28 mai, 2025

Fiction n°113 – Avril 1963

Un soin particulier apporté à l'enchaînement des nouvelles, comme un jeu de Marabout d'ficelle, nous emporte de la Lune aux couloirs du temps, des relations des hommes avec les femmes aux couples mythologiques, de la Grèce aux sortilèges, bref : de Charybde en Scylla. On y notera aussi que les pages de dessins humoristiques ont trouvé leur place (cette fois-ci avec un tout jeune qui se fera connaître ensuite : Lob, l'un des pères du futur Superdupont). 

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Sommaire du Numéro 113 :


1 - (non mentionné), Nouvelles déjà parues des auteurs de ce numéro, pages 2 à 2, bibliographie

NOUVELLES

2 - Algis BUDRYS, Menace dans le ciel (suite et fin) (Rogue Moon, 1960), pages 7 à 49, roman, trad. Elisabeth GILLE

3 - Michel DEMUTH, Lune de feu, pages 50 à 58, nouvelle

4 - Randall GARRETT, Relations spatiales (Spatial Relationship, 1962), pages 59 à 67, nouvelle, trad. Régine VIVIER

5 - Clément DENOY, Les Grands travaux, pages 68 à 81, nouvelle *

6 - Gary JENNINGS, Myrrha (Myrrha, 1962), pages 82 à 88, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE *

7 - Henri DAMONTI, L'Affaire Cronatus, pages 89 à 95, nouvelle *

8 - Avram DAVIDSON, Le Pays d'été (Summerland, 1957), pages 96 à 100, nouvelle, trad. René LATHIÈRE *

9 - François VALORBE, Le Voyage, pages 101 à 106, nouvelle *

10 - Jorge Luis BORGES, La Loterie à Babylone (La lotería en Babilonia, 1941), pages 107 à 112, nouvelle, trad. Nestor IBARRA

11 - Sonia FLORENS, La Valse-minute, pages 113 à 114, nouvelle *

12 - Maxim JAKUBOWSKI, Le Musée imaginaire, pages 114 à 116, nouvelle *

13 - Juliette RAABE, Gare ton doigt de l'ondoing, pages 117 à 120, nouvelle *

CHRONIQUES

14 - Jacques LOB, Humour : Lob, pages 121 à 123, bande dessinée

15 - Gérard KLEIN, Au nom des labyrinthes, pages 124 à 128, article

16 - Claude ELSEN, Les "Romans fantastiques" de Jacques Spitz, pages 129 à 131, article

17 - Alain DORÉMIEUX, La Science-fiction massacrée, pages 133 à 134, article

18 - Pierre VERSINS, Fanactivités, pages 135 à 139, chronique

19 - COLLECTIF, Ici, on désintègre !, pages 141 à 157, critique(s)

20 - Jacques GOIMARD & F. HODA, L'Écran à quatre dimensions, pages 159 à 167, article

21 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 169 à 173, article

22 - (non mentionné), En bref, pages 174 à 175, article


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.



Note éditoriale du n°113 :

« MENACE DANS LE CIEL » d'Algis Budrys, prix du meilleur roman de SF en 1961 aux U.S.A., se termine dans ce numéro, en exposant une série d'événements grâce auxquels toutes les répercussions de l'intrigue prennent leur ampleur.

En quelques pages, Michel Demuth brosse une histoire de voyage temporel sous-entendant un vaste arrière-plan : « Lune de feu ».

Randall Garrett, dans « Relations spatiales », nous raconte un voyage dans l'espace au dénouement imprévisible, doté d'un humour satirique.

Et Clément Denoy nous rappelle, avec « Les grands travaux », que la SF et la légende peuvent faire bon ménage.

Du côté du fantastique, nous passons de la terreur sous-jacente, dont l'objet est à peine formulé (« Myrrha » de Gary Jennings) au surnaturel psychologique (« Le Pays d'Été » d'Avram Davidson) en passant par un fantasque un peu farceur (« L'affaire Cronatus » d'Henri Damonti).

Deux textes insolites : une nouvelle plongée de J. L. Borges dans un univers mythique, régi par des lois étranges (« La loterie à Babylone »), et un intermède surréalisant de François Valorbe (« Le voyage »).

Le Banc d'Essai, en trois contes, nous montre une fois de plus que nos auteurs débutants ne manquent pas d'imagination.

À signaler enfin, parmi les articles, deux études sur des auteurs importants, chacun en son genre : Jorge Luis Borges et Jacques Spitz.


L'avis du PReFeG

On pourra rapprocher la problématique du duplicateur chez Algis Budrys de celle que pose Hervé Letellier dans son roman "L'anomalie" (Prix Goncourt 2020) : qui est légitime quand l'original est détruit pour créer deux copies ? Mais cet aspect n'est au final qu'anecdotique dans cette deuxième partie de Menace dans le ciel ; Budrys glorifie l'esprit humain qui, le seul selon lui, lutte contre l'entropie naturelle de la matière. L'ensemble est toutefois peut-être un peu daté, même en 1963... 

D'une menace sur la Lune, on passe à la Lune de feu, où Michel Demuth imagine une autre lune fourbe, qui prend feu et annihile toute vie sur Terre. Mais c'est avant tout l'histoire d'un homme désireux d'échapper à la culpabilité… Mais pourra-t-il pour autant échapper au châtiment ? 

On aurait pu croire que l'histoire de Relations spatiales démarrait pétrie de clichés phallocrates, mais… Modernisant le débat sur la présence de "filles faciles" auprès des explorateurs spatiaux au long cours, Randall Garrett trouve un biais débarrassé de toute hypocrisie, non sans humour.

Les grands travaux est l'histoire d'un extraterrestre découvrant un monde primitif et passant pour un dieu parmi les autochtones, tout comme lorsque Farmer imite Joseph Conrad - mais en plus sage cependant pour Clément Denoy ; toutefois, le sentiment de familiarité avec les péripéties exposées ne cesse d'intriguer… à "juste titre" !

Myrrha traîne derrière elle une singulière ambiance de sortilèges venus de Grèce, et d'êtres hybrides, dans une histoire qui tourne peut-être un petit peu court. Demeure un style aride mais sans doute choisi par Gary Jennings, et un décryptage que le lecteur doit mener.

Henri Damonti est décidément plus à son aise quand il s'agit d'être léger, et signe L'affaire Cronatusun court récit sur la condamnation d'un assassin. On y assiste à un transfert non pas de prisonnier, mais d'esprit, et à d'autres diaboliques manigances. 

Le pays d'été désigne une métaphore pour de meilleurs cieux. Dans cette petite histoire de spiritisme, fustigeant l'hypocrisie des charlatans qui animent cette pratique, Avram Davidson affine son style, ici celui d'une conversation solitaire par un narrateur bougon et sceptique.

Avec un plaisir non feint à faire faire Le voyage au langage, François Valorbe glisse une nouvelle surréaliste qui a ce panache qui manque souvent à Henri Damonti.

Vous risqueriez-vous à prendre un billet dans La loterie à Babylone ? Jorge Luis Borges, incomparable, se livre aux hasards, à l'incertitude du destin, à la versatilité de la fortune, et à la décadence consentie… (On y évoque même une latrine sacrée nommée Qaphqa ! Vous avez dit Kafka ?)

La valse-minute, ou "J'aurais ta peau Léon…" Une nouvelle un peu facile et soit trop courte, soit trop superficielle pour parvenir à nous emporter. Notons qu'elle est signée par la rare traductrice Sonia Florens, soit madame Dolores Jakubowski à la ville.

 Au tour de son mari, donc, puisque bien des choses ne viennent jamais seules, et nous visitons en sa compagnie Le musée imaginaireL'histoire est bien jolie et ne manque de rappeler son Bradbury ; elle pourrait presque être une chronique martiennne. L'enjeu est louable et ramène à la puissance du verbe et de la poésie (comme chez Robert F. Young) Mais le tout n'a malgré tout rien de nouveau et manque peut-être un peu de singularité. Maxim Jakubowski se cherche.

Après une entrée en matière entièrement dédicacée à la rédaction de Fiction (à tel point qu'on débute sur la sensation de lire une lettre de la "Tribune libre"), Gare ton doigt de l'ondoing prend la forme d'une petite nouvelle zoologique, avec pour décor la Ménagerie du Jardin des Plantes de Paris, mais qui tourne un peu court malgré une intéressante dérive de l'habituel à l'insolite.

A propos de son autrice : Juliette Raabe, universitaire spécialisée dans les paralittératures et le jeu, écrivain, critique, a publié plusieurs ouvrages dont « La Bibliothèque idéale des Littératures d'évasion » en collaboration avec Francis Lacassin, « La Bibliothèque illustrée du Chat » et « Casse-têtes ». Depuis les années 80, elle s'est orientée vers le multimédia, réalisant des vidéodisques et des programmes interactifs dont « Les Carnets peints de Paolo Guiotto » nominé au Festival international du film d'art — 1988. (source Noosfere et "Fleuve Noir, 50 ans d'édition populaire")

Les deux articles hagiographiques qui ouvrent les rubriques auraient été intéressants à citer. Nous vous invitons chaleureusement à vous y reporter. Encore une fois, Gérard Klein fait un remarquable essai sur un auteur, ici le grand Jorge Luis Borges, dans "Au nom des labyrinthes". A défaut de reprendre ici la totalité de l'article, citons-en ce petit extrait : 

(Borges) " illustrait de la sorte un de ses propos essentiels qui est que toute chose fut dite ou le sera, et ne peut donc être qu'une répétition dont seule l'expression dans le moment a un sens, et un sens si particulier, si spécial, si unique qu'il annule jusqu'à l'idée de la répétition. Créer ce n'est que répéter. Mais répéter, c'est aussi créer".


Le second article rend hommage à Jacques Spitz, décédé en ce début d'année 1963. Rappelons simplement qu'il est un des continuateurs du "Merveilleux scientifique" à la Maurice Renard, c'est à dire la science-fiction à la française telle qu'on pouvait en lire dans les années 20 et 30 de ce XXème Siècle.


Pierre Versins propose une nouvelle fois sa revue des fanzines, dans "Fanactivités", où l'on pourra lire :

... " l'idée exprimée par Butor dans son article « La crise de croissance de la science-fiction » (« Cahiers du Sud » n° 317, 1953 ; ou dans « Répertoire » (Paris, Les Éditions de Minuit, 1960) : « La SF, si elle pouvait se limiter et s'unifier, serait susceptible d'acquérir sur l'imagination individuelle un pouvoir contraignant, comparable à celui de n'importe quelle mythologie, Bientôt, tous les auteurs seraient obligés de tenir compte de cette ville prédite, les lecteurs organiseraient leurs actes par rapport à son existence prochaine, à la limite ils se trouveraient obligés de la construire. Alors la SF serait véridique, dans la mesure même où elle se réaliserait. »

C'est ce qui se passera peu ou prou avec le "Mythe de Cthulhu", et les continuateurs de l'œuvre de H. P. Lovecraft (et espérons pour l'espèce humaine que cela ne devienne pas véridique - idée exprimée dans l'excellent "Providence" de Alan Moore et Jacen Burrow).

Pour poursuivre sur Lovecraft, dans "Ici, on désintègre !" (la revue des livres), nous relevons ceci à propos d'un ouvrage de l'essayiste de l'occulte Serge Hutin :

" Cela (...) conduit (Serge Hutin) à formuler un certain nombre de vues saugrenues, dont la plus étonnante est dans doute cette image de Lovecraft, à propos duquel l'auteur se pose le plus sérieusement du monde cette question : « Aurait-il fait partie d'une société secrète détentrice de la maîtrise de redoutables pouvoirs magiques sur les forces cosmiques ? » (…) Faire une sorte de surhomme de cet être que tous ses intimes nous ont dépeint comme maladif et hypocondriaque, voilà qui ne manque guère d'originalité.

Nous assistons ici à la naissance d'une imagerie fausse, d'un côté comme de l'autre, mais qui aura la vie dure. Il faudra attendre la biographie de S.T. Joshi pour que soit rétabli le caractère plus pragmatique de Lovecraft. Mais ceci est une autre histoire…


Nous avons déjà parlé de Jacqueline Osterrath, et de son fanzine "Lunatique". Elle envoie un message publié dans la "Tribune libre", à propos de Cyril M. Kornbluth :

" Kornbluth est mort. Vive Kornbluth ! Aussi grattons les fonds de tiroirs, afin d'y découvrir quelque nouvelle « nouvelle » de cet auteur, même si celle-ci, manifestement, fut écrite voici 17 ou 18 ans, pour s'insérer dans le programme de la propagande de guerre – un programme bien démodé à l'heure où l'on s'efforce, avec raison, de construire une Europe unie.

Était-il donc bien nécessaire d'offrir au lecteur français ce haineux et piètre phantasme qu'est « Le moindre des fléaux » (n° 111) ? Honni soit d'ailleurs l'écrivain qui ose encore, pour tirer son héros d'affaire, recourir à cette ficelle éculée : « Ce n'était qu'un rêve ! » « Satellite », que vous réprouvez cependant, nous a offert mieux dans le genre avec « Les mondes divergents ».

Par goût, je n'aime pas Kornbluth, tout en m'inclinant devant son métier d'auteur éprouvé. Mais, cette fois, en dépit de l'adage : de mortuis nihil nisi bono, je n'hésite pas à m'élever bien haut contre la présence, dans « Fiction », (dont j'apprécie fort la tenue et l'intérêt) de cette déplorable nouvelle : en SF, rien ne se démode plus vite qu'hier – et si nous acceptons allègrement un récit de l'an 2000, 3000 ou 10,000, nous nous refusons par contre à subir ce « réchauffé » datant de quatre lustres !

Autres temps, autres mœurs : de grâce, rendez aux vieilles lunes ce qui appartient à Kornbluth.

Jacqueline Osterrath 

Sassmannsbausen (Allemagne).

La rédaction de Fiction s'autorise cette petite note : "Une seule remarque : la nouvelle incriminée n'avait pas été écrite par Kornbluth « il y a 17 ou 18 ans », mais très exactement en 1956."

Rapport du PReFeG (Mai 2025)

  • Relecture
  • Corrections orthographiques et grammaticales
  • Vérification du sommaire
  • Vérification des casses et remise en forme des pages de titre
  • Mise en forme des titres présentés in "Revue des livres"
  • Ajout de la Table des "Nouvelles des auteurs de ce numéro" telle qu'évoquée dans le sommaire sur NooSFere mais n'apparaissant pas dans le epub d'origine.
  • Ajout de la page d'annonce "Fiction spécial n°4"
  • Notes (1b) et (1c) ajoutées, note (3) et (5) complétées.
  • Vérification et mise à jour des liens internes
  • Mise au propre et noms des fichiers html
  • Mise à jour de la Table des matières
  • Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)

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A suivre : Fiction n°114.

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