« (…) une
époque future prend contact avec votre âge. Écoutez patiemment ; car nous qui
sommes les Derniers Hommes désirons sincèrement communiquer avec vous, membres
de la première espèce humaine. Nous pouvons vous aider et nous avons besoin de
votre aide. » (Extrait de « Les Derniers et les Premiers »
- Introduction, par Olaf Stapledon).
L’ouvrage
que nous vous proposons aujourd’hui
n’est pas à proprement parler un roman, bien qu’il soit une œuvre de fiction,
et même de pure science-fiction. « Les
Derniers et les Premiers » d’Olaf
Stapledon n’est pas même un ouvrage de l’Âge d’or de la SF, mais date de
1930, d’une époque où les méfaits de la Peste Brune n’avaient pas encore ravagé
l’Europe.
Il
demeure cependant considéré comme une des
bases de la SF américaine classique (dixit Serge-André Bertrand dans
les pages du n°228 de Fiction), en sa qualité de tentative d’écriture d’une Histoire du futur, non pas comme un
récit prophétique se voulant habité par une vision exacte des temps à venir,
mais plutôt comme l’élaboration d’une mythologie de l’avenir de l’humanité, sur
une vertigineuse échelle de milliards d’années.
UNE BASE DE LA SF AMERICAINE
Les
habituelles rubriques littéraires de Fiction demeurent somme toute assez
lacunaires à son sujet. Un laconique « le
légendaire Last and first men, considéré comme une des bases de la SF
américaine classique » (dans la rubrique Diagonale de Serge-André
Bertrand in Fiction n°228 de Décembre 1972, à l'occasion de sa traduction française) sera rattrapé en Mars 1973,
toujours dans la même rubrique, mais de façon un peu superficielle :
« Présence
du Futur » chez Denoël a
réédité un bon roman d’action de Robert Heinlein : Marionnettes humaines (un « Rayon
Fantastique » de 1954), bien plus drôle à lire que le Heinlein pesant
d’aujourd’hui tel qu’il se manifeste dans En
terre étrangère. Cette réédition faisait suite dans cette collection à la
première traduction française du roman fameux d’Olaf Stapledon (son
chef-d’œuvre aux dires de ses admirateurs) : Last and first men, qui parut en Angleterre en 1930 (détail que
pour une fois le copyright Denoël prend soin de préciser). Roman philosophique
autant que de SF, cette œuvre est une fresque symbolique de l’histoire de
l’humanité, de cycle en cycle, pendant deux mille millions d’années !
Stapledon n’était connu en France que par un roman plus mineur : Rien qu’un surhomme (« Rayon Fantastique », 1952),
mais c’est un auteur qui prend place dans la lignée des grands utopistes. Pour
vous donner une idée de son importance, sachez que Versins ne lui consacre pas
moins de cinq pages dans son Encyclopédie : c’est vous dire ! Un
dernier mot pour signaler le titre français de ce Last and first men chez
Denoël : Les Derniers et les Premiers. »
(Serge-André
Bertrand – « Diagonales » in Fiction n°231, OPTA 3/1973)
Voyons donc ce
qu’en dit Pierre Versins dans son incontournable Encyclopédie :
« (..)
cette Histoire commence en 1930, au moment où le globe tend vers l'unité. Il y
aura des guerres, mais l'Humanité continuera, et si l’Europe ne prend pas part
au renouveau, ce sera le lot de l'Amérique, où fleurira bientôt (en termes
millénaristes, évidemment) la belle civilisation patagone, basée sur le culte
de la jeunesse. Celui-ci, bientôt perverti, mène à la guerre civile, atomique,
et quelques survivants seuls réchappent pour amener, dix millions d’années plus
tard, la Deuxième Espèce humaine, les Deuxièmes Hommes. Une invasion martienne
originale plongera de nouveau la Terre dans l’abîme, jusqu’à la naissance des
Troisièmes Hommes. Et, de cataclysmes en cataclysmes, certains « voulus » par
l’Homme, d’autres qui lui sont imposés par la nature, les Terriens en viendront
à quitter notre Globe pour Vénus (patrie des Cinquièmes Hommes, volants), pour
en arriver, de migration en migration, jusque sur Neptune où la Dix-Huitième
Espèce sera confrontée au cataclysme final, l'explosion du soleil en nova. A
charge pour elle de disperser, comme les spores, des semences humaines dans le
Cosmos pour que l'Humanité ne périsse pas définitivement. » (in Pierre
Versins – Encyclopédie de l’Utopie, des voyages extraordinaires et de la
Science-Fiction, p.829, L’Âge d’homme, 1972)
Difficile, semble-t-il, de passer longtemps à côté de Stapledon pour tout lecteur passionné de SF (et nous ne cacherons pas que ce fut notre cas). Si dans le genre les Histoires du Futur sont relativement nombreuses (Robert Heinlein, bien sûr, mais aussi Isaac Asimov et son cycle Fondation, mais encore Les Seigneurs de l’Instrumentalité de Cordwainer Smith, ou Les galaxiales de Michel Demuth), Stapledon a toutefois le mérite d’ouvrir le grand ballet cosmique, fort de sa formation philosophique, ce qui ne gâte rien, et d’une rigueur intellectuelle qui force le respect – au détriment peut-être du simple divertimento que présuppose l’exercice.
« Quand vos écrivains font un roman sur l’avenir, ils imaginent trop facilement qu’il y aura progrès vers quelque forme d’utopie, où des êtres semblables à eux vivront dans une félicité sans mélange en des circonstances parfaitement adaptées à une nature humaine immuable. Je ne vais pas décrire un tel paradis. » (Introduction)
Stapledon
n’attend pas pour donner le ton ; il ne s’agit pas pour lui de s’aveugler
aux lueurs illusoires de l’imagination (et donc de faire œuvre de fiction
pure), mais de patiemment dessiner les grandes lignes d’un avenir probable, en
partant des principes historiques qu’avaient pu élaborer des penseurs comme ses
contemporains Toynbee ou Spengler. Partant de l’état du monde,
de l’Europe tout d’abord, au début des années 30 (soit juste après la Crise
économique), Stapledon déploie une vision plus philosophique que matérialiste
des temps à venir, à la façon d’un Herbert
George Wells, mais sans avoir recours aux expédients habituels du
genre : personnages, péripéties, ou géographies aux nomenclatures exotiques.
Cela pourra paraître aride à qui n’est pas rompu à l’exercice de lire des ouvrages scientifiques. Toutefois, et ce fut notre cas, on se laisse tout d’abord facilement séduire par le jeu des égarements et des justesses des intuitions de l’auteur (sur sa vision de la fin du XXème Siècle et du monde géopolitique qui en résulte). Citons par exemple : « L’ouest et l’est de l’Europe avaient grand besoin à la vérité de se renforcer et se tempérer l’un l’autre. » (1.III. L’Europe après la guerre anglo-française.). Malgré une crainte croissante en occident du « bolchévisme », cette opposition est-ouest n’avait encore rien d’aussi évident en 1930. Plus loin on lira ceci :
« Le communisme et un matérialisme
naïf devinrent les dogmes de la croisade d’une nouvelle église athée. Toute
critique fut abolie, plus rigoureusement même que semblables critiques dans les
autres pays ; et l’on apprit aux Russes à se considérer comme les sauveurs de
l’humanité. Par la suite, cependant, comme l’isolement économique commençait à
entraver le développement de l’état bolchevique, la nouvelle culture s’adoucit,
fut d’esprit plus large. Peu à peu les relations économiques avec l’Ouest
reprirent et s’accrurent. » (1.III. L’Europe après la guerre
anglo-française.)
Qui
aurait pu déterminer avec un demi-siècle d’avance le moment de l’histoire
soviétique appelée Perestroïka ?
On
peut citer un autre exemple de la justesse de la vision de Stapledon avec celui
de la Chine. En 1930, la Chine est déchirée par une guerre civile entre
nationalistes et communistes. Elle est de plus au seuil d’une longue guerre
contre le Japon. Pourtant, Stapledon a bien perçu le devenir chinois de notre
époque sans se laisser troubler par son histoire contemporaine.
« Le parti nationaliste n’était pas
en fait l’âme de la Chine, mais il en était, si l’on peut dire, le système
nerveux central, à l’intérieur duquel l’âme présidait comme principe directeur.
Le parti était une organisation intensément pratique et cependant idéaliste,
moitié administration, moitié ordre religieux, bien que violemment opposé à
toute religion. Modelé à l’origine sur le parti bolchevique de Russie, il avait
aussi trouvé son inspiration dans l’administration par les lettrés chinois de
l’ancienne Chine, et même dans la tradition d’intégrité administrative qui
avait été la meilleure, la seule contribution de l’Empire britannique à la
civilisation de l’Orient. Ainsi, par une route bien à lui, le parti s’était
approché de l’idéal des gouverneurs de Platon. » (3.I. Les rivales.)
Par
ailleurs, en « prédisant » la déconvenue de l’Europe, Stapledon
envisage aussi la création d’une « Confédération européenne ».
« Vue de l’extérieur, la
Confédération parut d’abord étroitement unie. Mais de l’intérieur on la savait
précaire, et elle se désagrégeait à chaque crise sérieuse. Il est inutile
d’étudier chaque petite guerre de cette période, bien que leurs effets cumulatifs
aient été graves, économiquement et psychologiquement. Cependant l’Europe
devint enfin une seule nation par le sentiment, si même cette concorde fut
amenée par une commune peur de l’Amérique plus que par un commun loyalisme. »
(1.IV. La guerre russo-allemande.)
Bien évidement, cette lucidité n’empêche pas certains égarements : « Le premier navire qui partit dans l’espace eut une coque en forme de cigare de quelque neuf cents mètres de long. » (12.III. Voyages dans l’espace.) On comprend que l'aéronautique, sous l’impulsion des travaux de Werner Von Braun – d’abord pour le IIIème Reich, puis pour les USA – a fait de considérables progrès dans les décennies qui suivirent les années 30. Stapledon lui-même ne l'avait pas envisagé, et imaginait les premiers voyages interplanétaires pour dans plusieurs milliers d’années.
Stapledon
a toutefois de brillantes intuitions en la matière ; celle de la
propulsion photonique par exemple :
« (…) ce fut grâce à une découverte
de la physique théorique (que les martiens) purent quitter leur planète. Ils
savaient depuis longtemps que de minuscules particules des plus hautes régions
de l’atmosphère pouvaient être entraînées dans l’espace par la pression des
rayons du Soleil à l’aurore et au crépuscule. Et ils découvrirent finalement
comment utiliser cette pression comme on utilise le vent pour naviguer à la
voile. Se séparant en leurs unités ultra-microscopiques, ils arrivèrent à
prendre appui sur le champ de gravitation du système solaire, comme la quille
et le gouvernail prennent appui sur l’eau. » (8.III. L’esprit martien.)
CRITIQUE DU « BEHAVIORISME »
« (…) pour nous, les Derniers
Hommes, il y a quelque chose de pathétique, de comique même, dans cette
confusion entre le progrès matériel et la civilisation, ainsi que dans ces
réalisations matérielles tant vantées, rudimentaires par rapport à celles de
notre société. » (4.III. Réussite matérielle.)
On
saura lire entre les lignes : Stapledon ne s’arrête pas à un matérialisme
pur et dur pour envisager la marche de l’Histoire. Plus même, la mécanisation à
outrance des phénomènes, qu’ils soient naturels, humains, ou même simplement
physiques, ne peuvent être réduits à des équations mathématiques, à une
fascination pour l’énergie, un culte du mouvement pour le mouvement. Et c’est en
philosophe qu’il considère l’essor de l’influence matérialiste, ou plus
exactement productiviste, sur le restant de son Siècle :
« L’Amérique affirmait avoir dépassé le
nationalisme et favoriser une union politique et culturelle mondiale. Mais elle
concevait cette union comme dominée par l’organisation américaine, et par
culture elle entendait l’américanisme. Cette sorte de cosmopolitisme était
regardé sans bienveillance par l’Asie et l’Afrique. La Chine avait fait des
efforts concertés pour purger sa culture des éléments étrangers. Le succès,
cependant, n’avait été que superficiel. Les nattes et les baguettes étaient
redevenues à la mode parmi les désœuvrés, et l’étude des classiques chinois
était une fois de plus obligatoire dans les écoles. Pourtant le mode de vie de
l’homme moyen resta américain. Non seulement il utilisait l’argenterie, les
chaussures, les phonographes, les appareils ménagers américains économisant le
travail, mais son alphabet était européen, son vocabulaire envahi d’argot
américain, ses journaux et sa radio à la mode américaine, bien
qu’anti-américains quant à la politique exprimée. Il voyait chaque jour sur son
écran de télévision tous les aspects de la vie privée américaine et tous les
événements publics d’Amérique. Au lieu d’opium et de baguettes, il avait adopté
la cigarette et la gomme à mâcher.
Sa pensée était aussi en grande partie
une variante de l’américaine. Pour donner un exemple, son esprit n’était pas
métaphysique, mais comme une certaine forme de métaphysique est inévitable, il
avait adopté celle naïvement matérialiste popularisée par les premiers
behavioristes. Selon eux, la seule réalité est l’énergie vitale et l’esprit
n’est que le système des réactions corporelles aux stimuli. Le behaviorisme
avait autrefois joué un grand rôle en purgeant de leur superstition les esprits
occidentaux ; un instant ç’avait même été le principal foyer de développement
de la pensée.
Cette ancienne doctrine, lourde de
possibilités, mais extravagante, avait été absorbée par la Chine. Or, dans son
pays natal, le behaviorisme s’était lentement laissé corrompre par la demande
générale d’idées confortables. Il s’était finalement transformé en une curieuse
sorte de spiritualisme, selon laquelle, si l’ultime réalité était bien
l’énergie physique, elle était identifiée avec l’esprit divin. Ce qu’offrait de
plus étonnant la pensée américaine de l’époque était un mélange de behaviorisme
et de fondamentalisme, christianisme tardif et dégénéré. Le behaviorisme
lui-même n’avait été à l’origine qu’une sorte de puritanisme à l’envers, selon
lequel le salut impliquait l’acceptation d’un dogme matérialiste sommaire,
surtout parce qu’il répugnait aux pharisiens et était inintelligible pour les
intellectuels des écoles antérieures. Les anciens puritains foulaient aux pieds
les impulsions de la chair, ces nouveaux puritains foulaient aux pieds tout
aussi hypocritement les besoins de l’esprit. Mais dans la tendance de plus en
plus spiritualiste de la physique elle-même, les behavioristes et les
fondamentalistes avaient trouvé un point de rencontre. Étant donné que la
substance fondamentale de l’univers physique était, disait-on à présent, de
multiples et arbitraires « quanta » d’« action spirituelle », comme il était
facile aux matérialistes et aux spiritualistes de s’entendre ! Au fond,
d’ailleurs, ils n’étaient jamais très éloignés par le sentiment, bien que de
doctrines opposées. La seule vraie séparation était celle entre le point de vue
authentiquement spirituel, et le point de vue spiritualiste et matérialiste. Ainsi
les plus matérialistes des sectes chinoises et les plus doctrinaires des sectes
scientifiques ne furent-elles pas longues à découvrir une formule pour exprimer
leur unité de vues, leur refus de toutes ces capacités plus subtiles qui
avaient émergé pour être l’esprit de l’homme.
Ces deux croyances s’unissaient en leur
respect pour le grossier mouvement physique. Et c’était là que se trouvait la
plus profonde différence entre les esprits américains et chinois. Pour les
premiers, l’activité, sous n’importe quelle forme, était une fin en soi ; pour
les seconds l’activité n’était qu’un mouvement vers la véritable fin, qui était
le repos et la paix de l’esprit. L’action n’était entreprise que si l’équilibre
était troublé. À cet égard, la Chine était semblable à l’Inde, toutes deux
préféraient la contemplation à l’action. » (3.I. Les rivales.)
La conclusion de cette
mentalité paraît couler de source :
« La richesse était le pouvoir de faire
mouvoir choses et gens ; en Amérique, elle en vint donc à être regardée comme le
souffle de Dieu, l’esprit divin immanent en l’homme. Dieu était le Patron
suprême, l’Employeur universel. » (3.I. Les rivales.)
Et plus loin :
« Dieu est
l’universel esprit du mouvement qui cherche à s’actualiser partout où il est
latent. Dieu a désigné le grand peuple américain pour mécaniser l’univers. »
(3.III. Sur une île du pacifique.)
PANTROPIE
Très
vite dans l’ouvrage, ces concepts très proches de nos propres considérations
politiques et morales sont balayés par des perspectives temporellement de plus
en plus étendues. Et c’est là que Stapledon s’en donne à cœur joie, bien
qu’avec rigueur. A l'évolution naturelle fruit de ces millions d'années s'additionne,
entre autres, un débat entre la terraformation
et la pantropie, concept novateur
que James Blish élaborera davantage en 1957 dans son cycle de
nouvelles « Semailles
humaines » (voir Fiction
n°45).
« Il était temps que l’homme devînt
maître de lui-même et se remodelât selon un plus noble modèle. À cette fin, on
mit sur pied deux grands projets : des recherches sur la nature humaine idéale,
et des recherches sur les moyens pratiques de refaire la nature humaine. »
(7.III. Le deuxième homme à son zénith.)
Ce
concept de pantropie, signifiant « métamorphose totale », s’il nous
guidera tout droit vers notre actuelle conception plus moderne du transhumanisme, n’est toutefois pas l’invention de Blish.
Certainement initié en 1927 avec la nouvelle The Last Judgment, de J.B.S.
Haldane - où « Le narrateur est
un lointain descendant des premiers colons terriens sur Vénus : «Il n'était
possible, pour l’humanité, de s'établir sur Vénus que si elle était capable de
supporter la chaleur et le manque d’oxygène qui caractérisaient la planète, et
ce but ne pouvait être atteint que par une évolution délibérée dans le sens
qu’avaient connu les premiers Terriens. » (cité in Pierre Versins –
« Encycloédie de l’Utopie, des
voyages extraordinaires et de la Science-Fiction », l’Âge d’homme
1972) - la pantropie, qui n’est pas encore nommée ainsi par Stapledon, prend
bien, dans « Les Derniers et les
Premiers », un tour scientifiquement concret. Vingt-cinq ans plus
tard, James Blish ne fera qu’y apporter, après Clifford D. Simak, une dimension politique, voire morale.
Stapledon
écarte la polémique non pas sous l’argument, au fond idéologique, d’une
nécessité historique, mais plutôt comme une tendance inhérente à l’espèce
humaine, un mouvement qui, quoi qu’on en pense, finira par s’imposer dans le
champ des possibilités scientifiques.
« Il y avait encore un autre groupe
aux buts différents. L’homme,
disaient-ils, était un très noble
organisme. Nous avons changé d’autres organismes pour mettre en valeur leurs
plus nobles attributs. Il est temps de faire de même avec l’homme. Ce qui
distingue l’homme avant tout, c’est la manipulation intelligente, le cerveau et
la main. La main, à vrai dire, est surclassée par les machines modernes, mais
le cerveau ne le sera jamais. Il faut donc uniquement s’attacher à développer
le cerveau, la coordination intelligente du comportement. Toutes les fonctions
organiques qui peuvent être accomplies par des machines doivent être laissées
aux machines, pour que la vitalité de l’organisme puisse être entièrement
consacrée au développement et au travail du cerveau. Il nous faut produire un
organisme qui ne soit pas un simple agrégat d’éléments, souvenirs inutiles de
ses ancêtres primitifs, précairement dirigé par une lueur d’intelligence, il
nous faut produire un homme qui ne soit qu’homme. Quand nous l’aurons fait,
nous pourrons, si nous le voulons, lui demander de découvrir la vérité sur
l’immortalité. Nous pourrons également lui abandonner sans danger la direction
des affaires humaines.
La caste gouvernante était fortement
opposée à cette façon de voir. Elle déclara que si l’on réussissait, on ne
reproduirait qu’un être des plus inharmonieux dont la nature violerait tous les
principes de l’esthétique vitale. L’homme, dit-elle, était essentiellement un
animal, bien qu’avec des dons uniques. Il fallait développer toute sa nature et
non seulement une faculté aux dépens des autres. Dans ces discussions, elle
était probablement influencée en partie par la crainte de perdre son autorité,
mais ses arguments étaient valables et la majorité de la communauté se rallia à
eux. Néanmoins un petit groupe parmi les gouvernements eux-mêmes, resta
déterminé à mener à bien cette entreprise en secret. (10.IV. Des points de vue
contradictoires.)
C’est en réalité la nécessité d’abandonner la Terre - forcément condamnée sur une échelle de temps aussi vaste que celle des milliers de millénaires – et de trouver dans une urgence toute relative un nouveau havre, qui s’impose à l’humanité. Nous l’avons dit plus haut, l’alternative à la pantropie, c’est la terraformation, c'est-à-dire la transformation artificielle d’un sol étranger, son acclimatation, pour le rendre conforme à la physiologie humaine, voire terrienne.
« Il fallait ou bien refaire la nature de
l’homme pour qu’elle s’adaptât à une autre planète, ou modifier les conditions
de vie sur une autre planète pour qu’elles convinssent à la nature humaine. » (12.III. Voyages dans l’espace.)
Mais
la terraformation pose, comme dans toute histoire de colonisation, la question
morale du devenir des espèces, des civilisations, natives et légitimes. Après
avoir elle-même subi les tentatives d’invasions martiennes, l’espèce humaine,
contrainte de déménager, découvre sur
la voisine Vénus une espèce intelligente qui risque de ne pas survivre à la
terraformation de la planète…
« Les hommes de la cinquième espèce eurent
donc à faire face à un sérieux problème moral. Quel droit avait l’homme de
toucher à un monde déjà possédé par des êtres évidemment intelligents, si même
leur vie mentale lui était incompréhensible ? Longtemps auparavant, l’homme
lui-même avait souffert de par les envahisseurs martiens, qui se considéraient
sans aucun doute comme plus nobles que l’espèce humaine. Et à présent, l’homme
était en train de commettre le même crime. D’autre part, ou la migration sur
Vénus avait lieu, ou l’humanité périrait, car il paraissait certain à présent
que la Lune tomberait en morceaux sur la Terre à une date pas tellement
éloignée. Et bien que l’homme n’eût des Vénusiens qu’une compréhension limitée,
ce qu’il savait d’eux montrait qu’ils lui étaient très inférieurs quant à la
portée de l’intelligence. Ce jugement pouvait être erroné. Les Vénusiens
étaient peut-être tellement supérieurs à l’homme que l’homme ne pouvait même
entrevoir leur supériorité. Mais cet argument pourrait aussi s’appliquer à la
méduse et aux micro-organismes. Il fallait juger selon les preuves qu’on avait
à sa disposition. Et dans la mesure où l’homme pouvait porter un jugement en la
matière, il était nettement d’un type supérieur à celui du Vénusien. » (12.IV.
Aménagement d’un monde nouveau.)
On le constate bien ici, ce
n’est pas un récit moral, une utopie, que vise Stapledon, mais bel et bien
une recherche du déroulement nécessaire des événements historiques guidés par le désir de l’espèce de survivre.
L’AUTEUR : Olaf William STAPLEDON
(1886-1950)
« Les Derniers et les Premiers » s’ouvre dans toutes ses éditions francophones par un avant-propos de Brian Aldiss, daté de
1962, qui évoque l’influence de Stapledon sur les auteurs de science-fiction de
la seconde moitié du XXème Siècle. Plutôt que ce beau texte, nous ne résistons pas à proposer, pour vous présenter ce philosophe et auteur britannique, l’intégralité de la préface à « Créateur d’étoile » (le chef d'oeuvre de Stapeldon aux dires de ses connaisseurs), préface écrite
par l’incomparable Jorge Luis
Borges :
OLAF
STAPLEDON - LE FAISEUR D'ÉTOILES
Ce n'est
que vers 1930, à quarante ans bien passés, que William Olaf Stapledon aborda,
pour la première fois, l'exercice de la littérature. C'est à cette
initiation tardive qu'il doit de n'avoir pas acquis certains procédés du métier
mais d'avoir échappé à certaines déformations. L'analyse de son style, marqué
par l'abus de mots abstraits, laisse supposer qu'avant de se mettre à écrire il
avait lu beaucoup de philosophie et peu de romans ou de poèmes. Quant à son
caractère et à sa destinée, mieux vaut le laisser parler :
« Je
suis un saboteur de naissance, protégé (ou abruti?) par le système capitaliste.
C'est maintenant seulement, après un demi-siècle d'efforts, que je commence à
savoir me tirer d'affaire. Mon enfance a duré près de vingt- cinq ans; elle a
été marquée par le canal de Suez, mon petit village d'Abbotsholm et mes années
d'université à Oxford. J'ai essayé différentes carrières et périodiquement j'ai
dû les fuir devant l'imminence d'un désastre. Instituteur, j'apprenais par cœur
des chapitres entiers de l'Écriture la veille de la leçon d'histoire sainte.
Dans un bureau de Liverpool j'ai abîmé des inventaires de cargaisons; à
Port-Saïd, j'ai laissé en toute innocence des capitaines charger plus de
charbon qu'il n'était stipulé. Je me proposai de faire l'éducation du peuple;
des mineurs et des employés des chemins de fer m'apprirent plus de choses
qu'ils n'en apprirent de moi. La guerre de 1914 trouva en moi un pacifiste. Sur
le front français, je conduisis une ambulance de la Croix-Rouge. Par la suite:
un mariage romantique, des enfants, l'habitude et l'amour du foyer. Je
m'aperçus soudain, à trente-cinq ans, que j'étais resté, malgré mon mariage, un
adolescent. Je passai péniblement et tardivement d'un état larvaire à un
semblant de maturité. Deux expériences ont compté dans ma vie : celle de la
philosophie et celle du tragique désordre de la ruche humaine… Aujourd'hui,
alors que j'aborde le seuil de l'âge mental adulte, je constate et j'en
souris que j'ai déjà un pied dans la tombe. »
La
métaphore banale de cette dernière ligne montre bien le peu d'importance que
Stapledon attache au style littéraire, mais elle est une preuve de son
imagination débridée. Wells mêle ses monstres, ses Martiens tentaculaires, son
homme invisible, son peuple souterrain et aveugle à des gens ordinaires;
Stapledon, lui, construit et décrit des mondes imaginaires avec la précision
d'un naturaliste et presque autant de sécheresse. Toute incidence humaine est
exclue de ses fantasmagories biologiques.
Dans une
étude sur Eureka d'Edgar Allan Poe, Valéry a observé que la cosmogonie
est le plus ancien des genres littéraires; mis à part les anticipations de
Bacon, dont on publia au début du XVIè siècle La Nouvelle Atlandide, on
peut affirmer que ce qu'il y a de plus moderne dans la littérature c'est la
fable ou fantaisie d'inspiration scientifique. On sait qu'Edgar Poe aborda
séparément ces deux genres et qu'il est sans doute l'inventeur du second ; Olaf
Stapledon combine ces deux genres dans ce livre singulier. Pour cette
exploration imaginaire du temps et de l'espace, il n'a pas recours à de vagues
mécaniques peu crédibles, mais bien à la fusion d'un esprit humain avec
d'autres esprits, à une sorte d'extase lucide ou, si l'on préfère, à une
variante d'une certaine doctrine célèbre des kabbalistes qui supposaient que
dans le corps d'un homme pouvaient cohabiter plusieurs âmes, comme elles
cohabitent dans le corps de la femme sur le point d'être mère. La plupart des
confrères de Stapledon semblent arbitraires et superficiels; lui, en revanche,
donne l'impression d'être véridique, malgré ce qu'il peut y avoir d'étrange et
parfois de monstrueux dans ses récits. Il n'accumule pas des inventions pour
amuser ou étonner ceux qui le liront; il suit et consigne avec une honnêteté
rigoureuse les sombres et complexes vicissitudes d'un rêve cohérent.
Puisque
notre esprit est friand, on ne sait trop pourquoi, de chronologie et de
précisions géographiques, nous ajouterons que ce rêveur d'univers naquit à
Liverpool le 10 mai 1886 et qu'il est mort à Londres le 6 septembre 1950. Pour
notre sensibilité actuelle, Le Faiseur d'étoiles est plus qu'un roman
prodigieux, c'est une représentation possible et vraisemblable de la pluralité
des mondes et de leur dramatique histoire.
Jorge Luis Borges
Toujours par Borges, nous avons aussi trouvé ce compte-rendu des « Derniers et les Premiers », publié le 23 juillet 1937 dans la revue El Hogar. Il n’y va pas par quatre chemins pour pointer les insuffisances littéraires de Stapeldon, mais demeure tendrement ému par l’ampleur du travail fourni :
« Olaf Stapledon, insurpassable dans le maniement des siècles
et des générations, rate tout dès qu’il s’agit d’individus ou d’instants. Il ne
sait pas résoudre les problèmes concrets du romancier mais il sait poser ou
suggérer de vagues et vastes problèmes ».
Et encore le 20 août 1937,
parlant de son roman Star Maker : «
Stapledon, tellement inférieur à Wells comme écrivain, dépasse celui-ci par le
nombre et la complexité de ses inventions ». H.P. Lovecraft, quant à lui, tenait
ce livre comme « le plus grand accomplissement dans le genre de la
scientifiction » (« the greatest of all achievements in the
field [of] scientifiction »), lui trouvant « la
qualité première d’un mythe » (« the truly basic quality of a
myth »). (sources citées in https://diacritik.com/2021/09/27/une-bible-du-futur-les-derniers-et-les-premiers-dolaf-stapledon-retrofictions-v/).
C’est encore Borges qui
nous permettra de « résumer » la matière des Derniers et les
Premiers : « des hommes
d’autrefois à vision circulaire, et non semi-circulaire comme maintenant, des
races gazeuses qui vénèrent la matière et qui ont pour dieux les durs diamants,
des armées d’automates qui dévastent impunément les continents, des générations
qui recherchent la douleur physique, des croisades pour sauver le passé, des
sous-hommes réduits en esclavage par des supers-singes, des communautés où
l’essentiel est la musique, de vastes cerveaux installés dans des tours
métalliques, des espèces humaines conçues et réalisées par ces cerveaux
sédentaires, des fabriques d’animaux et de plantes, des yeux qui voient
les astres dans leur masse ». (cité in https://diacritik.com/2021/09/27/une-bible-du-futur-les-derniers-et-les-premiers-dolaf-stapledon-retrofictions-v/)
INSPIRATIONS ET INFLUENCES
Pour
le simple plaisir, nous vous proposons ces quelques extraits qui ne manqueront
pas de vous rappeler certains grands classiques de la SF, antérieurs à
Stapledon pour les deux premiers extraits, postérieur pour le suivant qui
pointe la possibilité des influences exercées par cet auteur.
« (…) au fur et à mesure que
s’écoulait le temps la différence mentale entre les deux classes s’accrut. Les
brillantes intelligences se firent de plus en plus rares parmi le prolétariat
et les dirigeants recrutèrent de plus en plus leurs successeurs parmi leur
propres enfants, jusqu’à ce qu’ils devinssent enfin une caste héréditaire. Le
gouffre s’approfondit. Les gouvernants perdirent peu à peu tout contact avec
les gouvernés. Ils commirent une erreur qui n’eût jamais pu se produire si leur
psychologie avait progressé autant que leurs autres sciences. Ayant
continuellement à faire face au manque d’intelligence de leurs ouvriers, ils en
vinrent à les traiter de plus en plus comme des enfants et à oublier que
quoique simples, ils étaient des hommes et des femmes adultes qui avaient
besoin de se sentir leurs libres partenaires dans une grande entreprise
humaine. Auparavant, cette illusion de responsabilité avait été assidûment
encouragée. Mais comme s’approfondissait le gouffre les prolétaires furent
traités comme des enfants en bas âge plutôt que comme des adolescents, plutôt
comme des animaux domestiques bien soignés que comme des êtres humains. Ils
furent de plus en plus soumis à un système de vie organisé minutieusement, mais
avec bienveillance. En même temps on se soucia de moins en moins de leur
enseigner à s’élever à la compréhension et l’appréciation de l’entreprise
humaine. En ces circonstances, le caractère des hommes changea. Bien que leurs
conditions de vie fussent meilleures que jamais, sauf sous le premier État
mondial, ils devinrent apathiques, mécontents, méchants et ingrats envers leurs
supérieurs. » (5.IV. La catastrophe.)
Stapledon reprend ici
l'idée de Welles, dans "La machine à
explorer le temps", de cette scission de l'humanité en deux espèces : les Eloïs et les Morlocks.
L’extrait suivant
évoque "Le nuage pourpre"
de M.P. Shiel (1901).
« Par un de ces fameux tours du
hasard, aussi souvent favorable qu’hostile à l’humanité, un navire qui
explorait l’Antarctique venait de s’enfoncer dans la banquise pour dériver
longtemps à travers la mer polaire. Il avait des provisions pour quatre ans et
était déjà en mer depuis six mois quand la catastrophe se produisit. » (6.I.
Les premiers hommes aux abois.)
On
imagine Pierre Boulle très inspiré par ce troisième passage :
« (…) on vit les singes rassembler
des troupeaux entiers de presque-humains et les emmener hors d’atteinte. On
remarqua aussi que ces presque-humains domestiqués ne souffraient point des
maladies qui ravageaient leurs parents sauvages, lesquels bien entendu
méprisaient cordialement les pauvres esclaves sains. » (7.II. Rapports entre
trois espèces.)
Dix
ans après Les Derniers et les Premiers,
Robert Heinlein commencera à son tour son "Histoire du futur", certes
avec moins d'ambition quant à l'amplitude temporelle, mais certainement pétri
du travail de Stapledon.
COMME POUR CONCLURE…
Comment
Stapledon écrivain, producteur de livres, perpétuateur de la pensée,
envisageait-il l’avenir du livre lui-même ? Ce passage y répond :
« (…) le visiteur venu d’un monde
obsédé par la richesse matérielle remarquerait probablement la simplicité,
l’austérité même, qui caractérisent la plupart des maisons individuelles.
Il serait sans aucun doute surpris de ne
pas voir de livres. Dans chaque pièce, cependant, se trouve une armoire pleine
de bobines de bandes minuscules, sur lesquelles sont enregistrés des signes
microscopiques. Chacune de ces bobines contient de quoi remplir plus de vingt
de vos volumes. On s’en sert à l’aide d’un instrument de poche, de la taille et
de la forme de l’antique étui à cigarette. Quand on y insère la bobine, elle se
déroule à la vitesse voulue et interfère systématiquement avec des vibrations
produites par l’instrument. Ainsi naît un flot de langage « télépathique » qui
pénètre dans le cerveau du lecteur. Ce moyen d’expression est si délicat et si
direct qu’il n’y a presque aucune possibilité de se méprendre sur les
intentions de l’auteur. Il faut également dire que les bobines elles-mêmes sont
enregistrées par un autre appareil spécial, ondes cérébrales de l’auteur. Non
qu’il donne une simple reproduction du courant de conscience de cet auteur, il
n’enregistre que les images et les idées que ce dernier y « inscrit » délibérément.
Je puis aussi mentionner que ces « livres » ne sont pas utilisés pour la
reproduction de simples pensées éphémères, puisque nous pouvons à tout moment
communiquer par « télépathie » directe avec n’importe quelle personne de la
planète. Chacun ne conserve que le grain battu et trié de la moisson recueillie
par l’esprit. » (15.II. Enfance et maturité.)
On
pourrait imaginer un Stapeldon autocentré sur ses visions et finissant par considérer
son œuvre comme une fondation à la mythologie du futur. On verra que c’est au
contraire avec un certain humour tout britannique que l’auteur se renvoie de
lui-même dans les cordes :
« En influençant des individus
choisis, nous cherchons à influencer indirectement la multitude. Mais notre second
mobile est très différent. Nous voyons l’histoire de l’Homme sur les planètes,
ses patries successives, comme un processus d’une très grande beauté. Il est
loin d’être parfait, mais il est très beau, de la beauté de l’art tragique. Il
se révèle que cette belle chose demande que nous agissions en divers points de
son passé. D’où notre volonté d’agir.
Malheureusement nos premiers efforts
inexpérimentés furent désastreux. Beaucoup de ces sottises que les hommes de
tous les âges ont eu tendance à attribuer à l’influence d’esprits désincarnés,
les dieux, les démons ou les morts, ne sont que le charabia résultant de nos
premières expériences. Et ce livre, si admirable, tel que nous l’avions conçu,
est sorti du cerveau de l’écrivain, votre contemporain, en un tel désordre
qu’il est en grande partie un tissu d’absurdités. » (16.II. Conduite des
condamnés.)
Laissons au Dernier-né
de l’humanité l’honneur de conclure ce long billet qui vous aura, nous l’espérons,
persuadés de tenter l’aventure des milliers de millions d’années à venir.
« L’homme lui-même est pour le
moins musique, un thème vaillant et beau qui transforme en musique son immense
accompagnement, sa matrice de tempêtes et d’étoiles. L’homme lui-même, selon
son rang, est éternellement une beauté dans la forme éternelle de l’univers :
quelle bonne chose d’avoir été l’Homme. Ainsi pouvons-nous donc nous avancer
ensemble vers la fin, la joie et la paix dans nos cœurs, en nous félicitant du
passé et de notre propre courage. Car après tout nous ferons une belle
conclusion à cette brève musique qu’est l’homme. » (16.III. Épilogue.)
A noter : une adaptation
vidéo de la dernière partie du livre est disponible chez nos formidables
archivistes de l'UFSF ici,
ou jusqu’en avril 2024 sur le
site de Arte-TV ici.
Réalisé par le musicien Johann Johannsson, son album Last and first men peut également être écouté ici, et augmentera allègrement le plaisir de votre lecture.