24 avril, 2024

Fiction n°064 – Mars 1959

Pas de nouveaux auteurs en ce printemps 1959, mais un ensemble de très bon niveau, avec des auteurs méconnus qui mériteraient davantage de notoriété (tels Charles L. Fontenay, Robert Young, Ward Moore, ou encore Carol Emshwiller et le français Albert Ferlin). Notons surtout l'entrée de Demètre Ioakimidis dans la rédaction de Fiction, avec un article consacré à Fredric Brown.

On clique droit sur la déesse de granit vue par Forest ! 

Sommaire du Numéro 64 :


NOUVELLES

 

1 - Damon KNIGHT, Contact avec l'inconnu (Stranger Station, 1956), pages 3 à 23, nouvelle, trad. CATHERINE

2 - Carol EMSHWILLER, La Cité des robots (Baby, 1958), pages 24 à 36, nouvelle, trad. Suzanne RONDARD

3 - Gabriel AUTHIER, Le Talisman, pages 37 à 39, nouvelle *

4 - Isaac ASIMOV, Poussière de mort (The Dust of Death, 1968), pages 40 à 51, nouvelle, trad. Roger DURAND

5 - Gali NOSEK, La Ville, pages 52 à 54, nouvelle *

6 - Ward MOORE, Un homme adapté (Adjustment, 1957), pages 55 à 74, nouvelle, trad. Roger DURAND *

7 - Albert FERLIN, De mémoire d'homme, pages 75 à 81, nouvelle *

8 - Charles Louis FONTENAY, Par un après-midi d'été (A Summer Afternoon, 1958), pages 82 à 86, nouvelle, trad. René LATHIÈRE

9 - Robert F. YOUNG, La Déesse de granit (Goddess in Granite, 1957), pages 87 à 106, nouvelle, trad. Catherine GRÉGOIRE

10 - Jacques BERGIER & Francis CARSAC, La Revanche des Martiens, pages 107 à 109, nouvelle

11 - Brian ALDISS, Le Cœur d'une ville (Secret of a Mighty City / Have Your Hatreds Ready, 1958), pages 110 à 123, nouvelle, trad. (non mentionné) 

CHRONIQUES


12 - Jacques BERGIER, Le Mystérieux nombre 5, pages 124 à 125, article

13 - Demètre IOAKIMIDIS, Fredric Brown, l'étoile filante de la S. F., pages 126 à 132, article

14 - (non mentionné), Notre référendum - Résultats du mois de janvier, pages 132 à 132, chronique

15 - Philippe CURVAL & Alain DORÉMIEUX & Gérard KLEIN & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 133 à 137, critique(s)

16 - COLLECTIF, Le Conseil des spécialistes, pages 138 à 139, critique(s)

17 - F. HODA, Hardi, Sinbad !, pages 140 à 140, article

18 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 141 à 144, article


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Terrifiant constat que d'être en état d'incompréhension de la vie extraterrestre. Et quels secrets accords ont-ils pu être passés entre les puissances en ce cas ? Une belle ambiance de station orbitale pour un Contact avec l'inconnu, par Damon Knight.

Dépendre de machines défectueuses quand on est un survivant, quelle ironie ! C'est le constat de Carol Emshwiller dans La cité des robots.

On joue au petit chimiste et à l'inspecteur Columbo, mais c'est tout, avec cette Poussière de mort sans grand intérêt d'Isaac Asimov, que l'on peut préférer quand il ne se mêle pas de polar.

La ville de Gali Nosek tente de nous faire penser que la peur de la Bombe équivaut dans notre vie moderne à craindre la Colère Divine, en réactualisant un thème biblique très connu. Mais Gali Nosek oublie que c'est bien un humain qui appuie sur le bouton rouge.

Il faut s'adapter. Cette injonction si moderne révèle toute son ambiguïté dans Un homme adapté de Ward Moore, fidèle à l'ironie de son ton pragmatique et à sa facilité de faire admettre même les situations les plus fantasmatiques comme des dus à la vraisemblance du récit.

Fiction nous présente Albert Ferlin ainsi : "Albert Ferlin, dont voici la première nouvelle dans « Fiction »". Les nouvelles "Télépathie" (in Galaxie 1S46) et "Un commando de Mars" (in Galaxie 1S50) avaient toutefois déjà été remarquées par leurs qualités thématique et narrative. Avec De mémoire d’homme, Ferlin signe un texte presque métaphysique, aux péripéties énigmatiques, dans le récit d'un guerrier mort combattant des forces morbides. Tout se dévoile (ou presque) dans les dernières lignes.

Comme dans la nouvelle précédente, c'est la forme de la mort, sa nature, qui est interrogée Par un après-midi d’été. Charles L. Fontenay propose un mystère opaque et hors du temps dont un enfant serait le témoin. Un petit cauchemar.

La déesse de granit est un texte au lyrisme bien dosé (illustré par la magnifique couverture de Forest), où Robert F. Young décline l'image de la déesse endormie en de multiples échelles. Fin et inspiré. 

C'est une suite, au ton très britannique, à "La guerre des mondes" de H. G. Wells que proposent Francis Carsac et Jacques Bergier, dans La revanche des Martiens qui supporte tout à fait cette forme courte et fait figure d'hommage et de palimpseste.

Beaucoup de bruit pour rien dans Le cœur d'une ville... Cette nouvelle de Brian Aldiss décrit la vacuité des productions de spectacles cinématographiques (ou autres pour l'avenir) et la vanité de leurs agitations. Malgré un ton assez neuf, et un traitement original, la nouvelle elle-même rend un son creux. 

Un nouveau venu pour ce numéro dans la rédaction de Fiction, en la personne du talentueux Demètre Ioakimidis. Il dirigera plus tard avec Jacques Goimard et Gérard Klein la célèbre anthologie en plusieurs volumes de poche "La grande anthologie de la science-fiction" ; les fameux recueils "Histoires de...". 

Nous vous proposons de retrouver en page dédiée à Fredric Brown son article "Fredric Brown, l'étoile filante de la SF". Mais pour parfaire la présentation de ce jeune journaliste, nous reproduisons ici un article qui lui rendait hommage, durant l'hiver 2012-2013, paru dans le numéro 662 du magazine Jazz Hot (car Ioakimidis, en plus d'être un fin critique de science-fiction, était un érudit en jazz).

" Notre ancien collaborateur, également écrivain et journaliste spécialiste de science-fiction, Demètre Ioakimidis s’est éteint le 15 décembre 2012 à Genève (Suisse) à l’âge de 83 ans.

    Demètre Ioakimidis était né le 1er octobre 1929 à Trieste, où sa famille s’était réfugiée après les graves exactions commises par l’armée turque pendant la guerre entre la Grèce et la Turquie (1919-1921) ; il en avait conservé sa nationalité grecque, par fidélité. Son vieil ami, Pierre Strinati qui le connut en 1937 a gardé le souvenir d’un élève brillant, réservé mais surtout d’un ami fidèle. Après ses études à la Faculté des Sciences de Genève, il entra dans le célèbre laboratoire du CERN à Genève. Il y travailla plusieurs années. Mais attiré par l’écriture et par les arts en général, il finit par choisir le journalisme, au Journal de Genève, à la rubrique scientifique écrivant des articles de vulgarisation scientifique. Parallèlement, il chronique des ouvrages de science-fiction. Il y assure aussi une chronique régulière de musique classique et de jazz, qu’il conserva jusqu’à la fin de sa carrière. A La Gazette de Lausanne, autre quotidien de langue française, ses importants écrits intéressent la musique classique moderne et contemporaine.

    C’est à l’école communale, avec son ami Pierre Strinati, que Demètre découvre la science-fiction, en lisant une bande dessinée, Robinson, qui est la première à y intégrer la science-fiction. Assez rapidement, ce fut Jules Verne...

    Son intérêt pour la musique en général, et le jazz en particulier, s’éveilla plus tard, à l’adolescence. Le disque et la radio (Radio Suisse Romande) lui ont fourni les bases de l’information et du savoir en la matière qu’il cultiva jusqu’à en devenir très jeune un authentique spécialiste.

    Il commença à publier dans le bulletin du Jazz Club de Genève, Jazz-Notes, en 1954. Après son entrée en journalisme (La Gazette de Lausanne et Le Journal de Genève), il eut l’opportunité de faire des conférences et des émissions de radio à Radio Genève et à la Radio Suisse Romande (1960 – 1990) : Anthologie du jazz, Diversités du Jazz, Europe-Jazz et Jaaaz. Dans la continuité de ses devanciers, Schindler, Choquart, Colbert…

    Conférences, émissions de radio, Demètre Ioakimidis était surtout, de par sa personnalité, un homme de l’écrit : musique, certes, aussi et surtout littérature de science-fiction, dont il devint un expert internationalement reconnu.

    Vers la fin des années 1950, Demètre Ioakimidis commence à collaborer à deux des plus grands périodiques spécialisés d’Europe et du monde dans leur discipline : Fiction, pour la science fiction, et Jazz Hot, pour la musique de jazz.

    C’est en avril 1957 que Demètre publie son premier article dans Jazz Hot ; une vingtaine d’années plus tard, en avril 1976, le dernier. Entre ces deux dates, cette longue collaboration au mensuel de Charles Delaunay représente plus de 120 articles, portant sur tous les sujets et tous les musiciens : de Django à Coltrane, des ellingtoniens Johnny Hodges, Rex Stewart ou Ben Webster… aux basiens Frank Wess, Frank Foster, Joe Newman, Lester Young… en passant par les boppers John Lewis, Miles Davis, Art Blakey… sans oublier les Art Farmer, Ray Bryant, « Cannonball » Adderley et les autres. Il y tient également une chronique de livres tout à fait remarquable.

    C’est vers la même époque, en mars 1959, que Demètre Ioakimidis commence sa collaboration avec Fiction. Elle se prolongera jusqu’en août 1974. Cette collaboration représente en une quinzaine d’années plus de cent articles, dont certains de référence sur des auteurs américains inconnus en Europe comme Robert A. Heinlein, Alfred Bester, Clifford D. Simak… et surtout Isaac Asimov, dont il est le découvreur. Il y assure en particulier une rubrique de lectures tout à fait essentielle pour l’établissement de ce genre littéraire méprisé. Au cours de cette période, il consacre également une grande partie de son temps à la réalisation de grandes expositions européennes, entre 1967 et 1968 à Berne, Paris, Berlin, Trieste… consacrées à cette littérature.

    La notoriété internationale de Demètre acquise en matière de jazz, du fait de ses publications dans la revue européenne de référence, Jazz Hot, d’une part, et dans Fiction, autre revue française de rayonnement international, d’autre part, lui permet d’acquérir un nouveau statut journalistique en Suisse. Ioakimidis est devenu un journaliste qui compte dans le monde de la presse : il écrit en bonne place dans deux des plus grands quotidiens suisses de langue française (La Gazette de Lausanne et Le Journal de Genève). On lui accorde régulièrement une page entière, voire plus, en tant que correspondant de ces publications pour toutes grandes manifestations jazziques qui se déroulent en Suisse et en Europe, pour tous les évènements (publications, expositions…) concernant la science-fiction.

    Demètre Ioakimidis peut alors s’adonner à un travail ambitieux et de longue haleine, l’œuvre de sa vie, fondamentale de son point de vue. Avec deux autres collaborateurs de Fiction, Jacques Goimard et Gérard Klein, il entreprend en 1974 la publication de la Grande Anthologie de la science-fiction, soit trente six volumes représentant les ouvrages ou extraits de plus de trois cents auteurs ayant publié depuis 1930. Pour parachever son travail, il publie dans la collection « Le Livre d’or de la science fiction » chez Pocket, deux anthologies : la première consacrée à Isaac Asimov (Pocket 1980), rééditée en 1989 sous le titre Prélude à l’éternité ; la seconde à Robert A. Heinlein (Pocket 1981), rééditée en 1989 sous le titre Longue vie.

    Depuis, Demètre Ioakimidis avait ralenti ses activités ; il ne s’était jamais vraiment retiré, notamment de la vie du jazz : il y paraissait peu et était d’une discrétion légendaire : reste de prudence, peut-être ? Il y a un an, il avait perdu son épouse et cette disparition l’avait beaucoup affecté.

    Demètre Ioakimidis a beaucoup écrit et beaucoup publié au cours de sa vie sur ses centres d’intérêt aussi multiples que divers. Sa démarche fut celle d’un passionné mais aussi celle d’un chercheur patient  et exigeant. Il travailla comme un moine : consciencieusement pour élaborer sa connaissance, pour approfondir sa culture et surtout pour la partager. Mais il s’effaça toujours devant son sujet d’étude, ne consentant à n’apparaître que pour les besoins de la cause : diffuser le savoir acquis. Il n’était pas avare de ses efforts. Je l’avais rencontré une fois au début des années 1980 avec Charles Delaunay, qui le tenait pour un « savant atypique ». J’ai gardé le souvenir flou d’un homme de taille moyenne, portant costume et cravate (c’était rare dans les milieux du jazz après 1968 !) avec de gros carreaux en forme de lunettes. Les deux hommes, qui se parlaient doucement avec respect, se ressemblaient un peu d’ailleurs : question d’histoire familiale hors du commun ? Je découvrais un individu assuré, intéressé et intéressant, mais mesuré, discret et même secret. Et le temps passa… Au point que, lorsque je me suis mis à la rédaction de cette biographie aussi indispensable que méritée à l’occasion de sa disparition, il me fut impossible de trouver la moindre information sur l’homme et l’auteur ; même sa notice à la Bibliothèque Nationale de France restait d’une imprécision déplorable. L’exploration de la toile me confirma cette réalité avec les appels désespérés de deux internautes qui résumaient parfaitement et la personne et sa situation dans le champ médiatique : « Je cherche des informations ou une petite biographie expliquant les postes occupés par Démètre Ioakimidis », écrivait l’un, et le second de lui répondre : « Demètre Ioakimidis est un personnage des plus discrets. Mise à part les nombreuses références à ses publications, c'est en écumant le Net qu'on peut grappiller quelques pièces éparses du puzzle et, avec imagination et persévérance, deviner un parcours ».

    J’ai donc fureté, beaucoup cherché. Et n’eût été l’intervention de quelques amis, qui informèrent Jazz Hot de sa mort, et la coopération amicale de personnes, qui entendaient lui rendre un juste hommage, la disparition de Demètre Ioakimidis aurait été ignorée. Que tous soient ici remerciés de ce témoignage d’amitié et d’estime pour cet homme qui, par sa persévérance et son enthousiasme serein a, en Europe et dans le monde, largement contribué, d’une part, à la reconnaissance de la littérature de science fiction, et non moins d’autre part, à celle du jazz et à sa diffusion. Le jazz en Suisse est en deuil d’un des ses promoteurs, la Suisse romande orpheline d’un des découvreurs historiques de la science-fiction.

    Jazz Hot est triste de cette disparition. La revue et son équipe présentent à sa fille Nicole, à ses parents et à ses amis, ses sincères condoléances.

Félix W. Sportis

 Cf. « 1 Frank + 1 Frank = 2 Franks », Jazz Hot n° 120, avril 1957, p 10-11.

 Cf. « Jazz - La Vicenda E I Protagonisti della Musica Afroamericana », Jazz Hot n° 326, avril 1976, p 32.

 «  Fredric Brown, l'étoile filante de la S.F. » (bibliographie), Fiction n° 64, mars 1959, p 126-132.

 Cet article doit beaucoup à l’intervention de nombreuses personnes que la disparition de Demètre a profondément attristés : notamment d’amateurs suisses de jazz, dont Yvan Fournier et Charles Hug qui sont intervenus auprès de M. Pierre Strinati, docteur es-sciences et ami d’enfance de Demètre Ioakimidis, qui m’a présenté un homme aussi discret que passionnant. A également indirectement contribué à cet hommage, Gérard Klein, écrivain de science-fiction qui collabora de longues années (1970-1980) dans la revue Fiction et qui œuvra  avec lui et Jacques Goimard à l’édition de l’Anthologie de Science-Fiction (Presses Pocket Poche - trente volumes). Que tous soient ici remerciés pour leur amicale coopération en l’honneur et pour la mémoire de notre ancien collaborateur, Demètre Ioakimidis. Nous devons les photos jointes à cet article à l’amitié généreuse de Pierre Strinati. FWS.

© Jazz Hot n°662, hiver 2012-2013."

Rapport du PreFeG (Avril 2024)

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A suivre : Fiction n°065.

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