27 décembre, 2023

Galaxie (1ère série) n°052 – Mars 1958

Encore un inédit de Robert Sheckley, fidèle représentant en Galaxie, et le retour de quelques auteurs comme Jean Lec ou Lloyd Biggle, appréciables et rarement publiés depuis, parrainés par Fritz Leiber ou Clifford D. Simak.

On clique légèrement…


Sommaire du Numéro 52 :

 

1 - Fritz LEIBER, Le Pain qui s'envole (Bread Overhead, 1958), pages 3 à 15, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Wallace (Wally) WOOD

2 - Lloyd Jr BIGGLE, La Loi de la porte (The Rule of the Door, 1958), pages 16 à 45, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Wallace (Wally) WOOD

3 - Jim HARMON, Mauvais destin (Break a leg, 1957), pages 46 à 62, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Jack GAUGHAN *

4 - Clifford D. SIMAK, Le Monde des ombres (Shadow World, 1957), pages 63 à 87, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par DILLON

5 - Algis BUDRYS, Cœur de pierre (Ironclad, 1954), pages 88 à 100, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par KOSSIN

6 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 101 à 102, courrier

7 - Jean LEC, Les Transports de M. Signet, pages 103 à 118, nouvelle *

8 - Daniel F. GALOUYE, À l'assaut des hommes (Shock Troop, 1957), pages 119 à 130, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Dick FRANCIS *

9 - Jimmy GUIEU, Les Soucoupes volantes, pages 131 à 132, chronique

10 - Robert SHECKLEY, Le Martyr (The Martyr, 1957), pages 133 à 138, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par RAY *

11 - Willy LEY, On apprend à l'homme à vivre sur Mars, pages 139 à 143, article, trad. (non mentionné)

12 - (non mentionné), Saviez-vous que..., pages 144 à 144, notes

 

* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Dans Le pain qui s’envole par Fritz Leiber, à l'évocation du "Service de Contrôle du Temps" : on se rappellera la nouvelle "Météo" dans "Les imaginox" de R. F. Jones. Leiber évoque également la crise ukrainienne, et rappelle l'indéfectible lien entre l'Ukraine et la production céréalière mondiale. Toutefois, on a connu Leiber plus grinçant et cruel. Cette histoire ne montre que légèreté - certes - mais de façon un peu mièvre.

Avec La loi de la porte, par Lloyd Biggle, outre pour lui aussi une évocation du contrôle météorologique, nous voilà face à une trouvaille pour mesurer l'immoralité d'un être. Malgré des développements un peu bavards, on trouve dans ce récit des personnages attachants et des points de vue qui détournent le jugement moral de toute velléité de le mécaniser.

Mack Reynolds avait dressé le portrait d'un porte-guigne (voir Fiction n° 21). Dans Mauvais destin, Jim Harmon nous propose celui d'une "chèvre", un avant-poste malchanceux qui assume pour les futurs colons toutes les erreurs à ne pas faire. 
"Sur cette planète – l’une des rares de la Galaxie qui fussent semblables à la Terre – nous ne devions pas répéter les erreurs commises sur notre planète natale. Là-bas, on avait gaspillé bêtement les ressources. Ici, il fallait utiliser rationnellement le sol, l’eau, le bois, le minerai. L’organisation de ce travail intelligent me plaisait. D’où j’étais, je voyais la vallée, puis la plaine qui deviendraient bientôt un agréable lieu de séjour pour l’humanité." 
Par cet extrait du Monde des ombres de Clifford D. Simak, on réalise bien qu'il était tout à fait envisageable en 1958 que la société de consommation naissante soit une aberration. Voici un autre passage :

"... les jours sont toujours beaux sur Stella IV, merveilleuse planète, semblable, sur tant de points, à la Terre, et qui présentait, au surplus, l’avantage d’être gorgée de richesses naturelles, tout en étant totalement dépourvue d’animaux nuisibles, de microbes et même de virus dangereux. Une planète que les hommes pourraient facilement transformer en un véritable paradis.

Dans peu de temps, son peuplement allait commencer : dès qu’auraient été réalisées les premières constructions prévues sur ma maquette. Puis, dans une progression ordonnée, secteur par secteur, la race humaine finirait par peupler toute la planète, dans l’ordre, le calme, et pour le bien-être de tous. Car l’homme avait fini par comprendre qu’il lui fallait faire bon usage des ressources naturelles découvertes au cours de ses vagabondages dans l’Espace, et que son devoir lui commandait de ne pas ruiner chaque monde comme il avait ruiné la Terre.

Depuis le temps où l’intelligence s’était développée au point de rendre possible la conquête de l’Espace, n’était-il pas temps que la race humaine prouvât qu’elle avait atteint l’âge adulte ?"

Toutefois, la nouvelle Le monde des ombres est distrayante, sur le ton léger dont Simak est parfois coutumier, mais qui tourne un peu court au moment du dénouement. On repensera à "Si vous étiez un Moklin" de Murray Leinster (in Galaxie n°22).

Avec Cœur de pierre d'Algis Budrys, on imagine que la Conquête de l'Ouest ait pu présenter autant de scènes aussi dures et stupides que dans la nouvelle. L'histoire présente n'est toutefois pas de la SF.

A la lecture de Les transports de M. Signet, on imagine que Jean Lec a peut-être lu Terminus les étoiles de Alfred Bester en voie de parution (avril 1958). Voilà en tous les cas une nouvelle très sympathique, sur le ton d'un Marcel Aymé.

Nous tenons à vous avertir ; À l’assaut des hommes, de Daniel F. Galouye, est une nouvelle à révélations en cascade hélas complètement divulgachée par les lignes de présentation rédigée par Galaxie.

Formidable crédulité de ce sacré Jimmy Guieu qui publie dans sa rubrique Les soucoupes volantes un témoignage d'observations répétées et régulières au dessus de Perpignan sans avoir eu d'autres sources. Il évoque aussi une expression dont le sens nous a échappé un temps : "spoutniks et pamplemousses". Willy Ley écrira à ce sujet un article qui paraitra dans le numéro 54 de Galaxie. (Voir aussi nos commentaires).

Dans Le martyr, Robert Sheckley se montre concis comme Fredric Brown. Une très bonne novelette sur l'immortalité.

Dans son article On apprend à l’homme à vivre sur Mars, Willy Ley évoque le sort de la chienne Frisette, morte dans le Spoutnik II. On la connait aussi sous le nom de Laïka. Quelques bonds au plafonds aussi : " Dès 1942, Goering, le chef de la Luftwaffe, disait : « Mes aviateurs n’ont pas besoin d’une âme spéciale, mais d’un corps spécial »." On voit que dès les années 40, on pouvait parler de pantropie annoncée.
Ley évoque aussi le docteur allemand Strughold, ancien professeur de physiologie à Heidelberg, Après sa mort, ses expérimentations sur des prisonniers de Dachau seront révélées au grand public.


Les dangers s'accroissent, et les fantasmes s'amenuisent :

SAVIEZ-VOUS QUE…

…la fonte des glaces terrestres pourrait faire basculer la planète ?


Trente-cinq stations d’observations scientifiques ont été établies par onze nations sur l’immense étendue glacée de l’Antarctique. Leurs recherches, qui entrent dans le cadre de l’Année Géophysique Internationale, semblent confirmer et amplifier les constatations déjà faites en 1910 par l’océanographe Georges Darwin. En effet, de récents sondages acoustiques opérés en divers points de la Terre Mary Bird ont permis à des stations américaines et russes d’établir que l’épaisseur de la couche glacée se prolonge presque partout, au-dessous du niveau de la mer, à des profondeurs allant jusqu’à 1.500 mètres, ce qui représente, à certains endroits, une épaisseur totale de glace de 3.000 mètres !


Le « continent » antarctique serait donc, en réalité, un archipel enserré dans un gigantesque bloc de glace. On sait déjà qu’il en est de même pour le Groenland.


Si l’on songe que la Terre subit actuellement un réchauffement, on peut redouter la catastrophe que provoquerait la fonte de ce volume d’eau congelée bien supérieur à ce que supposaient les géologues. Des surfaces énormes de terres disparaîtraient sous le niveau surélevé des mers. Un nouvel équilibre s’établirait alors entre les océans et les continents, faisant basculer la planète sur son axe et modifiant la place de-l’équateur.


Fort heureusement, un tel bouleversement ne peut s’accomplir qu’au rythme géologique, ce qui nous laisse largement le temps d’aviser.

25 décembre, 2023

Cadeau bonus : « Les Imaginox » - Raymond F. Jones 1951 (VF 1955)

En ce Noël 2023, rendons hommage au "Père Joujou", à savoir le "Toymaker" que l'écrivain américain Raymond F. Jones décrivait dans son recueil de nouvelles éponyme, récits initialement publiés entre 1944 et 1947 dans la revue "Astounding Science Fiction" (à l'exception de la dernière nouvelle publiée dans "Fantastic adventures"), puis regroupés en recueil en 1951 chez Fantasy Publishing Company, sous le nom "The toymaker" (dans une collection où l'on pouvait trouver aussi Lyon Sprague de Camp ou John Taine).

En France, il ne faudra (pour une fois) pas attendre très longtemps sa traduction : les Editions Métal, connues pour leur "Série 2000" aux couvertures métallisées, éditeront cet ouvrage en 1955, en hors-série, avant de disparaître définitivement.

Ce seront finalement les éditions NéO qui rééditeront ce livre, fidèles à leur "intelligente politique de réimpression d'ouvrages introuvables" (dixit la rubrique Flash Fiction du Fiction n°315 de janvier 1981) - et c'est cette éditions datant de septembre 1980 que nous vous proposons de découvrir ici (accédez à une copie de l'ebook en cliquant sur la couverture).

Nous avons déjà partagé notre goût pour l'œuvre de Raymond F. Jones il y a un peu moins d'un an avec le partage de son plus célèbre roman : "Les survivants de l'infini". D'autres ouvrages tels que "Risques calculés", "J'ai d'autres brebis" (co-écrit avec Lester DEL REY) ou "Renaissance" restent encore à (re)découvrir, et feront certainement l'objet de prochains bonus au sein des pages du PReFeG. 

Le destin d'une coquille :

Voyons tout d'abord la recension qu'Igor B. Maslowski proposait dans le Fiction n°27 en février 1956.

" Meilleur A. S. du mois : « Les imaginos » – la couverture porte imaginox, mais ce n’est sans doute qu’une coquille – (The toymaker), de Raymond F. Jones (Ed. Métal), recueil de six longues nouvelles dont la première donne son titre au volume. Sans être d’égale valeur, toutes sont très bonnes et deux excellentes. J’ai particulièrement aimé celle du début, où l’on voit un groupe de savants tenter d’empêcher le dictateur de l’époque de déclencher une guerre intergalactique en hypnotisant les enfants au moyen de jouets baptisés « imaginos ». Autre récit de qualité : « La salle des enfants », où l’on assiste à la lutte qui se livre dans le cœur d’un père dont l’enfant est mutant. Aura-t-il le courage de s’en séparer pour le bien de l’humanité ? Nouvelle extrêmement poétique et émouvante, dont la fin est assez inattendue. « Météo » s’inscrit à mi-chemin de la S.-F. et du policier, « Modèles perfectionnés » est de caractère psychologique, « Les parasites » possède une forte tendance au « suspense », « Inventions », enfin, n’est pas dénuée d’un certain humour sardonique. Comme on voit, la variété n’est pas l’une des moindres qualités de Jones dont l’imagination, par ailleurs, est étincelante. Seule ombre au tableau, la traduction qui laisse nettement à désirer."

"... la couverture porte imaginox, mais ce n’est sans doute qu’une coquille " écrit I. B. Maslowski. En effet, la nouvelle dans sa version originale parle d'imaginos pour nommer ces jouets particuliers, et, bien qu'il nous a été impossible de retrouver un exemplaire ou un scan de l'édition française de 1956 aux Editions Métal, il semble bien que la nouvelle (malgré le titre) s'intitulait alors "Les imaginos" (comme le corrobore la note de Jacques Sadoul citée plus loin). C'est toutefois sous ce titre d’Imaginox peut-être fallacieux - à moins que les Editions Métal aient voulu évoquer l'inox, procédé de renforcement de l'acier connu depuis l'antiquité mais réellement industrialisé à partir de 1925 - que sera repris l'ouvrage chez NéO, et les imaginos seront rebaptisés imaginox jusque dans la nouvelle proprement dite (les éditions NéO furent parfois critiquées pour la refonte de certaines coquilles qui n'en étaient pas, comme dans la série des Harry Dickson de Jean Ray). Malgré cela, la traduction restera la même qu'en 1956.

Imaginox, donc. Et avouons-le, cela sonne moins hispanique, et ajoute un peu de mystère quant à leur origine (puisque c'est là le cœur de la nouvelle).

Astuce et déjà-vu :

La critique de la réédition NéO de septembre 1980, bien que tout de suite recensée par Francis Valéry dans les parutions du domaine anglo-saxon, se fera attendre, et ne sera pas très tendre envers les éditions Néo. C'est en avril 1981, dans le Fiction n°317, que se prononcera Stéphane Nicot (future Stéphanie Nicot, rédactrice en chef de la revue Galaxies entre 1996 et 2007):

" L'importance croissante d'un public disposé à lire de la science-fiction amène les éditeurs à piller les collections des années cinquante et soixante.

Dans ce domaine, les Nouvelles Éditions Oswald ont en général la main plutôt heureuse. Avec Les Imaginox, nous avons en revanche une réédition qui ne s'imposait peut-être pas. Oh ! pas de quoi crier au scandale ! Ce recueil de six nouvelles n'est pas plus mauvais qu'une notable partie de la production annuelle du genre ; il s'agit simplement d'une SF fort classique pour ne pas dire archaïque, sans surprise, souvent naïve, parfois exaspérante. 

Dans l'histoire qui donne son titre au volume, le « père joujou », professeur-de-paix reconverti dans le petit commerce, parvient à éviter une guerre intergalactique entre la Terre et Médral. Son gadget miracle ? La diffusion massive de jouets pacificateurs ! Le second texte marquant n'est qu'une banale affaire de mutants ; van Vogt a fait beaucoup mieux dans la même veine.

Les nostalgiques impénitents de « l'âge d'or » aimeront probablement. Sadoul, lui, a déjà aimé…

Il n'en reste pas moins que les Nouvelles Éditions Oswald font d'habitude de bien meilleurs choix.

"... Sadoul, lui, a déjà aimé..." . On reviendra sur l'inimitié des représentants des éditions Opta pour le "monsieur J'ai Lu", concurrent éditorial évident, qu'était Jacques Sadoul. Pour ce qui est d'évoquer l'ouvrage de Jones, c'est en ces termes que l'anthologiste recensera la nouvelle-titre dans son "Histoire de la science-fiction moderne " - Tome 1 :

[Dans le numéro d'Astounding science fiction de septembre 1946], Raymond F. Jones nous donne une excellente nouvelle, The Toymaker (Les Imaginos, in Les Imaginox, éditions Métal, 1955.). Le thème en est très astucieux : devant la menace d’une guerre qui risque de ravager le système solaire, le PT Theorn, surnommé The Toymaker, c’est-à-dire le fabricant de jouets, répand partout des sortes de petites poupées, les Imaginos. Or, ces jouets ont une action pacifiante qui s’exerce d’abord sur les enfants, pour finir par provoquer la modification des plans des chefs d’État. Ils font naître une doctrine de paix qui sera plus forte que les forces de la guerre.

Pierre VERSIN, dans sa célèbre Encyclopédie, évoque Les imaginox à la rubrique « Jeu ». Il propose également un avis sur Jones et son œuvre.

Chez Raymond F. JONES (Les Imaginox, 1946), les jouets dont le monde est inondé sont si envoûtants dans leur représentation de la réalité que les enfants contraignent leurs parents à la paix perpétuelle, car la guerre détruirait cet univers analogique.  ("Jeu", p.469)

JONES (Raymond F.) : Ecrivain américain (1915- ) surtout connu pour son roman Les survivants de l'infini (1949-50 ; en volume: 1952) dont on a tiré un film remarquable en 1954. En fait, un autre de ses romans, Renaissance (1944 ; en volume : 1951), est beaucoup plus intéressant en ce qu'il invente un monde, expérience de cité close après une guerre atomique, peuplée de savants uniquement, et remarque l'éclosion du tabou dans toute société fermée, fût-elle intellectuelle au suprême degré. La sclérose d’invention guette un peuple coupé de la « nature », donc de l’expérimentation et de la contrainte. Ce récit tend à démontrer la vanité de la quête de l’absolu.

JONES a aussi écrit de nombreuses nouvelles dont six ont été réunies en 1951 dans Les Imaginox. Un autre de ses contes est important, Une pierre et un épieu (1950), dans lequel des hommes d’un futur torturé par notre inconscience viennent nous demander des comptes. Car «je ne sais pas avec quelles armes se fera la prochaine guerre, a écrit EINSTEIN, mais je suis certain que celle qui suivra se fera à coups de pierres et d’épieux ». ( "Raymond F. Jones" p.472)

La quatrième dimension des couvertures :

  • Quatrième de couverture des Editions METAL (1955)

Raymond F. JONES, l'auteur de cette remarquable série de récits, naquit à Salt Lake-City il y a trente-cinq ans. Ses études le spécialisèrent à la fois en électricité (il est ingénieur) et en anglais. Il est détenteur d'une licence d'opérateur radiophonique, et pendant la guerre travailla au service des ingénieurs de radio BENDIX. Depuis dix ans, il est employé au ser­vice météorologique des Etats-Unis.

Mr. Jones est l'un des membres d'un petit groupe d'écrivains distingués dont la nouvelle intervention en tant qu'auteur de contes de science-fiction a véritablement propulsé le magazine Astounding Science Fiction à la position de leader qu'il occupe présentement. Raymond F. Jones a l'habileté, que peu d'autres écrivains du genre possèdent, de rendre les personnages de ses histoires absolument réels et son éducation scientifique lui permet de les bâtir sur une base authentique.

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Les Imaginox nous conte l'histoire pas­sionnante de la lutte des deux principales civilisations du système solaire pour l'hégé­monie économique et politique. C'est aussi une étude prenante et fouillée de la psycho­logie opposée de deux hommes : Le pro­fesseur Rold Theorn, à la recherche d'une solution pacifique des problèmes de la galaxie, et le sénateur Callimus, qui utilise les res­sources de la super-science pour entraîner le peuple vers un climat de guerre totale. Callimus dispose de tous les moyens de propagande et avec la dextérité d'un montreur de ma­rionnettes, il tire les ficellles pour effrayer, séduire et menacer. Mais le professeur Theorn, le « Père Joujou », crée les mysté­rieux IMAGINOX, et grâce aux enfants complètement ensorcelés par les étranges jouets sans forme, il répand sa doctrine de paix. Les résultats incroyables obtenus par les IMAGINOX, et la menace proche de la destruction totale du système solaire, font du Toymaker, une histoire que vous n'êtes pas près d'oublier.

Les modèles perfectionnés nous entraî­nent à la suite des techniciens des Labora­toires du Nord dans des aventures tumul­tueuses où ceux-ci, complètement abasourdis, trouvent leurs plans quelque peu changés par des visiteurs inattendus d'une époque in­connue.

Dans les Parasites, nous découvrons que d'étranges insectes de la planète mécanisée de SIAN envahissent la terre, entraînant au désastre les villes populeuses.

Inventions est une curieuse légende de l'époque du commerce inter-planétaire et du mythe brutal des compagnies qui trafiquent avec d'étranges indigènes à travers le cosmos.

Météo est une captivante description des épouvantables problèmes rencontrés dans le monde de demain par les hommes intré­pides qui assument la responsabilité du con­trôle climatique.

La nouvelle concluant cet ouvrage : La Salle des Enfants, est un conte puissant et inoubliable où un homme et une femme sont forcés de prendre une décision capitale con­cernant le bonheur FUTUR de l'humanité.

Tous ceux qui apprécient des histoires ra­pides et passionnantes de gens courageux et d'exploits extraordinaires, seront captivés par ce volume de moderne science-fiction.
  • Quatrième de couverture des Editions NéO (1980)

Les Imaginox nous conte l'histoire passionnante de la lutte des deux principales civilisations du système solaire pour l'hégémonie économique et politique. C'est aussi une étude prenante de la psychologie de deux hommes : le professeur Rold Theorn, à la recherche d'une solution pacifique des problèmes de la galaxie et le sénateur Callimus, qui utilise les ressources de la super-science pour entrainer le peuple dans un climat de guerre totale. Callimus dispose de tous les moyens de propagande et avec la dextérité d'un montreur de marionnettes, il tire les ficelles pour effrayer, abattre et menacer. Mais le professeur Theorn, le "Père Joujou", crée les mystérieux Imaginox et, grâce aux enfants complètement ensorcelés par les étranges jouets sans forme, il répand sa doctrine de paix.

Paru en 1955 dans l'éphémère série 2000 des Éditions Métal, ce livre était non seulement introuvable, mais à peu près totalement inconnu du public français, si l'on excepte le petit nombre d'amateurs de science-fiction de cette époque, aujourd'hui relativement âgés.

Né en 1915 à Salt Lake City (U.S.A.), Raymond F. Jones est surtout connu pour son roman Les survivants de l'infini (Le Rayon fantastique) dont a été tiré un film remarquable en 1954.

Il a aussi écrit de nombreuses nouvelles dont 6 sont réunies dans Les Imaginox, mais est resté peu connu du public français. Son autre roman, tout aussi remarquable, Renaissance, vient en effet seulement de paraitre en librairie cette année (Éditions J'ai lu), soit 25 ans après Les Survivants de l'infini et Les Imaginox. Il s'agit pourtant d'une des voix les plus originales de la science-fiction américaine de la grande époque.

  • Sommaire

1 - Les Imaginox (The Toymaker, 1946), pages 7 à 50, nouvelle, trad. Maurice POULAIN & Cécile SAY

2 - Modèles perfectionnés (The Model Shop, 1947), pages 51 à 77, nouvelle, trad. Maurice POULAIN & Cécile SAY

3 - Les Parasites (The Deadly Host, 1945), pages 79 à 104, nouvelle, trad. Maurice POULAIN & Cécile SAY

4 - Inventions (Utility, 1944), pages 105 à 132, nouvelle, trad. Maurice POULAIN & Cécile SAY

5 - Météo (Forecast, 1946), pages 133 à 182, nouvelle, trad. Maurice POULAIN & Cécile SAY

6 - La Salle des enfants (The children's room, 1947), pages 183 à 218, nouvelle, trad. Maurice POULAIN & Cécile SAY

    L'avis du PReFeG :

    On ne s'attend donc pas à un chef d'œuvre oublié de l'âge d'or de la SF. Mais le recueil a toutefois un charme évident pour qui accepte que les ouvrages écrits à une certaine époque ne puissent pas bénéficier des progrès thématiques ou formels des décennies suivantes. Même si certains aspects peuvent questionner (la problématique des mutants, et l'utilisation un peu abusive du mot "race" les concernant), l'ensemble des nouvelles est éclectique et préfigure complètement le roman qui suivra dans la bibliographie de Jones (Les survivants des l'infini).

    Les imaginox : 

    La nouvelle part d'un inoffensif marchand de jouets, surnommé infantilement le Père Joujou, dont la boutique se situe dans une rue qui pourrait être sortie tout droit d'un conte fantastique à la Jean Ray - une rue difficile à trouver si l'on n'est pas guidé par son cœur d'enfant. Les jouets eux-mêmes sont fantastiques ; en plâtre, qualifiés de hideux, comme mal dégrossis, par les adultes, ils émerveillent toutefois les enfants qui ont encore en eux la capacité de croire. Cette crédulité est à la base même du récit, qui n'est pas un conte de Noël fantastique, mais bel et bien un récit de SF, dans laquelle nous basculons en comprenant que l'histoire se déroule sur Jemal, un monde belliqueux qui voit d'un très mauvais œil les progrès de sa voisine Medral. Car c'est bien de l'ombre de la guerre qu'il s'agit au fond, et du secret combat des faiseurs de guerre contre les pacificateurs.

    Modèles perfectionnés – (The model shop) :

    Une nouvelle qui rappelle fortement la première partie des "survivants de l'infini", que Jones rédigera l'année suivante. On y retrouve en effet ses talentueux ingénieurs en électronique dépassés par un savoir nettement supérieur, et la tentation de jouer aux apprentis sorciers.

    Les parasites – (The deadly host) :

    Après les fabricants de jouets qui cachent leur jeu et les ingénieurs confrontés à une technologie avancée, les inventeurs découvrant l'existence d'une forme de vie électronique. On peut se perdre un peu dans les considérations techniques - et Jones connait manifestement bien son affaire - mais il en ressort (sic) toutefois de vieux automatismes : construire des pièges, tester et observer, démonter et disséquer…

    Inventions – (Utility) :

    Après les inventeurs humains, les inventeurs extraterrestres et leur façon de dévoyer la technologue humaine pour faire arme de tout. On s'attache également à un explorateur hydrophobe, sorte de Monte Cristo. 

    Météo – (Forecast) :

    Prévoir a toujours été la velléité des hommes de pouvoir. Alors, quand prévoir le temps cède le pas à contrôler le temps, un tel pouvoir ne peut qu'engendre des confrontations monstrueuses. La nouvelle fonctionne sur des rouages policiers mais demeure de la hard science-fiction.

    La salle des enfants – (The children’s room) :

    Les histoires de mutant sont souvent empreintes de portraits d'êtres inadaptés à leurs sociétés. Ici, il est plutôt question de constituer une élite, et l'idéologie sous-entendue pourrait fort bien dériver en fanatisme sectaire, politique, religieux, ou même racial (qu'on se rappelle "L'apparition des surhommes" de B. R. Bruss pour s'en convaincre). Jones centre plutôt son récit - qui n'ignore rien de ces dérives déplaisantes - sur la résignation des géniteurs du mutant, qui doivent bien composer avec les particularités de leur enfant. Pas de super pouvoirs ici, et c'est ce qui rend d'autant plus suspecte l'institution chargée de recruter les mutants, mais une forme d'intelligence précoce que nous nommerions á notre époque "hpi". Comme dans "Les survivants de l'infini", la nouvelle laisse le sentiment que, face à des espèces mutantes ou extraterrestres plus évoluées, l'humanité part vaincue d'avance.

    20 décembre, 2023

    Galaxie (1ère série) n°051 – Février 1958

    Florilège de têtes d'affiches pour ce numéro 51 de Galaxie : outre l'inévitable Robert Sheckley, on retrouve William Tenn, Clifford D. Simak, Evelyn E. Smith, et toujours ce sacré Jimmy !

     

    On clique droit sur ce Virgil Finlay en couleurs !

     Sommaire du Numéro 51 :

     

    1 - William TENN, La Gloire refusée (The Dark Star, 1957), pages 3 à 12, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par DILLON *

    2 - Charles VAN DE VET, Mutations sur la planète boueuse (Growing Up on Big Muddy, 1957), pages 13 à 23, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Laurent TURPIN *

    3 - Evelyn E. SMITH, Menace du futur (The Man Outside, 1957), pages 24 à 36, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par DILLON

    4 - Daniel F. GALOUYE, L'Amour est aveugle (Share Alike, 1957), pages 37 à 47, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par DILLON *

    5 - John WYNDHAM, Voyage dans les siècles (Pillar to Post, 1951), pages 48 à 60, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Richard POWERS

    6 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 61 à 62, courrier

    7 - Walter S. TEVIS, L'Ixe de l'i grec (The Ifth of Oofth, 1957), pages 63 à 70, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Jack GAUGHAN *

    8 - Julia VERLANGER, La Nuit de Martha, pages 71 à 77, nouvelle

    9 - Clifford Donald SIMAK, Le Martien se trompe de plan (Carbon Copy, 1957), pages 79 à 114, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par KRUGE

    10 - Jimmy GUIEU, Les Soucoupes volantes, pages 115 à 116, chronique

    11 - Robert SHECKLEY, Les Morts de Ben Baxter (The Deaths of Ben Baxter, 1957), pages 117 à 138, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Dick FRANCIS

    12 - Damon KNIGHT, À rebours (This Way to the Regress / Backward, O Time, 1956), pages 139 à 144, nouvelle, trad. (non mentionné)


    * Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

    Malgré une phallocratie sans doute inconsciente, William Tenn nous narre avec humanité  dans La gloire refusée la malheureuse esquive d'un homme à qui aurait pu échoir un destin exceptionnel.

    Charles Van De Vet nous présente une planète piège plutôt accueillante, et le récit de ses effets dans la durée, pour une conclusion tout de même un peu attendue. Mutations sur la planète Boueuse demeure honorable toutefois.

    Changement de ton pour Menace du futur d'Evelyn E. Smith, qui délaisse son humour juvénile pour un traitement plus sérieux. Elle y gagne en force et en portée dans une histoire de réécriture du présent orchestrée par ceux du futur.

    L'amour est aveugle, par Daniel F. Galouye, est une romance un peu légère, si ce n'était le concept de plans d'existence différents qui permettent de gagner de l'espace en faisant vivre plusieurs êtres dans des plans parallèles.

    Dans Voyage dans les siècles, par John Wyndham, la loi d'équivalence pour les voyages temporels présentée par Poul Anderson (dans "Un travail de romain" in Fiction n°52) et reprise par William Tenn (dans "Winthrop aimait trop le XXVème Siècle", in Galaxie n°50) trouve ici un précédent (la nouvelle date de 1951 contre 1957 pour celle d'Anderson) et un développement plein d'adversité. Les aspects du monde futur feront aussi penser aux spéculations de Stapledon. Wyndham avait ici de quoi développer certains aspects d'un récit qui finit par tourner un peu court - et c'est en partie dû à la traduction et aux coupes exercées par la revue (une introduction et une conclusion d'un soignant d'asile encadrent initialement le récit). Une version plus complète de cette nouvelle est parue dans le recueil "Le temps cassé" dans la collection Présence du futur chez Denoël.

    L'ixe de l'i grec, par Walter S. Tevis, évoque les affres des quatrième et cinquième dimensions, théoriques, qui deviennent des mécanismes cosmiques auxquels il convient de ne pas toucher. On repensera à "La fin d'un monde" de Alan E. Nourse (in Galaxie n°17) et au "Problème du carré pointu" de Hervé Callixte (in Fiction n°49). 

    A propos de Walter S. Tevis, il est l'auteur de "L'arnaqueur", adapté au cinéma et devenu le classique que l'on sait, ainsi que de "L'homme qui venait d'ailleurs", qui verra son adaptation cinématographique honorée par la présence de David Bowie.

    Effet cocktail entre substances de planètes différentes et histoire d'épouvante un peu gore avec La nuit de Martha, par Julia VerlangerOn aura toutefois connu Verlanger plus subtile.

    Dan la rubrique Les soucoupes volantes, par le "chef" Jimy Guieu, ce sacré Jimmy fait dire à des observations, à la façon d'un Charles Fort, ce qu'il veut bien en tirer comme conclusion. Un joli exemple d'écriture de légende urbaine.

    Dans Les morts de Ben Baxter, Robert Sheckley s'amuse avec les couloirs du temps comme le ferait Poul Anderson, à la différence que là où il n'existe qu'une seule ligne temporelle - même malléable - chez Anderson, Sheckley, lui, fait coexister plusieurs trames de probabilités - mais de fait beaucoup plus rigides. Les similitudes et les différences dans leurs récits comparatifs en fait une nouvelle plaisante à parcourir.

    A contrario, on comprend vite le procédé de À rebours, par Damon Knight, qui sera repris par Martin Amis dans "La flèche du temps", et par Kurt Vonnegut dans un passage de son "Abattoir5". Passé l'effet de surprise, il n'en reste pas grand chose...

    On évoquait encore l'ADN sous son nom anglo-saxon en 1958. En témoigne ce courrier des lecteurs :

    Qu’est-ce que le D.N.A. dont on a tant parlé au sujet d’une nouvelle race de canards créée par des savants ?

    M. J. CARRIER, - Lodève.

    LES initiales D.N.A. désignent l’acide désoxyribonucléique, qui est l’un des composants du noyau cellulaire, avec l’acide ribonucléique et la protéine, ainsi que l’a défini le biochimiste allemand Friedrich Miescher en 1874.

    De multiples expériences effectuées depuis 1928 sur des bactéries par des savants de différents pays ont prouvé l’identité du D.N.A. et de ce qu’on appelle en génétique le « facteur héréditaire », c’est-à-dire les gènes.

    La teneur en D.N.A. des noyaux de toutes les cellules d’un même individu est la même. Elle est de l’ordre de quelques milliardièmes de milligramme. Cependant, chaque spermatozoïde n’en renferme que la moitié de la quantité contenue dans les autres cellules.

    Le principe de base des procédés de préparation du D.N.A. est de séparer les nucléoprotéines de la matière cytoplasmique, de scinder ensuite ces nucléoprotéines en protéine et acide nucléique, enfin de précipiter un sel alcalin de D.N.A. C’est ainsi que le docteur et la doctoresse Vendrely, du Centre de Recherches sur les Macromolécules, à Strasbourg, ont procédé, à partir des glandes sexuelles et du sang de canards Khakis (il est à noter que le sang des oiseaux, contrairement à celui des mammifères, contient une proportion appréciable de D.N.A.).

    C’est avec ce produit, qui se présente sous l’aspect fibreux de l’amiante, que le professeur Benoît a réussi ses étonnantes et audacieuses expériences sur les canards Pékin. Expériences qui, selon certains savants, marquent une ère nouvelle de la génétique.

    14 décembre, 2023

    Quand "Fiction" passe à la télévision...

    On pourrait avoir l'impression que la revue "Fiction" n'intéresserait qu'une niche de lecteurs, pour la plupart âgés d'une bonne soixantaine d'années, qui reverraient avec nostalgie défiler les grands noms d'une époque où "faire de la SF", où "lire du fantastique", ne relevait que d'un exercice d'imagination.

    Nous le voyons, la dureté de notre époque, la rapidité des transformations de nos sociétés, les enjeux multiples qui nous feraient redouter les lendemains, donnent l'impression que les lecteurs d'aujourd'hui, et les auteurs contemporains des littérature de l'imaginaire, s'enfoncent radicalement dans l'évasion, l'échappatoire, la distraction, plutôt qu'enfoncer le clou des spéculations et des anticipations des décennies passées.

    Aussi, ces littératures spéculatives des années 50 à 80 seraient d'elles-mêmes condamnées à l'oubli, pour leur capacités toujours présentes à "mettre de l'huile sur le feu".

    C'est un peu la posture d'Emmanuel Carrère lorsque - dans la séquence terminale "Droit dans les yeux" de l'émission littéraire "La Grande Librairie" - il conclut son portrait du monde et des dangers qui nous menacent par l'aveu, un peu gêné, qu'il pratique délibérément la politique de l'autruche, ne pouvant se résoudre à n'être ni un "relatif optimiste", ni un "radical pessimiste".

    Pour autant, Emmanuel Carrère a été pétri de cette culture fantastique et spéculative qu'entretenait "Fiction". En témoigne cet extrait de l'émission diffusée le 13 décembre 2023 consacrée à l'auteur. On y évoque Lovecraft, Philip K. Dick, et... "Fiction" !


    On peut y découvrir la couverture du Fiction n°300, où figure la première nouvelle jamais publié d'Emmanuel Carrère : Victor Frankenstein : carnets inédits. A cette occasion, il était introduit comme suit auprès des lecteurs de Fiction :

    « Grand consommateur de littérature fantastique et extrêmement ignorant en matière de science-fiction ». Ainsi se définit Emmanuel Carrère, auteur de ces étonnants « carnets inédits » qui constituent sa première œuvre de fiction jamais publiée. Pourtant, Emmanuel Carrère n'est pas tout à fait un novice en matière d'écriture. Né à Paris le 9 décembre 1957, étudiant en troisième année de « Sciences Po », il est, en effet, un collaborateur régulier de notre inestimable consœur Positif. Pourtant, jusqu'à ce jour, il n'avait encore publié – ni même proposé – aucune nouvelle ni aucun récit. Ce qui est d'autant plus surprenant que le texte que vous allez lire ne manque pas d'ambition tant sur le plan du style que sur celui des idées. Ce qui n'empêche pas son auteur de déclarer : « Il m'a semblé que le sujet, l'évidente facilité qu'il y a à couler un récit autre dans les interstices d'une œuvre connue – et que j'admire sans réserves – ma familiarité, enfin, avec l'univers culturel invoqué (le romantisme anglais et allemand, la philosophie de la nature) faisaient à peu près passer les maladresses de l'exécution. » « Maladresses » ? Voire ! Car il est peu fréquent qu'un récit s'inspirant d'une œuvre (et quelle œuvre !) l'ayant précédé parvienne à être aussi convaincant.

     (in Fiction n°300,  Avril 1979).

    13 décembre, 2023

    Fiction n°055 – Juin 1958

    Des novellas de très bonne facture accompagnent un bon niveau général pour ce numéro d'été 1958, marqué par la disparition prématurée du talentueux Cyril M. Kornbluth.

     

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    Sommaire du Numéro 55 :

    NOUVELLES
     

     

    1 - François TRUFFAUT, A bas la science-fiction, pages I à II, critique(s)
    2 - Jacques BERGIER & Pierre VERSINS, Solidarité, pages 3 à 30, nouvelle *
    3 - John Dickson CARR, L'Homme au col de fourrure (New Murders for Old, 1939), pages 31 à 45, nouvelle, trad. Roger DURAND
    4 - Robert BLOCH, Mon barman et son monstre (How Bug-Eyed Was My Monster, 1958), pages 46 à 50, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
    5 - Jehanne JEAN-CHARLES, Trois petits tours et puis s'en va, pages 51 à 53, nouvelle
    6 - Ray RUSSELL, Le Dialogue des sourds (Incommunicado, 1957), pages 54 à 56, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE *
    7 - Anthony BOUCHER, Gandolphus (Gandolphus, 1952), pages 57 à 64, nouvelle, trad. Roger DURAND *
    8 - Philippe CURVAL, Un rêve de pierre, pages 69 à 80, nouvelle
    9 - Lester DEL REY, L'Enfant qui n'était pas là (Little Jimmy, 1957), pages 81 à 92, nouvelle, trad. Suzanne RONDARD *
    10 - Evelyn E. SMITH, Mon Martien et moi (Outcast of Mars, 1957), pages 93 à 99, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
    11 - G.C. EDMONDSON, Renaissance (Renaissance, 1957), pages 100 à 114, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH *
    12 - Cyril M. KORNBLUTH, Manuscrit trouvé dans un sablé chinois (MS. Found in a Chinese Fortune Cookie, 1957), pages 115 à 126, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH

    * Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

    CHRONIQUES


    13 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 127 à 133, critique(s)
    14 - F. HODA, A bas la S.F. ? : Truffaut ne "marque" pas un point..., pages 134 à 135, article
    15 - Forrest J. ACKERMAN, Si peu de temps après Kuttner..., pages 137 à 137, article
    16 - COLLECTIF, Courrier des Lecteurs, pages 138 à 139, article
    17 - (non mentionné), Connaissez-vous le club "Futopia" ?, pages 141 à 141, article
    18 - F. HODA, La Mante et les dinosaures, pages 143 à 144, article
    19 - (non mentionné), Table des récits parus dans "Fiction", pages 144 à 148, index.

     


    On commence avec Solidarité, par Pierre Versins (sur une idée de Jacques Bergier) , une très bonne novella, tant sur sa forme aux multiples rebondissements, que sur le fond - d'une modernité que nos Tchernobyl ou Fukushima ne sauraient détrôner. On aurait pu frémir à l'usage de certains mots "canceled " si la morale de l'histoire n'avait pas emprunté un contre-courant. Bref : une histoire de résistance au nucléaire (ici sous sa forme primitive atomique), très courageuse et lucide pour son époque.

    Dans L’homme au col de fourrure, John Dickson Carr nous propose, encore une fois avec cet auteur, un habile mélange de fantastique et de machination criminelle. On appréciera le style et l'intrigue.

    Courte, drôle et efficace, une rencontre du troisième type dans un style plein de verve : c'est Mon barman et son monstre par Robert Bloch.

    Petit histoire cruelle sur un monstre de music-hall avec Trois petits tours et puis s’en va… de Jehanne Jean-Charles (femme de l'humoriste éponyme).

    La chute de Babel reportée à l'échelle du monde, à des fins de faciliter une invasion. Le dialogue des sourds, par Ray Russell, nous fait prendre conscience de ce trésor à nous commun qu'est le langage. 

    Gandolphus, par Anthony Boucherest une histoire de possession mâtinée de légende monacale, avec extraterrestres à la clé. Un bon petit cocktail à savourer cul-sec !

    Beaucoup de mots pour parler de sédimentation minérale ; Philippe Curval explore en poète dans Un rêve de pierre les affres créatrices de la sculpture sur météorite, mais se perd un peu en chemin...

    Une histoire d'enfantôme - tout un concept en soi, que Fiction rattache justement à d'autres histoires atypique. Du bon travail qu'est L’enfant qui n’était pas là de Lester Del Rey.

    Après Lester Del Rey, Fiction continue de récupérer l'écurie Galaxie en publiant Evelyn E. Smith, dans Mon Martien et moiavec une belle traduction d'Yves Riviére, pour une romance inter espèces sur une planète Mars où domine une espèce plutôt volage.

    Reconstruction post-apocalyptique dans Renaissance, par G. C. Edmondsonau ton grinçant qui fait la patte de son auteur. Mais une leçon d'optimisme tout autant.

    Rendant hommage à Cyril M. Kornbluth, qui vient de mourir d'une soudaine crise cardiaque comme Henry Kuttner quelques semaines auparavant, Fiction propose Manuscrit trouvé dans un sablé chinois, où Kornbluth joue en auto-fiction à rendre romanesque le destin d'un de ses pseudonymes - Cecil Corwin. On frôle l'absurde et le complotisme avec humour - comme Kornbluth semble au passage régler quelques compte avec certains de ses pairs écrivains.


    François Truffaut dans Fiction ! …ou presque. Les Glanes interstellaires de ce numéro (rubrique qui répertorie les allusions à la science-fiction parues dans la presse) font état d'une critique très acerbe du cinéaste (et critique de cinéma)  envers le genre tout entier, à travers un malheureux exemple. Voyons plutôt :

    GLANES INTERSTELLAIRES : À travers la presse.

    Sous le titre « À bas la science-fiction », l'hebdomadaire « Arts » a publié, dans son numéro du 16 avril, un article où son critique cinématographique François Truffaut, à propos du film « La marque », s'en prenait à la SF en général. Vous trouverez dans ce numéro de « Fiction » les réflexions inspirées à notre collaborateur F. Hoda par les vues de Truffaut. Voici l'article de celui-ci :

    Comment analyser la méfiance instinctive que m'inspirent les fanas de la science-fiction ? Je ne puis m'empêcher de penser qu'il faut bien de la sécheresse, de l'insensibilité et de la pauvreté d'imagination pour s'en aller chercher du côté des Martiens une fantaisie, une poésie, une émotion qui sont chez nous, sur la terre, à portée de main, de regard et de cœur, quotidiennes, éternelles.

    Toute belle et grande œuvre est sa propre science-fiction ; les personnages de Fellini ou de Hitchcock sont des Martiens, sans accessoires peut-être, mais d'une telle féerie, si loin de nous et tout à la fois si proches qu'ils satisfont pleinement nos besoins d'évasion, de merveilleux et de fantastique. Du reste, les amateurs de science-fiction, conscients de l'extrême fragilité des romans ou des films basé sur une « bonne idée », une trouvaille, un postulat, avouent que l'intérêt commence où les sentiments apparaissent, c'est-à-dire lorsque la bête, la chose, la forme s'humanise, souffre et réagit sentimentalement, donc lorsque l'entreprise débouche sur nos canevas habituels et que le fantastique ne s'exprime plus que dans les apparences charnelles, vestimentaires, etc. 

    Les amateurs de science-fiction sont racistes sans le savoir, à la manière de ces femmes frigides qui cherchent le plaisir impossible dans des bras colorés, broyant du noir sous le faux alibi de la curiosité ethnique. Ayant l'occasion récemment de revoir à quelques jours d'intervalle le film de Cocteau : La Belle et la Bête, et celui de Bresson dialogué par Cocteau Les Dames du bois de Boulogne, je m'aperçus de la profonde parenté entre ces deux œuvres dont l'une se veut strictement poétique et la seconde strictement morale. Les rapports d'Elina Labourdette et de Paul Bernard sont semblables rigoureusement à ceux qui unissent la Belle et la Bête, une dévotion amoureuse allant jusqu'à la plus extrême soumission et, finalement, le renversement des passions. Or, de ces deux films, c'est celui de Cocteau qui a vieilli, celui de Bresson, au contraire, dispensant aujourd'hui une émotion nouvelle, à longue durée, pure de toute sentimentalité pittoresque. Les Dames du bois de Boulogne, comme Il bidonne, comme Fenêtre sur cour est un film de science-fiction. 

    Davantage que n'importe quoi, le cinéma est féerique, par la force des choses. Le cinéaste le plus lucide, le plus expérimenté, le plus froid ne peut dissimuler sa surprise en projection des rushes devant le décalage entre ce qu'il croyait filmer et ce qui est sur l'écran. C'est pourquoi les cinéastes qui « visualisent » avant de tourner rateront toujours leurs films : il faut filmer des idées qui deviendront des images et non filmer des images qui seront trahies par d'autres idées. C'est ce décalage entre la réalité filmée et la réalité obtenue qui amène le fantastique et qui transforme les films les plus réalistes (ou les plus néo-réalistes) en de purs contes de fées : Toni, Rome ville ouverte, Farrebique, Les Vacances de M. Hulot sont des films illustrant, volontairement ou non, le fantastique quotidien, pour moi le seul qui compte. 

    On a beaucoup moqué la naïveté des industriels qui ont cru renouveler le cinéma en élargissant l'écran ; je tiens pour plus stupide la croyance de certains intellectuels dans le renouvellement des sujets par la science-fiction ; le canevas suivant : un jeune Martien tombe amoureux d'une jolie Terrienne, n'est pas autre chose que l'affadissement de celui-ci : un jeune paysan arrive à Paris et devient éperdument amoureux d'une jeune fille de Passy qui « fait » propédeutique. Si je prétends qu'il y a affadissement dans un sujet transposé pour la science-fiction, c'est que le pittoresque facile envahit tout et dissout ce qui devrait être l'essentiel : les mouvements du cœur et du corps. 

    Le cinéaste offre au public un film qui, s'il est bien conçu et bien réalisé, doit être indiscutable ; ce qu'il y a d'irritant dans tous les sujets fantastiques basés sur un postulat : imaginons que, supposons que, qu'arriverait-il si… c'est qu'ils font de chaque spectateur non pas un représentant du public, mais un collègue, un co-scénariste, un complice de la création qui pendant même la projection du film, se prend au jeu stupide de refaire le scénario à sa manière ; pourquoi ? Parce que les films de ce genre nous laissent toujours insatisfaits par le mélange détonant constitué par trop de mensonge et trop peu de vérité, trop peu de science et trop de fiction. 

    Les amateurs de science-fiction m'apparaissent donc suspects dans leur quête désespérée d'une fantaisie aussi fausse que la vérité recherchée par les fanatiques des films strictement documentaires : Continent perdu, ou même les bandes d'amateurs projetées à Pleyel. 

    Que penser d'un public qui délaisse les romans, déserte les salles de théâtre, de cinéma et de concerts au profit des spectacles « son et lumière » ? L'amateur de science-fiction me semble l'équivalent intellectuel du spectateur « son et lumière ». Assis entre deux chaises, blasé sur la fiction, trop paresseux pour s'adonner aux sciences, privé de toute curiosité humaine, stérile et desséché, incapable de rêves et dénué de fantaisie, il amorce, inconscient, une horrible métamorphose qui fera de lui bientôt une sorte de « phasme » qu'on oubliera dans un bocal, confondu aux mortes brindilles auxquelles, dédaignant le cœur humain, il se sera trop exclusivement intéressé. 

    Tout cela, et que l'on me pardonne ces généralités, pour vous inviter à ne pas voir La Marque, film anglais de science-fiction, d'une platitude, d'une laideur et d'une sottise absolues. 

    Rappelons que François Truffaut réalisera une très belle adaptation de "Fahrenheit 451", d'après Ray Bradbury, en 1966. Comme quoi, seuls les imbéciles ne changent pas d'avis…

    08 décembre, 2023

    Deux bougies pour le PReFeG !

    Bon sang de bonus caché !

    Cette année, nous avons tenu le cap de nos publications hebdomadaires avec pugnacité, malgré l'adversité du temps, toujours lui, seul véritable sujet de roman selon H. P. Lovecraft (et beaucoup d'autres en fait...).

    Au bilan pour cette année écoulée :
    66 articles, toujours consultés sur tous les continents (malgré l'absence de lecteurs en Antarctique), 17 800 vues selon le service de statistiques (fier d'arroser plus de 30 000 vues au total), 26 numéros de la revue Fiction et autant de la 1ère série de la revue Galaxie, lus, relus, corrigés, souvent améliorés dans l'encodage, parfois la mise en page, et partagés ...
    ET
    356 auteurs recensés (soient 144 de plus que l'an passé), et autant de bibliographies visitées,
    AINSI QUE
    13 articles bonus publiés, mensuellement, sur des proposition toujours mises en contexte, proposant autant de livres numériques relus et corrigés ... (ah non, 15 en comptant deux bonus un peu cachés...)
    LE PReFeG est fier d'avoir pu vous proposer tout cela, et d'avoir passé ce cap de la seconde année d'existence sans défaillir sur les échéances et les objectifs qu'il s'était tracé tout seul comme un grand...
     
    Cela devient la coutume, nous souhaitons remercier notre petite poignée de commentateurs, pour leurs encouragements et leur bienveillance - c'est toujours grâce à vous que la motivation a pu rester intacte durant ces 52 semaines. Merci donc à Inconnu(s), Ludo le Hérison, Ogareff, Philippe from France,et Shocker
     
    Vos relectures nous sont toujours précieuses, et nous poursuivons notre appel à contributeurs. Si vous désirez lire, relire, et débusquer les coquilles liées à la numérisation, pour un ou plusieurs numéros dont la publication reste à venir, ou pour les numéros déjà publiés, nous sommes preneurs de votre volontariat. Cela vaut tant pour Galaxie 1ère série (voir la page dédiée ICI), que pour la seconde série, et la revue Fiction, bien entendu. Nous pouvons vous envoyer nos fichiers bruts ; pour cela, faites vous connaître et contactez-nous via les commentaires.
     
    Notre trombinoscope d'auteurs va s'étoffant. Des portraits d'auteurs nous manquent encore parfois. Si d'aventure, au hasard d'un livre, un vrai, ou d'une rétrospective,  vous croisez les bobines des auteurs et autrices suivants, et suivantes, nous sommes toujours preneurs. Les nominé(e)s à sortir de l'anonymat sont ainsi :
    • Franklin Abel, Arcadius, Stephen Arr, Gabriel Authier,
    • William L. Bade, Yves Bailly, Manly Banister, Raymond E. Banks, Stephen Barr, Jerome Barry, Michel-Aimé Baudouy, Leslie Bigelow, Albert Bilder, Con Blomberg, Lucien Bornert, Jean-Jacques Bridenne, Richard Broobank, Bill Brown,
    • Hervé Calixte, T. P. Caravan, Paul A. Carter, Michael Cathal, James Causey, Antoinette de Chevriers, Richard Chomet, Catherine Cliff, Bill Clothier, Alan Cogan, Robert Cohen, André Coypel, Levi Crow,
    • Lucius Daniels, Joe E. Dean, Guy DeAngelis, Jacques Droit, Dave Dryfoos, Jean Duzal,
    • H. Chandler Elliot, Bruce Elliott, Michel Ehrwein, Dean Evans,
    • Albert Ferlin
    • Robert Gauchez, Joe Gibson, Robert E. Gilbert, D. V. Gilder, Ruth M. Goldsmith, Catherine Grégoire, Bernard Guillemain,Wyman Guin,
    • Thelma D. Hamm, Kenneth Harmon, James Hart, E.C. Hornsby, P.A. Hourey, Gene Hunter,
    • Bascom Jr. Jones,
    • Donald Keith,
    • Michel Lacre, Pierre Lagarde, George-Louis Lassiaz, Pierre Lauer, Edward Lee, Y. F. J. Long, Roger Lowe, Danièle Lucaire, Edward W. Ludwig,
    • Gilles Madec, Bernard Manier, Richard Maples, Winston K. Marks, Michel Marly, Bruno Martin, Daniel Mauroc, Jack McKenty, Mark Meadows, Lion Miller, Richard DeWitt Miller, Henri Montocchio, Jacques Moreau, William Morrison, Howard L. Myers,
    • Homer Jr Nearing, Alan Nelson, R. D. Nicholson, Gali Nosek, John Novotny,
    • Jean-Jacques Olivier,
    • Gerald Pearce, A. H. Phelps, Peter Phillips, André Picot, André Piljean, Claude Pradet,
    • Frank Quattrocchi,
    • Robert S. Richardson, Ralph Robin, Edward G. Robles,
    • Joseph Satin, Joseph Shallitt, Vaughan Shelton, Richard E. Smith, Phyllis Sterling Smith, Charles L. Souvelier,
    • Max Tadlock, Stephen Tall, Graves Taylor, Jack Taylor, Martine Thomé, Don Thompson,
    • Charles Van De Vet, Lyn Venable,
    • Laura Ruth Wainwright, Floyd L. Wallace, Bryce Walton, T.S. Watt, Edward Wellen, Russ R. Winterbotham, Christopher Wood,
    • Robert Zacks.

    ET DE PORTRAITS DE ALAIN DOREMIEUX, PHILIPPE CURVAL, GERARD KLEIN, JACQUES VAN HERP

     JEUNES (dans les années 50...) !!!

    Le PReFeG vous renouvelle ses remerciements pour votre concours

    et pour toute proposition d'amélioration.

    Le PReFeG vous propose également