04 octobre, 2023

Fiction n°050 – Janvier 1958

Un récit de Poul Anderson devenu introuvable, ça ne se refuse pas ! Voici entre autres les bonnes surprises de ce numéro d’ouverture à l’année 1958 de Fiction.

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Sommaire du Numéro 50 :


NOUVELLES

 

1 - Robert SHECKLEY, Invasion avant l'aube (Dawn Invader, 1957), pages 3 à 12, nouvelle, trad. Roger DURAND

2 - AlainDORÉMIEUX, La Valse, pages 19 à 19, nouvelle *

3 - Poul ANDERSON, Gangsters légaux (License, 1957), pages 20 à 47, nouvelle, trad. Roger DURAND *

4 - Jay WILLIAMS, Guerre froide (Mr. Guthrie's Cold War, 1956), pages 48 à 59, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

5 - René LATHIÈRE, Les Prisonniers, pages 60 à 64, nouvelle *

6 - Robert BLOCH, Si vous n'y croyez pas... (Try This for Psis, 1956), pages 65 à 81, nouvelle, trad. Evelyne GEORGES

7 - Henry KUTTNER & Catherine L. MOORE, La Machine à deux mains (Two-Handed Engine, 1955), pages 82 à 102, nouvelle, trad. Bruno MARTIN

8 - Lee CORREY, La Route est ouverte (The brass cannon, 1955), pages 103 à 115, nouvelle, trad. Bruno MARTIN *

 

CHRONIQUES


9 - Jacques BERGIER & Gérard KLEIN & Jacques STERNBERG, Réponse à l'article de "Combat" : La Science-Fiction est-elle une littérature stéréotypée ?, pages 119 à 121, article

10 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX & Gérard KLEIN & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 123 à 131, critique(s)

11 - Philippe CURVAL & Gérard KLEIN, Ici, on réintègre !, pages 133 à 137, critique(s)

12 - COLLECTIF, Courrier des lecteurs, pages 139 à 142, article

13 - F. HODA, De quoi nous faire "Sumer", pages 143 à 144, article

 

* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

 

« Depuis des centaines d'années, une natalité à l'accroissement explosif avait forcé les habitants de la Terre à s'expatrier de plus en plus nombreux. Mais il n'existait pas une planète sur dix mille convenant à la vie humaine. La Terre avait donc étudié la possibilité de modifier les milieux étrangers pour les adapter aux besoins terrestres ou de changer biologiquement les hommes pour leur permettre de survivre dans leur nouveau milieu. Cependant, c'est une troisième méthode qui avait donné les meilleurs résultats pour un effort moindre. Elle consistait à développer la tendance de projection mentale latente dans toute race intelligente. »

A travers cet extrait de Invasion avant l'aube, Robert Sheckley propose, dans la dualité Pantropie / Terraformation,  une troisième voix : la colonisation psychique. Mais l’on verra aussi que la colonisation par l'esprit et l’usurpation d'identité, comme le feraient les "profanateurs" de John Wyndham, trouvent leur contrepied dans cette nouvelle pacifiste.

La Valse se danse sur une jolie ligne de fuite que nous propose ici un Alain Dorémieux très inspiré, puisqu'il traite notamment de l'inspiration et de la nature profonde et merveilleuse de la musique.

Dans Gangsters légaux, on pourra lire : « L'univers n'a jamais signé un contrat avec l'homme en s'engageant à être juste ».  On retrouve bien ici le fond de la pensée de Poul Anderson, qui philosophe plus précisément ici sur ce qui structure la civilisation, dans un récit d'après le «Grand Saccage», soit l'effondrement de la société moderne. Cette intéressante novella,  et son contexte de crime non plus organisé mais légiféré, n'aurait toutefois pas souffert de plus d'action.

On notera au passage ceci à propos de compétition sportive : « Oh ! Les dix grands clubs utilisent des lunettes protectrices maintenant ; plus d'yeux crevés. Cependant on parle de légaliser l'emploi des couteaux… ». En 1973, William Harrison composera sa nouvelle "Rollerball murder" (adapté en 1974 au cinéma par Norman Jewison) en repensant peut-être à cette histoire de Poul Anderson.

Guerre froide, par Jay Williams, est une petite histoire de sorcellerie sympathique, un peu creuse mais agréable à parcourir.

On songera à l'actualité spatiale de cette fin d'année 1957 en lisant la nouvelle du traducteur René Lathière : Les prisonniers, tout comme on se laisse avoir par cette nouvelle finalement sans trop d'intérêt.

Dans Si vous n'y croyez pas…, Robert Bloch s’exerce au mode comique - on croirait presque un synopsis d’un épisode de "Ma sorcière bien-aimée". Plaisant.


« Danner était né à une mauvaise époque. Il était assez âgé pour se rappeler les derniers jours d'utopie, assez jeune pour se trouver pris au piège dans la nouvelle et austère économie que les machines avaient imposée à leurs constructeurs. Dans sa prime jeunesse il avait connu les luxes gratuits, comme tout le monde. Il se souvenait des jours anciens de son adolescence alors que les machines d'évasion fonctionnaient encore, avec leurs visions éclatantes, séduisantes, brillantes, qui n'existaient pas et n'auraient pu exister. Mais l'austérité était venue effacer le plaisir. Maintenant on avait le nécessaire et rien de plus. Maintenant il fallait travailler. Danner détestait chaque minute de travail. »

L'austérité est finalement imposée à l’homme par la machine - l’application pénale de la justice également, dans La machine à deux mains, très bonne nouvelle du couple Catherine L. Moore –Henry Kuttner, mêlant polar, psychohistoire et philosophie, avec une morale à échelle humaine, et déclinant le thème antique des Erynnies et leur fonction de justice immanente. Un sommet.

On retrouve le constat de Moore et Kuttner, celui d’un profond déséquilibre entre l’avancée technologique phénoménale et l’archaïsme sous-développé dans lequel sont laissées les sciences humaines et sociales, dans La route est ouverte, écrite par Lee Correy (de son vrai nom George Harry Stine) un réel jeune ingénieur en aéronautique, et donc richement documentée. Si Fiction nous présente ce récit comme expliquant les raisons du retard en aéronautique spatiale des américains par rapport aux russes (comme s’il était convenu que les américains fussent supérieurs en tout…), cette très bonne nouvelle remet plutôt bien en relation les secteurs de la course à l'armement et de la conquête spatiale, mais aussi la nécessité du contrôle de ces secteurs - et la structure libérale de la société américaine qui en viendra inévitablement à produire nos Elon Musk d'aujourd'hui.

C’est du tragique manque d’imaginaire social que parle l’extrait suivant de cette nouvelle :

— « Vois le point de vue de l'ingénieur, Don. Pour arriver à la stabilité dynamique d'un appareil, tu dois sacrifier une partie de sa production d'énergie. Pour qu'il marche, tu dois le faire fonctionner à un point de stabilité dynamique très au-dessous de sa stabilité statique. Tu subis des pertes sous tous les angles, mais tu réussis à le contrôler ! »

— « Écoute, Dwight, qu'est-ce que cela a à voir avec notre problème ? »

— « Don, au cours des dix dernières années, les ingénieurs ont dû se forcer à penser en termes de systèmes en raison de l'importance de la théorie de la rétroaction. Et c'est la première fois dans l'histoire qu'on pense en termes de systèmes ! Qu'est-ce qu'une société et une civilisation sinon un système ? Alors pourquoi les ingénieurs n'en parleraient-ils pas, puisqu'ils pensent en termes de système à présent ?

» Quand tu y réfléchis sous cet angle, Don, » expliqua le jeune ingénieur, « le tout commence à prendre une signification. Notre technologie a dépassé notre civilisation ; un tas de gens s'en rendent compte aujourd'hui. Mais personne ne sait où nous en sommes sur le plan des relations interhumaines ! Quand survient un désaccord, la méthode évidente et éprouvée consiste à changer le point de vue de l'adversaire… et pour ce faire, on peut devoir abaisser son sens des valeurs. Avec bon nombre de gens, on est forcé de diminuer toutes leurs valeurs. La façon la plus élémentaire de le faire est de les tuer, de les faire cesser d'être des adversaire en les supprimant purement et simplement. Donc, pour poursuivre cette logique essentiellement enfantine, on met au point des armes de destruction massive. Un engin téléguidé, une ville. Ou ce pourrait être un engin téléguidé, un monde, si nous le souhaitions.

» Alors je remercie Dieu que nous ne puissions marcher à plein potentiel ! Nous sommes obligés de freiner notre technologie galopante jusqu'à ce que nous ayons mis au point quelques sciences humaines. Mais nous ne le ferions pas plus de nous-mêmes qu'une machine en circuit ouvert.

Cette nouvelle trouvera son pendant dans le numéro suivant de Fiction, en un article du même auteur (signé là George Harry Stine).

Rapport du PreFeG (Septembre 2023)

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Robert BLOCH

Lee CORREY


 A suivre : Galaxie n°046. 

Fiction n°051.

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