31 janvier, 2024

Fiction n°057 – Août 1958

Entrée du 25ème pilier au sein des auteurs publiés dans Fiction et Galaxie, en la personne de Ron Goulart, très récemment décédé à l'âge de 89 ans. Et une courte nouvelle de Gérard Klein restée inédite depuis, en prime !

 

Ahhh, les filles de Forest !

Sommaire du Numéro 57 :

NOUVELLES 

 

1 - Robert SHECKLEY, Le Prix du danger (The Prize of Peril, 1958), pages 3 à 18, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM
2 - Ron GOULART, Grandeur nature (...And Curiouser, 1958), pages 19 à 26, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *
3 - André COYPEL, Les Captifs, pages 27 à 30, nouvelle
4 - Ray BRADBURY, Icare Montgolfier Wright (Icarus Montgolfier Wright, 1956), pages 31 à 35, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
5 - Richard WILSON, Pas de frontières (Love, 1952), pages 36 à 41, nouvelle, trad. Evelyne GEORGES
6 - Idris SEABRIGHT, La Mort de chaque jour (The Death of Each Day, 1958), pages 42 à 52, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM
7 - Gérard KLEIN, Drame de famille, pages 53 à 54, nouvelle *
8 - Richard MATHESON, Le Haut Lieu (The Splendid Source, 1956), pages 55 à 70, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE
9 - Michel JANSEN, Excès de vitesse, pages 71 à 75, nouvelle
10 - Zenna HENDERSON, Les Orphelins (Wilderness, 1957), pages 76 à 111, nouvelle, trad. Roger DURAND *
11 - Marcel BRION, Le Carnaval d'Orvieto, pages 112 à 125, nouvelle

 

CHRONIQUES 

 

12 - Jacques VAN HERP, Le Roman de S. F. qui eut le prix Goncourt, pages 126 à 127, article
13 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX & Gérard KLEIN & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 129 à 133, critique(s)
14 - (non mentionné), Le Prix Jules Verne 1958, pages 134 à 135, article
15 - F. HODA, Du Japon à l'Italie, pages 136 à 138, article
16 - COLLECTIF, Courrier des lecteurs, pages 139 à 139, article

* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.


« Un frisson le parcourut. Il avait choisi, se rappela-t-il. Lui seul était responsable. Le test psychologique l'avait prouvé.

Mais, tout de même, quelle était la part de responsabilité des psychologues qui lui avaient fait subir le test ? Et de Mike Terry qui offrait tant d'argent à un homme pauvre ? La société avait tressé la corde et lui avait passé le nœud coulant, et lui se pendait avec en déclarant qu'il agissait librement. »

On retient peut-être de cette excellente nouvelle de Robert Sheckley qu’est Le prix du danger le pari monstrueux d'un pauvre homme alléché par l'appât du gain, et qui doit survivre aux assauts répétés de tueurs lors d'un jeu télévisé. C'est en tous les cas ce qu'a pu en faire le réalisateur français Yves Boisset. Mais il est notable que le héros candidat participe surtout à une escalade de dangers menés par divers jeux télévisés. Notoire aussi que le combat soit partiellement truqué pour satisfaire le plus longtemps possible les téléspectateurs. Et surtout, que tout cela puisse faire événement légal du fait d'une loi sur le Suicide librement consenti. À méditer...

Les adaptations pour l’écran peuvent être retrouvées chez nos inlassables archivistes de l’UFSF ICI (pour le film de Yves Boisset) et ICI (pour l’adaptation de la télé allemande de 1970).

L'émancipation est le sujet de Grandeur nature, cette première nouvelle publiée en France de Ron Goulart, qui s'amuse à prendre à contre pied "L'homme qui rétrécit" de Richard Matheson. Grandeur nature invite les opprimés, ou plutôt les laissé(e)s pour compte à prendre de la hauteur et s'autoriser la réelle mesure de leurs capacités.

Nul doute que André Coypel aura lu "Oms en série" de Stefan Wul. Les captifs est une nouvelle à chute, mais ce serait plutôt ici une rechute.

Très ancrée dans son époque de débuts de course à l'espace, Icare Montgolfier Wright de Ray Bradbury, fidèle à son habituel ton poétique, nous rappellera qu'échapper à la pesanteur est un rêve ancien et récurent de l'humanité.

La figure mythique de la grotte miraculeuse est transportée sur Mars dans Pas de frontières. Richard Wilson y interroge la beauté et les critères esthétiques qui nous font accepter ou repousser l'étranger - critères surtout visuels.

La guerre éternelle que décrit Idris Seabright, avec sa cruauté habituelle, dans La mort de chaque jour, laisse à entendre qu'au-delà un autrement est possible. Comme souvent, c'est l'altruisme et l'empathie qui sont les premières victimes de guerre et qui restent à retrouver pour reconquérir son humanité.

Un inédit (depuis) de Gérard Klein : la paranoïa inhérente au thème de l'invasion devient dans Drame de famille un jeu de passe-passe absurde et peut-être inutile, puisque c’est la mesquinerie qui remplace le banal. Vanitas vanitatis !

Paranoïa, encore. Qui invente les histoires drôles et grivoises ? Le questionnement que se pose le héros de Le haut lieu ne manque pas de pertinence, et Richard Matheson poussera même le bouchon - si l'on peut dire ainsi - plus loin encore, dans un bon prototype d'histoire de complotisme.

Un Excès de vitesse signé Jacques Van Herp sous son pseudonyme de Michel Jansen, et c'est le cosmos en entier qui risque bien de payer l'amende ! On repensera au « Problème du carré pointu » d'Hervé Calixte (in Fiction n°49) ou à « La fin d'un monde » de Allan E. Nourse (in Galaxie n°37).

Dans Les orphelins, Zenna Henderson parvient à renouveler son sujet du Peuple d'outre espace accidentellement égaré sur Terre. Une bonne nouvelle dans la lignée directe de son style et de ses thématiques.

Le style brillant de Marcel Brion nous entraîne dans ce Carnaval d'Orvieto avec l'expérience de l'effroi de qui réalise le pouvoir des masques. L'acidité du ton donne à ce récit le désespoir des meilleures nouvelles fantastiques, qui n'ont de surréel que le point de vue isolé d'un narrateur aux abois.

24 janvier, 2024

Fiction n°056 – Juillet 1958

Baroudeurs et piliers de la galaxie, français comme étrangers, font honneur à ce numéro de l’été 1958, dont on appréciera l’étude sur l’œuvre en cours d’Arthur C. Clarke, signée Gérard Klein.

Clic-clic sur le petit chariot dans la tête !

Sommaire du Numéro 56 :


NOUVELLES

 

1 - Charles HENNEBERG, Les Non-humains, pages 3 à 18, nouvelle

2 - Jane ROBERTS, Le Chariot rouge (The red wagon, 1956), pages 19 à 26, nouvelle, trad. Bruno MARTIN *

3 - Chad OLIVER, Départ en beauté (Didn't He Ramble, 1957), pages 27 à 37, nouvelle, trad. Bruno MARTIN *

4 - Jay WILLIAMS, Un dieu en boîte (Little Tin God, 1958), pages 38 à 46, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

5 - Bernard MANIER, La Carte, pages 47 à 50, nouvelle *

6 - Winston K. MARKS, Conférence préliminaire (Call Me Adam, 1954), pages 51 à 65, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE *

7 - Theodore STURGEON, Un rien d'étrange (A touch of strange, 1958), pages 66 à 77, nouvelle, trad. Bruno MARTIN

8 - Francis CARSAC, L'Homme qui parlait aux Martiens, pages 78 à 81, nouvelle

9 - Douglas ANGUS, Rage de dents (About time to go south, 1957), pages 82 à 88, nouvelle, trad. Suzanne RONDARD *

10 - Bob OTTUM, Programme secret (The Girls on Channel N, 1957), pages 89 à 96, nouvelle, trad. Roger DURAND *

11 - Poul ANDERSON, Souvenir lointain (The Long Remembering, 1957), pages 97 à 107, nouvelle, trad. Francis CARSAC

12 - Mack REYNOLDS, L'Ère du Gladiateur (Gladiator, 1958), pages 108 à 121, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

CHRONIQUES


13 - Gérard KLEIN, La Lyre électronique d'Arthur C. Clarke, pages 122 à 131, article *

14 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX & Gérard KLEIN, Ici, on désintègre !, pages 133 à 139, critique(s)

15 - Jacques BERGIER, Deux réactions russes à la science-fiction américaine, pages 140 à 141, article

16 - F. HODA, Un fantastique intellectuel, pages 142 à 143, article 


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Les non-humains, en plus de nous présenter un protagoniste appelé Al-Hazreh (et le rapprochement avec le Al-Azred de Lovecraft n’est certainement pas fortuit), propose dans un style épique et foisonnant d'images une très belle nouvelle située à la lisière du fantastique et de la science-fiction. Bref : Nathalie Henneberg (toujours sous le nom de son mari) est très en forme, malgré une chute un peu attendue.

Comme emprisonné en un autre - voilà le ressenti des âmes réincarnées dans Le chariot rouge, par Jane Roberts. Bien mené.

On n'ose imaginer le prix d'une prestation comme celle-ci: un microcosme à usage privé donnant l'illusion de se plonger (jusqu’à la mort !) dans un espace et un temps choisis. Chad Oliver fait de ces "terres truquées" des hommages au jazz new orleans et à des mœurs révolues (pour le pire et le meilleur...) dans Départ en beauté.

Un dieu en boite, par Jay Williams, est une très bonne nouvelle avec un effet de chute bien amenée, sur l'exploitation animale - qu'elle soit extraterrestre ou pas ; cela réjouira particulièrement les lecteurs végans (pas ceux de Véga...).

Confondre La carte et le territoire... À ses dépends. Une nouvelle de Bernard Manier qui n'apporte pas grand chose.

Conférence préliminaire, au contraire, est un excellent récit de la genèse d'un individu à partir de l'état d'amibe cellulaire, qui ne manque pas d'humour, ni d'acidité de la part de son auteur, Winston K . Marks.

Theodore Sturgeon propose une romance qui parle surtout de l'insatisfaction qui peut traverser le commun des mortels - surtout lorsqu'il a été enchanté par Un rien d'étrange qui décale à tout jamais la vision du monde et sa façon d'y être.

L'homme qui parlait aux Martiens est une nouvelle un peu légère de Francis Carsac, qui a le mérite d'être courte et d'un style oral dynamique.

Rage de dents, par Douglas Angus, nous présente un aspect quotidien de l'adversité dans un contexte post apocalyptique. On appréciera surtout d'avoir encore notre confort actuel...

Bob Ottum, journaliste sportif, fait ici une unique apparition dans les pages de Fiction, avec Programme secret. On appréciera son ton humoristique, et sa propension à se moquer gentiment des clichés de la SF comme le ferait un Fredric Brown ; ici : la soi-disant supériorité technologique des espèces d'outre-monde, qu'elles soient d'un autre temps, d'une autre planète ou d'un monde parallèle.

Souvenir lointain propose une nouvelle façon d'explorer le temps, par un Poul Anderson, spécialiste de la chose.

L'ère du gladiateur, c’est remplacer la guerre par le sport. Si le vœu pieu pourrait être honorable, la confusion des enjeux est terrifiante. Mack Reynolds, avec finesse et malice, démonte ainsi le cliché du sport comme résolution de tous les conflits.

On appréciera pour finir La lyre électronique d’Arthur C. Clarke, article de Gérard Klein que vous pouvez retrouver sur notre page dédiée à l’auteur britannique, ici.

17 janvier, 2024

Galaxie (1ère série) n°055 – Juin 1958

Galaxie rend hommage à sa façon à Cyril M. Kornbluth en publiant une très belle nouvelle, où l’on pourra apprécier les talents d’anticipation de cet auteur disparu trop jeune. L’ensemble est de plus de bonne qualité, avec l’entrée de Harry Harrison parmi les auteurs publiés en France, ou quelques autres récits sympathiques qui ont « du chien ».

Clic-clic dans le dos, la bonne blague !

Sommaire du Numéro 55 :

NOUVELLES

 

1 - Harry HARRISON, Le Phare des lézards (The Repairman, 1958), pages 3 à 19, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Frank KRAMER *

2 - Clifford Donald SIMAK, Une chasse dangereuse (The World That Couldn't Be, 1958), pages 20 à 38, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Jack GAUGHAN

3 - Richard WILSON, Un tour au Paradis (Kill Me with Kindness, 1958), pages 39 à 48, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Jack GAUGHAN *

4 - Joseph FARRELL, Les Robots sont tabous (The Ethical Way, 1958), pages 49 à 57, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par JOHNSON *

5 - Gordon Rupert DICKSON, Le Chien télépathe (Rex and Mr. Rejilla, 1958), pages 58 à 69, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par JOHNSON *

6 - Willy LEY, Rien ne reste dans l'imaginaire (No longer imaginary, 1956), pages 70 à 78, article, trad. (non mentionné) *

7 - Christopher GRIMM, L'Homme qui n'était pas encore né (Never come midnight, 1958), pages 79 à 102, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par DILLON

8 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 103 à 104, courrier

9 - Georges MURCIE, X.O. 15 ne répond plus, pages 105 à 114, nouvelle *

10 - William MORRISON, La Planète de l'homme mort (Dead Man's Planet, 1955), pages 115 à 122, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Ed EMSH

11 - Evelyn E. SMITH, Les Métamorphoses du Sirien (My Fair Planet, 1958), pages 123 à 134, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par DILLON *

12 - Cyril M. KORNBLUTH, Avec ces mains... (With These Hands, 1951), pages 135 à 142, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Karl ROGERS

13 - (non mentionné), Livres d'aujourd'hui, pages 143 à 144, notes.


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.


Formidable modernité pour l'époque de Harry Harrison et de cette nouvelle, Le phare des lézards, qui inverse le point de vue de Arthur C. Clarke dans sa nouvelle "La sentinelle" (1951 - à la base de 2001, l'Odyssée de l'espace) : là aussi un artefact issu d'une technologie supérieure est pris pour divin. Il ne s'agit ici que d'une balise pour la navigation hyper spatiale. On notera la croyance tenace par contre que les eaux lourdes et radioactives peuvent faire muter, voire améliorer des espèces sauvages.

Une chasse dangereuse reste un récit de chasse qui aurait pu être très conventionnel si n'avait été une forme de vie d'un genre nouveau. Clifford D. Simak maîtrise toutefois bien son histoire.

Le Paradis ne saurait être hors du monde avec la possibilité d'y faire et d'y avoir tout ce que l'on veut. Richard Wilson en fait la démonstration avec Un tour au Paradis, dans un modèle malgré tout très "american way of life".

Une drôle de nouvelle, toujours avec cette incursion d'éléments de SF dans les usages quotidiens de l'american way of life, mais avec un côté divertissement familial charmant, dans Le chien télépathe de Gordon R. Dickson.

Un article passionnant de Willy Ley sur les circulations des inventions entre la science et la fiction : Rien ne reste dans l'imaginaire.

Un esclavage qui finit par se fondre en salariat, alors que Les robots sont tabous. Joseph Farrell survole quelques générations pour brosser ce tableau.

L'homme qui n'était pas encore né est une bonne novella sur l'immortalité comme rétribution d'un pacte faustien avec une espèce extraterrestre. La romance en filigranne ne distrait pas ce récit de son tracé cruel et fort bien mené. Galaxie reprendra d'ailleurs ce récit dans son fond éditorial pour sa deuxième série, dans une nouvelle traduction (in Galaxie n°104 de janvier 1973). Quant à l'auteur, Christopher Grimm, nous avions déjà noté (in Galaxie n°30) qu'il s'agissait du fondateur et éditeur de Galaxy Science-fiction, Horace L. Gold, sous pseudonyme. Il laissera sa place d'éditeur l'année suivante, en 1959, à Frederik Pohl.

Sans transition, et parce qu'ici aussi on désintègre parfois : 
" UN court historique s’impose sur les changements scientifiques et politiques des quarante dernières années.
  Période de 1945 à 1956 : premières découvertes importantes dans le domaine de l’atome et de ses applications ; essais de fusées et autres engins stratosphériques découlant d’armes employées par l’Allemagne au cours de la guerre 39-45.
  1956-57 : premières applications de la force atomique à la propulsion.
  1957 : premier véritable succès dans ce domaine marqué par le lancement du « Spoutnik », premier satellite artificiel de l’U.R.S.S. (pays qui occupait alors la partie orientale de l’Europe, actuellement Europe Orientale).
  1967 : entrée en vigueur du traité de collaboration, signé – contre toute attente et après maintes palabres – par l’U.R.S.S. et les U.S.A. (ensemble d’États de la vieille Amérique du Nord).
  1970 : résultats positifs atteints. Le premier relais constant entre la Terre et la Lune est installé ; le voyage Terre-Lune devient une réalité courante, les précédents voyages n’ayant été que des essais aux conséquences parfois désastreuses.
  1982 : réorganisation totale de l’administration mondiale (achevée en 1985), caractérisée par la disparition des anciens États et la création d’un gouvernement mondial sans siège fixe, une ville étant choisie par référendum tous les trois ans pour être la capitale mondiale. Ce gouvernement général supervise les travaux de neuf gouvernements subalternes chargés de l’administration des neuf provinces terrestres : Amérique-Nord ; Amérique-Sud ; Asie-Est ; Asie-Ouest ; Australie ; Europe Occidentale ; Europe Orientale ; Afrique-Nord ; Afrique-Sud. C’est la fin du morcellement anachronique qui empêchait le développement intensif de la civilisation universelle. Tous les efforts sont répartis et toutes les connaissances partagées.
  1990 : déjà la langue unique, dont l’usage est vivement conseillé par tous les gouvernements, commence à se généraliser, favorisant les relations entre les races humaines de plus en plus mêlées.
  Il existe maintenant six relais constants entre la Terre et la Lune. L’aménagement de cette dernière se poursuit intensément ; la cinquième base lunaire est en construction. De plus, un relais-poste-carburant (R.P.C.M.) a été installé sur la ligne Terre-Mars, premier pas vers l’exploration de Mars, planète qui demeure assez mal connue malgré les nombreuses observations déjà faites.
  Voilà, très schématiquement, quelle est la situation en 1990."

Très schématiquement est même un euphémisme. Bien qu'on puisse s'amuser un temps à cet exercice d'histoire du futur, où l'on voit bien tout de même ce que la conquête spatiale pouvait engendrer comme fantasmes politiques,  X.O. 15 ne répond plus est une nouvelle inepte, rédigée à la hâte dans un style pseudo journalistique, qu'on oubliera sans scrupule avec Georges Murcie, auteur français de l'écurie Fleuve Noir Anticipation.

Une courte nouvelle que La planète de l'homme mort, une autre histoire canine, comme si Galaxie s'évertuait à s'édifier en anthologie d'un thème. On retrouve le goût de William Morrison pour le point de vue de l'enfance, et ce que le monde adulte, se croyant plus raisonné, s'inflige comme doucereux mensonge.

Illustration de Dillon
"Vous direz à ma race que la Terre possède une arme défensive formidable et que vous venez leur enseigner le secret. Du reste, c’est la vérité. Le théâtre est l’arme la plus puissante de votre monde, sa défense la plus solide contre l’ennemi universel : la réalité."
Le théâtre vu comme une arme contre l'adversaire de toute forme de vie : la réalité. Un point de vue extraterrestre développé par Evelyn E. Smith qui, dans Les métamorphoses du Sirien, écorche au passage les Marlon Brando et autres James Dean de pacotille formés à la chaîne par les Actor's studios très en vogue à cette époque.

Crédit photo : Philippe Guersan.

Quelle peut être l’utilité d’un artiste dans un monde mécanisé ? 
Voilà un questionnement qui finit par quitter le domaine de la fiction pour devenir une réalité : la mécanisation, qu'on nomme aujourd'hui "intelligence artificielle", détrônera-t-elle le travail artistique ? Sans doute que des consommateurs y trouveront leur compte par souci d'économie. Peut-être que des mécènes joueront un temps le jeu condescendant de collecter des œuvres d'art faites à la main comme on s'enticherait d'antiquités. Mais il y aura toujours des amateurs pour comprendre la nécessité de l'art dans la vie culturelle collective. Tous ces aspects sont présentés de façon efficace et concise dans Avec ces mains... de Cyril M. Kornbluth.
Et tant qu'à faire, puisqu'il est précisément question de cette oeuvre d'art dans la nouvelle, notre illustration représente La fontaine d'Orphée à Stockholm.

Pour terminer ce tour d'horizon du numéro 55, on notera l'apparition d'une nouvelle rubrique : "Livres d'aujourd'hui", où l'on imaginera que Galaxie cherche sans doute à se rapprocher de la politique éditoriale de Fiction, plus soignée quant à la réflexion sur ce genre encore nouveau à cette époque qu'est la science-fiction. Mais il y a sans doute moins de personnel au sein de la rédaction de Galaxie qu'au bureau de rédaction de Fiction ; en témoigne cette note d'intention : Dès le mois prochain, la Rubrique de l’Étrange, par Jimmy Guieu, alternera, un mois sur deux, avec la critique des ouvrages de vulgarisation scientifique." Tout cela durera moins d'un an, hélas… Il reste une dizaine de numéro d'espérance de vie à cette revue, avant qu'elle ne renaisse de ses cendres.


Un nouveau fléau s'apprête à alimenter les frayeurs et les cauchemars des citoyens de la fin des années 50. En voici les prémices :


SAVIEZ-VOUS QUE…

 

…un nuage magnétique enveloppait le neutron ?

 

CETTE nouvelle et surprenante découverte concernant le neutron, ce composant minuscule de l’atome, aurait été faite par les savants de l’université de Stanford.

L’étude de l’atome à l’aide d’un accélérateur linéaire de particules leur aurait révélé que le neutron est d’un volume beaucoup plus important qu’on ne le pensait jusqu’à présent. Il serait, en effet, entouré d’un « nuage magnétique », dont les savants seraient parvenus à mesurer le rayon moyen, et sa taille serait voisine de celle du proton.

Le docteur I.I. Rabi, prix Nobel de Physique, qui participait à la conférence au cours de laquelle ces faits furent révélés, a déclaré que cette découverte était d’une importance primordiale et pourrait peut-être permettre d’expliquer la cohésion des particules au sein du noyau de l’atome, phénomène qui représente l’une des questions-clés de la physique moderne.

Ces découvertes mèneront en cette même année 1958 à l'invention théorique de la bombe à neutrons, qui ne sera concrétisée qu'à partir de 1963 aux États Unis.

10 janvier, 2024

Galaxie (1ère série) n°054 – Mai 1958

Galaxie poursuit sa quête du nombre en publiant beaucoup de récits très courts, qui comptent parmi les meilleurs du numéro (Richard Matheson, Lloyd Biggle, Evelyn E. Smith, et un français nouveau venu qui signe Allan George).

Cliquez droit dans l’espace courbe.

Sommaire du Numéro 54 :

1 - Henry BEAM PIPER, Le Cimetière des rêves (Graveyard of Dreams, 1958), pages 2 à 28, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par DILLON *

2 - Clifford Donald SIMAK, Le Secret des sitters (The Sitters, 1958), pages 29 à 46, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Wallace (Wally) WOOD

3 - Volsted GRIDBAN, La Pierre de soleil (Alice, Where Art Thou?, 1954), pages 47 à 60, nouvelle, trad. (non mentionné)

4 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 61 à 62, courrier

5 - Fritz LEIBER, Amoureuse de son bourreau (Coming Attraction, 1950), pages 63 à 72, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par René CAILLÉ

6 - Richard MATHESON, Deux planètes trop semblables... (Third from the Sun, 1950), pages 73 à 75, nouvelle, trad. (non mentionné)

7 - Frederik POHL, Mon ami Arthur (The Knights of Arthur, 1958), pages 76 à 96, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Don MARTIN *

8 - Allan GEORGE, ...et la forme se perd, pages 97 à 106, nouvelle *

9 - Lloyd Jr BIGGLE, Une profitable comédie (Leading Man, 1957), pages 107 à 114, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par PETERFIELD

10 - Frank Malcolm ROBINSON, Les Belles vacances ! (Two Weeks in August, 1951), pages 115 à 122, nouvelle, trad. (non mentionné) *

11 - Jimmy GUIEU, Les Soucoupes volantes, pages 123 à 124, chronique

12 - Evelyn E. SMITH, Un monde décevant (Tea Tray in the Sky, 1952), pages 125 à 132, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par ASHMAN *

13 - Willy LEY, Le Futur satellite "Vanguard", pages 133 à 138, article, trad. (non mentionné)

14 - Jean DUZAL, « Grilling » à bord, pages 139 à 144, nouvelle *

 

* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Commençons par un point de vue que l'on devrait se remémorer plus souvent :

— Que dis-tu là, papa ! Intelligents, les computeurs ? Pas le moins du monde ! Les savants qui les conçoivent, les techniciens qui les construisent sont intelligents. Mais eux… Certes, les computeurs font parfaitement, et mieux que les hommes, ce pour quoi ils sont faits. Ils peuvent enregistrer plus de données que n’en a jamais contenu cerveau humain, et s’en servir, au moment voulu, sans la moindre erreur. Ils peuvent combiner, calculer plus vite que l’homme, et avec une infaillible rigueur mathématique. Ils peuvent – ce qui est interdit à l’homme – travailler jour et nuit, car, ignorant la fatigue, ils n’ont pas besoin de repos. Mais ils sont incapables d’imaginer, de créer. En résumé, ils ne peuvent rien faire qui dépasse les possibilités de l’esprit humain. (Le cimetière des rêves – H. Beam Piper – extrait)

On a la sensation d'un premier chapitre à la lecture de Le cimetière des rêves, une bonne nouvelle de pure anticipation sur l'évolution d'un empire galactique d'origine terrestre. Curieusement ici, le "computeur" semble être le nec plus ultra d'une technologie qui a déjà acquis le vol et l'expansion interplanétaire. H. Beam Piper n'imaginait sans doute pas à quel point l'électronique et les calculatrices géantes que sont nos ordinateurs allaient envahir bien vite notre quotidien...

Une belle problématique que pose Clifford D. Simak à propos de l'éducation et de ce qu'elle consomme d'enfance, d'ignorance, d'insouciance et d'innocence, dans Le secret des sitters. Que perd-on de soi en devenant un adulte responsable et accompli ? Peut-être la capacité à jouer et à s'émerveiller.

La femme qui rétrécit, avec son homonyme du pays des merveilles qui elle aussi change de taille, dans un récit désespéré et impuissant : La pierre de Soleil. Une explication scientifique du phénomène fait basculer du fantastique du type "objet maudit" à de la SF. Mais tout y est un peu vain. L'auteur, qui signe ici Volsted Gridban, n’est autre que John Fearn, alias Vargo Statten, bien que ce pseudonyme de Grinsbad a aussi été utilisé par E. C. Tubb.

Les rapports hommes-femmes compliqués, l'érotisme déplacé dans un jeu sado-masochiste ou un déplacement des atouts de la séduction, une population humaine qui peine à se reconstruire après la 3eme Guerre Mondiale... Il y a certes des éléments intéressants dans Amoureuse de son bourreau de Fritz Leiber, mais quelque chose ne décolle pas.

Un auteur qui a le vent en poupe en ce mois de mai 1958, avec deux nouvelles publiées , l'une dans Galaxie et l'autre dans Fiction ("Jours disparus" dans le Fiction n°54). Deux planètes trop semblables… est une très concise nouvelle, avec cet habituel et virtuose dénouement propre à Richard Matheson. Elle sera adaptée dans la série La Quatrième Dimension (Saison 1 - Episode 14 : Troisième à partir du soleil ) , en 1960, par Richard L. Bare,

Mon ami Arthur est une nouvelle au ton léger malgré un contexte post apocalyptique, qui malgré ses péripéties nombreuses ne nous emmène pas plus loin qu'au large , comme s'il s'agissait des premiers chapitres d'un roman. On a connu Frederik Pohl plus inspiré.

… Et la forme se perd  pourrait être la suite lointaine de celle de Pohl, post apocalyptique elle aussi, mais d'un ton plus grave semblable à celui d'un Ward Moore ou d'un Fritz Leiber, avec une pensée pour des formes de vie très différentes de celle que nous imaginons par anthropocentrisme : des vies minérales. Quant à l'auteur, Allan George est le peseudonyme du français Marcel Alain Hilleret ; il publiera dans les années 60 quelques nouvelles dans Fiction sous le pseudonyme d'Arcadius. Celle-ci est sa première histoire publiée.

Une profitable comédie est une fantaisie de Lloyd Biggle Jr, qui aurait pu inspirer Pierre Christin pour le scénario de "Sur les terres truquées", bande-dessinée de la série Valérian.

Les belles vacances ! est une sympathique nouvelle de Frank M. Robinson qui part d'une blague de bureau.

Dans sa rubrique Les soucoupes volantes, ce sacré Jimmy Guieu, plutôt qu'admettre que l'existence des "S.V." puisse être sujette à caution, boude un peu et met dans le même panier les incrédules et ceux qui ne croient pas en la conquête spatiale. A noter une référence à la British Interplanetary Society, dont Arthur C. Clarke a été un temps le président. On sent bien que Jimmy Guieu arrive un peu au bout de son matériel éditorial, et qu'il doit quitter sa verve un peu acide pour rester un tant soi peu crédible. Ce sera la dernière parution de cette rubrique dans Galaxie, qui laissera la place (pour quelques mois encore) à une "Rubrique de l'étrange". 

Aplanir les distinctions pour abolir les conflits, voilà qui risque bien de devenir une nécessité dans une civilisation à l'échelle galactique. Mais plutôt qu'égaliser les droits, les communautés distinctes peuvent faire augmenter l'intolérance et durcir les lois. Seuls le libéralisme publicitaire semble y tirer son épingle du jeu. Un monde décevant , par Evelyn E. Smith, est une très bonne nouvelle sur un problème philosophique, économique, politique et social, et ce que Bradbury appelait déjà dans "Fahrenheit 451" les "minorités agissantes".

Grilling a bord, de Jean Duzal, est un peu inutilement embrouillé, et pourra rappeler "L'homme démoli" d'Alfred Bester, dans sa problématique de parvenir à cacher des pensées et des projets criminels quand la technologie permet de lire dans les pensées.

Dans la série "La tentation cosmique", ou "la laine des mutants, c'est nous qui la faisainnes", un extrait de la rubrique « Votre courrier » :

Un de mes amis prétend que les Américains doivent leur dynamisme à une radio-activité plus forte régnant dans leur pays. Est-ce plausible ?

M. SOPICO, Rome.

 

IL est fort possible que la radio-activité soit plus intense dans certaines régions de l’Amérique du Nord, où abondent les roches éruptives. Il ressort, en effet, des études menées dans le cadre de l’Année Géophysique que le granit est une source non négligeable de rayonnements et que les radiations sont plus puissantes dans les régions granitiques que sur les terrains calcaires.

On sait déjà que certains pays sont plus radifères que d’autres : par exemple, la Suède l’est presque deux fois plus que la Grande-Bretagne, et de nombreuses plages de l’Inde et du Brésil présentent une radio-activité naturelle bien supérieure à celle détectée sur d’autres rivages.

Quant à l’influence qu’un tel état de choses peut exercer sur l’homme, on n’en connaît pas encore la portée.

Depuis que l’humanité existe, elle subit à la fois les radiations venues du sol et le bombardement continu des rayons cosmiques, sans pouvoir exercer le moindre contrôle sur ces rayonnements, ni soupçonner les perturbations qu’ils peuvent causer à son organisme.

Nul doute que les recherches entreprises dans ce domaine nous réservent de surprenantes révélations.


Un ancêtre de Wikipedia, dans la rubrique « Saviez-vous que… » :

 

SAVIEZ-VOUS QUE…

…l’on pouvait, à l’exposition de Bruxelles, obtenir communication en 2/3 de seconde, de n’importe quelle période de l’histoire du monde ?

 

L’APPAREIL électronique qui permet de se documenter ainsi est l’un des clous de la section américaine. Il contient une colonne de disques sur lesquels est enregistré un résumé des principaux événements qui se sont produits sur notre planète entre l’an IV avant Jésus-Christ et 1958.

Il suffit d’appuyer sur le bouton correspondant à l’année désirée pour mettre en action un sélecteur qui, en 2/3 de seconde, déclenche le disque correspondant et transcrit ses indications en dix langues, au choix.

La machine rêvée pour les écoliers aux veilles d’examen !

Toujours dans la même rubrique, des prévisions de progrès techniques à la lisière du fantasme :

SAVIEZ-VOUS QUE…

… par la fusion du deutérium ou hydrogène lourd, on pouvait tirer 100 litres d’essence d’un litre d’eau de mer ?

CE miracle est accompli, par Z.E.T.A. (Zéro Energie Thermonuclear Apparatus), sorte d’usine atomique en miniature qui fonctionne au centre d’Harwell.

L’élément essentiel de l’appareil est une immense cuve à parois de verre nommée. « doughnut » (pet-de-nonne) dans laquelle s’opère continuellement la fusion des noyaux de deutérium. Cette fusion s’effectue pour chaque noyau en une infinitésimale partie de seconde et produit un éclair presque invisible – tant il est éphémère – auquel on a donné l’appellation de « lumière du nouvel univers ».

En somme, « doughnut » représente une bombe H à explosion contrôlée. Par lui, les savants sont parvenus à atteindre des températures de 5 millions de degrés, c’est-à-dire cent fois la chaleur régnant à la surface solaire. Ils espèrent arriver à 100 millions de degrés, soit la température du soleil à son centre.

Ces recherches, qui n’en sont qu’au premier stade, sont appelées à détrôner les actuelles centrales atomiques.

Voici sans doute ici le prototype des chambres de confinement qui continuent à notre époque de poser de nombreux problèmes techniques pour parvenir à leur concrétisation. 

03 janvier, 2024

Galaxie (1ère série) n°053 – Avril 1958

Galaxie change de maquette pour ses couvertures, et mise sur la quantité d’auteurs et de nouvelles. On trouvera dans ce numéro 53 une flopée de raretés, dont une nouvelle de Robert Sheckley et une de Frederic Pohl, toutes deux sous pseudonymes, sans compter J. T. McIntosh, le remarqué Lloyd Biggle ou encore William Morrison, et quelques productions françaises.

Clic droit sur la nouvelle maquette !

Sommaire du Numéro 53 :


1 - Lloyd Jr BIGGLE, Les Leçons du robot (Spare the Rod, 1958), pages 2 à 22, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Wallace (Wally) WOOD *

2 - Finn O'DONNEVAN, Idylles sur commande (Grey flannel armor, 1957), pages 23 à 31, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par DILLON *

3 - Walter S. TEVIS, La Balle choisit la liberté (The Big Bounce, 1958), pages 33 à 40, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par JOHNSON

4 - Vargo STATTEN, Marche arrière (Reverse Action, 1954), pages 41 à 55, nouvelle, trad. (non mentionné)

5 - William MORRISON, Glissoire transtemporelle (The Sly Bungerhop, 1957), pages 56 à 68, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Don MARTIN

6 - Maurice LIMAT, La Colère des Martiens, pages 69 à 74, nouvelle

7 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 75 à 76, courrier

8 - Michael SHAARA, Un maillon de la chaîne (Wainer, 1954), pages 77 à 84, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par ASHMAN *

9 - Jeannine RAYLAMBERT, Le Partage de minuit, pages 85 à 98, nouvelle *

10 - Jim HARMON, Contempteur du progrès (Confidence game, 1957), pages 99 à 108, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par EPSTEIN *

11 - Jimmy GUIEU, Les Soucoupes volantes, pages 109 à 110, chronique

12 - J. T. McINTOSH, Voyage sans retour (You Were Right, Joe, 1957), pages 111 à 118, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Dick FRANCIS *

13 - Roger DEE, Sur une île perdue (Traders Risk, 1958), pages 119 à 128, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Don MARTIN

14 - Paul FLEHR, Compagnons de la haine (The Hated, 1958), pages 129 à 136, nouvelle, trad. (non mentionné) *

15 - John BOLAND, L'Ère chicha (Doat age, 1957), pages 137 à 144, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Peter BOWMAN *

 

* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Kurt Vonnegut, dans Le pianiste déchaîné, rapportait une anecdote similaire avec une machine à jouer aux dames. Dans Les leçons du robot, Lloyd Biggle confond sciemment enseignement technique et étayage mécanique, confusion d'autant plus flagrante qu'il s'agit d'un enseignement artistique, impossible à réduire à une simple action mécanique.

Robert Sheckley sous le pseudonyme de Finn O’Donnevan, poursuit son étude du sentiment amoureux dans Idylles sur commande, en imaginant un mélange de ce que nous appellerons plus tard "site de rencontre" et "flash mob". L'idée de jeunes gens en déroute prêts à se laisser scénariser leurs vies est toutefois grinçante.

Comme dans sa nouvelle précédemment publiée (« L'ixe de l'i grec », in Galaxie n°51), Walter S. Tevis imagine des inventeurs dépassés par leur trouvaille. Bien que La balle choisit la liberté s'arrête là où elle pourrait commencer, mais ne manque pas de rebonds à défaut de rebondissements.

Marche arrière,  par Vargo Statten, possède un rythme trépidant, une ambiance de huis-clos policier, et des trouvailles d'auteur, mais ce récit tourne court. Dommage...

Glissoire transtemporelle met en scène le monde éditorial des revues et des collections, et sur un accès provisoire au futur. On a connu meilleur William Morrison, mais ici tout est décrit dans un flou artistique qui parlera aux plus myopes d'entre nous. De fait, plutôt que décrire visuellement un monde futuriste, Morrison concentre ses efforts sur les sonorités, et donc le langage, et compose une langue future comme le fera plus tard Daniel Drode dans "Surface de la planète".

Quand les auteurs parlent d'eux-mêmes et "s'auto-fictionnent" : dans La colère des Martiens, Maurice Limat livre un récit un peu facile et ficelé à la hâte. Max Milton, Yves d’Anvers, Peter Sisney… auteurs inventés respectivement de Tempête sur Mars, Les révoltés de l’autre monde, et L’étoile sanglante, pourraient évoquer les compagnons du Fleuve Noir de Maurice Limat : Max-André Rayjean et Peter Randa, ou peut-être encore Yves Dermèze (?). Quoi qu’il en soit, on sait que les auteurs de SF n’étaient pas avares d’imagination en matière de pseudonymes. Quoi qu’il en soit, ce récit évoque sans le savoir la crise à venir de la science-fiction française : déperdition éditoriale, manque d'auteurs français en quantité et de qualité, obsolescence des thèmes de l'âge d'or de la SF à l'américaine…

Dans Un maillon de la chaîne, Michael Shaara fait confiance, plutôt qu'à la pantropie, en une évolution naturelle de l'espèce qui la mènera vers l'espace. Mais il s’agit ici d’une mutation individuelle, et qui ferait donc d'un seul mutant le père de toute la "race" suivante. Un point de vue un peu paternaliste.

Le partage de minuit, par Jeannine Raylambert, s’amorce avec une bonne trouvaille, même si elle demande une forte suspension de l'incrédulité, dans un style très français, parfois même un peu mièvre, sur notre planète littéralement coupée en deux.

Très bonne ambiance un peu post-apocalyptique pour deux vagabonds qui ne paient pas de mine, mais qui pourtant sont prêts à diffuser un savoir interdit de longue date... ou pas. Contempteur du progrès, de Jim Harmon, tourne malheureusement un peu court (au point de se demander s’il a été coupé pour sa publication). On notera des références à des livres maudits lovecraftiens, qui pourraient faire entrer cette nouvelle dans les apocryphes du Mythe de Cthulhu, même de façon quasi-parodique.

Dans sa rubrique Les soucoupes volantes, ce sacré Jimmy Guieu laisse la parole à un témoin "digne de foi" : un journaliste. Avec une occurrence répétée à « Pamplemousse », nous avons à notre tour poursuivi notre enquête entamée avec le numéro 52 : « Pamplemousse » est le nom moqueur donné au premier essai de lancement d'un satellite orbital américain en décembre 1957 - essai raté et aussi qualifié de "flopnik". 

Pour tout vous dire, nous étions de nombreux limiers sur la piste du Pamplemousse ; l'un de nos lecteurs (appelé Vanguard pour protéger l'intégrité de son identité, comme dirait ce sacré Jimmy) nous rapporte des éclaircissements en commentaire du Galaxie 52, avec un lien en prime : https://air-cosmos.com/article/il-y-a-65-ans-vanguard-1-le-deuxieme-satellite-artificiel-americain-64574. Merci Vanguard ! On pourra également trouver dans le numéro 54 de Galaxie un article de Willy Ley au sujet de "Vanguard" (le satellite, pas le contributeur…)

Sans transition (quoique...), Voyage sans retour est une petite nouvelle intrigante, qui elle aussi donne la sensation d'avoir été coupée. J.T McIntosh y évoque les voyages dans le temps, avec le non-dit d'un tabou à ne pas franchir.

Productions monopolisées par la planète colonisatrice, espèces sauvages déportées d'un monde à l'autre, et extraterrestres d'un niveau technologique supérieur qui voit les autres en barbares... Dans Sur une île perdue, Roger Dee aligne les clichés pour un récit qui distrait mais qui n'instruit pas. On y notera la présence d’un consul Satterfield, nom qui a aussi servi de pseudonyme à Frederik Pohl.

Paul Flehr est aussi un pseudonyme de Frederik Pohl. Dans Compagnons de la haine, il soulève la problématique du voyage interplanétaire vécu comme un trauma, et générateur d'une haine tenace envers les coéquipiers.

Pour terminer, avec L’ère chicha de John Boland, chien et chat sont réunis en « chicha » de synthèse ; on croirait à un beau rêve - si ce n'était la sempiternelle leçon qu'il est périlleux de faire intervenir soudainement une nouvelle espèce dans un milieu naturel sans qu'elle ne devienne invasive.


Un lancer de nain... dans l'espace ! Et on ne s’arrête pas là dans l’outrance, avec une condescendance envers les pygmées en prime.

SAVIEZ-VOUS QUE…

…les spécialistes de voyages interplanétaires préconisaient d’utiliser des naines comme astronautes ?

 

Des psychologues américains récemment réunis à New York pour étudier les conditions des futurs voyages interplanétaires sont arrivés à la conclusion que le poids et le volume du « matériel humain » devrait être limité à bord des astronefs, tout comme celui de l’équipement.

L’idéal, selon le docteur Pepinsky, serait une naine, ingénieur, physicienne, et assez nerveuse pour apprécier l’isolement dans l’espace…

Les Russes feraient, actuellement, des expériences dans ce sens, mais ils pensent que chacun des sexes possédant ses talents propres, il serait préférable d’utiliser des couples plutôt que des équipes composées de deux hommes ou de deux femmes.

À ce compte, les Pygmées paraissent bien placés pour devenir les conquérants des planètes voisines… à condition, bien entendu, qu’ils soient capables d’assimiler les connaissances techniques nécessaires pour tenter l’aventure.

Un « pseudo-scientifique », c'est-à-dire un penseur de génie qui n’est pas à même de pouvoir expérimenter ses théories, ni les démontrer concrètement, fait-il la différence avec un auteur de Science-Fiction ? Il n’y a que le pas de la crédulité qui coûte… En voici un exemple :

SAVIEZ-VOUS QUE…

…il se pourrait qu’un super-spoutnik allemand mû par l’énergie solaire fût lancé prochainement pour un voyage Terre-Lune aller et retour en quatorze heures ?

 

L’engin a été conçu par un jeune physicien allemand autodidacte, grand invalide (aveugle, privé des deux mains et presque sourd) nommé Burkhard Heim, qui, au cours d’un récent congrès de physique astrale, à Francfort-sur-le-Mein, a déclaré que l’emploi des fusées pour les explorations interplanétaires se révélerait toujours insuffisant, faute d’une énergie propulsive assez puissante. Celle-ci doit être trouvée dans l’espace, et ne peut être que celle de la lumière.

 

Burkhard Heim affirme qu’il a résolu théoriquement le problème et qu’il est sur le point de le résoudre pratiquement. Il a ajouté que sa théorie ne connaît pas seulement quatre dimensions, comme dans Einstein et Planck, mais six et même huit !

 

Le modèle de son navire interplanétaire à propulsion solaire ressemble à un casque médiéval (dit « salade ») à double visière. Mais le moyen de captation de l’énergie solaire et de sa transformation en énergie propulsive, n’a pas été révélé.

 

Toutefois, on sait que l’engin devrait se soulever du sol comme un ballon, et atteindre la Lune en sept heures. 

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