Il est des
écrivains forgés à l'aune du mystère et de l'énigme, aux biographies
entremêlant auto-fiction pétillante et sordide réalité, dont le biographe aurait
bien du mal à séparer le vrai du faux, tant le "mensonge", ou plutôt
l'arrangement avec la réalité, génère de situations, d'écritures, d'influences,
et d'exégèses. "Le couple
Henneberg présente ce qu’on appelle une énigme littéraire.", écrivit Lorris Murail, et en effet pose
un véritable petit casse-tête éditorial.
Mais tout d'abord, présentons ce qui
fût leur premier roman de Science-Fiction, que nous vous proposons aujourd'hui au
format epub, téléchargeable comme à l’accoutumée en cliquant sur la couverture
ci-contre, "La naissance des dieux".
Quatrième de couverture Éditions
Métal, collection série 2000 (1954)
« Ainsi, prononça Gœtz, avec une solennité
étrange, nous serions venus... au cinquième jour de la création ! Nous
verrons naître les apparences et les formes... Nous ne procréerons pas :
quoi qu'en dise notre camarade, — il est impossible de faire un enfant au
brouillard... »
Et pourtant...
A l'aube de toute religion et de toute histoire, il y a les héros et les
dieux. Une théorie moderne veut que les planètes subissent des cycles
géologiques : tout chaos est suivi d'une Genèse. Nietzsche a parlé de l’Éternel Retour : Ea-Ohannès des Summériens qui débarqua « d'un poisson
d'argent », les bâtisseurs du Sphynx de Guizeh, les Olympiens d'Homère
et les Niebelungen, furent des hommes comme nous.
Les trois Terriens
échappés à une des fins de leur globe : le Savant, l'Astronaute et le
Poète créeront donc, dans le sang, les larmes et le rire aussi — car les
dieux rient ! — une vie sur GEA, la mystérieuse planète où palpite
une brume-mère. Ils peupleront la forêt de félins et les gouffres de monstres,
donneront les lois aux para-hominiens et livreront le combat des Anges. Ils
aimeront aussi, car Géa révérera la Vierge-Chasseresse et l'antique Vénus. Et
un dernier survivant de l’Ère Atomique leur révélera le secret du monde
nouveau.
Une rigoureuse
hypothèse philosophique sert de base à une épopée. Un souffle wagnérien passe
sur les hauteurs où chevauche la Chasse des Morts. Les mythes de l'Hellade
revivent sous le soleil rose de Géa, dans sa couronne d'astéroïdes.
Telle est « LA
NAISSANCE DES DIEUX ».
Autre quatrième de couverture, celui figurant sur l'édition de la Librairie des Champs-Élysées, collection "Le
masque Science-Fiction" n°51, Février 1977, correspondant à l'édition que nous vous proposons ici.
Il leva les cils et vit
la bête qui dansait sur le hamac.
Une montagne de chair
grise, à trompe courte, à demi émergée du néant reniflait grotesquement.
Les monstres étaient en
pleine création, parfois ils s'effaçaient, puis reprenaient corps avec une
netteté effroyable. Le brouillard vivant était monté comme une marée, il
s'insinuait dans ses narines, entrait dans ses poumons, et Gœtz se sentait sans
forces, écrasé, réduit à l'état d'éponge. Il allait mourir. Géa le dévorait
comme une mante monstrueuse.
Ce roman, le premier de
Charles HENNEBERG (1899-1959) surprit par son souffle épique et sa splendeur
baroque. Il valut à son auteur le prix « Rosny Ainé ».
A propos du Grand Prix du roman d'anticipation scientifique Rosny-Aîné
Bien qu'il
existât un Prix International d'Anticipation Scientifique, qui fût remis en 1954 à
Londres à Theodore Sturgeon pour "Les plus qu'humains", ce Grand Prix Rosny-Aîné du roman d'anticipation scientifique, dont le champ lexical fleure bon les années 50, détonne par son manque de notoriété. (Un prix Rosny-Aîné existe bien, mais il récompense un roman et une nouvelle et ce depuis... 1980 !)
Une note sur l'incontournable
encyclopédie en ligne Noosfère nous informe sur ce "Grand Prix" :
Ce prix n'est relié en
aucune manière au prix Rosny aîné décerné à la convention française de
science-fiction depuis 1979. Il s'agissait d'un prix spécifique aux éditions
Métal. Le seul lauréat en est le roman de Charles Henneberg, dans la catégorie
"Grand prix du roman d'anticipation scientifique".
D'entrée de jeu, nous voilà
confrontés à une sorte de charade : un auteur inconnu (Charles Henneberg), une
maison d'édition naissante (les éditions MÉTAL), un Grand Prix orphelin d'éventuelles autres catégories, voire "mort-né"... Le tout contextualisé par les débuts d'une collection
(la collection Série 2000, exclusivement réservée à des auteurs français, inaugure sa maison d'éditions en mars 1954)…
Que savons-nous de ce 14 Octobre
1954, jour de la cérémonie de remise du Grand Prix Rosny-Aîné du roman
d'anticipation scientifique ? Nous citons ici le n°12 de Fiction, daté de
Novembre 1954 :
CHARLES HENNEBERG
lauréat du Grand Prix du Roman d’Anticipation Scientifique - Prix Rosny Aîné
M. Groetz, directeur
des Éditions Métal et fondateur du Grand prix du Roman d’Anticipation
Scientifique, avait réuni, le 14 octobre dernier, au restaurant de l’Aérogare
des Invalides, les membres du jury de ce prix en vue de son attribution.
Ce jury, présidé par
M. Louis Chéneau, délégué général du Congrès International du Progrès
Scientifique, était composé de :
MM. René Audubert,
Professeur d’Électrochimie à la Sorbonne ; Jacques Bergier, Membre de
l’Académie des Sciences de New-York, Physicien ; Jean Birgé, Directeur
Littéraire des Éditions Métal ; Robert Borel-Rosny, homme de lettres et
petit-fils de Rosny Aîné ; Austin Fairbanks, Ingénieur-Conseil ;
Dr Hunwald, Professeur d’Anthropologie ; Charles Martin, Attaché de
recherches au Centre National de la Recherche Scientifique ; Igor B.
Maslowski, critique littéraire ; Pierre de Latil, homme de lettres,
spécialiste de la cybernétique ; Maurice Renault, Directeur de la revue
« Fiction ».
Après un premier tour
de scrutin qui donnait 4 voix à « La Naissance des dieux », de
Charles Henneberg, 3 voix à « Les Étoiles ne s’en foutent pas », de
Pierre Versins, 2 voix à « Les Atlantes du Ciel », de Y.-F.-J. Long,
et 2 voix à « L’Homme, cette maladie », de Claude Yelnick, une
majorité se forma rapidement au second tour sur le nom de M. Charles
Henneberg, auteur de « La Naissance des dieux », véritable épopée
wagnérienne qui révèle des dons incontestables d’écrivain chez son
auteur ; celui-ci l’emporta par 9 voix sur 11.
À l’issue du déjeuner
qui a suivi le vote, la charmante vedette de la scène et de l’écran, Mlle
Jeanne Moreau, présidente d’honneur de cette réunion, a remis à l’heureux
lauréat un chèque de 250.000 francs, montant de ce prix.
M. Charles Henneberg
« cumule », en peu de temps, car il vient de remporter, il y a
quelques semaines, le 2e prix au Grand Prix de la Nouvelle Policière 1954, créé
par « Mystère-Magazine » et « La Revue Internationale de
Criminologie », de Genève, pour sa nouvelle : « Du sang sur les
roses ».
A observer la liste des nominés, on constatera que tous ont été publiés dans la collection Série 2000. Cette remise de prix prend ainsi des
airs d'opération commerciale au bénéfice des Éditions Métal. Voyons ce que,
rétrospectivement, en écrit Charles Moreau dans sa postface à "Des
ailes dans la nuit" de Nathalie Henneberg (Terre de brume, Collection
Poussière d'étoiles n°17, 09/2006)
Le grand Prix du roman
d’Anticipation scientifique (prix Rosny aîné) fut décerné le jeudi 14 octobre
1954 dans le restaurant de l’aéroport des Invalides. Créé en début d’année il
avait été annoncé par voie de presse et par un encart inséré dans les quelques
livres publiés jusque-là par les Éditions Métal. Les manuscrits devaient être
remis en deux exemplaires avant le 15 mai.
À l’instar des quelques
rares autres prix de l’époque, cette récompense était une initiative devant
faciliter la promotion des auteurs de l’éditeur Métal. Dans ce cas précis, un
jury composé de personnalités éminentes du monde littéraire et scientifique lui
conférant un certain sérieux, qu’on en juge : Jean Birgé, directeur littéraire
des Éditions Métal, Robert Borel-Rosny, homme de lettres et petit-fils de J.-H.
Rosny aîné, sous les auspices duquel il fut placé, Igor B. Maslowski, critique
littéraire, Maurice Renault, directeur de la revue Fiction, et agent
littéraire, Pierre de Latil, écrivain et spécialiste en cybernétique,
Charles-Noël Martin, attaché de recherches au CNRS, René Audubert, professeur
d’électrochimie à la Sorbonne, Austin Fairbanks, ingénieur-conseil, le Dr
Henwald, Professeur au Collège philosophique et à l’école d’Anthropologie,
Louis Chéreau, Président du Congrès pour le progrès scientifique et technique,
qui allait présider le jury du Grand Prix et Jacques Bergier, membre de
l’Académie des Sciences de New-York et physicien. Au premier tour "La Naissance
des Dieux" de Charles Henneberg remportait quatre voix, "Les Étoiles ne s’en foutent
pas" de Pierre Versins trois voix, "Les Atlantes du ciel" de Y.-F.-J. Long deux
voix, et "L’Homme cette maladie" de Claude Yelnick deux voix. Un second tour mit
tout le monde d’accord sur "La Naissance des Dieux", « véritable épopée
wagnerienne qui révèle des dons incontestables d’écrivain chez son auteur »,
ainsi que le rapportait dans son numéro de novembre la jeune revue Fiction.
En fait, ce qui avait
fasciné les membres du jury, c’était la poésie et le lyrisme qui se dégageait
du roman d’Henneberg ; les amateurs pensèrent aussi que le pari d’Henneberg
était pratiquement gagné, puisqu’il arrivait à se hisser au niveau des
meilleurs écrivains américains des années cinquante. L’avenir ne devait pas les
décevoir.
Deux hommes avaient
joué un rôle considérable dans cette affaire : Charles Henneberg lui-même, et
Jacques Bergier.
Les actualités
cinématographiques de cette semaine-là nous donnent les temps forts de la
cérémonie de remise du prix. En premier, la table des membres du jury nous est
présentée : on y voit beaucoup de gens qui discutent avec passion. Jacques
Bergier s’adresse à Maurice Renault et à Jean Birgé qui tient la maquette du
roman sorti tout frais des presses et que l’on vient de distribuer sur le coup
de 15 heures à tous les participants. Puis les images nous montrent Charles
Henneberg, alors que celui-ci reçoit un chèque de 250 000 francs des mains
d’une jeune actrice, Jeanne Moreau. En réalité. Charles Henneberg est ému à
plus d’un titre, d’abord parce qu’il fait face à la foule des journalistes qui
s’apprêtent à le bombarder de questions et ensuite parce qu’il sait une vérité
qu’il ne peut divulguer.
Les journaux de
l’époque font écho à cette cérémonie et laissent entrevoir que les choses ne
sont pas aussi simples qu’elles apparaissent.
Charles Henneberg a la
cinquantaine. Il porte des lunettes d’écaille et moustache, et lorsqu’on lui
demande sa nationalité, il répond : « Je suis légionnaire. » Il est aussi
écrivain, car il a déjà publié : Trois Légionnaires et Le Sabre de l’Islam qui
sont des souvenirs militaires…
Ainsi s’exprime le
journaliste Pierre Joly dans Paris-Normandie daté du lendemain.
Christian Guy, de
Paris-Presse (16 octobre), est plus précis et nous en apprend un peu plus :
On se précipita. Le
lauréat, qui ne s’attendait pas à un tel honneur, était déjà là et tirait de sa
serviette une pile de notices biographiques qu’il distribuait à tout venant. «
Prenez et lisez, ceci est ma vie… Vous saurez tout sur moi. »
C’était vrai. On sut
que M. Henneberg avait déjà publié deux volumes de souvenirs de légionnaires
sous le nom de Dominique Hennemont. On apprit aussi que le roman d’évasion lui
paraissait « trop étroit » et qu’il avait cherché un genre susceptible de faire
« éclater » le cadre du roman conventionnel et de « traiter librement » toute
expérience humaine : « Le lauréat, dit-il, est un homme qui parle peu et
réfléchit beaucoup. Mais ma notice biographique vous dira tout. »
Un autre journal,
L’Écho d’Oran, ajoute dans son titre « Charles Henneberg lauréat du Prix de la
“Science-fiction” a mûri sa pensée pendant ses dix-sept ans de Légion étrangère
» et donne des informations plus intéressantes dans un court paragraphe : «
Ancien combattant de Bir-Hakeim et d’El-Alamein, Charles Henneberg est
actuellement secrétaire administratif de l’Association des Médaillés
militaires. »
Pour clore cette petite
revue de presse, citons le journal Le Médaillé militaire (novembre 1954, n°
323) qui rend compte sous la plume d’Antoine et Pierre Grillet de l’attribution
du grand prix à leur directeur des services administratifs.
Pour la première fois dans
les pages de la revue, plus précisément dans le n°28 de Fiction de Mars 1956,
paraîtra une nouvelle de Charles Henneberg, "La sentinelle".
On pourra y lire la note suivante :
Les amateurs de S. F.
connaissent le nom de Charles Henneberg depuis « La naissance des dieux », le
roman français le plus original dans le genre depuis ces dernières années (éd.
Métal, Grand Prix du Roman d’Anticipation scientifique 1954). Cet ouvrage est
assez peu ordinaire pour donner matière à discussion, mais même ses
détracteurs, ceux que ses données rebutent ou irritent, pourraient
difficilement nier ses brillantes qualités : beauté de l’imagination, richesse
des idées, grandeur du souffle épique. C’est de toute manière un livre qu’on se
doit d’avoir lu – et pour notre part nous le plaçons à un rang élevé dans notre
échelle des valeurs.
Les lecteurs de «
Mystère-Magazine », par ailleurs, ont fait connaissance avec Charles Henneberg
grâce à deux histoires criminelles assez inoubliables, dont la première lui
valut un second prix au concours de nouvelles de la revue en 1954. La présence
de son nom dans « Fiction » s’imposait. Il nous a donné à cet effet une
nouvelle aussi singulière et envoûtante que son roman. La S.F. signée Henneberg
n’est pas de celle qu’on lit couramment. Raison de plus pour la saluer avec
ardeur !
Charles Henneberg verra cinq
de ses nouvelles paraître dans les pages de Fiction et de Galaxie avant sa
mort, qui survient abruptement en 1959. Dès lors, officiellement, c'est sa
femme Nathalie qui sera en charge d'être son "exécuteur
testamentaire", comme en témoigne cette note parue dans le Fiction n°68 de
Juillet 1959 :
Voici la première des nouvelles posthumes que nous avons à
publier de Charles Henneberg, qui nous en avait remis les manuscrits peu de
temps avant sa mort.
(…) Comme nous l'avons déjà dit,
« Charles Henneberg » était en
fait un tandem. C'était sa femme et lui qui écrivaient en commun, à l'égal du
couple Henry Kuttner - Katherine Moore. Nous savons que sa femme a l'intention de
continuer seule dans la voie où ils s'étaient engagés. Notre espoir –
que beaucoup de lecteurs partageront, nous en sommes sûrs –
est donc maintenant que le nom de Henneberg se perpétue, et que
nous puissions lire dans quelque temps les histoires que signera, seule,
Nathalie Henneberg…
"Comme nous l'avons
déjà dit", c'est peut-être au sein des pages de Mystère Magazine qui publiait
les nouvelles policières de Charles Henneberg. Voilà qu'entre en scène le nom
de Nathalie Henneberg. Car les romans seront édités encore quelques temps sous
le seul nom de Charles ("La rosée du soleil" - Le rayon
fantastique n°65, 08/1959 ; "Les dieux verts" - Le rayon
fantastique n°83, 05/1961), puis N. - Ch. Henneberg ("La forteresse
perdue" - Le rayon fantastique n°94, 03/1962 ; "Le sang des
astres" - Le rayon fantastique n°116, 08/1963 ; "La
plaie" - Le rayon fantastique n°122-123, 05/1964). Il faudra attendre
pour Nathalie Henneberg l'édition de ses nouvelles fantastiques chez Christian
Bourgois en 1971 ("L'opale entydre", 05/1971) pour voir enfin
son seul nom paraître.
La polémique de la
paternité des œuvres du "couple" Henneberg sera parfois même assez
cruelle, comme en témoigne cette critique à l'occasion de l'édition d'un roman paru
en épisodes au sein de Fiction en 1959 ("Le mur de la lumière"
- Albin Michel 1972, paru sous le titre "An premier, ère spatiale"
dans les numéros 71, 72 et 73 de Fiction entre Octobre et Décembre 1959) :
"Mais pourquoi,
aujourd'hui, avoir effacé de la couverture de ce superbe ouvrage le prénom de
« Charles » Henneberg, alors que le texte de présentation de la
revue, en 1959, précisait nettement qu'il s'agissait d'une œuvre
posthume ? Une préoccupation mercantile, liant cette suppression — le
copyright porte « Nathalie-Charles Henneberg » — au changement du
titre — "An premier, ère spatiale" devenant dans l'aventure "Le mur de la lumière"
— espérait-elle faire croire à un inédit ?" (Pierre MARLSON, in Fiction 228,
12/1972).
C'est
dans le Fiction n°81 d'Août 1960 que commence à poindre la nécessité de rendre
à César/Nathalie ce qui lui appartient. On notera toutefois qu'il faut y
préparer le lectorat :
"Il y a un an nous était
enlevé Charles Henneberg, et avec sa disparition, était brisé un tandem
littéraire qui se classait en tête de la science-fiction française. Mais
aujourd’hui, sa femme poursuit seule leur œuvre commune, comme nous l’avions
laissé espérer.
En lisant cette
première histoire signée d’elle, nos lecteurs se rendront compte que c’est le
« style Henneberg » qui continue. Comme beaucoup d’auteurs, et des
plus grands, Nathalie et Charles Henneberg étaient prisonniers de l’univers
enfanté par eux, et c’est cet univers qui se développe avec toujours plus
d’envergure au fil de leurs récits. (…) Les faisceaux de
thèmes qui s’y entrecroisent en sont caractéristiques. Ainsi que l’ambiance
qu’il faut bien qualifier de wagnérienne.
Pourtant, il s’y mêle quelque chose d’un peu hagard, de
démentiel, qui n’était pas apparu aussi nettement jusqu’ici dans l’œuvre
d’Henneberg. Il semble que l’équilibre entre le rêve et le cauchemar qui avait
toujours existé dans cette œuvre soit en train de basculer du côté du
cauchemar. Cette nouvelle est à lire en abandonnant la logique, en se laissant
hanter par les évocations qu’elle charrie."
Par la suite, au sein de Fiction, peut-être sous
l'impulsion de Dorémieux ou de Jacques Bergier, on justifiera l'œuvre de
Nathalie comme continuation de celle de Charles par des termes choisis, comme "le
plus pur style Henneberg" (Fiction n°86), ou l'absurde formule "Nathalie
Charles-Henneberg sous sa signature" (Fiction n°93), puis l'on
présentera ses nouveaux romans sous son seul nom, contredisant les informations
éditoriales des livres mêmes (comme pour "Les dieux verts" crédité
du nom de Charles, mais présenté comme le nouveau roman de Nathalie dans le
Fiction n°97).
Difficile reconstruction d'une œuvre féminine,
de sa reconnaissance surtout, quand elle fût inaugurée et légitimée par une
récompense. Il faudra attendre "Des ailes, dans la nuit…", dans
le Fiction n°109, pour la voir créditée de son seul prénom. Il faut dire
que le style en est fantastique, et non plus science-fiction. Depuis Mary
Shelley, on tolèrerait qu'une femme se pique de ce genre littéraire, pétri
d'imaginaire, quand il est plus ardu pour une femme de faire sa place dans le
milieu pragmatique, scientifique, rigoureux de la science-fiction. Ses
nouvelles touchant à ce genre-là seront d'ailleurs encore quelques temps
signées Nathalie-Charles, et longtemps sera rappelé sa position de
continuatrice de l'œuvre du mâle.
"Depuis qu’elle s’est attachée à continuer l’œuvre de son
mari, Nathalie Charles Henneberg a révélé un élan, un style et un pouvoir
visionnaire qui font d’elle un des plus originaux et des plus attachants
auteurs de science-fiction écrivant en français. Il serait loisible de chercher
comment cette sensibilité féminine distingue les romans signés N. Ch. Henneberg
de ceux écrits par Ch. Henneberg : on trouverait peut-être un caractère
plus diffus aux circonstances de l’action, ainsi qu’une réceptivité plus
prononcée à l’égard des perceptions sensorielles. Mais il importe surtout de
souligner, à propos de ce "Sang des astres", l’éclatante confirmation de la
personnalisé de l’auteur." (Démètre Ioakimidis, in Fiction n°123).
Mais peu à peu, la vérité se dévoile, comme s'il
s'agissait d'initiation, d'un secret partagé par les intimes d'un cercle
littéraire dont serait exclus les béotiens lecteurs, phallocrates par postulat
et conservateurs par préjugés des éditeurs. Voici par exemple comment le
lectorat est préparé à une nouvelle de Nathalie Henneberg, dans le Fiction
spécial n°5 (Avril 1964) :
"Si vous
désapprouvez en science-fiction l’usage du pathétique, si vous êtes rebelle à l’hyperromantisme,
insensible aux ambiances mythiques et aux émotions surhumaines, si en conclusion
vous n’admettez pas que l’univers d’un écrivain puisse avoir l’ampleur d’un
opéra wagnérien, en ce cas nous vous plaignons, car vous vous privez des joies
que dispense un récit de Nathalie Henneberg."
Peut-être est-ce George W. Barlow - qui écrivit quelques critiques dans Fiction au cours des années 70 - qui
entrouvre le passage au rétablissement de la vérité, dans sa note sur la
réédition de "La naissance des
dieux" (in Fiction n°278,
03/1977) :
" Publié en 1954 aux
éditions METAL (sous la seule signature de son mari, dont l'aide lui avait été
précieuse, notamment pour la paléontologie), ce premier roman de
science-fiction de Nathalie Henneberg présente déjà les caractéristiques de
toute l'œuvre : une prodigieuse érudition (notamment pour les noms de
fleurs... et de démons) ; un style qui, selon les scènes, a tantôt la
préciosité parnassienne, tantôt la vigueur hugolienne, jusque dans la beauté de
l'horreur et le mariage du sublime et du grotesque ; enfin cette conviction,
partagée avec Catherine Moore, que « chaque mythe a son fond de
vérité ». Exilés d'une société décadente, une poignée d'hommes et de
femmes très typés fait face au « Chaos de la Genèse », et en fait
surgir des êtres humains ou monstrueux au gré de leurs fantasmes, de leurs
luttes, de leurs amours, qui prennent dès lors une dimension olympienne et une
portée éternelle. Unissant la mythologie antique aux prévisions d'avenir, ce
poème épique en prose est animé d'un grand souffle romantique qui tranche avec
les halètements sifflants plus communs aujourd'hui. "
Mais l'autofiction construite ce 14 octobre 1954 pour la remise du Prix
Rosny-aîné aura la vie dure. En témoignent L'"Histoire
de la Science-Fiction moderne" de Jacques Sadoul, pourtant très érudit,
ou un article publié dans le n°288 de Fiction et signé Lorris Murail, datant
respectivement de 1975 et de 1978. Sadoul tout d'abord :
" Le livre le plus
marquant publié par les éditions Métal fut sans conteste "La naissance des
dieux", de Charles Henneberg qui reçut le Grand Prix du roman d'anticipation
scientifique (prix décerné par son éditeur et qui resta sans suite). Charles
Henneberg, né en 1899, et mort en 1959, est d'origine allemande. Ce fut un
baroudeur – il fut légionnaire entre autres activités – et l'on sent
parfaitement, dans "La naissance des dieux", son mépris de l'intellectuel par
rapport au soldat ou à l'astronaute. (…) Son thème est celui d'une fin du monde
à laquelle seulement trois hommes échappent : un savant, un astronaute et
un poète. Ils se retrouvent sur une planète inconnue qu'ils baptisent Géa et
qui semble privée de vie, à l'exception d'une sorte de brouillard animé. Le
poète ne tarde pas à s'apercevoir que, par la seule puissance de son esprit, il
peut susciter des formes vivantes dans le brouillard.
En accord avec
l'idéologie de l'auteur, le savant et l'astronaute créent les bêtes et les
hommes, le poète crée les monstres. Et l'œuvre s'achève dans une vision
apocalyptique où passe un souffle wagnérien. Naturellement le poète, c'est-à-dire
l'intelligence, sera vaincu par l'astronaute, c'est-à-dire la force. Mais "La
naissance des dieux" ne se limite pas à cette aventure : Henneberg a
adroitement mêlé à l'intrigue des thèmes venus aussi bien de la mythologie
grecque que des légendes nordiques (ce qui n'est pas toujours très cohérent)
qui donnent une résonance plus profonde à son œuvre. "
Exit Nathalie, qui n'est même pas prise en compte. Un peu plus loin dans le
même ouvrage, on peut lire :
" C'est alors que
paraissent plusieurs ouvrages signés Nathalie-Charles Henneberg, dont un-au
moins, "La rosée du soleil", avait été rédigé avant la mort de Charles
Henneberg. Sa veuve, dont on ignorait jusqu'alors l'existence, déclara qu'elle
avait toujours collaboré avec son mari et que c'était elle qui rédigeait les
textes définitifs de leurs œuvres ; elle allait donc continuer seule
l'œuvre entreprise. Une grande partie des amateurs se réjouirent de la nouvelle
et reportèrent l'admiration qu'ils avaient pour Charles sur Nathalie. Mais un
nombre au moins égal, estimant que le style de l'épouse n'avait qu'un lointain
rapport avec celui de Henneberg dans son meilleur livre, "La naissance des
dieux", la rejeta. Personnellement, je considère Charles et Nathalie Henneberg
comme deux écrivains distincts. Même si Mme Henneberg rédigeait les romans de
son mari, l'influence de celui-ci leur conférait un ton très différent de ceux
écrits par son épouse seule (c'est pourquoi je regrette que le roman "An
premier ère spatiale", publié en 1959 dans Fiction,
sous la seule signature de Charles Henneberg, ait été réédité (en 1973 sous le
titre : "Le mur de la lumière") sous le seul nom de
Nathalie Henneberg, ce qui peut créer une confusion dans l'esprit des amateurs.). Charles avait pour lui le sens de l'épique, du mouvement et
l'invention au niveau du scénario, Nathalie a pour elle une langue beaucoup
plus riche et un talent poétique certain qui s'expriment d'ailleurs mieux dans
le fantastique que dans la S-F proprement dite."
Et puis encore, pour finir :
" En fait les
romans de Charles Henneberg n'étaient pas assez écrits et
ceux de sa femme le sont trop."
Voyons ce qu'en dit Murail, à l'occasion de la sortie du roman "La plaie" (Mars 1978) :
NATHALIE HENNEBERG
(1917-1977).
" Née en 1917 à Batoum
(ville d’U.R.S.S., capitale de la république d’Adjarie, sur la mer Noire,
presque à la frontière turque), Nathalie Henneberg vient de mourir à Paris.
Elle était usée par les maladies, vivait très abandonnée, et l’on n’eût pu croire
qu’il s’agissait là d’une femme de soixante ans seulement. Personne, m’a-t-on
dit, n’est venu réclamer son corps qui repose donc désormais dans une fosse
commune. C’est à ce même âge de soixante ans que mourut son mari, Charles
Henneberg, en 1959.
Le couple
Henneberg présente ce qu’on appelle une énigme littéraire.
Comme la plupart des couples écrivant, d’ailleurs, car on ne sait jamais
exactement quelle est la part de l’un et la part de l’autre. Il arrive que l’un
soit styliste et l’autre scénariste, l’un dialoguiste et l’autre paysager, l’un
le chef et l’autre l’employé, l’un l’écrivain, l’autre le commerçant ; il
arrive aussi que deux esprits se mêlent et forment ensemble les mots et les
idées. La particularité des Henneberg est que l’on ne trouve apparemment pas
d’ouvrages signés Charles et Nathalie Henneberg, alors qu’on s’accorde
généralement à estimer qu’ils travaillèrent longtemps ensemble. À cela deux
exceptions, deux anomalies plutôt : "An premier,
ère spatiale" fut publié en 1959 dans Fiction sous le
seul nom de Charles puis réédité en 1972 par Albin Michel sous le seul nom de
Nathalie (avec le titre : "Le Mur de la lumière") ; d’autre part, "Les Dieux verts", dans l’édition originale du Rayon Fantastique, porte le nom de
Charles sur la couverture, de Nathalie Charles sur la tranche et la
page de garde tandis que la seconde édition (le Masque) l’attribue à Charles
seul sur la couverture et la tranche, mais à Nathalie et Charles sur la page de
garde. (Si Nathalie a souvent fait suivre son prénom de celui de son
mari après la mort de ce dernier, c’est probablement pour des raisons
extra-littéraires ; cela n’implique pas qu’il ait collaboré à toutes les
œuvres signées Nathalie-Charles). On a, en fait, l’impression
qu’éditeurs ou critiques sont plus influencés par leurs goûts que par
leur désir de vérité, concédant plus à l’un qu’à l’autre selon leurs
préférences. Voici, en tout cas, et en s’en tenant aux principaux romans, la
répartition qui semble la plus probable : "La Naissance des dieux", "Le Chant
des astronautes", "An premier, ère spatiale", et "La Rosée du soleil" sont de
Charles Henneberg. La contribution de sa femme y est difficile à évaluer. On
peut avancer qu’elle a crû au fil des années et a porté essentiellement sur
l’écriture qui, d’ailleurs, évolue et s’améliore.
Les ouvrages ultérieurs parurent bien après la mort de
Charles. Il est cependant possible qu’il ait laissé certains des scénarios,
notamment pour "Les Dieux verts" et "La Forteresse perdue". Cela est moins probable
pour "Le Sang des astres" et a fortiori pour "La Plaie" et sa suite, "Le Dieu
foudroyé". Nathalie est sans doute aussi l’auteur unique des nouvelles du
recueil "L’Opale entydre".
Jacques Van Herp et Jacques Sadoul sont de ceux qui accordent
volontiers un rôle prééminent à Charles Henneberg. Le premier, à qui l’on doit
la réédition de plusieurs des titres mentionnés plus haut, dans la collection
du Masque, écrit, en effet : « À sa mort Charles Henneberg laissait
divers manuscrits inachevés. Ils furent complétés par sa femme, qui collaborait
déjà avec lui dès le début ». Quant à Jacques Sadoul, dans son Histoire de
la science-fiction, il cite le nom de Charles en huit occasions, celui de
Nathalie deux fois seulement. Il commente abondamment "La Naissance des dieux",
mais expédie en trois lignes "La Plaie", conjointement au "Sang des astres",
considérant que ces romans « ne manquent pas de qualités – sens
épique et poésie – mais sont écrits avec une surcharge de mots précieux et
rares qui rend leur lecture souvent irritante. » Tout à l’inverse, Jacques
Bergier glorifie généralement la seule Nathalie Henneberg. Pour Tolkien,
écrit-il dans sa préface à "L’Opale entydre", « une véritable œuvre
littéraire est un sous-univers complet et fonctionnant selon ses propres lois.
Les écrivains capables d’atteindre ce niveau pourraient être appelés des
écrivains magiques (…). Nathalie Henneberg, parmi les écrivains français
contemporains, est la seule à mériter ce titre ». (…) Jusqu’alors, et
malgré une personnalité certaine, Nathalie a écrit sous la double influence
d’un mari dont elle a poursuivi l’œuvre et d’une science-fiction totalement
accaparée par des écrivains occidentaux. "
(Nathalie Henneberg (1914 -
1977) et Notes sur "La Plaie" de Lorris MURAIL, Fiction n° 288, mars 1978)
C'est sans doute l'écrivain Charles
Moreau qui, dans ses articles accompagnant la réédition de "L'opale entydre" chez Terre de Brume en 2006 sous le
titre "Des ailes dans la nuit et
autres nouvelles", rétablira une vérité plus simple : l'influence du
mystificateur Jacques Bergier, d'origine russe tout comme Nathalie Henneberg.
" (...) elle
rencontre Jacques Bergier qui la prend sous son aile. Comme elle, il est
d’origine russe et il vient de rentrer des camps nazis. Il lui parle de la
science-fiction et des pulps qu’il lisait avant-guerre. Elle propose son
premier roman à André Martel, mais l’heure est aux soucoupes volantes, on le
lui refuse et on lui préfère Lucien Prioly. Chez Martel, on n’a jamais lu
pareille histoire. "La Naissance des Dieux" est un roman-fleuve où l’âme russe de
Nathalie est peut-être encadrée par son mari, mais rien n’est moins sûr, même
si Jacques Sadoul – dans son Histoire de la science-fiction moderne – semble en
être convaincu. Mais cette épopée sort bien tout entière de l’imagination de
Nathalie. « Faire une boulette » pour commettre une erreur est peut-être à
porter au crédit de son légionnaire d’époux. En fait, Nathalie est encore sous
l’influence de son passé et des événements qu’elle a vécus. Et son orthographe
qu’elle ne surveille pas assez, lui joue des tours, alors qu’elle écrit en
transe : tout lui vient comme un torrent. Bisiaux a corrigé ses nouvelles et
non son époux. C’est alors qu’intervient le lancement d’une nouvelle collection
de science-fiction, la « Série 2000 », aux éditions Métal, où ne seront publiés
que des auteurs français. Fin 1953, un concours de romans de science-fiction
est ouvert. L’annonce en est faite dans les premiers volumes de la collection
par un encart qui indique la composition du jury. Bergier en fait partie. Il
prévient Nathalie dans le courant de l’année 1953. Elle doit réviser son roman
et le couper pour qu’il cadre avec les autres volumes déjà achetés et qui
paraîtront dès le début de l’année 1954. Bergier le juge excellent. Disposant
de peu de moyens, Nathalie Henneberg fait circuler à la fois la première
version et celle, abrégée, de La Naissance des Dieux. Ainsi Charles-Noël Martin
(1923-2005) se souvenait d’avoir lu un roman bien meilleur, plus fourni et plus
important que le volume des éditions Métal qu’il recevra lors de la remise du
Prix Rosny aîné à Charles Henneberg, le 14 octobre 1954. Car Nathalie est
presque contrainte d’y envoyer Charles : les éditeurs ne croient pas qu’elle
soit capable d’écrire les romans qu’elle leur soumet et, dernier problème, elle
souffre d’un dérèglement thyroïdien et a beaucoup grossi. Avec la complicité de
Jacques Bergier qui adore ce genre d’affaire, elle monte le scénario et Charles
devient écrivain. Il sera son représentant jusqu’à sa mort en 1959, sans que
nul ne s’en doute. (…) Mystère publie [ses nouvelles] sous la direction d’Alain
Dorémieux qui ne se doute de rien. Il aime le travail de Nathalie qu’il croit
écrit par Charles Henneberg et il ira jusqu’à publier presque intégralement la
notice distribuée aux journalistes présents le 14 octobre 1954 dans le numéro
spécial de l’année.
Citons encore ce passage :
Le 14 octobre 1954,
seuls deux hommes étaient au courant de ce que recouvrait cette fameuse remise
du Grand prix du roman d’Anticipation scientifique. Mieux, ils l’avaient
organisée presque de bout en bout, sauf bien sûr en ce qui concerne la décision
du jury. Mais si tous les journalistes présents acceptèrent les dires de
Charles Henneberg, l’un d’eux pourtant approcha la vérité. Le lendemain de la
remise du prix, René Saulières, journaliste au Midi libre, rendit compte de
l’événement d’une manière détaillée. Il fut probablement le seul qui questionna
Charles Henneberg un peu plus en profondeur que les autres.
« … M. Charles
Henneberg qui a l’allure timide d’un petit professeur de sciences naturelles
(c’est sa formation), n’a pas oublié, par sa naturalisation française, en 1929,
l’œuvre wagnérienne. Le titre de son roman couronné, La Naissance des Dieux est
une réminiscence. Avec sa femme d’origine russe, il a écrit deux livres : Les
Trois Légionnaires et Le Sabre de l’Islam, signés Dominique Hennemont, de même
qu’une nouvelle, « Du sang sur les roses », qui présenté au concours de la
nouvelle policière organisée par Mystère magazine a obtenu le second prix 1954…
»
Charles Henneberg
avait donc écrit ses deux romans en collaboration avec son épouse… Si René
Saulières demanda à Charles Henneberg s’il en avait été de même pour La Naissance
des Dieux, son article ne le mentionne pas !
En fait, dès avant
1950, Nathalie était déjà plongée dans la rédaction de ces deux livres qui
faisaient appel à ses souvenirs de guerre comme à ceux de son époux.
Deux ans plus tard,
Nathalie avait trouvé son premier éditeur : André Martel, éclectique éditeur
basé à Givors.
Quand parut au début
de l’année 1952, le premier roman signé Dominique Hennemont, il est certain que
Charles Henneberg âgé de 52 ans n’avait jamais rien écrit de sa vie, à l’exception
de travaux administratifs que lui avait confiés la Légion. Par ailleurs, les
deux romans sur la Légion restent muets sur le début de la carrière de Charles,
et onze ans ce n’est pas rien, même si on les a vécus avec un certain état
d’esprit.
Nathalie avait la
plume plus facile que celle de son époux : elle avait été enseignante,
journaliste de l’émigration russe et correspondante de guerre en Syrie depuis
1941. Mais avait-elle trempé seule dans la rédaction du fameux grand prix ?
Une première réponse
vient à l’esprit si l’on considère les deux premiers romans signés Dominique
Hennemont, qu’elle a rédigés seule. Si Charles est intervenu dans leur
rédaction, c’est seulement en tant qu’informateur. En outre, la brillante
première partie de sa carrière aurait pu donner matière à bien des histoires et
il n’en a rien été. Charles n’est pas un écrivain et n’a pas cette imagination
créatrice qui est le propre d’une âme slave et celle de Nathalie, qui a
toujours écrit dès sa plus tendre enfance.
Pour conclure ce long article, nous vous invitons donc à la lecture d'un
roman écrit en français par une russe sous le nom de son mari d'origine
allemande, gratifié d'un prix qui ne se renouvellera pas, mais qui pourtant
marquera durablement par son style unique les auteurs français qui suivront,
comme Stefan Wul, Michel Demuth ou Gérard Klein. Nous espérons, quant à nous,
avoir aidé à rétablir une injustice, démasqué une mystification jugée en son
temps nécessaire, mais résolument d'un autre temps, celui d'un machisme
éditorial que l'on souhaiterait bien absolument révolu en notre temps.
Retrouvez les œuvres de Nathalie Henneberg
parues dans Fiction et Galaxie
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