22 février, 2023

Fiction n°033 – Août 1956

Une très belle qualité de textes et des auteurs plus qu’éminents au sommaire de ce numéro docte : dites 33 !

 

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Sommaire du Numéro 33 :

NOUVELLES

1 - Philip José FARMER, La Planète du dieu (Father, 1955), pages 3 à 35, nouvelle, trad. Bruno MARTIN

2 - Marcel BRION, La Rue perdue, pages 36 à 46, nouvelle

3 - Arthur PORGES, L'Auteur qui en savait trop (Story conference, 1954), pages 47 à 54, nouvelle, trad. Roger DURAND

4 - Guy VAES, Poussière d'un monde, pages 55 à 62, nouvelle

5 - Fredric BROWN, Du sang (Blood, 1956), pages 63 à 64, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX

6 - Isaac ASIMOV, Les Mouches (Flies, 1953), pages 65 à 72, nouvelle, trad. Roger DURAND

7 - Charles BEAUMONT & Chad OLIVER, Claude à travers le temps (The Last Word, 1955), pages 73 à 82, nouvelle, trad. Bruno MARTIN

8 - Poul ANDERSON, Les Jeux sont faits (Inside Straight, 1955), pages 83 à 107, nouvelle, trad. Roger DURAND

9 - Ray BRADBURY, La Longue attente (The One who Waits, 1949), pages 108 à 114, nouvelle, trad. Gérard KLEIN

 

CHRONIQUES

10 - Gérard KLEIN, Ray Bradbury, mage, pages 115 à 119, article

11 - Jacques BERGIER & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 120 à 122, critique(s)

12 - (non mentionné), Service Bibliographique étranger, pages 124 à 125, article

13 - COLLECTIF, Courrier des lecteurs, pages 127 à 128, article

Après l’entorse à l’illustration, avec la nouvelle Le langage des fleurs de Philippe Curval dans le précédent numéro, Fiction n’en finit pas d’affirmer des règles éditoriales en s’excusant de les fouler au pied. Voyons ainsi comment la novella de Philip Jose Farmer est ici présentée :

« Les proportions inusitées de « La planète du dieu » rendaient impossible une parution en un seul numéro. Nous avons donc dû, à notre regret, scinder l’histoire en deux pour en reporter la fin au mois prochain. Nos lecteurs nous excuseront, espérons-le, de cette dérogation à notre politique « antifeuilletons ». Elle n’est dictée que par les circonstances, comme ç’avait été précédemment le cas pour « Brebis galeuses » de Macintosh, l’an dernier. »

Une politique «antifeuilletons», voilà un axe bien difficile à soutenir, à moins de vouloir se démarquer sans cesse de la revue rivale Galaxie (aux nombreuses illustrations, aux traducteurs anonymes, aux textes tronqués et scindés en plusieurs parties.)

Qu’à cela ne tienne, l’ensemble de ce numéro est d’excellente facture.

Avec La planète du dieu - première partie, donc – Philip Jose Farmer commence l'élaboration de ses démiurges, ces êtres capables de se forger des planètes suivant leurs volontés. On retrouvera ces figures dans sa « Saga des hommes-dieux », ainsi que dans son épopée « Le Monde du Fleuve ». Ici, le démiurge se prend pour un Dieu le Père très Biblique, avec son cortège moral et patriarcal. On retrouve surtout, plus développé, le personnage du prêtre John Carmody, déjà présent dans la première nouvelle de Farmer publiée par Fiction (Attitudes, in Fiction n°05), et dont le passé sera dévoilé dans le roman La nuit de la lumière (VO 1960 – VF J’ai Lu 1970).

Fiction ne snobe jamais un Académicien. Après André Maurois, Claude Farrère, Jean Cocteau, voici Marcel Brion avec La rue perdue, une très belle nouvelle qui rappelle certains contes de Jean Ray, voire Le cauchemar d'Innsmouth de Lovecraft, mais qui détonne et fait mouche par la raison d'être de cette rue perdue aux relents plus tragiques que fantastiques. Marcel Brion ou le fantastique réel.

Du fantastique réel, on tremblerait de le penser pour L’auteur qui en savait trop, d’Arthur Porges. Cela demeure nouvelle drôle dans l'absurde, surtout un texte témoignant d'une époque faste pour les nouvelles (et leurs auteurs !) de S.F.

Poussière d'un monde, par le belge Guy Vaes, est bien menée, malgré un style parfois un peu ampoulé inutilement, et rappelle les jeux de confrontation d'échelles d'un William Morrison.

Du sang !, par ce grand farceur de Fredric Brown, alignent les clins d'oeil appuyés à "Demain les chiens" de Simak et, dans une moindre mesure, "Je suis une légende" de Matheson. Brown, dans son format ultra-court, est presque l'inventeur de la blague de S.F.

Dans Les mouches, on retrouve tout l'amour d'Isaac Asimov pour le dialogue, parfois à l’excès... Mais voilà une nouvelle qui l’assume complètement : Asimov s’amuse à faire dialoguer ses propres centres d'intérêt : la chimie, la métaphysique et la cybernétique.

Claude à travers le temps, par Charles Beaumont épaulé par Chad Oliver, nous propose une parodie drolatique qui s'amuse à revisiter quelques grands thèmes de la S.F. Une deuxième partie suivra, mais ce n’est pas là la faute à un découpage « antifeuilleton » de la revue Fiction.

Avec Les jeux sont faits, Poul Anderson se fait sociologue, et expose avec talent les ressorts d'une société basée sur le jeu. Ce thème nouveau en S.F. sera également développé dans la remarquable "Loterie solaire" de Philip K. Dick (en VO de la même année 1955, en VF pas avant la traduction chez Galaxie Bis – OPTA de 1968).

La longue attente, (traduite par Gérard Klein qui nous sert ici d’ambassadeur) est un opus à ajouter aux Chroniques martiennes de Ray Bradbury ; une belle et courte nouvelle apocryphe, mais cohérente avec l’ensemble.

A propos de longue attente, citons ici la revue :

 « Au moment où nous écrivons ces lignes, il serait question à Hollywood de tirer un film du roman de Bradbury « Fahrenheit 451 », dans une adaptation écrite par l’auteur lui-même ! On n’ose croire à cette nouvelle tant elle a l'air trop belle pour être vraie. Espérons quand même que ce n’est pas là un projet en l'air – et caressons cette perspective d’avoir enfin un grand film de science-fiction adulte. » 

Il faudra malheureusement attendre 1967 pour voir cet ouvrage remarquablement adapté… par le français François Truffaut.

Klein admire Bradbury, il n’en fait pas un secret, et nous délivre ici son panégyrique Ray Bradbury, Mage. Il y cite Lovecraft au passage (« Il y a des mages pessimistes, tel H. P. Lovecraft qui fut l'un des plus grands conteurs fantastiques de tous les temps, et qui ne conçoit la vie humaine que comme une absurdité sinistre eu égard aux Puissances ténébreuses et malfaisantes qui créèrent l’homme « par plaisanterie ou par erreur »).

Pour terminer, notons qu’en raison de l’abondance des matières, la chronique mensuelle de F. Hoda sur le cinéma est reportée au prochain numéro. Une première !

15 février, 2023

Fiction n°032 – Juillet 1956

La réalité rétrécit tout, je trouve. Vivre les choses, c'est les banaliser. Et nous avons découvert tant de mondes, défoncé tant de mythes, pulvérisé tant de suppositions, qu'il ne nous est même plus possible d'avoir de l'imagination. Les rêves appartiennent à un passé à jamais révolu. De ce passé, il ne reste déjà plus rien. L'avenir également semble exploré à l'avance, connu, rabâché. Il n'y a plus qu'un éternel présent que j'arpente depuis trop longtemps pour qu'il puisse m'étonner. (Jacques Sternberg – Le navigateur)

 

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Sommaire du Numéro 32 :

NOUVELLES

 

1 - Poul ANDERSON, L'Autre univers (Delenda Est, 1955), pages 3 à 39, nouvelle, trad. Bruno MARTIN

2 - John WYNDHAM, La Guenon (Jizzle, 1949), pages 40 à 51, nouvelle, trad. Roger DURAND

3 - Philippe CURVAL, Le Langage des fleurs, pages 52 à 65, nouvelle

4 - Ward MOORE, Cercle vicieux (Old Story, 1955), pages 66 à 82, nouvelle, trad. Roger DURAND

5 - Catherine CLIFF, Le Long voyage, pages 83 à 87, nouvelle

6 - Jacques STERNBERG, Le Navigateur, pages 88 à 94, nouvelle

7 - Stephen ARR, Cause et effet (Cause, 1955), pages 95 à 108, nouvelle, trad. Roger DURAND

 

CHRONIQUES


8 - F. HODA, Quand le grand guignol s'aligne sur la science-fiction..., pages 109 à 110, critique(s)

9 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 111 à 117, critique(s)

10 - (non mentionné), Service Bibliographique étranger, pages 118 à 120, article

11 - Robert VAN LAER, La Science-fiction en Allemagne, pages 121 à 126, article

 

Quelques leçons sur les lois du temps dans ce numéro 32. Tout d’abord avec les uchronies croisées de L'autre univers, par le talentueux Poul Anderson ; doit-on rétablir le cours de l'Histoire, et comment s'y prendre, quand on est un Patrouilleur du temps ?

Ensuite avec Cercle vicieux, par Ward Moore ; une nouvelle assez déroutante sur le mouvement du temps.

Cause et effet, par Stephen Arr, rappelle le très bon argument qui considère les lois du temps dans leur plus immédiat aspect : la loi de la causalité.

Une quatrième histoire avec Le long voyage, explore ces mécanismes secrets du Temps. Ici, rater un rendez-vous dans le temps peut induire de se perdre... Concision et poésie pour Catherine Cliff (Mme Jacques Sternberg à la ville).

Jacques Sternberg n’est évidemment pas loin, avec Le navigateur, une très bonne nouvelle à chute. Son roman La sortie est au fond de l’espace est évoqué comme à paraître imminemment ; nous vous proposons l'ouvrage ici.

Son compère Philippe Curval est aussi du défilé : Le langage des fleurs convoque une planète piège mais aussi un chant symbiotique. Belle nouvelle de Curval qui développe un univers tout en subtilités (avec illustration de l’auteur en prime, et Fiction rappelle qu’il s’agit là d’une entorse à la règle).

Pour finir, La guenon de John Wyndham (qui fait son entrée officielle dans le panthéon des auteurs de Fiction) est une nouvelle bien menée, à peine fantastique toutefois, mais qui met bien l'accent sur le préjugé candide que l'animal serait moins fourbe que l'homme.

On appréciera dans les chroniques un article qui nous ouvre de belles perspectives de lecture, pourvu d’être germanophone : La science-fiction en Allemagne par Robert Van Laer, un nouveau venu dont ce sera la seule publication référencée connue...


Revenons sur John Wyndham, et la présentation de sa nouvelle La guenon. Les politiques éditoriales des Editions Fleuve Noir sont ici mises sur la sellette. A la lecture des critiques passées pourtant souvent complaisantes d’Igor B. Maslowski, on aurait pu croire en un indéfectible soutien de Fiction envers cet éditeur au nombre record de publications annuelles. Mais ici, le vernis de patelinage craque, et révèle quelque peu la condescendance de Fiction pour une littérature de moindre exigence. Assurément, et c’est la critique qui sera souvent faite à la revue, les rédacteurs de Fiction pencheraient plutôt vers une vision plus soignée de la S.F., point de vue trop élitiste peut-être pour l’époque et pour un genre encore en manque d’éditeurs sur le territoire français.

Pour ses débuts en France, John Wyndham vient d'être victime d'une mésaventure. En effet, son excellent roman « The day of the triffids » a été récemment publié, sous le titre : « Révolte des triffides », par le Fleuve Noir (ce qui est bien)… mais dans une version-digest (ce qui est beaucoup moins bien !). Sans être encore au courant de la chose, nous avions signalé comme intéressante cette parution, dans les « Glanes Interstellaires » de notre numéro 30. Nous sommes au regret d'ajouter maintenant à cela des réserves. Heureusement pour lui, le roman de Wyndham a suffisamment de qualités pour rester encore intéressant dans la traduction qui nous en est proposée, mais il a presque complètement perdu la « classe » qui le caractérisait en anglais. Sa densité et sa puissance ont été nivelées et il se trouve pratiquement réduit à un simple récit d'aventures… où l'enchaînement des épisodes, hélas ! est parfois inexplicable, on se doute pourquoi ! Que l'on songe aux coupures qu'il a subies : les 266 pages en texte serré de l'édition originale ont été ramenées en français à 181 pages, ce qui est un record !…

 

Nous n'ajouterons pas de commentaire. Notons simplement que le roman a eu un très grand succès en Angleterre où il a d'abord paru en 1951, puis aux U.S.A. où il a lancé son auteur, et enfin dans les nombreux pays où il a été traduit (avec plus de fidélité que chez nous, on l'espère !) : Hollande, Danemark, Nouvelle-Zélande, Italie, etc.

 

Wyndham est aujourd'hui considéré par les critiques américains comme le maître de la science-fiction réaliste et « adulte » et le successeur de Wells. Après « The day of the triffids », qui était son premier roman, il en a écrit deux autres : « Out of the deeps » (1953) et « Re-birth » (1955), son meilleur à ce jour et un des plus beaux traitements du thème classique de l'humanité à l'ère post-atomique. Enfin, ses nouvelles viennent d'être réunies en un recueil qui porte le titre de la première d'entre elles : « Jizzle » (celle précisément que nous vous présentons aujourd'hui).

 

Avant de venir au roman, Wyndham avait déjà derrière lui toute une carrière de nouvelliste sous des pseudonymes et dans des genres divers. On ne doit donc pas s'étonner de sa versatilité. Celle-ci fait que cet écrivain consacré par la SF apparaît dans nos pages… avec une histoire fantastique dans la tradition de John Collier ! Et, à nos lecteurs curieux, nous signalons rétrospectivement que Wyndham avait déjà été au sommaire de l'anthologie « Escales dans l'infini » (« Rayon Fantastique »), avec ce petit bijou humoristique intitulé « Touristes des temps futurs ».

La polémique rebondira dans le numéro 35 de Fiction, avec la publication dans les Glanes interstellaires de la réponse du berger à la bergère :

Mise au point.

 

À la demande des éditions du Fleuve Noir, nous publions bien volontiers la lettre suivante qu'elles nous ont adressée après lecture de notre commentaire sur leur publication de « Révolte des Triffides », de John Wyndham.

 

Nous avons le regret de vous informer que le commentaire figurant à la page 40 de votre numéro 32 et destiné à présenter la nouvelle « La guenon » de John Wyndham a manifestement été rédigé par un chroniqueur plein de bonnes intentions, mais ignorant que la version française de « Révolte des Triffides » n'est autre que la traduction de la version américaine parue dans le magazine « Collier's ».

 

Ce commentaire pouvant dévaloriser le roman aux yeux de vos lecteurs, nous vous saurions gré de publier les quelques précisions suivantes :

 

1° C'est Mr. John Wyndham lui-même qui nous a transmis la version « Collier's » pour l'adaptation française, et après y avoir apporté lui-même, de sa main, quelques changements. Il n'y a donc pas eu de « record » dans la compression du texte original ;

 

2° C'est le feuilleton du « Collier's » (et non le texte intégral) qui a provoqué aux États-Unis, puis en Angleterre, une cascade d'adaptations télévisées et radiophoniques. Il ne semble donc pas avoir desservi la notoriété de l'auteur et, en conséquence, la version française ne risque pas davantage de décevoir le public. La preuve en est faite par l'accueil enthousiaste que « Révolte des Triffides » a rencontré depuis sa parution ;

 

3° Personne, jusqu'à présent, ne semble s'être avisé que « l'enchaînement des épisodes, hélas ! est parfois inexplicable ». Peut-être suffit-il d'accorder à la lecture un minimum d'attention pour suivre le déroulement de l'intrigue avec aisance ?

 

Nous avons nous-mêmes assez d'estime pour le grand talent de Mr. John Wyndham pour ne pas défigurer son œuvre et pour opérer dans son livre des coupures qui n'auraient pas eu son assentiment.

 

Nous déplorons, par ailleurs, que, dans son article intitulé « La science-fiction en Allemagne », M. Robert Van Laer omette de citer, outre Barjavel, un autre auteur français traduit par les éditions Gebruder Weiss : Jean-Gaston Vandel dont deux livres sont déjà édités par cette maison et dont un troisième est sous contrat.

 

Notre bonne foi ayant été surprise en la matière, nous sommes reconnaissants au Fleuve Noir de nous avoir apporté ces précisions et sommes heureux de les avoir mises sous les yeux de nos lecteurs.

 

Nous regrettons seulement, dans notre inaltérable amour de la science-fiction et des éditions « les plus intégrales possibles », que, pour la publication française en librairie du roman de Wyndham, ce soit la version de librairie précisément qui n'ait pas été choisie, au bénéfice d'une version feuilleton qui ne se justifiait qu'en fonction des normes d'un magazine.

 

Quant à la publication de plusieurs romans de Jean-Gaston Vandel en Allemagne, nous sommes heureux de constater que nos auteurs trouvent écho outre-Rhin et ne pouvons que regretter à ce propos que les éditeurs français ne soient pas aussi accueillants pour les œuvres de science-fiction germaniques dont – à une seule exception près – aucune n'a jamais paru dans notre pays à l'heure actuelle. L'article de Robert Van Laer nous donne un aperçu de ce qu'est cette forme de littérature en Allemagne et les véritables amateurs du genre seraient heureux de la mieux connaître. Puissent les éditions du Fleuve Noir qui – il faut leur rendre cette justice – furent parmi les toutes premières à populariser la science-fiction en France – ne pas rester sourdes à cet appel.

 

14 février, 2023

Cadeau bonus : « Tamerlan des cœurs » - René de Obaldia 1955

Il est toujours plus difficile de trouver un ouvrage en relation avec notre sujet quand il s’agit de romance – là où les candidats pour Hallowe’en s’érigent en légions. Quoi qu’il en soit, rendons grâce à l’ouverture d’esprit de l’équipe de critiques de la revue Fiction pour savoir toujours faire un petit pas de côté et débusquer aussi de la littérature de l’imaginaire dans les collections dites « blanches ».

C’est le cas d’Alain Dorémieux quand il rapporte sa critique de l’ouvrage d’un tout « jeune » auteur franco-panaméen, René de Obaldia, futur Académicien encore au seuil de sa grande carrière de dramaturge. Cet ouvrage, c’est « Tamerlan des cœurs », paru aux éditions Plon en 1955, dont nous vous proposons ici la version reprise par Grasset en 1986 (avec une postface de Maurice Nadeau).  

Comme à l’accoutumée, un clic droit sur la couverture ci-contre vous ouvre le lien vers le livre au format epub.

Il ne s’agit pas de science-fiction, il s’agit à peine de littérature fantastique, mais il s’agit pleinement d’un genre poétique qui hybride toutes les formes de l’imagination. En vérité, nous ne formulerions pas meilleure critique que celle de Dorémieux lui-même pour séduire un éventuel lectorat. Voyons ainsi la critique de « Tamerlan des cœurs » qu’il proposait dans le numéro 23 de Fiction, en octobre 1955.

Amateurs d’insolite, voici la perle fine, la pierre précieuse, le bijou de prix à enchâsser dans votre bibliothèque : le singulier, l’incomparable « Tamerlan des cœurs » (joaillier : René de Obaldia, bijouterie Plon). Il y a des livres qui sont source de joie : il y eut « Au château d’Argol », de Gracq – il y a « Tamerlan ». Le propre d’une source est d’être souterraine. Il faut creuser pour l’atteindre. De tels trésors ne se livrent pas au premier venu, ni à la première fouille. Lisez « Tamerlan ». Lisez-le trois fois s’il le faut, comme on doit prononcer trois fois la formule cabalistique. Vous serez décontenancés, irrités, ébahis peut-être à la première, selon votre humeur du moment. La deuxième vous apprivoisera, vous décontractera. À la troisième, vous serez mûrs pour le « Sésame ouvre-toi ». À moins que, comme les privilégiés, vous ayez capté d’un seul coup de sonde l’eau de la source.

« Tamerlan des cœurs » est un livre-sphinx, un livre-rêve, sans commencement ni fin, se retournant sur lui-même comme un serpent qui se mord la queue. C’est un livre qui se crée à mesure qu’on le lit (et qu’on le vit), comme si l’on était soi-même le dormeur en train de le rêver. Un livre sans limites et sans dimensions, hors de l’espace, hors de la durée.

Sa scène est le monde ; son « temps » est un gigantesque présent éternisé, éparpillé sur tous les plans du passé. « Unanimisme de l’espace-temps » prétexte à une dislocation extrême du cours de l’Histoire. En un raccourci fulgurant, les siècles, se juxtaposent et se confondent, les lieux de la terre se surimpriment les uns aux autres. L’histoire de tous les peuples ; à toutes les époques, est exposée simultanément, comme l’expression d’une seule réalité permanente. Et cette réalité est la pourpre et le sang. Le sang coule en même temps à tous les tournants de l’Histoire. Toutes les guerres, tous les massacres, tous les combats, sont ramassés dans cette « durée » intemporelle où les âges se chevauchent, dans ce panorama démesuré, ce cinémascope cosmique.

À ce thème cyclique, s’en superpose un autre en contrepoint. Il y a dans notre présent à nous un homme seul, qui semble placé au confluent de l’Histoire et des siècles : Jaime Salvador. Don Juan moderne, bourreau des cœurs comme Tamerlan le conquérant, au XIVe siècle, est celui des corps et le symbole de la cruauté. Il fait couler le sang de l’amour. Il s’affirme à travers chaque femme, cherche à se dépasser, cherche par l’amour à donner une signification à son destin. Et en même temps il ressent, en aperçus fugitifs, des bribes éparses, des motifs de la grande symphonie qui se joue dans le passé, au long des temps rassemblés. Il a des visions, perçoit des signes. Il est traqué par l’Histoire, par le poids de cette horreur éternisée et concentrée dans ses multiples manifestations. Son sort final est l’échec ; il cause le suicide de la seule femme qu’il aime réellement et désormais l’identification est close : il est, lui aussi, conquérant et sacrificateur. Comme par ricochet, l’Histoire alors se referme sur lui, le prend au piège : c’est la guerre. Les deux thèmes jusqu’ici distincts se réunissent. Jaime est pris par l’immense machinerie sanglante dont le fonctionnement s’étale à travers les époques. Il en devient partie intégrante. La période où il est plongé se raccroche à son tour à la grande roue où tournent toutes les périodes du passé. Et ce tournoiement le rejoint, éclate en lui. Il meurt au son du cor de Roland, leitmotiv de l’angoisse de l’humanité, et face aux éléphants d’Hannibal.

Cet extraordinaire resserrement dans le temps donne des résultats baroques et grandioses, une suite de poèmes de l’absurde, avec lesquels le mot « surréalisme », si galvaudé, reprend un sens vierge, défait des acceptions diverses auxquelles on l’a soumis. Un surréalisme sans ficelles, sans tics, sans clichés, sans procédés. Si Obaldia est surréaliste, c’est à la façon de Julien Gracq : comme on respire. Il ne se rattache ni à un genre ni à une école. Il ignore l’artifice.

On ne peut qualifier de « roman » cet ouvrage hors de la norme, hors des limites et des règles, de tout ce qui est commun, de tout ce qui est convenu. Il n’est rien et il est tout : épopée, poème, apocalypse, cauchemar. Il est tragique, burlesque, énigmatique (et d’un baroque tout espagnol). On ne peut l’enfermer dans des définitions ni dans des cadres. Une seule chose certaine : il existe. Et son existence s’impose. Il est le pavé dans la mare aux canards littéraire, le météore tombé de l’espace sidéral, l’animal fabuleux rejeté sur le rivage.

En voilà sans doute assez pour allécher les lecteurs qui m’entendent et faire fuir les autres. Je n’insisterai pas. Sinon pour souligner, toutefois, que tout le livre est écrit dans une langue pure comme de l’eau vive, et qu’on y rencontre en outre quelques-uns des plus beaux morceaux de style de la littérature moderne. Les amours de Jaime (amour fou : toujours le surréalisme) sont dépeints par l’auteur avec le même lyrisme « Universel » qu’il emploie pour saisir et immobiliser dans l’instantané la perpétuité de l’Histoire. En découlent des splendeurs, avec un rien de gongorisme qui ne fait qu’en rehausser l’éclat. La voilà bien, l’alchimie du verbe.

Alain DORÉMIEUX.

Accordons-nous avec cet avis sur les passages presque uchroniques que recèle l’ouvrage. On a bien affaire ici à une forme d’Histoire mythifiée, comme elle pourrait le devenir dans quelques milliers d’années pour une espèce humaine ivre de sa longévité. Avec Obaldia, nous voilà entre Flaubert et Cordwainer Smith (auteur du cycle de nouvelles « Les seigneurs de l’instrumentalité », sur lesquelles nous reviendrons dans nos futurs billets sur l’été 1964).

Tout de même : on aura plus souvent connu Dorémieux plus caustique ou sévère dans ses recensions, et le voilà ici extasié… Faut-il dire que le héros de ce « non-roman » est, à l’instar du jeune Alain, lui aussi critique littéraire ? Voici ce qu’écrit Obaldia :

A trente ans, Jaime se classait comme le plus écouté des critiques littéraires. Nul mieux que lui ne pénétrait d'emblée l'esprit d'une œuvre, n'en démontait les rouages secrets. Là où la précipitation criait aux richesses, il dénonçait des manques; où le vulgaire haussait les épaules, des trésors. Il fustigeait les qualités qui ne flattaient que trop, pressait l'auteur d'approfondir ses faiblesses, le menant toujours à une plus haute exigence de soi. La sûreté de son goût, l'acuité de ses vues, le trompaient rarement; il faisait autorité. Que les salons se disputassent son commerce, nous le croirons volontiers. A sa séduction naturelle s'ajoutaient une noblesse de sentiments, une vivacité d'esprit peu communes. L'on redoutait ses compliments. Hasardait-il des mots banals? L'assemblée se délectait du sens caché qu'elle ne manquait d'y trouver. Ah! que Jaime n'était-il romancier! Le risque de l'écriture l'avait naturellement tenté, mais il y renonça rapidement : trop d'intelligence le gâtait. Il lui manquait cette dose de naïveté, sinon de bêtise, sans laquelle toute grande œuvre est vouée à l'échec.

On pourra aisément s'imaginer un Dorémieux séduit par identification (sinon par identifiction).

Pour conclure, en ce jour faisant fête aux amoureux, nous proposons avec « Tamerlan des cœurs » de nous sortir pour une fois d’un cercle restreint par le genre pour nous laisser séduire par une littérature qui a pour seul crédo l’amour des mots, et la poésie pour seule loi.

Rapport du PReFeG :

  • Relecture
  • Corrections orthographiques (peu nombreuses)
  • Mise au propre et noms des fichiers html
  • Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)

On trouvera une bibliographie très complète de René de Obaldia sur la page Wikipédia qui lui est consacrée ici.


Prochain bonus : Encore un peu de verdure.

08 février, 2023

Fiction n°031 – Juin 1956

Fiction poursuit sa progression vers la constitution du petit peuple de la S.F. française dans ce numéro 31, avec l’arrivée au comité de rédaction de Philippe Curval.

 

On effleure juste la bête de pierre d’un clic droit


Sommaire du Numéro 31 :


NOUVELLES

 

1 - Jean COCTEAU, Histoire féline, pages 3 à 5, nouvelle

2 - Stephen Vincent BENET, Le Roi des chats (The King of the Cats, 1929), pages 5 à 17, nouvelle, trad. Pierre JAVET

3 - Idris SEABRIGHT, Les Altruistes (The Altruists, 1953), pages 18 à 31, nouvelle, trad. Roger DURAND

4 - Alain DORÉMIEUX, Le Meneur, pages 32 à 97, nouvelle

5 - Isaac ASIMOV, La Bête de pierre (The Talking Stone, 1955), pages 38 à 54, nouvelle, trad. Bruno MARTIN

6 - Zenna HENDERSON, Les Égarés (Pottage, 1955), pages 55 à 88, nouvelle, trad. Roger DURAND

7 - James HART, Le Traître (The traitor, 1950), pages 89 à 100, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX

 

CHRONIQUES


8 - COLLECTIF, Ici, on désintègre !, pages 101 à 106, critique(s)

9 - Philippe CURVAL, Ici, on réintègre !, pages 107 à 108, article

10 - (non mentionné), Service bibliographique étranger, pages 109 à 113, article

11 - F. HODA, Marylin Monroe et la science-fiction, pages 115 à 119, article

12 - Jean-Jacques BRIDENNE, Le Grand-Guignol, royaume d'épouvante, et André de Lorde, son maître, pages 121 à 124, article

13 - Alain DORÉMIEUX, La Critique des revues, pages 127 à 127, critique(s)

14 - (non mentionné), Table des récits parus dans « Fiction » - Premier semestre 1956, pages 128 à 128, index

Histoire féline, par Jean COCTEAU et Le roi des chats, par Stephen Vincent BENET, forment un sympathique petit doublon de contes fantastiques plus fascinants par les chemins qu'ils empruntent (Keats, Nodier, ... y sont censés rapporter une expérience vécue) que par les faits.

Une belle planète piège, qui pose l'altruisme comme toujours intéressé par une cause personnelle ou... d'espèce, dans Les altruistes, par Idris SEABRIGHT.

Thème classique mais bien amené pour Le meneur, par Alain DOREMIEUX. Voilà une nouvelle fantastique concise, qui rappellera le style de Béalu. Quant au nom « Luc Feri », toute ressemblance avec un ancien Ministre de l'Éducation Nationale (né en 1951) est évidemment fortuite.

On aura lu meilleur Isaac ASIMOV avec La bête de pierre, une nouvelle qui, comme dans Les cloches chantantes, s'amuse à décoder ses propres codes.

Les égarés poursuit le cycle entamé par Zenna HENDERSON, avec une bonne troisième nouvelle des chroniques du Peuple, même si l’on sent que la redondance commence à épuiser le sujet.

Le traître, par James HART, est une nouvelle un peu confuse à suivre, qui manque de développements. Par ailleurs, on notera depuis peu la mise en valeur des traductions au sein des pages de Fiction : cela pourrait s'expliquer par le fait que cette nouvelle-ci soit signée Dorémieux...

Après Gérard KLEIN, à présent très officiellement ancré dans l'équipe Fiction, voici l’arrivée d’une nouvelle jeune recrue en la personne de Philippe CURVAL, déjà publié dans le Fiction n°25, à présent pour l’inauguration d’une nouvelle rubrique répondant à l’injonction souvent exagérée de la Revue des livres : « Ici, on désintègre ! ». Comme l’écrit Curval : Cette nouvelle rubrique (« Ici, on réintègre ») aura donc pour but de ressusciter ces livres, de leur redonner une jeunesse qu'ils n'auraient pas dû perdre en raison de leur qualité, en somme de les réintégrer à notre univers d'amateurs. On ne peut que se réjouir de cette initiative.


Nous l’avons vu, cette année 1956 est marquée par deux faits scientifiques majeurs : les mises au point des premiers satellites artificiels, et les débuts en France des centrales d’énergie atomique. Ces nouveautés aux vastes conséquences ne vont pas sans éveiller, on s’en douterait, quelques justes appréhensions. En témoignent ces extraits :

À travers la presse.

 

Ci-dessous des extraits d'un article de Pierre Dubard dans « Le Figaro » du 4 mai : « Voyage autour de la Lune », à l'occasion du récent projet de lancement des satellites artificiels. Les vues exposées sont reprises d'une conférence de presse donnée par le Dr Werner von Braun, ancien artisan de la V2 et actuellement directeur de la Division des engins guidés, au Redstone Arsenal (Alabama).

 

À l'altitude choisie, la révolution de la station autour de la terre serait de deux heures exactement. Comme notre globe accomplit lui-même un tour complet sur son axe, la station satellite survolerait toutes les parties de la terre en vingt-quatre heures et, 24 étant un multiple de 2, elle reviendrait une fois tous les jours en même position par rapport à sa base de lancement, ce qui serait commode pour communiquer avec elle par fusée.

Placée au-dessus de l'écran formé par notre atmosphère, cette station permettrait l'observation des astres dans des conditions de netteté impossibles à réaliser sur la terre. Elle permettrait aussi l'étude directe de divers phénomènes cosmiques. La vue extérieure de notre atmosphère aurait un très grand intérêt pour la météorologie. La large vue de la surface terrestre permettrait aux habitants du satellite de nous adresser divers renseignements utiles, par exemple la situation des glaces, le mouvement des icebergs. Car, en braquant leur télescope vers nous, ils auraient une vue détaillée de nos affaires, aussi détaillée, dit le Dr Braun, que celle que l'on peut avoir d'un avion volant entre 100 et 150 mètres de hauteur. Pour ces observateurs extérieurs, notre atmosphère, même nuageuse, serait beaucoup moins opaque qu'elle ne l'est pour nous qui y sommes plongés. En effet, si vous placez un papier huilé près de vos yeux, il brouille votre vue ; si vous l'appliquez sur une image il se révèle transparent.

Une station satellite serait donc un excellent poste d'observation de toutes les parties de la terre. Cela, pour les militaires, est d'une grande importance.

Et cet observatoire volant pourrait aussi être utilisé comme plate-forme de bombardement.

Un satellite artificiel serait une arme stratégique terrible.

Dans la Revue des livres il est question d’un ouvrage de Charles-Noël Martin, physicien, dans un article signé Gérard Klein :

Charles-Noël Martin, physicien, est loin d'être inconnu du grand public. Après son premier livre, « L'heure H a-t-elle sonné pour le monde », qui s'adressait aux lecteurs cultivés, voici qu'il se tourne vers un plus large auditoire avec « L'atome maître du monde » (Ed. Le Centurion). Il semble bien que M. Martin veuille s'inscrire dans la grande lignée des physiciens vulgarisateurs de leur science, parmi lesquels on compte Heisenberg, de Broglie, Oppenheimer, Gamow et Einstein lui-même.

 

C'est que la connaissance, M. Martin insiste sur ce point, est à notre époque particulièrement nécessaire et vitale. Et c'est précisément à un moment où les connaissances sont les plus abstraites et les plus délicates à saisir ou à exposer, que les savants ne peuvent se permettre de laisser se creuser un abîme entre leurs découvertes et l'ensemble de la population du globe.

 

Une des qualités du livre de Charles-Noël Martin tient précisément au fait qu'il ne nécessite à peu près aucune connaissance préalable pour être compris et qu'il expose cependant tout ce qu'il est absolument nécessaire de savoir sur l'atome, ses dangers et ses applications.

 

Pourquoi l'atome est-il un problème ? Quel a été l'historique de sa découverte ? En quoi est-il le nœud d'une des plus prodigieuses aventures intellectuelles de tous les temps ? Ce ne sont pas là des questions intéressant seulement les quelques spécialistes, mais bien tous les hommes de la Terre, et la grande presse est là pour nous le rappeler périodiquement.

 

(…) Mais ce livre n'est pas seulement un habituel livre de vulgarisation. Connaître n'est pas suffisant. Il importe également de juger. Et d'avertir. La puissance de l'atome n'est pas de celles qu'on peut manier sans grandes précautions. En temps de paix comme en temps de guerre, l'atome peut être dangereux. Et nous nous trouvons ici exactement dans la ligne de pensée de la Lettre aux Savants Italiens d'Albert Einstein qui fut publiée en préface du premier livre de M. Martin. Le fait que des savants se mettent à réfléchir à la portée humaine de la science et agissent en conséquence est assez important pour qu'on se plaise à le souligner.

 

01 février, 2023

Galaxie (1ère série) n°030 – Mai 1956

Des textes sur l'identité, posant la question d'où elle réside. Sheckley et Matheson sont au rendez-vous, ainsi que F. L. Wallace pour la troisième fois consécutive, et deux auteurs français : Michel Lecler (aka le scénariste Michel Lebrun) et Jimmy Guieu (au seuil de son Ufologie).

 

Un clic droit vaut tous les efforts mentaux.

Sommaire du Numéro 30 :

1 - Michel LECLER, Téléchrone, pages 3 à 16, nouvelle

2 - Alan E. NOURSE, La Rôtissoire de Mercure (Brightside Crossing, 1956), pages 17 à 34, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Mel HUNTER

3 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 35 à 36, courrier

4 - Floyd L. WALLACE, Le Grand jour (End as a World, 1955), pages 37 à 43, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par DIEHL

5 - (non mentionné), Saviez-vous que..., pages 44 à 44, notes

6 - Joseph SATIN, L'Homme qui se téléportait (The man who got around, 1954), pages 45 à 63, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par BATH

7 - Jimmy GUIEU, La Fin des hommes, pages 65 à 78, nouvelle

8 - Robert ZACKS, Fichu métier (The freelancer, 1955), pages 79 à 90, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par ASHMAN

9 - Richard MATHESON, L'Éponge humaine (One for the Books, 1955), pages 91 à 99, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Dick FRANCIS

10 - Frank Malcolm ROBINSON, Le Glaive de feu (The Fire and the Sword, 1951), pages 100 à 117, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Ed EMSH

11 - Christopher GRIMM, Garde du corps (Bodyguard, 1956), pages 118 à 140, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par CAVAT

12 - Robert SHECKLEY, Métamorphose de Meyer (The Body, 1956), pages 141 à 144, nouvelle, trad. (non mentionné)

Les corps sont-ils interchangeables ? (Garde du corps, par Christopher Grimm, en réalité un pseudonyme de Horace L. Gold, éditeur de la revue américaine Galaxy Science Fiction - voir Galaxie n°5.)

Conserve-t-on alors son intégrité ? (Métamorphose de Meyer, par le toujours fidèle Robert Sheckley).

L'esprit peut-il être réduit à une somme de connaissance ? (L'éponge humaine, par Richard Matheson ; le lecteur pourra être intéressé par cet homme qui se réveille en sachant parler l’anglais… qu’il ne connaissait pas. Dans la version originale, l’homme se réveille en sachant parler… français !)

Un corps qui s'affranchit des lois de l'espace devient-il pur esprit ? (L'homme qui se téléportait, par Joseph Satin ; une nouvelle qui rappelle, bien entendu, "Terminus les étoiles" de Alfred Bester (1956 – VF 1958), et sa séquence drolatique de l'incendie de paillasson ; ou encore « Transport de colère » de John Novotny, parue dans le Fiction n°24).

Deux esprits jugés identiques réagissent-ils de même ? (Le glaive de feu, par Frank M. Robinson, une belle utopie paradisiaque et sa défense contre l'intrusion d'un modèle étranger.)

Le double d'un individu dans un monde parallèle est-il identique ? (Téléchrone, par Michel Lecler, alors auteur de la Série 2000, mais qui sera ensuite plus connu comme scénariste, traducteur et grand spécialiste de littérature policière sous le nom de Michel Lebrun. Téléchrone rappellera Malheureux Ulysse parue dans le Galaxie précédent.)

Le monde lui-même demeure-t-il identique à mesure qu'on l'explore ? (Le grand jour, par F. L. Wallace ; ou encore La rôtissoire de Mercure, par Alan E. Nourse).

Hors de ce sujet de l’identité (encore que l’on y cherche à identifier les auteurs de phrases toutes faites), Fichu métier, par Robert Zacks, est une bien drôle nouvelle où les clichés du langage sont soumis aux droits d'auteurs. La vision de la machine portable qui contrôle tout cela est éminemment visionnaire.

On n’insistera pas sur la nouvelle de Jimmy Guieu : La fin des hommes, nouvelle malgré tout phallocrate dans un style plat et maladroit.


Des lunes manufacturées - l’expression n’est-elle pas éminemment poétique ? Il s’agit plus simplement de ce que nous appellerons par la suite des « satellites artificiels ».

SAVIEZ-VOUS QUE…

… l’année géophysique internationale 1957-1958 verra le lancement, non pas d’une unique lune artificielle, comme on le pensait, mais d’une dizaine de satellites artificiels ?

 

POURQUOI cette multiplication de lunes « manufacturées » ? Parce que, étant donné les dimensions et le poids forcément réduits des sphères prévues, on doit en augmenter le nombre si l’on veut y installer tous les instruments de mesure indispensables à l’étude des phénomènes atmosphériques, stratosphériques et spatiaux.

Les spécialistes estiment que les petits satellites pourront parcourir leur orbite légèrement elliptique (à 400 kms d’altitude environ) autour de la Terre en 90 minutes, et resteront vraisemblablement « en l’air » pendant plusieurs jours avant de retomber ou de se désagréger.

On continue dans notre série sur les inquiétudes relatives à l’énergie atomique émergente dans la rubrique « Votre courrier » :

… J’ai lu dans un journal anglais que le gouvernement britannique envisageait de doter chacun de ses ressortissants d’un « livret atomique » où seraient consignées les doses de radioactivité reçues pendant les traitements médicaux. Une telle surveillance serait-elle donc nécessaire pour d’autres que les techniciens de centrales nucléaires ou d’installations de radiologie ?

J. DÉRIVÉ, Périgueux.

 

Le contrôle dont vous parlez peut devenir rapidement d’un intérêt général, au fur et à mesure de la multiplication des usines atomiques. Chaque individu se trouvera exposé, dans un avenir peut-être très proche, à recevoir des radiations émanant de centrales nucléaires ou de parcelles radio-actives en suspension dans l’atmosphère, sans parler des rayonnements cosmiques. Or, ces expositions (souvent inconscientes) à la radio-activité ont, sur l’organisme humain, des effets qui s’additionnent. Il sera donc important de connaître la charge déjà « emmagasinée » par un sujet avant de le soumettre à certains traitements radiologiques ou de lui faire absorber des isotopes radio-actifs.

On pourra dépister ainsi les risques de tares héréditaires ou de maladies radio-actives.

Hé bé ! On a eu chaud !

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