15 février, 2023

Fiction n°032 – Juillet 1956

La réalité rétrécit tout, je trouve. Vivre les choses, c'est les banaliser. Et nous avons découvert tant de mondes, défoncé tant de mythes, pulvérisé tant de suppositions, qu'il ne nous est même plus possible d'avoir de l'imagination. Les rêves appartiennent à un passé à jamais révolu. De ce passé, il ne reste déjà plus rien. L'avenir également semble exploré à l'avance, connu, rabâché. Il n'y a plus qu'un éternel présent que j'arpente depuis trop longtemps pour qu'il puisse m'étonner. (Jacques Sternberg – Le navigateur)

 

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Sommaire du Numéro 32 :

NOUVELLES

 

1 - Poul ANDERSON, L'Autre univers (Delenda Est, 1955), pages 3 à 39, nouvelle, trad. Bruno MARTIN

2 - John WYNDHAM, La Guenon (Jizzle, 1949), pages 40 à 51, nouvelle, trad. Roger DURAND

3 - Philippe CURVAL, Le Langage des fleurs, pages 52 à 65, nouvelle

4 - Ward MOORE, Cercle vicieux (Old Story, 1955), pages 66 à 82, nouvelle, trad. Roger DURAND

5 - Catherine CLIFF, Le Long voyage, pages 83 à 87, nouvelle

6 - Jacques STERNBERG, Le Navigateur, pages 88 à 94, nouvelle

7 - Stephen ARR, Cause et effet (Cause, 1955), pages 95 à 108, nouvelle, trad. Roger DURAND

 

CHRONIQUES


8 - F. HODA, Quand le grand guignol s'aligne sur la science-fiction..., pages 109 à 110, critique(s)

9 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 111 à 117, critique(s)

10 - (non mentionné), Service Bibliographique étranger, pages 118 à 120, article

11 - Robert VAN LAER, La Science-fiction en Allemagne, pages 121 à 126, article

 

Quelques leçons sur les lois du temps dans ce numéro 32. Tout d’abord avec les uchronies croisées de L'autre univers, par le talentueux Poul Anderson ; doit-on rétablir le cours de l'Histoire, et comment s'y prendre, quand on est un Patrouilleur du temps ?

Ensuite avec Cercle vicieux, par Ward Moore ; une nouvelle assez déroutante sur le mouvement du temps.

Cause et effet, par Stephen Arr, rappelle le très bon argument qui considère les lois du temps dans leur plus immédiat aspect : la loi de la causalité.

Une quatrième histoire avec Le long voyage, explore ces mécanismes secrets du Temps. Ici, rater un rendez-vous dans le temps peut induire de se perdre... Concision et poésie pour Catherine Cliff (Mme Jacques Sternberg à la ville).

Jacques Sternberg n’est évidemment pas loin, avec Le navigateur, une très bonne nouvelle à chute. Son roman La sortie est au fond de l’espace est évoqué comme à paraître imminemment ; nous vous proposons l'ouvrage ici.

Son compère Philippe Curval est aussi du défilé : Le langage des fleurs convoque une planète piège mais aussi un chant symbiotique. Belle nouvelle de Curval qui développe un univers tout en subtilités (avec illustration de l’auteur en prime, et Fiction rappelle qu’il s’agit là d’une entorse à la règle).

Pour finir, La guenon de John Wyndham (qui fait son entrée officielle dans le panthéon des auteurs de Fiction) est une nouvelle bien menée, à peine fantastique toutefois, mais qui met bien l'accent sur le préjugé candide que l'animal serait moins fourbe que l'homme.

On appréciera dans les chroniques un article qui nous ouvre de belles perspectives de lecture, pourvu d’être germanophone : La science-fiction en Allemagne par Robert Van Laer, un nouveau venu dont ce sera la seule publication référencée connue...


Revenons sur John Wyndham, et la présentation de sa nouvelle La guenon. Les politiques éditoriales des Editions Fleuve Noir sont ici mises sur la sellette. A la lecture des critiques passées pourtant souvent complaisantes d’Igor B. Maslowski, on aurait pu croire en un indéfectible soutien de Fiction envers cet éditeur au nombre record de publications annuelles. Mais ici, le vernis de patelinage craque, et révèle quelque peu la condescendance de Fiction pour une littérature de moindre exigence. Assurément, et c’est la critique qui sera souvent faite à la revue, les rédacteurs de Fiction pencheraient plutôt vers une vision plus soignée de la S.F., point de vue trop élitiste peut-être pour l’époque et pour un genre encore en manque d’éditeurs sur le territoire français.

Pour ses débuts en France, John Wyndham vient d'être victime d'une mésaventure. En effet, son excellent roman « The day of the triffids » a été récemment publié, sous le titre : « Révolte des triffides », par le Fleuve Noir (ce qui est bien)… mais dans une version-digest (ce qui est beaucoup moins bien !). Sans être encore au courant de la chose, nous avions signalé comme intéressante cette parution, dans les « Glanes Interstellaires » de notre numéro 30. Nous sommes au regret d'ajouter maintenant à cela des réserves. Heureusement pour lui, le roman de Wyndham a suffisamment de qualités pour rester encore intéressant dans la traduction qui nous en est proposée, mais il a presque complètement perdu la « classe » qui le caractérisait en anglais. Sa densité et sa puissance ont été nivelées et il se trouve pratiquement réduit à un simple récit d'aventures… où l'enchaînement des épisodes, hélas ! est parfois inexplicable, on se doute pourquoi ! Que l'on songe aux coupures qu'il a subies : les 266 pages en texte serré de l'édition originale ont été ramenées en français à 181 pages, ce qui est un record !…

 

Nous n'ajouterons pas de commentaire. Notons simplement que le roman a eu un très grand succès en Angleterre où il a d'abord paru en 1951, puis aux U.S.A. où il a lancé son auteur, et enfin dans les nombreux pays où il a été traduit (avec plus de fidélité que chez nous, on l'espère !) : Hollande, Danemark, Nouvelle-Zélande, Italie, etc.

 

Wyndham est aujourd'hui considéré par les critiques américains comme le maître de la science-fiction réaliste et « adulte » et le successeur de Wells. Après « The day of the triffids », qui était son premier roman, il en a écrit deux autres : « Out of the deeps » (1953) et « Re-birth » (1955), son meilleur à ce jour et un des plus beaux traitements du thème classique de l'humanité à l'ère post-atomique. Enfin, ses nouvelles viennent d'être réunies en un recueil qui porte le titre de la première d'entre elles : « Jizzle » (celle précisément que nous vous présentons aujourd'hui).

 

Avant de venir au roman, Wyndham avait déjà derrière lui toute une carrière de nouvelliste sous des pseudonymes et dans des genres divers. On ne doit donc pas s'étonner de sa versatilité. Celle-ci fait que cet écrivain consacré par la SF apparaît dans nos pages… avec une histoire fantastique dans la tradition de John Collier ! Et, à nos lecteurs curieux, nous signalons rétrospectivement que Wyndham avait déjà été au sommaire de l'anthologie « Escales dans l'infini » (« Rayon Fantastique »), avec ce petit bijou humoristique intitulé « Touristes des temps futurs ».

La polémique rebondira dans le numéro 35 de Fiction, avec la publication dans les Glanes interstellaires de la réponse du berger à la bergère :

Mise au point.

 

À la demande des éditions du Fleuve Noir, nous publions bien volontiers la lettre suivante qu'elles nous ont adressée après lecture de notre commentaire sur leur publication de « Révolte des Triffides », de John Wyndham.

 

Nous avons le regret de vous informer que le commentaire figurant à la page 40 de votre numéro 32 et destiné à présenter la nouvelle « La guenon » de John Wyndham a manifestement été rédigé par un chroniqueur plein de bonnes intentions, mais ignorant que la version française de « Révolte des Triffides » n'est autre que la traduction de la version américaine parue dans le magazine « Collier's ».

 

Ce commentaire pouvant dévaloriser le roman aux yeux de vos lecteurs, nous vous saurions gré de publier les quelques précisions suivantes :

 

1° C'est Mr. John Wyndham lui-même qui nous a transmis la version « Collier's » pour l'adaptation française, et après y avoir apporté lui-même, de sa main, quelques changements. Il n'y a donc pas eu de « record » dans la compression du texte original ;

 

2° C'est le feuilleton du « Collier's » (et non le texte intégral) qui a provoqué aux États-Unis, puis en Angleterre, une cascade d'adaptations télévisées et radiophoniques. Il ne semble donc pas avoir desservi la notoriété de l'auteur et, en conséquence, la version française ne risque pas davantage de décevoir le public. La preuve en est faite par l'accueil enthousiaste que « Révolte des Triffides » a rencontré depuis sa parution ;

 

3° Personne, jusqu'à présent, ne semble s'être avisé que « l'enchaînement des épisodes, hélas ! est parfois inexplicable ». Peut-être suffit-il d'accorder à la lecture un minimum d'attention pour suivre le déroulement de l'intrigue avec aisance ?

 

Nous avons nous-mêmes assez d'estime pour le grand talent de Mr. John Wyndham pour ne pas défigurer son œuvre et pour opérer dans son livre des coupures qui n'auraient pas eu son assentiment.

 

Nous déplorons, par ailleurs, que, dans son article intitulé « La science-fiction en Allemagne », M. Robert Van Laer omette de citer, outre Barjavel, un autre auteur français traduit par les éditions Gebruder Weiss : Jean-Gaston Vandel dont deux livres sont déjà édités par cette maison et dont un troisième est sous contrat.

 

Notre bonne foi ayant été surprise en la matière, nous sommes reconnaissants au Fleuve Noir de nous avoir apporté ces précisions et sommes heureux de les avoir mises sous les yeux de nos lecteurs.

 

Nous regrettons seulement, dans notre inaltérable amour de la science-fiction et des éditions « les plus intégrales possibles », que, pour la publication française en librairie du roman de Wyndham, ce soit la version de librairie précisément qui n'ait pas été choisie, au bénéfice d'une version feuilleton qui ne se justifiait qu'en fonction des normes d'un magazine.

 

Quant à la publication de plusieurs romans de Jean-Gaston Vandel en Allemagne, nous sommes heureux de constater que nos auteurs trouvent écho outre-Rhin et ne pouvons que regretter à ce propos que les éditeurs français ne soient pas aussi accueillants pour les œuvres de science-fiction germaniques dont – à une seule exception près – aucune n'a jamais paru dans notre pays à l'heure actuelle. L'article de Robert Van Laer nous donne un aperçu de ce qu'est cette forme de littérature en Allemagne et les véritables amateurs du genre seraient heureux de la mieux connaître. Puissent les éditions du Fleuve Noir qui – il faut leur rendre cette justice – furent parmi les toutes premières à populariser la science-fiction en France – ne pas rester sourdes à cet appel.

 

Rapport du PreFeG (Janvier 2023)

  • Relecture
  • Corrections orthographiques et grammaticales
  • Vérification du sommaire
  • Ajout de la page de « Service Bibliographique étranger » telle qu'évoquée dans le sommaire sur NooSFere mais n'apparaissant pas dans le epub d'origine.
  • Notes (4b), (4c), (4d), (6b) et (6c) ajoutées.
  • Vérification et mise à jour des liens internes
  • Mise au propre et noms des fichiers html
  • Mise à jour de la Table des matières
  • Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)

En cliquant sur les noms des auteurs de ce numéro

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Poul ANDERSON

John WYNDHAM


Philippe CURVAL


Ward MOORE
Catherine CLIFF

 

Jacques STERNBERG


Stephen ARR

 

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