31 août, 2022

Galaxie (1ère série) n°018 – Mai 1955

Inépuisable sujet tant en littérature dite blanche qu'en œuvres de genres, polars, fantastiques ou SF compris, la mise au ban de l'indésirable est le sujet concomitant de la plupart des nouvelles de ce n°18 de Galaxie - orné de piliers comme Simak ou Sheckley (ce dernier figurant aussi au sommaire du Fiction n°18 du même mois), quelque peu colonisé par l'hyperactif Floyd L. Wallace (qui y publie deux nouvelles, dont une sous pseudonyme), et qui révèle Lester Del Rey pour la première fois traduit en France.

 

Pas de bras, pas de clic-clic…

Passez en mode "commande vocale" si c'est le cas
 

Sommaire du Numéro 18 :

1 - Floyd L. WALLACE, La Planète des hommes mutilés (Accidental Flight, 1952), pages 2 à 46, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Ed. ALEXANDER

2 - Robert SHECKLEY, Fantôme V (Ghost V, 1954), pages 47 à 58, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par (non mentionné)

3 - (non mentionné), Saviez-vous que..., pages 58 à 58, notes

4 - René PACAUT, Jules Verne, créateur de la science-fiction, pages 59 à 61, article

5 - Clifford D. SIMAK, Bonne nuit, M. Jamot ! (Good Night, Mr. James, 1951), pages 62 à 75, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par (non mentionné)

6 - AUTOLYCUS, La Médecine et l'espace, pages 76 à 78, notes

7 - Bascom Jr. JONES, Racisme interplanétaire (Blind Spot, 1955), pages 79 à 85, nouvelle, trad. (non mentionné)

8 - Lester DEL REY, La Géniale hallucination (And It Comes Out Here, 1951), pages 86 à 96, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Don SIBLEY

9 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 97 à 99, courrier

10 - Damon KNIGHT, L'Exécuteur de la race humaine (Ask Me Anything, 1951), pages 100 à 115, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Ed EMSH

11 - Dan CARROLS, Le Châtiment rédempteur (Forget Me Nearly, 1954), pages 116 à 144, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Ed EMSH

 

Rapport du PReFeG (Août 2022)

  • Relecture
  • Corrections orthographiques et grammaticales
  • Sommaire complété
  • Vérification des casses et remise en forme des pages de titre
  • Notes (1) et (2) ajoutées.
  • Vérification et mise à jour des liens internes
  • Mise au propre et noms des fichiers html
  • Mise à jour de la Table des matières
  • Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)

Hyperactif Floyd L. WALLACE, disions-nous, avec rien de moins que 6 récits originaux parus dans Galaxie en 1955, souvent des novellas. "La Planète des hommes mutilés" en est une, de facture assez classique, mettant en scène la revanche des indésirables.

Avec Robert SHECKLEY, et son "Fantôme V", on retrouve avec bonheur le duo Cergue et Arnaud présentés dans le Galaxie n°17 ; ici dans une sympathique nouvelle sur les terribles peurs de l'enfance. D'autres nouvelles suivront nos deux aventuriers-nettoyeurs de mondes.

Second pilier avec Sheckley, Clifford D. SIMAK nous propose presque deux nouvelles en une pour cette histoire à chute, qui rappellera la problématique des répliquants de Blade Runner de Philip K. Dick. C'est "Bonne Nuit, M. Jamot !", dont on pourra apprécier l'adaptation dans la série TV américaine "Au-delà du réel", épisode 13 de la saison 2  : "Le double", en ligne chez l'UFSF

La notion d'indésirable implique trop souvent l'absurdité du racisme. En voici une illustration avec une nouvelle bien amenée sur le racisme des colons : "Racisme interplanétaire", un one-shot de Bascom Jr. JONES, connu du milieu des magiciens pour ses ouvrages sur le mentalisme.

"La géniale hallucination" par Lester DEL REY, ouvre la marche pour cet auteur avec une boucle temporelle, à la narration audacieuse (qui rappellera sur le même mode à la 2eme personne une autre nouvelle : "L'enfant en proie au temps", de Charles L. Harness, que nous pourrons lire dans le Fiction n°26 de janvier 1956).

Avec "L'Exécuteur de la race humaine", classique et un peu bavard, on pourra penser avoir connu Damon KNIGHT plus inspiré.

Enfin, "Le châtiment rédempteur" par Dan CARROLS (en réalité un pseudonyme de F. L. WALLACE qui monopolise un peu l'espace de la publication de ce mois) demeure une intéressante histoire d'anamnèse, plus polar que S.F. toutefois.

Un article sur Jules VERNE signé René PACAUT nous rappellera ceux de Jean-Jacques Bridenne parus dans la revue Fiction. Le ton ici est malheureusement plus vulgarisateur, et souligne sans doute des divergences de ligne éditoriale des deux revues concurrentes en matière de pédagogie sur la culture S.F. naissante en France.



Un mot, à présent, sur Lester DEL REY, qui fait son entrée dans notre panthéon en ce mois de mai 1955. C'est un auteur sur lequel nous reviendrons très certainement dans nos bonus à l'avenir, et qui sera publié alternativement dans Galaxie, puis dans Fiction. Proche ami du narquois Frederic Pohl, ses récits sont toutefois empreints d'une plus grande gravité, sinon d'une digne austérité bien ibérique (Del Rey est d'origine espagnole).
"S’il n’était pas un des « grands » de son domaine, Lester del Rey était du moins un des auteurs qui s’y montraient capables d’écrire à peu près tout ce qu’on leur demandait. Il en donna la preuve en 1955. Horace Gold, qui dirigeait à l’époque le magazine Galaxy, avait organisé un concours destiné à récompenser un roman inédit ; mais il ne recevait guère de manuscrits. Il invita donc Frederik Pohl à rééditer, dans la mesure du possible, le grand succès que celui-ci avait remporté trois ans auparavant avec Gravy planet (devenu The space merchants en livre et Planète à gogos dans la traduction française), écrit en collaboration avec Cyril M. Kornbluth. Pohl s’adressa cette fois à son ami del Rey. Gravy planet avait dépeint une société où les firmes publicitaires détenaient la plus grande partie du pouvoir : le nouveau roman, Preferred risk, se déroulait dans un monde dominé par les compagnies d’assurances. Dans un cas comme dans l’autre, la narration était faite à la première personne par un naïf qui découvrait en cours de récit les ficelles honteuses faisant marcher la société où il vivait. L’impression de « déjà lu » fut quelque peu atténuée par le fait que Lester del Rey se chargea lui-même de rédiger la plus grande partie du roman. Lorsque celui-ci fut publié, cependant, personne ne salua son signataire (« Edson McCann ») comme un brillant astre nouveau au firmament de la science-fiction moderne. Mais Lester del Rey avait prouvé qu’il possédait pleinement le métier d’écrivain – et cela de manière d’autant plus satisfaisante, d’un point de vue pragmatique, qu’un prix de 6 500 dollars avait été annoncé pour la compétition."

Extrait de "La quête de Lester DEL REY", par Démètre IOAKIMIDIS, préface à "Le 11ème commandement / PSI" de Lester DEL REY, (Club du Livre d'Anticipation n°54 - Editions OPTA 1975)

Ce roman d'«Edson McCann» sera publié dans les numéros 25, 26 et 27 de Galaxie (1ère série), entre décembre 1955 et février 1956, sous le titre "Assurance sur l'éternité". Ce bon roman, en effet dans la continuité de genre de "Planète à gogos" de Pohl et Kornbluth, restera malgré tout inédit en volume par la suite... (Voir ce lien : Galaxie n°25).

Nous ne quitterons pas le chapitre Del Rey sans mentionner son travail d'anthologiste et les Del Rey books. Voici ce que nous en dit Jacques Sadoul, dans son anthologie "Une histoire de la science-fiction - volume 1 : 1901-1937 - Librio)
"Au début des années 1950 del Rey devint rédacteur en chef de Fantasy Magazine puis de Rocket Stories et Space Science-Fiction. Il fut également anthologiste et critique littéraire. Sa quatrième femme, Judy-Lynn, était une naine remarquablement intelligente et douée d’un très bon flair d’éditrice. Les éditions Ballantine lui donnèrent la direction d’une collection de S-F sous la marque DEL REY BOOKS, ceci en l’honneur de Judy-Lynn, non de Lester. Il y collabora cependant activement et en reprit la direction à la mort prématurée de son épouse en 1986. Lester del Rey conserva cette activité jusqu’à son départ à la retraite fin 1991."


Un petit extrait pour vous mettre en appétit, à propos des indésirables par excellence en SF : les mutants. Nous abordons le sujet par le biais documentaire, dans la chronique du mystérieux Autolycus, déjà rencontré dans le numéro précédent de Galaxie.

La médecine et l'espace par AUTOLYCUS

IL est évident que les hommes appelés à franchir l’atmosphère pour émerger dans ce qu’on nomme « vide interplanétaire » se trouveront plongés dans un milieu, dans des conditions que la science ignore pratiquement.

Néanmoins, par le calcul et par l’hypothèse, les savants sont parvenus à réaliser, dans des chambres spécialement conçues, des conditions probablement analogues à celles où évolueront les futurs astronautes.

Indépendamment des qualités physiques, intellectuelles et caractérielles que l’on exige de tout homme appelé à conduire un engin compliqué et rapide, muni d’instruments délicats et « intelligents », il faudra aux astronautes une capacité de résistance bien supérieure a la normale.

Les savants américains qui étudient le problème sous un angle pratique et en vue de réalisations relativement prochaines, estiment que sur mille candidats satisfaisant aux dures conditions requises d’emblée, cinq seront seuls en mesure de passer les derniers tests avant d’affronter le « vide ».

 

QUELLES sont donc les rigueurs du « vide », qui obligent à une sélection infiniment plus poussée que celle des pilotes de réacteurs les plus rapides utilisés dans l’atmosphère ?

Tout d’abord, à des altitudes supérieures à 7.000 mètres, il n’y a pratiquement plus d’air respirable. Vers 15.000 mètres commence la zone de très basse pression. À partir de cette altitude, les fluides du corps de tout individunon protégé se mettraient à bouillir en commençant par la salive pour aboutir au sang.

Puis se pose le problème de la température. L’astronaute en s’élevant traverse des zones dont les températures varient du « tempéré », au niveau du sol, à -55° centigrades à une altitude de 13 km. Il parvient ensuite à un espace où notre conception de température n’est plus valable.

En effet, l’homme qui recevrait de plein fouet les radiations ultra-violettes du soleil serait littéralement « grillé » en une fraction de seconde, alors que des objets protégés contre les rayons solaires, verraient, au bout d’un certain temps leur température s’abaisser au voisinage du zéro absolu (-273°).

D’où la nécessité de protéger l’astronaute en « climatisant », soit la fusée dans laquelle il voyagera, soit un « scaphandre » spécial qui ressemblerait assez à celui en usage dans l’aviation pour les vols à très hautes altitudes.

 

ALORS une question se pose : tous les individus sont-ils capables de demeurer avec un confort suffisant dans un lieu (fusée ou scaphandre) où la pression atmosphérique est artificiellement la même que celle de la Terre ?

Les essais en chambre de pression prouvent que, même parmi les individus les plus résistants, quelques-uns ne supportent pas de vivre en atmosphère artificielle. D’autres, au contraire, y sont parfaitement à l’aise et résistent jusqu’à un certain point à des diminutions de pression, qualité fort utile en cas d’accident à la fusée ou au scaphandre.

Il faut donc que les systèmes nerveux et vasculaires de l’astronaute réagissent promptement, et dans la mesure voulue, à toute modification de l’atmosphère : pression et température.

 

LATMOSPHÈRE terrestre constitue une couche protectrice de 200 km d’épaisseur environ. Avant même d’en être sortie, la fusée devra faire face à deux nouveaux dangers : les radiations ultraviolettes et les radiations dites « cosmiques ».

Pour les premières, le péril est minime : l’enveloppe de la fusée suffira à protéger les navigateurs.

Quant aux rayons cosmiques, ce sont des particules infimes, à haute vélocité, radio-actives, qui bombardent sans cesse les couches supérieures de l’atmosphère, et qu’on rencontre partout dans l’espace.

Dans l’ensemble, on ne connaît guère leur nature, et, à juste titre, on craint leurs effets.

Néanmoins, les travaux récents ont permis aux savants de s’assurer que les rayons cosmiques ne constituent pas un danger aussi sérieux qu’on aurait pu le croire. Ceci est réconfortant pour ceux qui s’occupent de médecine spatiale, car il n’existe aucun moyen de protection contre ces radiations, capables de traverser tous les écrans connus.

Nous ne citons que comme simple inconvénient cette impression de « chute libre » qu’éprouveraient les astronautes une fois sortis du champ d’attraction terrestre. On peut y remédier par divers moyens que nous exposerons dans un article ultérieur sur le comportement des fusées. Qu’il suffise de dire qu’il est actuellement possible de créer une gravité artificielle.

 

REVENONS à l’inconnue n°1 : l’action possible des rayons cosmiques. Du point de vue théorique, on admet qu’ils peuvent, à longue échéance, causer aux êtres humains des troubles analogues aux effets du radium et de la bombe atomique.

En outre, l’individu qui les absorbe en trop grande quantité risque de subir des modifications profondes – qu’on appelle mutations – et qui se traduisent chez des descendants par des changements morphologiques ou, au sens scientifique du terme, des monstruosités.

Toutefois, il faut insister sur le fait qu’il n’y a pas d’effet désastreux si l’individu n’absorbe pas une quantité considérable de radiations. (Ceci, aux dires des savants, qui se fondent sur des expériences déjà anciennes.)

Il y a environ un quart de siècle, on a fait l’expérience de soumettre à un bombardement intense de rayons X une mouche commune, capable de se reproduire en l’espace de quelques semaines.

Très vite sont apparus, dans la descendance de la mouche-sujet, des monstres étranges chez lesquels on a constaté les modifications ou mutations suivantes : les unes n’avaient plus d’yeux ; d’autres avaient des couleurs inaccoutumées ; chez certaines, les pattes et les ailes étaient difformes, atrophiées, on mal placées.

Ces mutations se sont transmises aux générations suivantes, ce qui prouve qu’elles ont un caractère de permanence.

Résultats effrayants, certes, mais non concluants. En effet, sur plusieurs centaines de mouches soumises aux rayons X à doses massives, seules quelques-unes ont donné naissance à des « mutants » ; et les véritables « monstres » ne sont apparus qu’au bout de plusieurs générations.

 

RESTE à savoir si les effets des rayons cosmiques sont analogues chez l’homme et jusqu’à quel point il pourrait absorber impunément ces radiations.

Comme ce sont surtout les « facteurs d’hérédité » qu’influencent les radiations – atomiques ou cosmiques – il est évident qu’on ne saurait voir de modifications sensibles chez les individus directement atteints.

Mais leurs enfants et leurs petits-enfants, et les générations suivantes ?

L’homme est un être beaucoup plus complexe et délicat que la mouche, physiologiquement. En outre, il est doté d’un esprit, qui, lui aussi, réagit aux excitations du dehors, tout comme à l’hérédité.

S’il est facile de concevoir un individu à deux têtes, ou à quatre bras – voire à six orteils, et même à double estomac – il est moins aisé de penser au « monstre » mental que risque de créer l’exposition plus ou moins prolongée à des radiations, dont, disons-le, on ignore encore presque tout.

Notre ignorance ne va pas jusqu’à… ignorer l’histoire de l’apprenti-sorcier…

24 août, 2022

Galaxie (1ère série) n°017 – Avril 1955

Chocs des mondes en série pour ce n°17 rassemblant quelques auteurs phares de la période.

Un clic, et hop ! ça duplique.


Sommaire du Numéro 17 :

1 - Clifford D. SIMAK, Plus besoin d'hommes (How-2, 1954), pages 2 à 31, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Ed EMSH

2 - (non mentionné), Saviez-vous que..., pages 32 à 32, notes

3 - Theodore R. COGSWELL, La Guerre des astronefs (Invasion Report, 1954), pages 33 à 43, nouvelle, trad. (non mentionné)

4 - Robert SHECKLEY, La Bataille des invisibles (Squirrel Cage, 1955), pages 44 à 60, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Ed EMSH

5 - Alan E. NOURSE, La Fin d'un monde (Tiger by the Tail, 1951), pages 61 à 66, nouvelle, trad. (non mentionné)

6 - Evelyn E. SMITH, Saturne coktail (The Vilbar Party, 1955), pages 67 à 75, nouvelle, trad. (non mentionné)

7 - Michael CATHAL, Planète de jouvence (Rich Living, 1955), pages 76 à 99, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Mel HUNTER

8 - Dave DRYFOOS, Les Arbres assassins (Tree, Spare That Woodman, 1952), pages 100 à 106, nouvelle, trad. (non mentionné)

9 - (non mentionné), Saviez-vous que..., pages 106 à 106, notes

10 - Lucius DANIELS, Ne supprimez pas les Martiens ! (Martians Never Die, 1952), pages 107 à 118, nouvelle, trad. (non mentionné)

11 - (non mentionné), Saviez-vous que..., pages 118 à 118, notes

12 - James E. GUNN, L'Antre des ténèbres (The Cave of Night, 1955), pages 119 à 132, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par VIDMER

13 - J. T. McINTOSH, Marche arrière (Playback, 1954), pages 133 à 140, nouvelle, trad. (non mentionné)

14 - (non mentionné), Saviez-vous que..., pages 141 à 141, notes

15 - AUTOLYCUS, De la Terre aux étoiles, pages 143 à 144, notes

Rapport du PreFeG (Août 2022)

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  • Vérification des casses et remise en forme des pages de titre 
  • Note (1) ajoutée.
  • Vérification et mise à jour des liens internes
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  • Mise à jour de la Table des matières
  • Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)

Choc du monde humain et du monde des robots avec "Plus besoin d’hommes", par Clifford D. Simak, qui se penche à sa manière - indépendamment d'Isaac Asimov - sur l'élaboration de lois liées à la robotique ; on en comprend la nécessité lorsque le point de singularité est atteint, à savoir la conscience que le robot a de lui-même.

Dans "La bataille des invisibles", par Robert Sheckley, le choc est celui des chaines alimentaires … On rencontre un duo de spécialistes, Cergue et Arnaud, deux aventuriers un peu roublards, qui verront d'autres de leurs péripéties narrées dans les numéros suivants de Galaxie.

Impossibilité de faire se rencontrer sans dommage les mondes parallèles aussi avec "La fin d’un monde", par Alan E. Nourse.

Une sympathique nouvelle sur les préjugés : "Saturne Cocktail", par Evelyn E. Smith

"La guerre des astronefs", par Theodore R.Cogswell, met en scène des jeux d'enfants pour une nouvelle toutefois un peu bavarde.

Une situation de naufrage inédite : c'est "Planète de jouvence" par Michael Cathal (dont ce sera la seule nouvelle publiée…)

Une petite épouvante, malheureusement gâchée par un titre trop évocateur : "Les arbres assassins" par Dave Dryfoos. Ultime nouvelle publiée de cet auteur.

Ultime publication aussi pour l'auteur Lucius Daniels, découvert dans le numéro précédent de Galaxie, avec "Ne supprimez pas les Martiens !", une fable à chute plutôt policière.

Une discussion de comptoir sur les paradoxes temporels, avec "Marche arrière" par J.T. Mc INTOSH.

Pour terminer ce tour d'horizon, une mention spéciale pour un récit d'avant Spoutnik et Gagarine, qui rappellera sans doute "Docteur Bloodmoney" aux lecteurs de Philip K. Dick. Mené avec panache, "L'antre des ténèbres" par James E. Gunn surprend par sa chute inattendue.

23 août, 2022

Cadeaux bonus et Mise à jour : « Chute libre » & « La parole perdue » - Albert et Jean Crémieux, 1954-1956

Il aurait été de bon ton, ou pertinent pour le calendrier, de prévoir "La naissance des dieux" de Nathalie Henneberg pour ce 15 août. Mais nous aimons ici les iconoclastes, et c'en est un bon exemple que ce "Chute libre" d'Albert et Jean Crémieux que nous vous proposons donc aujourd'hui (quand bien même il aurait, lui, été pertinent pour le 14 juillet dernier, au vu de sa chute … libre).

Comme à l'accoutumée, cliquez sur l'image pour obtenir votre epub.

Dans le courant du mois de septembre 1952, un aérolithe tomba à Saint-Amant Tallende (Puy-de-Dôme), dans le jardin de M. Frédéric Boisson, professeur d’allemand en retraite. M. Frédéric Boisson fut embarrassé. Il s’est dépeint lui-même comme « un homme paisible » et même « pusillanime ». Cependant, chiffreur, il a participé à des émissions de radio clandestine durant les années 1941 à 1944. Intrigué par l’aspect de ce vagabond du ciel, M. Boisson fit appel à son vieil ami Pierre N..., officier de renseignements très averti. Tous deux parvinrent à percer le secret de l’aérolithe. Il paraît établi que cinq Français furent enlevés dans le courant de l’année 1948. Il s’agit de : M. Moroto, commerçant, Me Barroyer, avocat, le général Berthon, le docteur Mugnier et le poète Vaillon. Ces terriens furent entraînés très loin de la terre, à titre « d’échantillons ». (…) M. Boisson exposa, devant l’opinion mondiale, la première partie de cette prodigieuse aventure, dans un mémoire de caractère strictement scientifique qu’il intitula : « Données objectives et descriptives sur l’aérolithe de Saint-Amant Tallende ». Ce mémoire, destiné aux corps savants, parut tout d’abord dans la « Feuille d’Avis de Neufchatel », très vénérable et docte publication suisse qui, estimant ce titre à la fois long et rébarbatif, le remplaça par celui de « Chute Libre », adopté depuis lors (pour des raisons de très humble et vulgaire commodité commerciale) dans les éditions française, italienne et portugaise.

Beaucoup de personnes, trompées par ce titre, crurent, malgré la parfaite objectivité scientifique du récit, à une œuvre d’imagination.

(in "La parole perdue" - Avis aux lecteurs, d'Albert et Jean Crémieux, Editions Métal, collection Série 2000 n°22 - 1956)

Voici résumé, sans trop en dévoiler, l'intrigue de "Chute libre", et surtout son esprit, sur un ton qui se veut résolument scientifique et distancié, mais qui n'échappe pas à des considérations proprement humaines, triviales, quotidiennes, parfois exaspérées, qui font tout l'humour et le sel du propos. Ce texte a paru en ouverture de la suite que Albert et Jean Crémieux donnèrent à "Chute libre" : "La parole perdue", en 1956, toujours dans la collection "Série 2000" des éditions Métal.

Rappelons ce que la Revue des livres du numéro 18 de Fiction publiait à propos de "Chute libre".

Notre ami Jean Birgé a la main heureuse. Depuis qu’il a assumé la direction de la « Série 2.000 », il a réussi à « découvrir » une bonne demi-douzaine d’excellents auteurs français d’A. S. et, d’après ce qu’il nous a dit, il en a autant en réserve. Souhaitons que tous ceux à venir aient écrit des ouvrages de la qualité des trois récemment parus.

« Chute libre », d’Albert et Jean Crémieux (Ed. Métal), est une satire que nous avons lue non seulement avec plaisir, mais encore avec le sourire. Le thème est simple. Des « découvreurs » de la « planète 54 » viennent sur Terre et enlèvent – afin de les « étudier » – cinq représentants significatifs de notre humanité, laquelle, semble-t-il, poursuit des cycles de 18.000 ans, chacun aboutissant régulièrement à un retour à l’âge de pierre. Sont ainsi transportés sur « 54 » un commerçant, un général, un avocat, un médecin et un poète (qu’accompagne son chat). Leurs aventures à bord de l’astronef, puis sur « 54 », sont décrites avec beaucoup d’humour et non sans férocité. (Les auteurs semblent surtout en vouloir aux commerçants.) Le côté scientifique est intéressant, le côté psychologique très juste, le style, empreint d’une naïveté voulue, séduisant. Chose importante, le volume ne nous a jamais semblé monotone. Un roman bien français, qui n’est pas sans faire songer à certains contes philosophiques du XVIIIe siècle et qui est non seulement à lire, mais aussi à méditer. (in Fiction n°18 - mai 1955)

Nous avons déjà parcouru, lors de nos bonus, cette collection presque éphémère qui se produisit lors des premières années de parution de Fiction et de Galaxie, entre 1954 et 1956. Citons "La tentation cosmique" du mystérieux Roger Sorez, et "La naissance des dieux" de Charles (?) et Nathalie Henneberg, respectivement numéros 3 et 6 d'une collection de 24 romans, exclusivement français.

Voyons à présent de plus près cette collection, et ses mérites relatifs. Francis Valéry, critique, traducteur et auteur lui-même, en brossait - tout jeune déjà, 24 ans ! - une rétrospective dans le numéro 19 de la revue Univers, menée par Jacques Sadoul et Yves Frémion pour les éditions J'ai Lu.

La « série 2000 » - regard sur la première collection de SF française (par Francis VALÉRY)

Reportons-nous début 1954. Depuis environ trois ans, quelques termes plus ou moins barbares – parmi lesquels « anticipation scientifique » et « science-fiction » – se répandent dans la grande presse.

Un certain nombre de collections de romans se sont même créées, spécialisées dans cette nouvelle littérature : « Galaxie », le « Rayon fantastique », « Les romans extraordinaires », en 1951, le « Fleuve noir Anticipation » en 1952, « Temps Futurs Visions Futures », « les Grands romans Anticipation » en 1953, « Présence du futur » en 1954… Pour ne citer que les principales. Deux revues spécialisées « démarrent » également fin 1953, Fiction et Galaxie.

Tous les éléments sont donc en place pour permettre le développement d’une forme française de cette « SF » qui nous vient d’outre-Atlantique. Deux revues peuvent accueillir les nouvelles de débutants s’essayant au genre, cinq ou six éditeurs sont prêts à examiner les romans des plus ambitieux…

Mais les choses ne sont pas aussi simples qu’elles ne le paraissent. De nombreuses collections disparaissent tout de suite, certaines même après n’avoir publié qu’un seul titre ! D’autres ne publient que des auteurs « maison », le plus souvent à travers des romans datant d’avant-guerre, vaguement « arrangés »… Restent les trois grandes collections de l’époque. Mais « Présence du futur » ne publie que des traductions, le « Rayon fantastique » a pratiquement la même politique, puisqu’il n’a publié qu’un seul roman français de Francis Carsac. Quant au « Fleuve Noir », après avoir édité des romans d’avant-guerre de Richard Bessière, il se partage exclusivement entre l’Anglais Vargo Statten, le Français Jimmy Guieu et le Belge à deux têtes Jean Gaston Vandel…

Du côté des revues, la situation n’est guère plus brillante. Galaxie se désintéresse totalement des autochtones. Quant à Fiction, si une part de la revue très importante est bel et bien réservée aux auteurs français, celle-ci reste confinée aux domaines de l’étrange et du fantastique. Celle de la science-fiction est presque entièrement réservée aux Américains, et à quelques curiosités littéraires du genre André Maurois ou Maurice Renard. En tout cas, rien de très neuf ni de très motivant pour les jeunes auteurs : En juin 1954 donc, Fiction n’a encore publié que deux nouvelles de SF française, l’une signée Jacques Sternberg, l’autre Francis Carsac.

C’est dire donc que la SF française se résume en tout et pour tout en cinq noms : Sternberg, Guieu, Carsac, Vandel, et B.R. Bruss qui venait de donner un chef-d’œuvre, APPARITION DES SURHOMMES, en 1953, unique titre de la collection « Temps Futurs ».

La création d’une nouvelle collection, entièrement consacrée aux écrivains français, sans auteur « maison », ne choisissant les textes que selon des critères qualitatifs, est donc perçue comme un événement d’une portée considérable. Au niveau de la présentation, cette collection lance également la mode des couvertures métallisées, qui dure encore, témoins les collections « Ailleurs et Demain » (Laffont), « Espaces Mondes » (Ponte Mirone), « Super Fiction » (Albin Michel).

La science-fiction n’était-elle pas considérée comme la littérature de l’an 2000 ? La collection s’appellera donc « Série 2000 », et la maison d’édition fondée en cette occasion, prendra le nom des « Éditions MÉTAL ».

Par la suite, seront publiés hors-série un inédit de l’Américain Ray F. Jones, et la réédition de UN HOMME CHEZ LES MICROBES de Maurice Renard.

Quant à la « Série 2000 », elle publiera, en un peu plus de deux ans, vingt-trois romans et un recueil de nouvelles.

Les premiers volumes publiés se situent bien dans un contexte SF, mais cette dernière n’y est présente que comme prétexte. C’est une démarche classique que cette utilisation de l’imaginaire dans un but critique, satirique, voire pour déboucher sur une réflexion philosophique ou politique.

De plus, il ne faut pas perdre de vue que la notion d’« écrivain spécialisé en SF » n’existait pratiquement pas à cette époque. Si l’on compulse les premiers numéros de Fiction, on se rend compte que la plupart des écrivains s’essayant au genre sont soit des spécialistes de la littérature d’aventure (policier, espionnage…), soit des écrivains de littérature générale, désireux avant tout d’utiliser la science-fiction.

(…)

Second très bon roman de la série, CHUTE LIBRE, de Albert et Jean Crémieux, est un chef-d’œuvre de SF humoristique et satirique. Des « découvreurs » de la « Planète 54 » enlèvent en vue d’expériences cinq Terriens : un général, un avocat, un commerçant, un poète et… son chat. Tant pendant le voyage sidéral (et sidérant !) que lors de leur séjour sur la planète 54, les Terriens fournissent prétexte aux auteurs pour décrire avec férocité, ou humour, la moindre des situations qui s’y développe. Jacques Sadoul considère ce roman comme un « charmant conte philosophique voltairien ». Cette définition me semble effectivement convenir tout à fait. (…) Il s’agit là d’un très bon livre, injustement méconnu, qu’il faudrait bien rééditer un de ces jours.

(in Univers 19 - décembre 1979).

Francis Valéry

Un livre à "rééditer un de ces jours"… Francis Valéry verra son vœu exaucé quatre mois plus tard. Mieux, il préfacera lui-même cette réédition aux Nouvelles éditions Oswald (NéO) - dont nous vous proposons ici la numérisation. Il est un peu facile après toutes ces années, avouons-le,  d'affirmer que Valéry assurait sans doute la promotion de son petit protégé à paraître. Il aura tout de même eu le mérite de faire redécouvrir cet ouvrage.

 

 

Voyons à présent les 4ème de couverture. Celui de l'édition de 1954 :

Du haut de leur puissante civilisation mathématique les hommes de la Planète 54 regardent vivre de misérables « étoiles » comme la nôtre. Un jour ils y viennent capturer quelques échantillons.

Nous suivons ce grand voyage des hôtes-captifs. Un voyage plein d'imprévu, de vie, de situations étranges mais logiques. Dès l'abord, ces hommes qui parcourent des millions de lieues et voient de si étranges choses, cessent d'être « irréels ». La fiction s'estompe. La prodigieuse aventure nous paraît « scien­tifiquement » possible, « psychologiquement » vraie. Le Docteur MUGNIER et le poète VAILLON découvriront-ils le GRAND SECRET ? Entendront-ils au-delà des techniques la « PAROLE PERDUE » ? Ou alors la retrouveront-ils en eux-mêmes ?...

Amusés, intrigués, passionnés, nous suivons dans l'angoisse la dernière étape de l'extraordinaire randonnée qui se ter­mine en...

CHUTE LIBRE

 

On retrouve ce souci de présenter des récits extraordinaires mais logiques, que partageait la collection "Le Rayon Fantastique". Voyons enfin le 4ème de couverture de l'Edition NéO (avril 1980) :

Des « découvreurs » de la Planète 54 enlèvent, en vue d'expériences, cinq Terriens : un général, un avocat, un commerçant, un poète... et son chat. Tant pendant le voyage sidéral que lors de leur séjour sur la Planète 54, les Terriens fournissent prétexte aux auteurs pour décrire avec férocité, ou humour, la moindre des situations qui s'y développe. Tout le système de la Planète 54, apparemment parfait, idéal, nageant en pleine utopie (au sens ancien du terme, c'est-à-dire figé et sclérosé) est perturbé par la présence du poète Vaillon pour qui le bonheur ne saurait être mis en équation et se confondre avec l'assouvissement des besoins matériels. (SpoilMais l'aventure finit mal puisque la fusée qui ramène les Terriens s'écrase à l'arrivée. Et un homme trouve, dans ce qu'il prend au départ pour un mystérieux aérolithe, les enregistrements des expériences menées sur les Terriens lors de leur séjour sur la Planète 54...
     Récit humoristique (qui peut parfois être comparé aux Espaces enchevêtrés de B.R. Bruss parus dans la même collection), Chute libre est aussi un conte philosophique qui constitue, pour les Terriens du XXe siècle, une mise en garde contre l'usage abusif de la science pure et les risques graves que peut courir l'humanité si elle choisit de considérer la raison, l'ordre et la discipline comme remèdes à tous les maux. Il s'agit d'un roman étonnamment moderne.

      Albert et Jean Crémieux sont peu connus comme auteurs de SF, leur seule contribution au genre étant Chute libre et la suite, tout aussi savoureuse et qui peut d'ailleurs se lire indépendamment, qu'ils lui donnèrent sous le titre « La parole perdue ». Ils sont surtout connus comme auteurs de romans populistes.

     Chute libre a été publié en 1954 sous le numéro 13 de la série « 2000 » des Éditions Métal, série aujourd'hui historique et consacrée uniquement à la SF française, mais l'œuvre d'Albert et Jean Crémieux, qui avait pourtant été saluée par Jacques Sadoul dans son Histoire de la Science-Fiction Française, restait à redécouvrir. Il s'agit en effet d'un chef-d'œuvre de la SF humoristique, satirique et philosophique.

     Quant à Francis Valéry, qui préface Chute libre, il est, lui, bien connu des amateurs de SF : l'un des principaux animateurs de la revue « Ozone », il collabore à d'autres revues de SF comme Univers (J'ai lu) et Fiction.

Nous citions en début d'article "La naissance des dieux" paru quelques mois auparavant. Un extrait de la préface de Francis Valéry l'évoque de son côté… en termes peu amènes.

Ce roman prend très précisément le contre-pied de la Naissance des dieux, où la force brute, stupide et militariste triomphe des forces de l’imaginaire.

On pourra peut-être reprocher à Chute libre d’être toutefois le roman de l’anti-progrès, de la remise en question des apports de la technologie. Personnellement je ne le crois pas. Si Ravage de Barjavel peut lui être considéré comme réactionnaire par son rejet irraisonné du progrès, par un certain « retour à la Terre » niais et fumeux, Chute libre serait plutôt une mise en garde contre l’usage abusif de la science pure, les risques de considérer la raison, l’ordre et la discipline, comme remèdes à tous les maux. Comme tel, il s’agit bien d’un roman étonnamment moderne, qu’il convenait de rééditer.

(Extrait de la Préface de F. Valéry in "Chute libre" Nouvelle Editions Oswald - avril 1980)

Pour aller plus loin, nous aurions aimé voir "Chute libre" dans le corpus impressionnant de L'encyclopédie de l'utopie, des voyages extraordinaires et de la science-fiction" (1972 - L'Âge d'homme), autrement appelé LE Versins, tant l'ouvrage fait autorité. Mais l'absence de toute référence aux frères Crémieux et à leurs ouvrages est d'autant plus intrigante que, d'une part, ils entraient de plain-pied dans le sujet central de l'Encyclopédie, et que, d'autre part, Versins lui-même avait été publié à la même époque dans la Série 2000 en tant qu'auteur. Un règlement de comptes ? Un acte manqué ? Mystère…

Quoi qu'il en soit, et pour finir avec le matériel éditorial, Jacques Sadoul, qui n'est sans doute pas à l'origine de la comparaison des Crémieux avec les philosophes des Lumières (voir la recension parue dans Fiction n°18), apportera toutefois dans ce sens sa pierre à l'édifice dans son "Histoire de la Science-Fiction" parue en 1973.

Pour en terminer avec cette année 1954 qui fut, et de loin, la meilleure de la Série 2000, venons-en à Chute libre, des écrivains belges Albert et Jean Crémieux, dont la suite parut deux ans plus tard sous le titre La parole perdue. Ce sont deux bons romans de science-fiction injustement méconnus. Dans   Chute libre, un employé de la planète 54 est chargé de ramener quelques spécimens de Terriens à des fins d'examen scientifique. L'observation de nos contemporains par Teddy Karré, l'homme de la planète 54, fournit aux auteurs prétexte à exercer leur ironie ou leur critique, ou tout simplement leur humour. Voici, par exemple, comment est défini le poète Vaillon : «… puis le chat réapparut à la lucarne de la mansarde, tenant dans sa gueule une cuisse de mouton. Il la déposa sur la table, près du poète. M. Vaillon prononça, à haute voix, un discours d'une grande portée morale. Il remercia le chat, la Providence et les neuf muses. Après quoi il fit cuire le gigot. Il le découpa, en mangea une toute petite tranche, en donna un morceau au chat et enveloppa le reste dans un papier. Je pensais que c'était pour mieux conserver ses provisions, mais Vaillon ouvrit sa porte et s'en fut, de mansarde en mansarde, distribuer la plus grande partie de ce gigot. (…) Je rédigeai ainsi la fiche de Vaillon : « Agent actif du service terrestre de redistribution. »

Tout est à l'avenant dans ce charmant conte philosophique voltairien (…)

(in Jacques Sadoul : "Histoire de la science-Fiction moderne -tome 2 : domaine français" - Albin Michel 1973)

C'est toutefois plus à Montesquieu et à ses "Lettres persanes" qu'à Voltaire (malgré "Micromégas" et "Zadig") que les frères (belges selon Sadoul) Crémieux empruntent, et même doublement. En effet, d'un côté les habitants de la planète 54 considèrent nos travers, marchands et guerriers surtout, et d'un autre nos terriens jugent leur civilisation trop mécanisée et "mathématisée". On a bien du mal à croire, en notre temps régi par le calcul, qu'un monde imaginaire temporisé par la rigueur du chiffre ait abandonné la logique de l'accroissement du capital en tant qu'objectif de progrès. Mais les frères Crémieux dépassent aussi une vision simpliste de la science, avec par exemple une vision élargie des états de la matière (7 stades différents, dont l'état "spiritualisé"). De fait, nonobstant son humour, "Chute libre" reste cohérent et léger, divertissant autant qu'invitant à méditer notre vision du monde.

La suite de "Chute libre", "La parole perdue", sera publiée en 1956, mais n'aura pas l'heur d'une réédition à l'avenir.  Ouvrage devenu rare, nous vous en proposons ici une version numérique au format epub (voir à la fin de cette fiche), que vous pourrez télécharger en cliquant sur la couverture comme à l'accoutumée.

"Chute libre" se verra pour sa part réédité une troisième fois aux éditions Eurédif, avec une atroce couverture racoleuse comme les déplorait Kilgore Trout, dans la collection Playboy, en février 1985.

Rapport du PReFeG (Juillet 2022) :

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