté un contre-courant. Bref : une histoire de résistance au nucléaire (ici sous sa forme primitive atomique), très courageuse et lucide pour son époque.
Dans L’homme au col de fourrure, John Dickson Carr nous propose, encore une fois avec cet auteur, un habile mélange de fantastique et de machination criminelle. On appréciera le style et l'intrigue.
Courte, drôle et efficace, une rencontre du troisième type dans un style plein de verve : c'est Mon barman et son monstre par Robert Bloch.
Petit histoire cruelle sur un monstre de music-hall avec Trois petits tours et puis s’en va… de Jehanne Jean-Charles (femme de l'humoriste éponyme).
La chute de Babel reportée à l'échelle du monde, à des fins de faciliter une invasion. Le dialogue des sourds, par Ray Russell, nous fait prendre conscience de ce trésor à nous commun qu'est le langage.
Gandolphus, par Anthony Boucher, est une histoire de possession mâtinée de légende monacale, avec extraterrestres à la clé. Un bon petit cocktail à savourer cul-sec !
Beaucoup de mots pour parler de sédimentation minérale ; Philippe Curval explore en poète dans Un rêve de pierre les affres créatrices de la sculpture sur météorite, mais se perd un peu en chemin...
Une histoire d'enfantôme - tout un concept en soi, que Fiction rattache justement à d'autres histoires atypique. Du bon travail qu'est L’enfant qui n’était pas là de Lester Del Rey.
Après Lester Del Rey, Fiction continue de récupérer l'écurie Galaxie en publiant Evelyn E. Smith, dans Mon Martien et moi, avec une belle traduction d'Yves Riviére, pour une romance inter espèces sur une planète Mars où domine une espèce plutôt volage.
Reconstruction post-apocalyptique dans Renaissance, par G. C. Edmondson, au ton grinçant qui fait la patte de son auteur. Mais une leçon d'optimisme tout autant.
Rendant hommage à Cyril M. Kornbluth, qui vient de mourir d'une soudaine crise cardiaque comme Henry Kuttner quelques semaines auparavant, Fiction propose Manuscrit trouvé dans un sablé chinois, où Kornbluth joue en auto-fiction à rendre romanesque le destin d'un de ses pseudonymes - Cecil Corwin. On frôle l'absurde et le complotisme avec humour - comme Kornbluth semble au passage régler quelques compte avec certains de ses pairs écrivains.
François Truffaut dans Fiction ! …ou presque. Les Glanes interstellaires de ce numéro (rubrique qui répertorie les allusions à la science-fiction parues dans la presse) font état d'une critique très acerbe du cinéaste (et critique de cinéma) envers le genre tout entier, à travers un malheureux exemple. Voyons plutôt :
GLANES INTERSTELLAIRES : À travers la presse.
Sous le titre « À bas la science-fiction », l'hebdomadaire « Arts » a publié, dans son numéro du 16 avril, un article où son critique cinématographique François Truffaut, à propos du film « La marque », s'en prenait à la SF en général. Vous trouverez dans ce numéro de « Fiction » les réflexions inspirées à notre collaborateur F. Hoda par les vues de Truffaut. Voici l'article de celui-ci :
Comment analyser la méfiance instinctive que m'inspirent les fanas de la science-fiction ? Je ne puis m'empêcher de penser qu'il faut bien de la sécheresse, de l'insensibilité et de la pauvreté d'imagination pour s'en aller chercher du côté des Martiens une fantaisie, une poésie, une émotion qui sont chez nous, sur la terre, à portée de main, de regard et de cœur, quotidiennes, éternelles.
Toute belle et grande œuvre est sa propre science-fiction ; les personnages de Fellini ou de Hitchcock sont des Martiens, sans accessoires peut-être, mais d'une telle féerie, si loin de nous et tout à la fois si proches qu'ils satisfont pleinement nos besoins d'évasion, de merveilleux et de fantastique. Du reste, les amateurs de science-fiction, conscients de l'extrême fragilité des romans ou des films basé sur une « bonne idée », une trouvaille, un postulat, avouent que l'intérêt commence où les sentiments apparaissent, c'est-à-dire lorsque la bête, la chose, la forme s'humanise, souffre et réagit sentimentalement, donc lorsque l'entreprise débouche sur nos canevas habituels et que le fantastique ne s'exprime plus que dans les apparences charnelles, vestimentaires, etc.
Les amateurs de science-fiction sont racistes sans le savoir, à la manière de ces femmes frigides qui cherchent le plaisir impossible dans des bras colorés, broyant du noir sous le faux alibi de la curiosité ethnique. Ayant l'occasion récemment de revoir à quelques jours d'intervalle le film de Cocteau : La Belle et la Bête, et celui de Bresson dialogué par Cocteau Les Dames du bois de Boulogne, je m'aperçus de la profonde parenté entre ces deux œuvres dont l'une se veut strictement poétique et la seconde strictement morale. Les rapports d'Elina Labourdette et de Paul Bernard sont semblables rigoureusement à ceux qui unissent la Belle et la Bête, une dévotion amoureuse allant jusqu'à la plus extrême soumission et, finalement, le renversement des passions. Or, de ces deux films, c'est celui de Cocteau qui a vieilli, celui de Bresson, au contraire, dispensant aujourd'hui une émotion nouvelle, à longue durée, pure de toute sentimentalité pittoresque. Les Dames du bois de Boulogne, comme Il bidonne, comme Fenêtre sur cour est un film de science-fiction.
Davantage que n'importe quoi, le cinéma est féerique, par la force des choses. Le cinéaste le plus lucide, le plus expérimenté, le plus froid ne peut dissimuler sa surprise en projection des rushes devant le décalage entre ce qu'il croyait filmer et ce qui est sur l'écran. C'est pourquoi les cinéastes qui « visualisent » avant de tourner rateront toujours leurs films : il faut filmer des idées qui deviendront des images et non filmer des images qui seront trahies par d'autres idées. C'est ce décalage entre la réalité filmée et la réalité obtenue qui amène le fantastique et qui transforme les films les plus réalistes (ou les plus néo-réalistes) en de purs contes de fées : Toni, Rome ville ouverte, Farrebique, Les Vacances de M. Hulot sont des films illustrant, volontairement ou non, le fantastique quotidien, pour moi le seul qui compte.
On a beaucoup moqué la naïveté des industriels qui ont cru renouveler le cinéma en élargissant l'écran ; je tiens pour plus stupide la croyance de certains intellectuels dans le renouvellement des sujets par la science-fiction ; le canevas suivant : un jeune Martien tombe amoureux d'une jolie Terrienne, n'est pas autre chose que l'affadissement de celui-ci : un jeune paysan arrive à Paris et devient éperdument amoureux d'une jeune fille de Passy qui « fait » propédeutique. Si je prétends qu'il y a affadissement dans un sujet transposé pour la science-fiction, c'est que le pittoresque facile envahit tout et dissout ce qui devrait être l'essentiel : les mouvements du cœur et du corps.
Le cinéaste offre au public un film qui, s'il est bien conçu et bien réalisé, doit être indiscutable ; ce qu'il y a d'irritant dans tous les sujets fantastiques basés sur un postulat : imaginons que, supposons que, qu'arriverait-il si… c'est qu'ils font de chaque spectateur non pas un représentant du public, mais un collègue, un co-scénariste, un complice de la création qui pendant même la projection du film, se prend au jeu stupide de refaire le scénario à sa manière ; pourquoi ? Parce que les films de ce genre nous laissent toujours insatisfaits par le mélange détonant constitué par trop de mensonge et trop peu de vérité, trop peu de science et trop de fiction.
Les amateurs de science-fiction m'apparaissent donc suspects dans leur quête désespérée d'une fantaisie aussi fausse que la vérité recherchée par les fanatiques des films strictement documentaires : Continent perdu, ou même les bandes d'amateurs projetées à Pleyel.
Que penser d'un public qui délaisse les romans, déserte les salles de théâtre, de cinéma et de concerts au profit des spectacles « son et lumière » ? L'amateur de science-fiction me semble l'équivalent intellectuel du spectateur « son et lumière ». Assis entre deux chaises, blasé sur la fiction, trop paresseux pour s'adonner aux sciences, privé de toute curiosité humaine, stérile et desséché, incapable de rêves et dénué de fantaisie, il amorce, inconscient, une horrible métamorphose qui fera de lui bientôt une sorte de « phasme » qu'on oubliera dans un bocal, confondu aux mortes brindilles auxquelles, dédaignant le cœur humain, il se sera trop exclusivement intéressé.
Tout cela, et que l'on me pardonne ces généralités, pour vous inviter à ne pas voir La Marque, film anglais de science-fiction, d'une platitude, d'une laideur et d'une sottise absolues.
Rappelons que François Truffaut réalisera une très belle adaptation de "Fahrenheit 451", d'après Ray Bradbury, en 1966. Comme quoi, seuls les imbéciles ne changent pas d'avis…
Rapport du PreFeG (Décembre 2023)
- Relecture
- Corrections
orthographiques et grammaticales
- Vérification
du sommaire
- Vérification des casses et remise en forme des pages de titre
- Ajout de la Table des récits telle qu'évoquée dans le sommaire sur NooSFere mais n'apparaissant pas dans le epub d'origine.
- Notes (1b), (1c) et (1d) ajoutées.
- Vérification et mise à jour des liens internes
- Mise au
propre et noms des fichiers html
- Mise à
jour de la Table des matières
- Mise à jour des métadonnées (auteurs,
résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)
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