01 mai, 2024

Fiction n°065 - Avril 1959

De nombreux textes restés inédits depuis, signés Leigh Brackett, Damon Knight, ou encore Poul Anderson, excusez du peu ! Et une nouvelle de Robert Bloch primé au Prix Hugo 1959 de la nouvelle en mignardise de choix...

Un clic de baguette magique sur la salamandre, un !

 Sommaire du Numéro 65 :


NOUVELLES

 

1 - Leigh BRACKETT, Les Immigrants (The Queer Ones, 1957), pages 3 à 37, nouvelle, trad. Roger DURAND *
2 - Robert BLOCH, Le Train pour l'Enfer (That Hell-Bound Train, 1958), pages 38 à 50, nouvelle, trad. Roger DURAND
3 - Kenneth BULMER & Damon KNIGHT, Le Jour où tout s'écroula... (The Day Everything Fell Down, 1957), pages 51 à 56, nouvelle, trad. CATHERINE *
4 - DODY, Réflexion, pages 57 à 61, nouvelle *
5 - Mildred CLINGERMAN, La Petite sorcière (The little witch of Elm Street, 1957), pages 62 à 70, nouvelle, trad. Régine VIVIER *
6 - Gérard KLEIN, Le Condamné, pages 71 à 72, nouvelle
7 - Chad OLIVER, Culbute dans le temps (Pilgrimage, 1958), pages 73 à 88, nouvelle, trad. Roger DURAND
8 - Thomas OWEN, Et la vie s'arrêta..., pages 89 à 94, nouvelle
9 - Poul ANDERSON, Sus à la salamandre ! (Operation Salamander, 1957), pages 95 à 119, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE *

 

CHRONIQUES


10 - Aimé MICHEL, Les Laboratoires battus par les colliers magiques, pages 121 à 123, article
11 - (non mentionné), Notre référendum - Résultats du mois de février, pages 123 à 123, chronique
12 - Gérard KLEIN & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 125 à 129, critique(s)
13 - Jacques BERGIER & Serge HUTIN & Gérard KLEIN, Vu et lu..., pages 130 à 132, article
14 - F. HODA, Monstres et vampires, pages 133 à 135, article
15 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 138 à 144, article

 

* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.


De nombreuses péripéties pour Les immigrants, histoire de Leigh Brackett qui fera écho avec notre monde contemporain, les USA forclos à l'immigration et les clandestins malgré eux embarqués dans un odieux trafic. Ici, l'invasion extraterrestre qui cache une malheureuse xenophobie devient un plan de malfrats à l'échelle interplanétaire.

On pourrait croire à une nouvelle histoire de pacte avec le diable, et son lot d'entourloupes, mais dans Le Train pour l'Enfer, mais le véritable sujet de cette bonne nouvelle de Robert Bloch est "la poursuite du bonheur".

Le jour ou tout s'écroula porte le constat que les femmes sont le mortier intime de toutes les constructions humaines... Avec beaucoup d'humour absurde de la part de Kenneth Bulmer et Damon Knight.

"(...)de l'autre côté du miroir, on trouve toujours le pays dont on rêve inconsciemment et que, dans ce pays, on se voit et on vit tel qu'on est réellement dans son essence propre." Un bon petit récit que Réflexion, par Dodysur les êtres contrariés par la banalité du quotidien.

Pour plus d'info sur l'artiste peintre Dody : https://www.coollibri.com/bibliotheque-en-ligne/veronique-luu/dody_179686

Une histoire au ton très enlevé, La petite sorcière, par Mildred Clingermanau sujet là aussi de la nature profonde des êtres entravée parfois par la scérosante vie quotidienne. Mais ici, c'est un démon qui joue les anges libérateurs.

On se rappelle l'histoire du soldat combattant métaphysiquement des puissances morbides (signée Albert Ferlin dans n°64). Gérard Klein décrit dans Le condamné un autre type de combat, tout autant métaphysique, mais voué à l'échec.

Chad Oliver, qui reprend la loi d'équivalence déjà rencontrée chez Poul Anderson ("Un travail de romain" - Fiction n°52) ou William Tenn ("Winthrop aimait trop le XXVème siècle" - Galaxie n°50) comme quoi "certains contemporains devaient alors être expédiés pour remplacer [les voyageurs du temps], en remontant le cours du Temps.", traite dans Culbute dans le temps du leurre de croire en un âge d'or révolu. Chad Oliver fait la démonstration qu'on ne peut justifier les choix pour le présent à l'aune des représentations du passé.

De l'ambiance, quelques portraits, mais rien de plus dans Et la vie s'arrêta,  texte mineur de Thomas Owen.

On pourrait imaginer J. K. Rowling lire Sus à la Salamandre ! de Poul Anderson et imaginer l'école des sorciers de Harry Potter ainsi que les matches de Quidditch. Quoi qu'il en soit, cette histoire est un peu plus futile que les autres, et malgré beaucoup d'action peut être un peu lassante.



On ne présente plus Pierre Versins et son impressionnate volonté de constituer un musée de la science-fiction. L'endroit existe bel et bien grâce à lui et à sa femme Martine Thomé, mais avant de se constituer en lieu ouvert, la collection Versins faisait déjà parler d'elle. Voici le témoignage de Gérard Klein à ce propos :

LA SCIENCE-FICTION
À LAUSANNE

Gérard Klein

 

 

Au cours d'un bref voyage à Lausanne, j'ai eu l'occasion de voir, d'admirer, de consulter l'admirable bibliothèque de SF de langue française que Pierre Versins a patiemment réunie. Les ouvrages des plus anciens aux plus récents, les revues, y compris celles d'avant-guerre qui publièrent tant d'œuvres malheureusement oubliées, y sont dûment catalogués, analysés. Le catalogue contient plus de dix mille fiches ; il constitue pour l'historien de la SF et pour le critique un outil de travail extraordinaire.

Quelques-uns l'ont compris, qui, de tous les coins du monde, envoient à Pierre Versins des ouvrages épuisés, difficiles à trouver, mais combien passionnants souvent pour le spécialiste.

Ainsi subsistent des livres qui eussent peut-être autrement disparu et qui apportent un témoignage précieux et parfois décisif. Ainsi peut-on lire des œuvres comme « l'Arche », d'André Arnyvelde, totalement oublié ou presque, et qui préfigure splendidement, pourtant, le thème du mutant qui surgit en notre époque. Il faudra bien qu'un éditeur ait un jour le courage de rééditer de tels romans aux titres parfois naïfs et souvent enchanteurs, dont une bonne proportion a conservé toute sa fraîcheur.

Mais Pierre Versins ne s'est pas contenté, on le sait, de cette tâche nécessaire de conservateur des utopies. Le club qu'il a créé, Futopia, international par essence, est en pleine expansion. Sa bibliothèque comporte un grand nombre d'ouvrages français et étrangers qui peuvent être prêtés aux membres, en quelque pays qu'ils habitent. Inutile de dire qu'ils voyagent beaucoup.

L'aspect le plus intéressant de l'activité du club est sans doute la revue « Ailleurs », dont le service est fait aux membres du club et qui semble avoir trouvé, après quelques tâtonnements, une heureuse formule dans son numéro 16. Les prochains numéros contiendront, d'après les projets que j'ai vus, divers contes et articles de quelques auteurs français et étrangers de renom. L'avantage d'un magazine de cette sorte est évidemment que son faible tirage le destine à une petite élite d'amateurs éclairés, et lui permet ainsi de faire paraître des textes remarquables, mais dont s'accommode mal la formule des revues professionnelles comme « Fiction ».

Les tentatives de Pierre Versins se sont transformées sur tous les plans en un acquit solide. Peut-être n'est-il pas inutile de signaler enfin qu'il collabore régulièrement, avec Roland Sassi, à une émission de science-fiction et de fantastique que transmet Radio-Genève en modulation de fréquence, et qui est infiniment supérieure à tout ce que j'ai pu entendre sur ce thème en France (quelques rares exceptions mises à part), à commencer par les insipides jérémiades de Jean Nocher.

Je souhaite qu'à la suite d'un accord, nous puissions entendre en France au moins une adaptation de Roland Sassi. Voilà un homme qui sait effrayer avec des sons. Je ne vois pas de meilleur compliment à lui adresser.

Pour tous renseignements, s'adresser à Pierre Versins, Primerose 80, Lausanne (Suisse). 


La nouvelle rubrique "Tribune libre" donne la parole à un jeune homme qui marquera profondément l'histoire de l'édition de la SF en France : Jacques Goimard. La revue Bifrost n°62, en Avril 2011, présentera l'homme sous ces termes :

"Normalien et agrégé d'histoire, spécialiste du cinéma américain, créateur de la « Grande anthologie de la science-fiction » au Livre de Poche avec Gérard Klein et Demètre loakimidis, initiateur du « Livre d'or » et directeur de collection chez Pocket pendant plus de vingt-cinq ans (remplacé depuis 2003 par Bénédicte Lombardo), Jacques Goimard est à l'instar d'un Gérard Klein, d'un Philippe Curval ou d'un Michel Demuth, de ceux qui ont fait le genre en France au tournant des années 60 et 70, de ceux qui l'ont d'une certaine façon, cristallisé. Dernier des « grands pionniers » à qui nous n'avions pas donné la parole dans nos pages (si l'on excepte un autre Jacques, dont il sera d'ailleurs ici beaucoup question, mais qui s'est déjà confié au sein de ses propres mémoires disponibles chez J'ai Lu - Jacques Sadoul), (...)  une carrière exceptionnelle en tant qu'éditeur (avec toutefois une spécificité de taille : il oeuvra principalement dans le domaine du poche), bien sûr, mais aussi, et peut-être même surtout en tant qu'essayiste et critique - il fut ainsi et par exemple critique littéraire au Monde dans les années 70."

 A noter pour finir qu'en ce mois de Mai 2024, Galaxie 2ème série fête ses soixante ans ! Rendez-vous le 06 août 2025 (croisons les doigts) pour commencer à en apprécier la publication dans les pages du PReFeG !

 

24 avril, 2024

Fiction n°064 – Mars 1959

Pas de nouveaux auteurs en ce printemps 1959, mais un ensemble de très bon niveau, avec des auteurs méconnus qui mériteraient davantage de notoriété (tels Charles L. Fontenay, Robert Young, Ward Moore, ou encore Carol Emshwiller et le français Albert Ferlin). Notons surtout l'entrée de Demètre Ioakimidis dans la rédaction de Fiction, avec un article consacré à Fredric Brown.

On clique droit sur la déesse de granit vue par Forest ! 

Sommaire du Numéro 64 :


NOUVELLES

 

1 - Damon KNIGHT, Contact avec l'inconnu (Stranger Station, 1956), pages 3 à 23, nouvelle, trad. CATHERINE

2 - Carol EMSHWILLER, La Cité des robots (Baby, 1958), pages 24 à 36, nouvelle, trad. Suzanne RONDARD

3 - Gabriel AUTHIER, Le Talisman, pages 37 à 39, nouvelle *

4 - Isaac ASIMOV, Poussière de mort (The Dust of Death, 1968), pages 40 à 51, nouvelle, trad. Roger DURAND

5 - Gali NOSEK, La Ville, pages 52 à 54, nouvelle *

6 - Ward MOORE, Un homme adapté (Adjustment, 1957), pages 55 à 74, nouvelle, trad. Roger DURAND *

7 - Albert FERLIN, De mémoire d'homme, pages 75 à 81, nouvelle *

8 - Charles Louis FONTENAY, Par un après-midi d'été (A Summer Afternoon, 1958), pages 82 à 86, nouvelle, trad. René LATHIÈRE

9 - Robert F. YOUNG, La Déesse de granit (Goddess in Granite, 1957), pages 87 à 106, nouvelle, trad. Catherine GRÉGOIRE

10 - Jacques BERGIER & Francis CARSAC, La Revanche des Martiens, pages 107 à 109, nouvelle

11 - Brian ALDISS, Le Cœur d'une ville (Secret of a Mighty City / Have Your Hatreds Ready, 1958), pages 110 à 123, nouvelle, trad. (non mentionné) 

CHRONIQUES


12 - Jacques BERGIER, Le Mystérieux nombre 5, pages 124 à 125, article

13 - Demètre IOAKIMIDIS, Fredric Brown, l'étoile filante de la S. F., pages 126 à 132, article

14 - (non mentionné), Notre référendum - Résultats du mois de janvier, pages 132 à 132, chronique

15 - Philippe CURVAL & Alain DORÉMIEUX & Gérard KLEIN & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 133 à 137, critique(s)

16 - COLLECTIF, Le Conseil des spécialistes, pages 138 à 139, critique(s)

17 - F. HODA, Hardi, Sinbad !, pages 140 à 140, article

18 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 141 à 144, article


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Terrifiant constat que d'être en état d'incompréhension de la vie extraterrestre. Et quels secrets accords ont-ils pu être passés entre les puissances en ce cas ? Une belle ambiance de station orbitale pour un Contact avec l'inconnu, par Damon Knight.

Dépendre de machines défectueuses quand on est un survivant, quelle ironie ! C'est le constat de Carol Emshwiller dans La cité des robots.

On joue au petit chimiste et à l'inspecteur Columbo, mais c'est tout, avec cette Poussière de mort sans grand intérêt d'Isaac Asimov, que l'on peut préférer quand il ne se mêle pas de polar.

La ville de Gali Nosek tente de nous faire penser que la peur de la Bombe équivaut dans notre vie moderne à craindre la Colère Divine, en réactualisant un thème biblique très connu. Mais Gali Nosek oublie que c'est bien un humain qui appuie sur le bouton rouge.

Il faut s'adapter. Cette injonction si moderne révèle toute son ambiguïté dans Un homme adapté de Ward Moore, fidèle à l'ironie de son ton pragmatique et à sa facilité de faire admettre même les situations les plus fantasmatiques comme des dus à la vraisemblance du récit.

Fiction nous présente Albert Ferlin ainsi : "Albert Ferlin, dont voici la première nouvelle dans « Fiction »". Les nouvelles "Télépathie" (in Galaxie 1S46) et "Un commando de Mars" (in Galaxie 1S50) avaient toutefois déjà été remarquée par leurs qualités thématique et narrative. Avec De mémoire d’homme, Ferlin signe un texte presque métaphysique, aux péripéties énigmatiques, dans le récit d'un guerrier mort combattant des forces morbides. Tout se dévoile (ou presque) dans les dernières lignes.

Comme dans la nouvelle précédente, c'est la forme de la mort, sa nature, qui est interrogée Par un après-midi d’été. Charles L. Fontenay propose un mystère opaque et hors du temps dont un enfant serait le témoin. Un petit cauchemar.

La déesse de granit est un texte au lyrisme bien dosé (illustré par la magnifique couverture de Forest), où Robert F. Young décline l'image de la déesse endormie en de multiples échelles. Fin et inspiré. 

C'est une suite, au ton très britannique, à "La guerre des mondes" de H. G. Wells que proposent Francis Carsac et Jacques Bergier, dans La revanche des Martiens qui supporte tout à fait cette forme courte et fait figure d'hommage et de palimpseste.

Beaucoup de bruit pour rien dans Le cœur d'une ville... Cette nouvelle de Brian Aldiss décrit la vacuité des productions de spectacles cinématographiques (ou autres pour l'avenir) et la vanité de leurs agitations. Malgré un ton assez neuf, et un traitement original, la nouvelle elle-même rend un son creux. 

Un nouveau venu pour ce numéro dans la rédaction de Fiction, en la personne du talentueux Demètre Ioakimidis. Il dirigera plus tard avec Jacques Goimard et Gérard Klein la célèbre anthologie en plusieurs volumes de poche "La grande anthologie de la science-fiction" ; les fameux recueils "Histoires de...". 

Nous vous proposons de retrouver en page dédiée à Fredric Brown son article "Fredric Brown, l'étoile filante de la SF". Mais pour parfaire la présentation de ce jeune journaliste, nous reproduisons ici un article qui lui rendait hommage, durant l'hiver 2012-2013, paru dans le numéro 662 du magazine Jazz Hot (car Ioakimidis, en plus d'être un fin critique de science-fiction, était un érudit en jazz).

" Notre ancien collaborateur, également écrivain et journaliste spécialiste de science-fiction, Demètre Ioakimidis s’est éteint le 15 décembre 2012 à Genève (Suisse) à l’âge de 83 ans.

    Demètre Ioakimidis était né le 1er octobre 1929 à Trieste, où sa famille s’était réfugiée après les graves exactions commises par l’armée turque pendant la guerre entre la Grèce et la Turquie (1919-1921) ; il en avait conservé sa nationalité grecque, par fidélité. Son vieil ami, Pierre Strinati qui le connut en 1937 a gardé le souvenir d’un élève brillant, réservé mais surtout d’un ami fidèle. Après ses études à la Faculté des Sciences de Genève, il entra dans le célèbre laboratoire du CERN à Genève. Il y travailla plusieurs années. Mais attiré par l’écriture et par les arts en général, il finit par choisir le journalisme, au Journal de Genève, à la rubrique scientifique écrivant des articles de vulgarisation scientifique. Parallèlement, il chronique des ouvrages de science-fiction. Il y assure aussi une chronique régulière de musique classique et de jazz, qu’il conserva jusqu’à la fin de sa carrière. A La Gazette de Lausanne, autre quotidien de langue française, ses importants écrits intéressent la musique classique moderne et contemporaine.

    C’est à l’école communale, avec son ami Pierre Strinati, que Demètre découvre la science-fiction, en lisant une bande dessinée, Robinson, qui est la première à y intégrer la science-fiction. Assez rapidement, ce fut Jules Verne...

    Son intérêt pour la musique en général, et le jazz en particulier, s’éveilla plus tard, à l’adolescence. Le disque et la radio (Radio Suisse Romande) lui ont fourni les bases de l’information et du savoir en la matière qu’il cultiva jusqu’à en devenir très jeune un authentique spécialiste.

    Il commença à publier dans le bulletin du Jazz Club de Genève, Jazz-Notes, en 1954. Après son entrée en journalisme (La Gazette de Lausanne et Le Journal de Genève), il eut l’opportunité de faire des conférences et des émissions de radio à Radio Genève et à la Radio Suisse Romande (1960 – 1990) : Anthologie du jazz, Diversités du Jazz, Europe-Jazz et Jaaaz. Dans la continuité de ses devanciers, Schindler, Choquart, Colbert…

    Conférences, émissions de radio, Demètre Ioakimidis était surtout, de par sa personnalité, un homme de l’écrit : musique, certes, aussi et surtout littérature de science-fiction, dont il devint un expert internationalement reconnu.

    Vers la fin des années 1950, Demètre Ioakimidis commence à collaborer à deux des plus grands périodiques spécialisés d’Europe et du monde dans leur discipline : Fiction, pour la science fiction, et Jazz Hot, pour la musique de jazz.

    C’est en avril 1957 que Demètre publie son premier article dans Jazz Hot ; une vingtaine d’années plus tard, en avril 1976, le dernier. Entre ces deux dates, cette longue collaboration au mensuel de Charles Delaunay représente plus de 120 articles, portant sur tous les sujets et tous les musiciens : de Django à Coltrane, des ellingtoniens Johnny Hodges, Rex Stewart ou Ben Webster… aux basiens Frank Wess, Frank Foster, Joe Newman, Lester Young… en passant par les boppers John Lewis, Miles Davis, Art Blakey… sans oublier les Art Farmer, Ray Bryant, « Cannonball » Adderley et les autres. Il y tient également une chronique de livres tout à fait remarquable.

    C’est vers la même époque, en mars 1959, que Demètre Ioakimidis commence sa collaboration avec Fiction. Elle se prolongera jusqu’en août 1974. Cette collaboration représente en une quinzaine d’années plus de cent articles, dont certains de référence sur des auteurs américains inconnus en Europe comme Robert A. Heinlein, Alfred Bester, Clifford D. Simak… et surtout Isaac Asimov, dont il est le découvreur. Il y assure en particulier une rubrique de lectures tout à fait essentielle pour l’établissement de ce genre littéraire méprisé. Au cours de cette période, il consacre également une grande partie de son temps à la réalisation de grandes expositions européennes, entre 1967 et 1968 à Berne, Paris, Berlin, Trieste… consacrées à cette littérature.

    La notoriété internationale de Demètre acquise en matière de jazz, du fait de ses publications dans la revue européenne de référence, Jazz Hot, d’une part, et dans Fiction, autre revue française de rayonnement international, d’autre part, lui permet d’acquérir un nouveau statut journalistique en Suisse. Ioakimidis est devenu un journaliste qui compte dans le monde de la presse : il écrit en bonne place dans deux des plus grands quotidiens suisses de langue française (La Gazette de Lausanne et Le Journal de Genève). On lui accorde régulièrement une page entière, voire plus, en tant que correspondant de ces publications pour toutes grandes manifestations jazziques qui se déroulent en Suisse et en Europe, pour tous les évènements (publications, expositions…) concernant la science-fiction.

    Demètre Ioakimidis peut alors s’adonner à un travail ambitieux et de longue haleine, l’œuvre de sa vie, fondamentale de son point de vue. Avec deux autres collaborateurs de Fiction, Jacques Goimard et Gérard Klein, il entreprend en 1974 la publication de la Grande Anthologie de la science-fiction, soit trente six volumes représentant les ouvrages ou extraits de plus de trois cents auteurs ayant publié depuis 1930. Pour parachever son travail, il publie dans la collection « Le Livre d’or de la science fiction » chez Pocket, deux anthologies : la première consacrée à Isaac Asimov (Pocket 1980), rééditée en 1989 sous le titre Prélude à l’éternité ; la seconde à Robert A. Heinlein (Pocket 1981), rééditée en 1989 sous le titre Longue vie.

    Depuis, Demètre Ioakimidis avait ralenti ses activités ; il ne s’était jamais vraiment retiré, notamment de la vie du jazz : il y paraissait peu et était d’une discrétion légendaire : reste de prudence, peut-être ? Il y a un an, il avait perdu son épouse et cette disparition l’avait beaucoup affecté.

    Demètre Ioakimidis a beaucoup écrit et beaucoup publié au cours de sa vie sur ses centres d’intérêt aussi multiples que divers. Sa démarche fut celle d’un passionné mais aussi celle d’un chercheur patient  et exigeant. Il travailla comme un moine : consciencieusement pour élaborer sa connaissance, pour approfondir sa culture et surtout pour la partager. Mais il s’effaça toujours devant son sujet d’étude, ne consentant à n’apparaître que pour les besoins de la cause : diffuser le savoir acquis. Il n’était pas avare de ses efforts. Je l’avais rencontré une fois au début des années 1980 avec Charles Delaunay, qui le tenait pour un « savant atypique ». J’ai gardé le souvenir flou d’un homme de taille moyenne, portant costume et cravate (c’était rare dans les milieux du jazz après 1968 !) avec de gros carreaux en forme de lunettes. Les deux hommes, qui se parlaient doucement avec respect, se ressemblaient un peu d’ailleurs : question d’histoire familiale hors du commun ? Je découvrais un individu assuré, intéressé et intéressant, mais mesuré, discret et même secret. Et le temps passa… Au point que, lorsque je me suis mis à la rédaction de cette biographie aussi indispensable que méritée à l’occasion de sa disparition, il me fut impossible de trouver la moindre information sur l’homme et l’auteur ; même sa notice à la Bibliothèque Nationale de France restait d’une imprécision déplorable. L’exploration de la toile me confirma cette réalité avec les appels désespérés de deux internautes qui résumaient parfaitement et la personne et sa situation dans le champ médiatique : « Je cherche des informations ou une petite biographie expliquant les postes occupés par Démètre Ioakimidis », écrivait l’un, et le second de lui répondre : « Demètre Ioakimidis est un personnage des plus discrets. Mise à part les nombreuses références à ses publications, c'est en écumant le Net qu'on peut grappiller quelques pièces éparses du puzzle et, avec imagination et persévérance, deviner un parcours ».

    J’ai donc fureté, beaucoup cherché. Et n’eût été l’intervention de quelques amis, qui informèrent Jazz Hot de sa mort, et la coopération amicale de personnes, qui entendaient lui rendre un juste hommage, la disparition de Demètre Ioakimidis aurait été ignorée. Que tous soient ici remerciés de ce témoignage d’amitié et d’estime pour cet homme qui, par sa persévérance et son enthousiasme serein a, en Europe et dans le monde, largement contribué, d’une part, à la reconnaissance de la littérature de science fiction, et non moins d’autre part, à celle du jazz et à sa diffusion. Le jazz en Suisse est en deuil d’un des ses promoteurs, la Suisse romande orpheline d’un des découvreurs historiques de la science-fiction.

    Jazz Hot est triste de cette disparition. La revue et son équipe présentent à sa fille Nicole, à ses parents et à ses amis, ses sincères condoléances.

Félix W. Sportis

 Cf. « 1 Frank + 1 Frank = 2 Franks », Jazz Hot n° 120, avril 1957, p 10-11.

 Cf. « Jazz - La Vicenda E I Protagonisti della Musica Afroamericana », Jazz Hot n° 326, avril 1976, p 32.

 «  Fredric Brown, l'étoile filante de la S.F. » (bibliographie), Fiction n° 64, mars 1959, p 126-132.

 Cet article doit beaucoup à l’intervention de nombreuses personnes que la disparition de Demètre a profondément attristés : notamment d’amateurs suisses de jazz, dont Yvan Fournier et Charles Hug qui sont intervenus auprès de M. Pierre Strinati, docteur es-sciences et ami d’enfance de Demètre Ioakimidis, qui m’a présenté un homme aussi discret que passionnant. A également indirectement contribué à cet hommage, Gérard Klein, écrivain de science-fiction qui collabora de longues années (1970-1980) dans la revue Fiction et qui œuvra  avec lui et Jacques Goimard à l’édition de l’Anthologie de Science-Fiction (Presses Pocket Poche - trente volumes). Que tous soient ici remerciés pour leur amicale coopération en l’honneur et pour la mémoire de notre ancien collaborateur, Demètre Ioakimidis. Nous devons les photos jointes à cet article à l’amitié généreuse de Pierre Strinati. FWS.

© Jazz Hot n°662, hiver 2012-2013."

17 avril, 2024

Fiction n°063 – Février 1959

Une très bonne nouvelle de Cyril Kornbluth, demeurée inédite depuis de surcroît, jouxte un très beau texte de sa veuve Judith Merril, parmi un tiers de textes français de bonne facture. 

Clique droit Roger,
on repasse te prendre dans 42 ans !

Sommaire du Numéro 63 :

NOUVELLES


1 - Judith MERRIL, Les Souhaits aux étoiles (Wish Upon a Star, 1958), pages 3 à 15, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE

2 - Fernand FRANCOIS, Les Temps à venir, pages 16 à 19, nouvelle *

3 - Charles FINNEY, Le Grand chien noir (The Black Retriever, 1958), pages 20 à 27, nouvelle, trad. Alex DIEUMORAIN (aka. Alain Dorémieux) *

4 - Cyril M. KORNBLUTH, Vivez à l'échelle cosmique ! (The Cosmic Charge Account, 1956), pages 28 à 49, nouvelle, trad. CATHERINE *

5 - Julia VERLANGER, Reflet dans un miroir, pages 50 à 52, nouvelle

6 - Brian ALDISS, Comment tuer un brontosaure (Poor Little Warrior!, 1958), pages 53 à 58, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH

7 - Philippe CURVAL, Histoire romaine, pages 59 à 64, nouvelle

8 - Robert A. HEINLEIN, Une porte sur l'été (III) (The Door Into Summer, 1956), pages 65 à 115, roman, trad. Régine VIVIER

9 - Richard MATHESON, Au bord du précipice (The Edge, 1958), pages 116 à 124, nouvelle, trad. Daniel MEAUROIX (aka. Alain Dorémieux)

CHRONIQUES


10 - Jacques VAN HERP, Edgar Rice Burroughs, l'inventeur du space-opera, pages 125 à 130, article

11 - Jacques GRAVEN, Le Thermomètre qui voyage dans le temps, pages 131 à 133, article

12 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX & Gérard KLEIN & Roland STRAGLIATI, Ici, on désintègre !, pages 134 à 140, critique(s)

13 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 141 à 143, article

14 - (non mentionné), Notre référendum - Résultats du mois de décembre, pages 144 à 144, chronique


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Dans un vaisseau arche, les femmes si indispensables à la survie de l'espèce prennent la place dominante. C'est Les souhaits aux étoiles, jolie nouvelle de Judith Merril, réunie dans ce numéro de Fiction avec son mari récemment décédé, Cyril Kornbluth.

Dans un style direct, presque animal, Fernand François déploie avec Les temps à venir un conte très amer sur la domestication qui suit de près la colonisation. Concis, peu disert mais allant à l'essentiel. Juste et intelligent, qui n'est pas sans rappeler "Oms en série" de Stefan Wul.

Traduction par Alain Dorémieux sous pseudo et ambiance de voisinage pour Le grand chien noir, petite allégorie du danger pulsionnel qui menace les petites communautés paisibles, par Charles Finney, qu'on connait en France surtout à travers son roman "Le cirque du Docteur Lao" (adapté au cinéma par Georges Pal en 1964, visible ici chez nos amis de l'UFSF - https://muaddib-sci-fi.blogspot.com/2011/11/le-cirque-du-docteur-lao-7-faces-of-dr.html.)

La nouvelle suivante est remarquable, comme souvent avec le (mort trop jeune) Cyril Kornbluth. Voici comment Fiction la présente :

Il est impossible d'ouvrir certains magazines français ou américains sans y trouver d'annonces rédigées à peu près dans ces termes : « Les secrets des anciens vont vous être révélés… Voulez-vous acquérir de la personnalité ?… Réussir en affaires ?… Influencer vos proches ?… Écrivez à XXX qui vous enverra gratuitement le Livre Secret des anciens…» 

Il faut croire que les gens qui font ces annonces sont des philanthropes, puisqu'ils ne réclament jamais d'argent. On se demande aussi pourquoi ils ne profitent jamais de leurs secrets pour acquérir eux-mêmes la gloire, la fortune et l'amour… Le regretté C. M. Kornbluth, avec l'ironie acerbe qui lui était particulière (souvenez-vous de « La saison du serpent de mer » ou de « Manuscrit trouvé dans un sablé chinois », dans nos numéros 1 et 55), raconte les conséquences catastrophiques de l'invention d'une méthode de ce genre qui marche réellement !

Les lecteurs attentifs remarqueront que ce type d'annonce pullule dans la revue (rivale) Galaxie (1ère série).

Ce qu'était la vie dans la Zone Pestiférée ? Oh ! il ne s'y passait pas grand-chose. On errait au hasard à la recherche de la nourriture. Bien des gens avaient l'air malade, mais néanmoins satisfait. Les fermiers vous donnaient à manger, l'universel sourire idiot aux lèvres, mais leurs récoltes étaient maigres. Les parasites les décimaient. Personne ne mangeait de viande, apparemment. Personne ne cherchait querelle, personne ne se battait, personne ne disait même un mot désagréable, dans la Zone Pestiférée. Et c'était l'enfer sur terre. 

Vivez à l’échelle cosmique ! est un petit bijou d'humour et un sympathique palimpseste sur l'occulte et ses pouvoirs présumés. Kornbluth réussit une SF très particulière avec des éléments éminemment fantastiques.

On imagine bien Julia Verlanger avoir lu "Un miroir pour les observateurs" d'Edgar Pangborn, pour composer son Reflet dans un miroir. Une bonne nouvelle malgré une fin un peu trop annoncée.

Comment tuer un brontosaure, ou une partie de chasse que ne renierait pas Bradbury, mais avec ce brin de modernité de plus qui annonce un grand auteur, Brian Aldiss.

Philippe Curval pousse le voyage dans le passé au-delà du paradoxe, et déjoue la règle morale chère à Poul Anderson de ne pas faire dévier l'Histoire. Et c'est aussi au futur Dick que l'on pourra penser, pour son « À rebrousse-temps» en fait, mais surtout au sentiment dickien de vivre notre époque contemporaine comme une illusion gouvernée par l'Empire romain. C'est Histoire romaine.

Rien ne pouvait arriver, puisque rien n'arriverait… je veux dire, « n'était arrivé »… Je cessai de me débattre dans les temps de verbes, me disant que si le voyage dans le temps devenait une réalité courante, la grammaire devrait bien s'en accommoder. (Chapitre X)

Une romance sympathique que Une porte sur l’été de Robert Heinlein, qui se lit avec plaisir. On s'amusera des intuitions spéculatives d'Heinlein, qui invente en bon ingénieur des machines qui feront les composantes de nos ordinateurs domestiques, on plaisantera avec lui de son amour pour les chats - et on laissera de côté l'attrait pour la jeunesse qui n'a pas beaucoup plus d'importance dans ce qui rend ce roman agréable.  

Univers devenus adjacents pour le pauvre héros de Richard Matheson, dans Au bord du précipice. Un court cauchemar qui laisse interloqué.


Dans l'article "EDGAR RICE BURROUGHS, L'INVENTEUR DU SPACE-OPERA", Jacques Van Herp écrit :

Reste le reproche majeur : l'anthropomorphisme perpétuel des personnages. Qu'ils soient Martiens, Vénusiens, gens d'Altaïr ou de Véga, ils sont des hommes. Ils sont noirs, bleus, verts, ils ont parfois des antennes ou quatre bras, mais ils sont des hommes avec les désirs et les passions des hommes. Il y a peut-être là un certain manque d'imagination, mais il y a surtout une nécessité organique. Pour captiver un grand nombre de lecteurs le récit doit sacrifier à cet anthropomorphisme. Un des esprits les plus déliés du XIXe siècle étudia fort bien ceci à une époque où il n'était pas encore question de S.F. 

Rendant compte de l'opérette « Le Voyage dans la Lune », Jules Lemaître regrettait d'abord que tout y évoquât par trop la Terre et se demandait quelles pouvaient être les raisons de cette humanisation. Il terminait son article par ces quelques réflexions :

« Nous n'inventons que ce que nous avons senti et perçu, et nous ne percevons que ce qui est de la Terre. Le Vieil axiome « Nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu »{Rien n'est dans l'intellect qui ne soit d'abord dans le sens.}, joignez-y, si vous voulez, ce corollaire : « Nihil est in sensu terrenorum quod non sit terræ » {Rien n'est dans le territoire qui ne soit d'abord sur la terre.}; Voilà le mur de prison où nous nous heurtons éternellement.

Si nous ne pouvons imaginer ni un site, ni une architecture, ni un costume qui ne soit terrestre, c'est que nous sommes incapables aussi de concevoir un autre mode de vie que le nôtre. M. Camille Flammarion, le lyrique astronome, n'a su lui-même en venir à bout. Il nous montre un soleil bleu, un soleil vert, un soleil orange. Mais les couleurs qui sont au-delà du violet foncé, est-ce M. Flammarion qui nous les révélera ?  

Tout revient à dire : ailleurs les arbres sont bleus ou rouges, et plus grands que chez nous, mais enfin ce sont des arbres ; ailleurs les hommes ont des ailes comme les oiseaux ou les insectes de chez nous, mais ce sont des hommes ; ailleurs, les sens sont plus délicats ou plus puissants que les nôtres, mais ce sont là encore des sens de chez nous. Bref, ailleurs c'est mieux que chez nous, mais, au fond, c'est comme chez nous.

Et même, est-ce mieux que chez nous ? 

La vérité, c'est que, en combinant notre organisme avec celui de certaines plantes et de certains animaux, et en supposant portés au dernier degré de perfection des sens et des facultés que nous possédons déjà, nous arrivons à concevoir des formes vivantes assujetties à moins de nécessités que les corps dont nous sommes captifs ; mais ces formes rêvées, nous ne les aimons pas, nous ne désirons même pas qu'elles existent. Au fond c'est d'hommes semblables à nous que notre songerie peuple les planètes. Si les habitants des autres mondes diffèrent de nous essentiellement, nous n'avons et ne pouvons avoir aucune envie de lier connaissance avec eux. » 

Et comme les auteurs doivent gagner l'attention de leurs lecteurs ils peuplent les planètes de créatures humaines, ou à tout le moins humanoïdes.

Au niveau de la spéculation qu'invite à faire toute littérature de science-fiction, on pourra citer la théorie universitaire qui consiste à considérer que les auteurs de SF n'échappent pas à un effet appelé "Bulle de présent" quand ils élaborent leurs futurs imaginaires.

10 avril, 2024

Fiction n°062 – Janvier 1959

Entrée du 26ème pilier dans le panthéon du PReFeG en la personne de Brian Aldiss, qui plus est avec une nouvelle exclusivement parue dans Fiction ! Parmi les nouveaux auteurs, on peut aussi remarquer Claude-François Cheinisse, qui deviendra le mari de la regrettée Christine Renard.

Un clic droit, grand-mère !

Sommaire du Numéro 62 :

NOUVELLES

 

1 - Martine THOMÉ & Pierre VERSINS, Ceux d'Argos, pages 3 à 15, nouvelle

2 - Brian ALDISS, Le Nouveau Père Noël (The New Father Christmas, 1958), pages 16 à 21, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH *

3 - G.C. EDMONDSON, Le Rescapé (Rescue, 1957), pages 22 à 30, nouvelle, trad. Roger DURAND *

4 - Charles FRITCH, Aux yeux de l'enfant... (Big, Wide, Wonderful World, 1958), pages 31 à 34, nouvelle, trad. CATHERINE

5 - Maurice RENARD, L'Homme au corps subtil, pages 35 à 50, nouvelle

6 - John COLLIER, Un chat sachant chapitrer (A word to the wise, 1940), pages 51 à 54, nouvelle, trad. René LATHIÈRE *

7 - Alfred BESTER, Qui a tué Mahomet ? (The Men Who Murdered Mohammed, 1958), pages 55 à 66, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE

8 - Claude-François CHEINISSE, Juliette, pages 67 à 70, nouvelle

9 - Robert A. HEINLEIN, Une porte sur l'été (II) (The Door Into Summer, 1956), pages 71 à 112, roman, trad. Régine VIVIER

10 - Gerald KERSH, Les Plantes en folie (The terribly wild flowers, 1958), pages 113 à 123, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

 

CHRONIQUES


11 - COLLECTIF, Ici, on désintègre !, pages 125 à 134, critique(s)

12 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 135 à 139, article

13 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX, Aux frontières du possible, pages 141 à 142, chronique

14 - (non mentionné), Notre référendum - Résultats du mois de novembre, pages 143 à 143, chronique


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

 

Ceux d'Argos, de Martine Thomé et de son mari Pierre Versins, est un récit au ton bien original, et au sujet bien particulier - fruit d'une élaboration sans doute longtemps mûrie - une relation amoureuse entre un terrien et une extraterrestre de la déroutante et énigmatique planète Argos.

"Le Nouveau Père Noël est tout en métal et en verre et, au lieu de laisser des jouets neufs, il emporte les vieilles gens et les vieilles machines." Une première nouvelle de Brian Aldiss publiée en France - courte et efficace.

Une existence d'ermite sur Mars, une fois passée la lutte contre l'adversité et les conditions de vie assurées, ne vaudrait-elle pas mieux que la vie vulgaire de la population terrestre abrutie de sensations et de plaisirs ineptes. Le rescapé, par G. C. Edmondson, est une histoire profondément misanthrope.
 
Stanislas Lem déploiera à l'échelle du roman le postulat de
Aux yeux de l'enfant… : la réalité n'est perçue comme telle que sous l'effet d'une drogue. On retrouvera cette paranoïa latente dans l'ensemble de l’œuvre de Philip K. Dick, et Charles Fritch nous en propose une courte et efficace quintessence.
 
L'homme au corps subtil est une histoire d'expérience scientifique comme Maurice Renard aime à en produire, avec toujours les écueils soulevés par la modifications des lois et des états physiques - ici : le champs intrinsèque de la matière.

Une petite boutade de John Collier, Un chat sachant chapitrer, pas des plus trépidantes. On repensera à "Langue de chat" de Reginald Bretnor (in Fiction n°9).

Avec Qui a tué Mahomet ?, Alfred Bester résout avec humour le problème des paradoxes temporels, dans une sorte d'Université de Pataphysique.

Aaaah, Juliette ! Une bien belle nouvelle par Claude-François Cheinisse, nouveau venu qui fera son bout de chemin dans Fiction durant les années 60. On y traite ici de cet amour particulier qui ne manquerait pas de se mettre en jeu avec des machines douées d'une personnalité de synthèse, qui plus est cette machine-là (ne divulgâchons pas...).

Suite de Une porte sur l'été ; cette deuxième partie manque un peu de l'adversité propre à la première, et de la présence de Pete le chat si plaisante. Mais la découverte des années 70 du futur demeure bien menée. Notons par exemple comment Robert Heinlein pressent la fin de l'indexation sur l'étalon-or (le 15 août 1971, fin des accords de Bretton Woods (1944), demandé par Richard Nixon).

Je glissai sur la Panique de 1987 ; la seule utilité de l'or, à mes yeux, était de constituer une matière première merveilleuse pour certains usages techniques ; je ne trouvais pas tragique qu'il fût à présent trop bon marché pour servir davantage d'étalon-monnaie ; peu m'importait le nombre de gens ruinés dans la transaction. (Chapitre 5).
Avec un peu plus de variété dans les formes que le "Encore un peu de verdure" de Ward Moore, Les plantes en folie en reprend le thème avec concision, humour et un petit soupçon horrifique. Son auteur, Gerald Kersh, avait remporté en 1958 le Prix Edgar Allan Poe de la nouvelle - et sera publiée en France dans le recueil "Histoires à faire peur" (Robert Laffont 1965).

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