Un clic droit sur la couverture pour obtenir votre epub. |
« (…) une
époque future prend contact avec votre âge. Écoutez patiemment ; car nous qui
sommes les Derniers Hommes désirons sincèrement communiquer avec vous, membres
de la première espèce humaine. Nous pouvons vous aider et nous avons besoin de
votre aide. » (Extrait de « Les Derniers et les Premiers »
- Introduction, par Olaf Stapledon).
L’ouvrage que nous vous proposons aujourd’hui n’est pas à proprement parler un roman, bien qu’il soit une œuvre de fiction, et même de pure science-fiction. « Les Derniers et les Premiers » d’Olaf Stapledon n’est pas même un ouvrage de l’Âge d’or de la SF, mais date de 1930, d’une époque où les méfaits de la Peste Brune n’avaient pas encore ravagé l’Europe.
Il
demeure cependant considéré comme une des
bases de la SF américaine classique (dixit Serge-André Bertrand dans
les pages du n°228 de Fiction), en sa qualité de tentative d’écriture d’une Histoire du futur, non pas comme un
récit prophétique se voulant habité par une vision exacte des temps à venir,
mais plutôt comme l’élaboration d’une mythologie de l’avenir de l’humanité, sur
une vertigineuse échelle de milliards d’années.
UNE BASE DE LA SF AMERICAINE
Les
habituelles rubriques littéraires de Fiction demeurent somme toute assez
lacunaires à son sujet. Un laconique « le
légendaire Last and first men, considéré comme une des bases de la SF
américaine classique » (dans la rubrique Diagonale de Serge-André
Bertrand in Fiction n°228 de Décembre 1972, à l'occasion de sa traduction française) sera rattrapé en Mars 1973,
toujours dans la même rubrique, mais de façon un peu superficielle :
« Présence du Futur » chez Denoël a réédité un bon roman d’action de Robert Heinlein : Marionnettes humaines (un « Rayon Fantastique » de 1954), bien plus drôle à lire que le Heinlein pesant d’aujourd’hui tel qu’il se manifeste dans En terre étrangère. Cette réédition faisait suite dans cette collection à la première traduction française du roman fameux d’Olaf Stapledon (son chef-d’œuvre aux dires de ses admirateurs) : Last and first men, qui parut en Angleterre en 1930 (détail que pour une fois le copyright Denoël prend soin de préciser). Roman philosophique autant que de SF, cette œuvre est une fresque symbolique de l’histoire de l’humanité, de cycle en cycle, pendant deux mille millions d’années ! Stapledon n’était connu en France que par un roman plus mineur : Rien qu’un surhomme (« Rayon Fantastique », 1952), mais c’est un auteur qui prend place dans la lignée des grands utopistes. Pour vous donner une idée de son importance, sachez que Versins ne lui consacre pas moins de cinq pages dans son Encyclopédie : c’est vous dire ! Un dernier mot pour signaler le titre français de ce Last and first men chez Denoël : Les Derniers et les Premiers. » (Serge-André Bertrand – « Diagonales » in Fiction n°231, OPTA 3/1973)
Voyons donc ce
qu’en dit Pierre Versins dans son incontournable Encyclopédie :
« (..) cette Histoire commence en 1930, au moment où le globe tend vers l'unité. Il y aura des guerres, mais l'Humanité continuera, et si l’Europe ne prend pas part au renouveau, ce sera le lot de l'Amérique, où fleurira bientôt (en termes millénaristes, évidemment) la belle civilisation patagone, basée sur le culte de la jeunesse. Celui-ci, bientôt perverti, mène à la guerre civile, atomique, et quelques survivants seuls réchappent pour amener, dix millions d’années plus tard, la Deuxième Espèce humaine, les Deuxièmes Hommes. Une invasion martienne originale plongera de nouveau la Terre dans l’abîme, jusqu’à la naissance des Troisièmes Hommes. Et, de cataclysmes en cataclysmes, certains « voulus » par l’Homme, d’autres qui lui sont imposés par la nature, les Terriens en viendront à quitter notre Globe pour Vénus (patrie des Cinquièmes Hommes, volants), pour en arriver, de migration en migration, jusque sur Neptune où la Dix-Huitième Espèce sera confrontée au cataclysme final, l'explosion du soleil en nova. A charge pour elle de disperser, comme les spores, des semences humaines dans le Cosmos pour que l'Humanité ne périsse pas définitivement. » (in Pierre Versins – Encyclopédie de l’Utopie, des voyages extraordinaires et de la Science-Fiction, p.829, L’Âge d’homme, 1972)
Difficile, semble-t-il, de passer longtemps à côté de Stapledon pour tout lecteur passionné de SF (et nous ne cacherons pas que ce fut notre cas). Si dans le genre les Histoires du Futur sont relativement nombreuses (Robert Heinlein, bien sûr, mais aussi Isaac Asimov et son cycle Fondation, mais encore Les Seigneurs de l’Instrumentalité de Cordwainer Smith, ou Les galaxiales de Michel Demuth), Stapledon a toutefois le mérite d’ouvrir le grand ballet cosmique, fort de sa formation philosophique, ce qui ne gâte rien, et d’une rigueur intellectuelle qui force le respect – au détriment peut-être du simple divertimento que présuppose l’exercice.
« Quand vos écrivains font un roman sur l’avenir, ils imaginent trop facilement qu’il y aura progrès vers quelque forme d’utopie, où des êtres semblables à eux vivront dans une félicité sans mélange en des circonstances parfaitement adaptées à une nature humaine immuable. Je ne vais pas décrire un tel paradis. » (Introduction)
Stapledon
n’attend pas pour donner le ton ; il ne s’agit pas pour lui de s’aveugler
aux lueurs illusoires de l’imagination (et donc de faire œuvre de fiction
pure), mais de patiemment dessiner les grandes lignes d’un avenir probable, en
partant des principes historiques qu’avaient pu élaborer des penseurs comme ses
contemporains Toynbee ou Spengler. Partant de l’état du monde,
de l’Europe tout d’abord, au début des années 30 (soit juste après la Crise
économique), Stapledon déploie une vision plus philosophique que matérialiste
des temps à venir, à la façon d’un Herbert
George Wells, mais sans avoir recours aux expédients habituels du
genre : personnages, péripéties, ou géographies aux nomenclatures exotiques.
« Le communisme et un matérialisme naïf devinrent les dogmes de la croisade d’une nouvelle église athée. Toute critique fut abolie, plus rigoureusement même que semblables critiques dans les autres pays ; et l’on apprit aux Russes à se considérer comme les sauveurs de l’humanité. Par la suite, cependant, comme l’isolement économique commençait à entraver le développement de l’état bolchevique, la nouvelle culture s’adoucit, fut d’esprit plus large. Peu à peu les relations économiques avec l’Ouest reprirent et s’accrurent. » (1.III. L’Europe après la guerre anglo-française.)
Qui
aurait pu déterminer avec un demi-siècle d’avance le moment de l’histoire
soviétique appelée Perestroïka ?
On
peut citer un autre exemple de la justesse de la vision de Stapledon avec celui
de la Chine. En 1930, la Chine est déchirée par une guerre civile entre
nationalistes et communistes. Elle est de plus au seuil d’une longue guerre
contre le Japon. Pourtant, Stapledon a bien perçu le devenir chinois de notre
époque sans se laisser troubler par son histoire contemporaine.
« Le parti nationaliste n’était pas en fait l’âme de la Chine, mais il en était, si l’on peut dire, le système nerveux central, à l’intérieur duquel l’âme présidait comme principe directeur. Le parti était une organisation intensément pratique et cependant idéaliste, moitié administration, moitié ordre religieux, bien que violemment opposé à toute religion. Modelé à l’origine sur le parti bolchevique de Russie, il avait aussi trouvé son inspiration dans l’administration par les lettrés chinois de l’ancienne Chine, et même dans la tradition d’intégrité administrative qui avait été la meilleure, la seule contribution de l’Empire britannique à la civilisation de l’Orient. Ainsi, par une route bien à lui, le parti s’était approché de l’idéal des gouverneurs de Platon. » (3.I. Les rivales.)
Par
ailleurs, en « prédisant » la déconvenue de l’Europe, Stapledon
envisage aussi la création d’une « Confédération européenne ».
« Vue de l’extérieur, la Confédération parut d’abord étroitement unie. Mais de l’intérieur on la savait précaire, et elle se désagrégeait à chaque crise sérieuse. Il est inutile d’étudier chaque petite guerre de cette période, bien que leurs effets cumulatifs aient été graves, économiquement et psychologiquement. Cependant l’Europe devint enfin une seule nation par le sentiment, si même cette concorde fut amenée par une commune peur de l’Amérique plus que par un commun loyalisme. » (1.IV. La guerre russo-allemande.)
Stapledon
a toutefois de brillantes intuitions en la matière ; celle de la
propulsion photonique par exemple :
« (…) ce fut grâce à une découverte de la physique théorique (que les martiens) purent quitter leur planète. Ils savaient depuis longtemps que de minuscules particules des plus hautes régions de l’atmosphère pouvaient être entraînées dans l’espace par la pression des rayons du Soleil à l’aurore et au crépuscule. Et ils découvrirent finalement comment utiliser cette pression comme on utilise le vent pour naviguer à la voile. Se séparant en leurs unités ultra-microscopiques, ils arrivèrent à prendre appui sur le champ de gravitation du système solaire, comme la quille et le gouvernail prennent appui sur l’eau. » (8.III. L’esprit martien.)
CRITIQUE DU « BEHAVIORISME »
« (…) pour nous, les Derniers Hommes, il y a quelque chose de pathétique, de comique même, dans cette confusion entre le progrès matériel et la civilisation, ainsi que dans ces réalisations matérielles tant vantées, rudimentaires par rapport à celles de notre société. » (4.III. Réussite matérielle.)
On
saura lire entre les lignes : Stapledon ne s’arrête pas à un matérialisme
pur et dur pour envisager la marche de l’Histoire. Plus même, la mécanisation à
outrance des phénomènes, qu’ils soient naturels, humains, ou même simplement
physiques, ne peuvent être réduits à des équations mathématiques, à une
fascination pour l’énergie, un culte du mouvement pour le mouvement. Et c’est en
philosophe qu’il considère l’essor de l’influence matérialiste, ou plus
exactement productiviste, sur le restant de son Siècle :
« L’Amérique affirmait avoir dépassé le nationalisme et favoriser une union politique et culturelle mondiale. Mais elle concevait cette union comme dominée par l’organisation américaine, et par culture elle entendait l’américanisme. Cette sorte de cosmopolitisme était regardé sans bienveillance par l’Asie et l’Afrique. La Chine avait fait des efforts concertés pour purger sa culture des éléments étrangers. Le succès, cependant, n’avait été que superficiel. Les nattes et les baguettes étaient redevenues à la mode parmi les désœuvrés, et l’étude des classiques chinois était une fois de plus obligatoire dans les écoles. Pourtant le mode de vie de l’homme moyen resta américain. Non seulement il utilisait l’argenterie, les chaussures, les phonographes, les appareils ménagers américains économisant le travail, mais son alphabet était européen, son vocabulaire envahi d’argot américain, ses journaux et sa radio à la mode américaine, bien qu’anti-américains quant à la politique exprimée. Il voyait chaque jour sur son écran de télévision tous les aspects de la vie privée américaine et tous les événements publics d’Amérique. Au lieu d’opium et de baguettes, il avait adopté la cigarette et la gomme à mâcher.
Sa pensée était aussi en grande partie une variante de l’américaine. Pour donner un exemple, son esprit n’était pas métaphysique, mais comme une certaine forme de métaphysique est inévitable, il avait adopté celle naïvement matérialiste popularisée par les premiers behavioristes. Selon eux, la seule réalité est l’énergie vitale et l’esprit n’est que le système des réactions corporelles aux stimuli. Le behaviorisme avait autrefois joué un grand rôle en purgeant de leur superstition les esprits occidentaux ; un instant ç’avait même été le principal foyer de développement de la pensée.
Cette ancienne doctrine, lourde de possibilités, mais extravagante, avait été absorbée par la Chine. Or, dans son pays natal, le behaviorisme s’était lentement laissé corrompre par la demande générale d’idées confortables. Il s’était finalement transformé en une curieuse sorte de spiritualisme, selon laquelle, si l’ultime réalité était bien l’énergie physique, elle était identifiée avec l’esprit divin. Ce qu’offrait de plus étonnant la pensée américaine de l’époque était un mélange de behaviorisme et de fondamentalisme, christianisme tardif et dégénéré. Le behaviorisme lui-même n’avait été à l’origine qu’une sorte de puritanisme à l’envers, selon lequel le salut impliquait l’acceptation d’un dogme matérialiste sommaire, surtout parce qu’il répugnait aux pharisiens et était inintelligible pour les intellectuels des écoles antérieures. Les anciens puritains foulaient aux pieds les impulsions de la chair, ces nouveaux puritains foulaient aux pieds tout aussi hypocritement les besoins de l’esprit. Mais dans la tendance de plus en plus spiritualiste de la physique elle-même, les behavioristes et les fondamentalistes avaient trouvé un point de rencontre. Étant donné que la substance fondamentale de l’univers physique était, disait-on à présent, de multiples et arbitraires « quanta » d’« action spirituelle », comme il était facile aux matérialistes et aux spiritualistes de s’entendre ! Au fond, d’ailleurs, ils n’étaient jamais très éloignés par le sentiment, bien que de doctrines opposées. La seule vraie séparation était celle entre le point de vue authentiquement spirituel, et le point de vue spiritualiste et matérialiste. Ainsi les plus matérialistes des sectes chinoises et les plus doctrinaires des sectes scientifiques ne furent-elles pas longues à découvrir une formule pour exprimer leur unité de vues, leur refus de toutes ces capacités plus subtiles qui avaient émergé pour être l’esprit de l’homme.
Ces deux croyances s’unissaient en leur respect pour le grossier mouvement physique. Et c’était là que se trouvait la plus profonde différence entre les esprits américains et chinois. Pour les premiers, l’activité, sous n’importe quelle forme, était une fin en soi ; pour les seconds l’activité n’était qu’un mouvement vers la véritable fin, qui était le repos et la paix de l’esprit. L’action n’était entreprise que si l’équilibre était troublé. À cet égard, la Chine était semblable à l’Inde, toutes deux préféraient la contemplation à l’action. » (3.I. Les rivales.)
La conclusion de cette mentalité paraît couler de source :
« La richesse était le pouvoir de faire mouvoir choses et gens ; en Amérique, elle en vint donc à être regardée comme le souffle de Dieu, l’esprit divin immanent en l’homme. Dieu était le Patron suprême, l’Employeur universel. » (3.I. Les rivales.)
Et plus loin :
« Dieu est l’universel esprit du mouvement qui cherche à s’actualiser partout où il est latent. Dieu a désigné le grand peuple américain pour mécaniser l’univers. » (3.III. Sur une île du pacifique.)
PANTROPIE
Très
vite dans l’ouvrage, ces concepts très proches de nos propres considérations
politiques et morales sont balayés par des perspectives temporellement de plus
en plus étendues. Et c’est là que Stapledon s’en donne à cœur joie, bien
qu’avec rigueur. A l'évolution naturelle fruit de ces millions d'années s'additionne,
entre autres, un débat entre la terraformation
et la pantropie, concept novateur
que James Blish élaborera davantage en 1957 dans son cycle de
nouvelles « Semailles
humaines » (voir Fiction
n°45).
« Il était temps que l’homme devînt maître de lui-même et se remodelât selon un plus noble modèle. À cette fin, on mit sur pied deux grands projets : des recherches sur la nature humaine idéale, et des recherches sur les moyens pratiques de refaire la nature humaine. » (7.III. Le deuxième homme à son zénith.)
Ce concept de pantropie, signifiant « métamorphose totale », s’il nous guidera tout droit vers notre actuelle conception plus moderne du transhumanisme, n’est toutefois pas l’invention de Blish. Certainement initié en 1927 avec la nouvelle The Last Judgment, de J.B.S. Haldane - où « Le narrateur est un lointain descendant des premiers colons terriens sur Vénus : «Il n'était possible, pour l’humanité, de s'établir sur Vénus que si elle était capable de supporter la chaleur et le manque d’oxygène qui caractérisaient la planète, et ce but ne pouvait être atteint que par une évolution délibérée dans le sens qu’avaient connu les premiers Terriens. » (cité in Pierre Versins – « Encycloédie de l’Utopie, des voyages extraordinaires et de la Science-Fiction », l’Âge d’homme 1972) - la pantropie, qui n’est pas encore nommée ainsi par Stapledon, prend bien, dans « Les Derniers et les Premiers », un tour scientifiquement concret. Vingt-cinq ans plus tard, James Blish ne fera qu’y apporter, après Clifford D. Simak, une dimension politique, voire morale.
Stapledon
écarte la polémique non pas sous l’argument, au fond idéologique, d’une
nécessité historique, mais plutôt comme une tendance inhérente à l’espèce
humaine, un mouvement qui, quoi qu’on en pense, finira par s’imposer dans le
champ des possibilités scientifiques.
« Il y avait encore un autre groupe aux buts différents. L’homme, disaient-ils, était un très noble organisme. Nous avons changé d’autres organismes pour mettre en valeur leurs plus nobles attributs. Il est temps de faire de même avec l’homme. Ce qui distingue l’homme avant tout, c’est la manipulation intelligente, le cerveau et la main. La main, à vrai dire, est surclassée par les machines modernes, mais le cerveau ne le sera jamais. Il faut donc uniquement s’attacher à développer le cerveau, la coordination intelligente du comportement. Toutes les fonctions organiques qui peuvent être accomplies par des machines doivent être laissées aux machines, pour que la vitalité de l’organisme puisse être entièrement consacrée au développement et au travail du cerveau. Il nous faut produire un organisme qui ne soit pas un simple agrégat d’éléments, souvenirs inutiles de ses ancêtres primitifs, précairement dirigé par une lueur d’intelligence, il nous faut produire un homme qui ne soit qu’homme. Quand nous l’aurons fait, nous pourrons, si nous le voulons, lui demander de découvrir la vérité sur l’immortalité. Nous pourrons également lui abandonner sans danger la direction des affaires humaines.
La caste gouvernante était fortement opposée à cette façon de voir. Elle déclara que si l’on réussissait, on ne reproduirait qu’un être des plus inharmonieux dont la nature violerait tous les principes de l’esthétique vitale. L’homme, dit-elle, était essentiellement un animal, bien qu’avec des dons uniques. Il fallait développer toute sa nature et non seulement une faculté aux dépens des autres. Dans ces discussions, elle était probablement influencée en partie par la crainte de perdre son autorité, mais ses arguments étaient valables et la majorité de la communauté se rallia à eux. Néanmoins un petit groupe parmi les gouvernements eux-mêmes, resta déterminé à mener à bien cette entreprise en secret. (10.IV. Des points de vue contradictoires.)
« Il fallait ou bien refaire la nature de l’homme pour qu’elle s’adaptât à une autre planète, ou modifier les conditions de vie sur une autre planète pour qu’elles convinssent à la nature humaine. » (12.III. Voyages dans l’espace.)
Mais
la terraformation pose, comme dans toute histoire de colonisation, la question
morale du devenir des espèces, des civilisations, natives et légitimes. Après
avoir elle-même subi les tentatives d’invasions martiennes, l’espèce humaine,
contrainte de déménager, découvre sur
la voisine Vénus une espèce intelligente qui risque de ne pas survivre à la
terraformation de la planète…
« Les hommes de la cinquième espèce eurent donc à faire face à un sérieux problème moral. Quel droit avait l’homme de toucher à un monde déjà possédé par des êtres évidemment intelligents, si même leur vie mentale lui était incompréhensible ? Longtemps auparavant, l’homme lui-même avait souffert de par les envahisseurs martiens, qui se considéraient sans aucun doute comme plus nobles que l’espèce humaine. Et à présent, l’homme était en train de commettre le même crime. D’autre part, ou la migration sur Vénus avait lieu, ou l’humanité périrait, car il paraissait certain à présent que la Lune tomberait en morceaux sur la Terre à une date pas tellement éloignée. Et bien que l’homme n’eût des Vénusiens qu’une compréhension limitée, ce qu’il savait d’eux montrait qu’ils lui étaient très inférieurs quant à la portée de l’intelligence. Ce jugement pouvait être erroné. Les Vénusiens étaient peut-être tellement supérieurs à l’homme que l’homme ne pouvait même entrevoir leur supériorité. Mais cet argument pourrait aussi s’appliquer à la méduse et aux micro-organismes. Il fallait juger selon les preuves qu’on avait à sa disposition. Et dans la mesure où l’homme pouvait porter un jugement en la matière, il était nettement d’un type supérieur à celui du Vénusien. » (12.IV. Aménagement d’un monde nouveau.)
On le constate bien ici, ce n’est pas un récit moral, une utopie, que vise Stapledon, mais bel et bien une recherche du déroulement nécessaire des événements historiques guidés par le désir de l’espèce de survivre.
L’AUTEUR : Olaf William STAPLEDON
(1886-1950)
Olaf William STAPLEDON
(1886-1950)
« Les Derniers et les Premiers » s’ouvre dans toutes ses éditions francophones par un avant-propos de Brian Aldiss, daté de
1962, qui évoque l’influence de Stapledon sur les auteurs de science-fiction de
la seconde moitié du XXème Siècle. Plutôt que ce beau texte, nous ne résistons pas à proposer, pour vous présenter ce philosophe et auteur britannique, l’intégralité de la préface à « Créateur d’étoile » (le chef d'oeuvre de Stapeldon aux dires de ses connaisseurs), préface écrite
par l’incomparable Jorge Luis
Borges :
(1886-1950)
OLAF STAPLEDON - LE FAISEUR D'ÉTOILES
Ce n'est que vers 1930, à quarante ans bien passés, que William Olaf Stapledon aborda, pour la première fois, l'exercice de la littérature. C'est à cette initiation tardive qu'il doit de n'avoir pas acquis certains procédés du métier mais d'avoir échappé à certaines déformations. L'analyse de son style, marqué par l'abus de mots abstraits, laisse supposer qu'avant de se mettre à écrire il avait lu beaucoup de philosophie et peu de romans ou de poèmes. Quant à son caractère et à sa destinée, mieux vaut le laisser parler :
« Je suis un saboteur de naissance, protégé (ou abruti?) par le système capitaliste. C'est maintenant seulement, après un demi-siècle d'efforts, que je commence à savoir me tirer d'affaire. Mon enfance a duré près de vingt- cinq ans; elle a été marquée par le canal de Suez, mon petit village d'Abbotsholm et mes années d'université à Oxford. J'ai essayé différentes carrières et périodiquement j'ai dû les fuir devant l'imminence d'un désastre. Instituteur, j'apprenais par cœur des chapitres entiers de l'Écriture la veille de la leçon d'histoire sainte. Dans un bureau de Liverpool j'ai abîmé des inventaires de cargaisons; à Port-Saïd, j'ai laissé en toute innocence des capitaines charger plus de charbon qu'il n'était stipulé. Je me proposai de faire l'éducation du peuple; des mineurs et des employés des chemins de fer m'apprirent plus de choses qu'ils n'en apprirent de moi. La guerre de 1914 trouva en moi un pacifiste. Sur le front français, je conduisis une ambulance de la Croix-Rouge. Par la suite: un mariage romantique, des enfants, l'habitude et l'amour du foyer. Je m'aperçus soudain, à trente-cinq ans, que j'étais resté, malgré mon mariage, un adolescent. Je passai péniblement et tardivement d'un état larvaire à un semblant de maturité. Deux expériences ont compté dans ma vie : celle de la philosophie et celle du tragique désordre de la ruche humaine… Aujourd'hui, alors que j'aborde le seuil de l'âge mental adulte, je constate et j'en souris que j'ai déjà un pied dans la tombe. »
La métaphore banale de cette dernière ligne montre bien le peu d'importance que Stapledon attache au style littéraire, mais elle est une preuve de son imagination débridée. Wells mêle ses monstres, ses Martiens tentaculaires, son homme invisible, son peuple souterrain et aveugle à des gens ordinaires; Stapledon, lui, construit et décrit des mondes imaginaires avec la précision d'un naturaliste et presque autant de sécheresse. Toute incidence humaine est exclue de ses fantasmagories biologiques.
Dans une étude sur Eureka d'Edgar Allan Poe, Valéry a observé que la cosmogonie est le plus ancien des genres littéraires; mis à part les anticipations de Bacon, dont on publia au début du XVIè siècle La Nouvelle Atlandide, on peut affirmer que ce qu'il y a de plus moderne dans la littérature c'est la fable ou fantaisie d'inspiration scientifique. On sait qu'Edgar Poe aborda séparément ces deux genres et qu'il est sans doute l'inventeur du second ; Olaf Stapledon combine ces deux genres dans ce livre singulier. Pour cette exploration imaginaire du temps et de l'espace, il n'a pas recours à de vagues mécaniques peu crédibles, mais bien à la fusion d'un esprit humain avec d'autres esprits, à une sorte d'extase lucide ou, si l'on préfère, à une variante d'une certaine doctrine célèbre des kabbalistes qui supposaient que dans le corps d'un homme pouvaient cohabiter plusieurs âmes, comme elles cohabitent dans le corps de la femme sur le point d'être mère. La plupart des confrères de Stapledon semblent arbitraires et superficiels; lui, en revanche, donne l'impression d'être véridique, malgré ce qu'il peut y avoir d'étrange et parfois de monstrueux dans ses récits. Il n'accumule pas des inventions pour amuser ou étonner ceux qui le liront; il suit et consigne avec une honnêteté rigoureuse les sombres et complexes vicissitudes d'un rêve cohérent.
Puisque notre esprit est friand, on ne sait trop pourquoi, de chronologie et de précisions géographiques, nous ajouterons que ce rêveur d'univers naquit à Liverpool le 10 mai 1886 et qu'il est mort à Londres le 6 septembre 1950. Pour notre sensibilité actuelle, Le Faiseur d'étoiles est plus qu'un roman prodigieux, c'est une représentation possible et vraisemblable de la pluralité des mondes et de leur dramatique histoire.
Jorge Luis Borges
Toujours par Borges, nous avons aussi trouvé ce compte-rendu des « Derniers et les Premiers », publié le 23 juillet 1937 dans la revue El Hogar. Il n’y va pas par quatre chemins pour pointer les insuffisances littéraires de Stapeldon, mais demeure tendrement ému par l’ampleur du travail fourni :
« Olaf Stapledon, insurpassable dans le maniement des siècles et des générations, rate tout dès qu’il s’agit d’individus ou d’instants. Il ne sait pas résoudre les problèmes concrets du romancier mais il sait poser ou suggérer de vagues et vastes problèmes ».
Et encore le 20 août 1937,
parlant de son roman Star Maker : «
Stapledon, tellement inférieur à Wells comme écrivain, dépasse celui-ci par le
nombre et la complexité de ses inventions ». H.P. Lovecraft, quant à lui, tenait
ce livre comme « le plus grand accomplissement dans le genre de la
scientifiction » (« the greatest of all achievements in the
field [of] scientifiction »), lui trouvant « la
qualité première d’un mythe » (« the truly basic quality of a
myth »). (sources citées in https://diacritik.com/2021/09/27/une-bible-du-futur-les-derniers-et-les-premiers-dolaf-stapledon-retrofictions-v/).
C’est encore Borges qui
nous permettra de « résumer » la matière des Derniers et les
Premiers : « des hommes
d’autrefois à vision circulaire, et non semi-circulaire comme maintenant, des
races gazeuses qui vénèrent la matière et qui ont pour dieux les durs diamants,
des armées d’automates qui dévastent impunément les continents, des générations
qui recherchent la douleur physique, des croisades pour sauver le passé, des
sous-hommes réduits en esclavage par des supers-singes, des communautés où
l’essentiel est la musique, de vastes cerveaux installés dans des tours
métalliques, des espèces humaines conçues et réalisées par ces cerveaux
sédentaires, des fabriques d’animaux et de plantes, des yeux qui voient
les astres dans leur masse ». (cité in https://diacritik.com/2021/09/27/une-bible-du-futur-les-derniers-et-les-premiers-dolaf-stapledon-retrofictions-v/)
INSPIRATIONS ET INFLUENCES
Pour
le simple plaisir, nous vous proposons ces quelques extraits qui ne manqueront
pas de vous rappeler certains grands classiques de la SF, antérieurs à
Stapledon pour les deux premiers extraits, postérieur pour le suivant qui
pointe la possibilité des influences exercées par cet auteur.
« (…) au fur et à mesure que s’écoulait le temps la différence mentale entre les deux classes s’accrut. Les brillantes intelligences se firent de plus en plus rares parmi le prolétariat et les dirigeants recrutèrent de plus en plus leurs successeurs parmi leur propres enfants, jusqu’à ce qu’ils devinssent enfin une caste héréditaire. Le gouffre s’approfondit. Les gouvernants perdirent peu à peu tout contact avec les gouvernés. Ils commirent une erreur qui n’eût jamais pu se produire si leur psychologie avait progressé autant que leurs autres sciences. Ayant continuellement à faire face au manque d’intelligence de leurs ouvriers, ils en vinrent à les traiter de plus en plus comme des enfants et à oublier que quoique simples, ils étaient des hommes et des femmes adultes qui avaient besoin de se sentir leurs libres partenaires dans une grande entreprise humaine. Auparavant, cette illusion de responsabilité avait été assidûment encouragée. Mais comme s’approfondissait le gouffre les prolétaires furent traités comme des enfants en bas âge plutôt que comme des adolescents, plutôt comme des animaux domestiques bien soignés que comme des êtres humains. Ils furent de plus en plus soumis à un système de vie organisé minutieusement, mais avec bienveillance. En même temps on se soucia de moins en moins de leur enseigner à s’élever à la compréhension et l’appréciation de l’entreprise humaine. En ces circonstances, le caractère des hommes changea. Bien que leurs conditions de vie fussent meilleures que jamais, sauf sous le premier État mondial, ils devinrent apathiques, mécontents, méchants et ingrats envers leurs supérieurs. » (5.IV. La catastrophe.)
Stapledon reprend ici l'idée de Welles, dans "La machine à explorer le temps", de cette scission de l'humanité en deux espèces : les Eloïs et les Morlocks.
L’extrait suivant
évoque "Le nuage pourpre"
de M.P. Shiel (1901).
« Par un de ces fameux tours du hasard, aussi souvent favorable qu’hostile à l’humanité, un navire qui explorait l’Antarctique venait de s’enfoncer dans la banquise pour dériver longtemps à travers la mer polaire. Il avait des provisions pour quatre ans et était déjà en mer depuis six mois quand la catastrophe se produisit. » (6.I. Les premiers hommes aux abois.)
On
imagine Pierre Boulle très inspiré par ce troisième passage :
« (…) on vit les singes rassembler des troupeaux entiers de presque-humains et les emmener hors d’atteinte. On remarqua aussi que ces presque-humains domestiqués ne souffraient point des maladies qui ravageaient leurs parents sauvages, lesquels bien entendu méprisaient cordialement les pauvres esclaves sains. » (7.II. Rapports entre trois espèces.)
Dix
ans après Les Derniers et les Premiers,
Robert Heinlein commencera à son tour son "Histoire du futur", certes
avec moins d'ambition quant à l'amplitude temporelle, mais certainement pétri
du travail de Stapledon.
COMME POUR CONCLURE…
Comment
Stapledon écrivain, producteur de livres, perpétuateur de la pensée,
envisageait-il l’avenir du livre lui-même ? Ce passage y répond :
« (…) le visiteur venu d’un monde obsédé par la richesse matérielle remarquerait probablement la simplicité, l’austérité même, qui caractérisent la plupart des maisons individuelles.
Il serait sans aucun doute surpris de ne pas voir de livres. Dans chaque pièce, cependant, se trouve une armoire pleine de bobines de bandes minuscules, sur lesquelles sont enregistrés des signes microscopiques. Chacune de ces bobines contient de quoi remplir plus de vingt de vos volumes. On s’en sert à l’aide d’un instrument de poche, de la taille et de la forme de l’antique étui à cigarette. Quand on y insère la bobine, elle se déroule à la vitesse voulue et interfère systématiquement avec des vibrations produites par l’instrument. Ainsi naît un flot de langage « télépathique » qui pénètre dans le cerveau du lecteur. Ce moyen d’expression est si délicat et si direct qu’il n’y a presque aucune possibilité de se méprendre sur les intentions de l’auteur. Il faut également dire que les bobines elles-mêmes sont enregistrées par un autre appareil spécial, ondes cérébrales de l’auteur. Non qu’il donne une simple reproduction du courant de conscience de cet auteur, il n’enregistre que les images et les idées que ce dernier y « inscrit » délibérément. Je puis aussi mentionner que ces « livres » ne sont pas utilisés pour la reproduction de simples pensées éphémères, puisque nous pouvons à tout moment communiquer par « télépathie » directe avec n’importe quelle personne de la planète. Chacun ne conserve que le grain battu et trié de la moisson recueillie par l’esprit. » (15.II. Enfance et maturité.)
« En influençant des individus choisis, nous cherchons à influencer indirectement la multitude. Mais notre second mobile est très différent. Nous voyons l’histoire de l’Homme sur les planètes, ses patries successives, comme un processus d’une très grande beauté. Il est loin d’être parfait, mais il est très beau, de la beauté de l’art tragique. Il se révèle que cette belle chose demande que nous agissions en divers points de son passé. D’où notre volonté d’agir.
Malheureusement nos premiers efforts inexpérimentés furent désastreux. Beaucoup de ces sottises que les hommes de tous les âges ont eu tendance à attribuer à l’influence d’esprits désincarnés, les dieux, les démons ou les morts, ne sont que le charabia résultant de nos premières expériences. Et ce livre, si admirable, tel que nous l’avions conçu, est sorti du cerveau de l’écrivain, votre contemporain, en un tel désordre qu’il est en grande partie un tissu d’absurdités. » (16.II. Conduite des condamnés.)
Laissons au Dernier-né de l’humanité l’honneur de conclure ce long billet qui vous aura, nous l’espérons, persuadés de tenter l’aventure des milliers de millions d’années à venir.
« L’homme lui-même est pour le moins musique, un thème vaillant et beau qui transforme en musique son immense accompagnement, sa matrice de tempêtes et d’étoiles. L’homme lui-même, selon son rang, est éternellement une beauté dans la forme éternelle de l’univers : quelle bonne chose d’avoir été l’Homme. Ainsi pouvons-nous donc nous avancer ensemble vers la fin, la joie et la paix dans nos cœurs, en nous félicitant du passé et de notre propre courage. Car après tout nous ferons une belle conclusion à cette brève musique qu’est l’homme. » (16.III. Épilogue.)
A noter : une adaptation vidéo de la dernière partie du livre est disponible chez nos formidables archivistes de l'UFSF ici, ou jusqu’en avril 2024 sur le site de Arte-TV ici.
Réalisé par le musicien Johann Johannsson, son album Last and first men peut également être écouté ici, et augmentera allègrement le plaisir de votre lecture.
Rapport du
PReFeG :
- Relecture
- (Rares) corrections orthographiques et grammaticales
- Notes (1b), (5b) et (5c) ajoutées.
- Vérification
et mise à jour des liens internes
- Mise au
propre et noms des fichiers html
- Mise à
jour de la Table des matières
- Mise à
jour des métadonnées (auteurs, résumé, date
d'édition, série, collection, étiquettes)
Autres ouvrages de Olaf STAPLEDON
Romans :
· Les Derniers hommes à Londres (roman, science-fiction) Last Men in London, 1932
Traduction de Claude SAUNIER, DENOËL Coll. Présence du futur n° 195, 5/1975
· Rien qu'un surhomme (roman, science-fiction) Odd John: A Story Between Jest and Earnest, 1935
Traduction de Amélie AUDIBERTI, HACHETTE / GALLIMARD Coll. Le Rayon fantastique n° 11, 9/1952
· Créateur d'étoiles (roman, science-fiction) Star Maker, 1937
Traduction de Brigitte ANDRÉ, PLANÈTE, 11/ 1966
· Sirius (roman, science-fiction) Sirius: A Fantasy of Love and Discord, 1944
Traduction de Christian FOURNIER, DENOËL Coll. Présence du futur n° 212, 4/1976
Nouvelle :
· Un magicien moderne (Nouvelle, The Magazine of Fantasy & Science Fiction, juillet 1979) A Modern Magician, 1979
in Fiction n° 367, OPTA 10/1985
A l’occasion de cette publication en 1985, Fiction y ajoute cette POSTFACE de Sam Moskowitz (Traduit par Jacques Barret).
Quand un grand écrivain meurt, on se livre à des recherches dans ses papiers, dans l’espoir de découvrir des textes inédits, voire des manuscrits inachevés, des fragments, des notes, des lettres. Ce fut notamment le cas d’Edgar Poe, et plus récemment le cas de H.P. Lovecraft. Chaque manuscrit inédit se révèle d’une importance capitale : il complète l’image littéraire et humaine de son auteur. L’homme est déjà célèbre, mais le manuscrit inconnu que l’on vient de découvrir ajoute de la profondeur et de la clarté à l’œuvre déjà notoire.
La plupart des historiens et critiques de science-fiction s’accordent à reconnaître que Olaf Stapledon était l’un des plus grands esprit, l’une des plus grandes imaginations de ce genre littéraire. Son premier ouvrage, Last and first men (1930), est un texte épique qui relate l’histoire de l’humanité, depuis les années 30 jusqu’au second milliard d’années suivant. On y voit les humains évoluer physiquement, mentalement, progresser scientifiquement changer socialement et avancer dans le domaine de la philosophie et dans celui des beaux-arts. Star maker (1937) considère ces deux milliards d’années comme un épisode passager et décrit l’histoire à venir de tout l’univers tout entier !
À partir de ces deux ouvrages, les auteurs de science-fiction moderne ont perfectionné l’univers du futur avec ses empires galactiques, la vie symbiotique, une communauté cosmologique, des histoires qui mêlent à la fois la psychologie, la philosophie des extraterrestres et l’action. On peut considérer que ces deux livres auront influencé des écrivains aussi célèbres et aussi divers que Robert A. Heinlein, Arthur C. Clarke, Isaac Asimov, A.E. Van Vogt, Clifford D. Simak, Eric Frank Russel et C.S. Lewis, pour n’en citer que quelques-uns.
La découverte récente de quelques textes inconnus de littérature fantastique dans les papiers d’un tel homme est un extraordinaire sujet d’intérêt. Ces dernières années, une société Olaf Stapledon a été fondée en Angleterre et la femme de ce dernier, Agnes Stapledon, en est la présidente. Elle a conservé son bureau dans l’état où il était au moment de la mort de son mari : ses livres, ses notes et les autres papiers sont intacts. Les recherches de certains membres de la société ont permis de découvrir des ouvrages de philosophie ou de science-fiction inédits, et deux d’entre eux ont été publiés en Angleterre par Brans Head. Ce son 4 Encounters, une suite d’essais philosophiques sous forme de textes de fiction et Nebula maker, un brouillon qui devait devenir Star maker. En projet, mais sans date précise, un volume d’articles sur Olaf Stapledon qui, s’il est publié, comprendra une nouvelle et plus précise biographie, que j’ai rédigée moi-même après des visites chez lui, des interviewes de sa femme et son « beau-fils », et un volume de quatre textes fantastiques, dont trois encore inédits. Un magicien moderne est l’une des nouvelles du dernier volume en question ; c’est la première fois qu’il est publié. Ce n’est pas un essai philosophique, mais l’histoire d’un homme qui développe ses propres pouvoirs supranormaux sans posséder assez de maturité pour les diriger. L’argument de toute l’histoire, et plus particulièrement les références aux physiciens atomistes en font un texte des dernières années de Stapledon (de toute évidence à 1945), peut-être même de la fin de sa vie (1950). Le fait que trois de ces textes n’aient pas été mis en publication avant cette époque accrédite la thèse selon laquelle Stapledon avait commencé à composer un volume de nouvelles, toutes fantastiques, et l’avait abandonné ; ou la mort était venue le surprendre avant qu’il l’eût terminé.
Prochain bonus : Harry Dickson - une intégrale, volume 2 : 1934.
Merci beaucoup pour cette présentation très complète qui constitue un véritable dossier.
RépondreSupprimerJ'en profite pour vous féliciter pour l'ensemble de vos articles ; je ne suis pas forcément d'accord avec tout mais c’est toujours fort intéressant.
Keep up the good work comme on dit chez nos amis anglosaxons !
Merci beaucoup Philippe from France pour vos encouragements.
SupprimerNous sommes ici toujours friands de polémiques cordiales, aussi pouvez-vous vous saisir de cet espace de commentaires pour faire état de vos points de vues ; cela ne pourra qu'étoffer encore davantage la connaissance scientifictionnesque et préciser la nature des débats profonds qui sous-tendent le genre (voire les genres de l'imaginaire en général).
Au plaisir de confronter amicalement nos avis, donc...
Amitiés.