15 novembre, 2023

Fiction n°051 – Février 1958

Un inédit de Gore Vidal et une célébration à Jacques Sternberg marquent ce numéro, agrémenté de textes de grande qualité signés Poul Anderson, Jean Ray, ou encore Charles L. Fontenay.

 

Un clic droit on ne peut plus mécanique !

Sommaire du Numéro 51 :


NOUVELLES

 

1 - Gore VIDAL, Visite à une petite planète (Visit to a small planet, 1957), pages 3 à 31, nouvelle, trad. Roger DURAND *

2 - Poul ANDERSON, Le Bout de la route (Journeys End, 1957), pages 32 à 40, nouvelle, trad. Bruno MARTIN

3 - Jacques STERNBERG, Partir, c'est mourir un peu moins..., pages 41 à 50, nouvelle

4 - Charles Louis FONTENAY, Lâchez tout ! (Up, 1957), pages 51 à 74, nouvelle, trad. Roger DURAND

5 - Julia VERLANGER, Les Derniers jours, pages 75 à 81, nouvelle

6 - R. V. CASSIL, Guerre dans les airs (The war in the air, 1956), pages 82 à 95, nouvelle, trad. Janine VILLARS *

7 - Jean RAY, La Choucroute, pages 96 à 101, nouvelle

8 - Gordon Rupert DICKSON, La Semaine de huit jours (Zeepsday, 1956), pages 102 à 117, nouvelle, trad. Evelyne GEORGES *

 

CHRONIQUES


9 - G. Harry STINE, Pourquoi nous avons perdu la course au satellite, pages 118 à 121, article, trad. Janine VILLARS *

10 - Gérard KLEIN, Jacques Sternberg ou le héros écŒuré, pages 122 à 129, article *

11 - COLLECTIF, Ici, on désintègre !, pages 131 à 136, critique(s)

12 - F. HODA, Les Dimensions de l'amour, pages 137 à 138, article

13 - Jacques PINTURAULT, L'Âge d'or du cinéma fantastique : l'expressionisme allemand, pages 139 à 143, article *

 

* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Ce Fiction 51 s’ouvre sur une forme dialoguée (plutôt rare, mais dont on retrouvera pourtant un deuxième exemple dans le même numéro), présentée comme une forme théâtrale – mais qui est plutôt adaptée à une diffusion télévisée : Visite à une petite planète, par l’iconoclaste et touche à tout Gore Vidal. Un être d'outre espace y fait office de mauvais génie, et l’on pourrait s’en amuser ; mais les dialogues sont par trop explicatifs et les décors réduits à quelques intérieurs... on aurait attendu mieux d'une publication de Gore Vidal, qui signe ici une intrigue engoncée dans sa forme de script pour la télé. L'unique intérêt est peut-être de nous permettre d'entrevoir à quoi ressemblaient les créations tv d'alors, cependant la forme aurait sans doute gagné en subtilité une fois adaptée en nouvelle.

On poursuit avec Poul Anderson présenté comme « l’auteur maison » de Fiction. Certes, à cette époque, Fiction détient les trois quart de ses publications contre un quart pour Galaxie. Rien d'étonnant puisqu'une grande partie de ses nouvelles furent initialement publiées par « The magazine  of  fantasy & science fiction » (le « vaisseau mère » du Fiction français). Peut-être la présence insistante d’Anderson irritera certains lecteurs de la revue, car dès le mois suivant va s'installer une polémique chez les lecteurs de Fiction au sujet de Poul Anderson... Le bout de la route est pourtant une nouvelle d’un style et d’un traitement différents de ce que nous ont proposé Fiction ou Galaxie jusqu’à présent. Il y est question de la grande solitude du télépathe ; Anderson reprend ce thème en axant son récit sur le surcroit d'empathie que donnerait à l'espèce humaine un tel don s’il était universellement distribué... Mais est-on jamais prêt, même en relation symbiotique amoureuse, à livrer son intimité, et plus particulièrement ses hontes à autrui ? On repensera à la nouvelle de Galouye "L'asile" in Fiction n°44.

La revue Bifrost, pour son numéro 75 spécial Poul Anderson, en proposera une nouvelle traduction en Juillet 2014. A l’occasion de cette publication, on pourra y lire la nouvelle introduite en ces termes :

Cette nouvelle figure parmi celles de son auteur qui furent souvent reprises en anthologie – aux États-unis, bien sûr, mais aussi en France, où on ne compte pas moins de trois rééditions, dont une dans un ouvrage aux prétentions didactiques. Il faut dire qu’elle illustre à merveille le personnage du mutant télépathe. Publiée en 1957, elle échappa à l’Astounding de John W. Campbell, pourtant à l’époque toqué de pouvoirs psi, peut-être à cause de sa tonalité plutôt amère. Son titre fait référence à une citation de Shakespeare, extraite de La Nuit des roisTout voyage s’arrête au rendez-vous d’amour », dans la traduction de François-Victor Hugo). Signalons aux amateurs d’intertextualité que cette phrase sert de leitmotiv au célèbre roman de Shirley Jackson, Maison hantée, paru deux ans plus tard – Jackson connaissait bien The Magazine of Fantasy and Science Fiction, où du reste elle publia quelques nouvelles –, un roman où il est aussi question de deux esprits qui communiquent par la pensée, qui s’attirent et se repoussent… avec une tout autre conclusion.

Et son influence ne s’arrête pas là : « J’ai lu ce texte quand il est sorti et il m’a fait très forte impression. […] Il faisait sûrement partie des éléments dont je disposais quand j’ai écrit L’Oreille interne », déclara Robert Silverberg en 2009. Un texte essentiel, donc.

Mais c’est bien Jacques Sternberg la vedette de ce numéro, avec une très bonne nouvelle et un article dithyrambique de Gérard Klein le concernant (voir notre page dédiée). Dans Partir, c'est mourir un peu moins…Sternberg est grinçant comme jamais, et évoque celui qui survit à tout, même à la peine de mort ; et son point de vue désabusé développe même une résistance à la mort.

De la qualité encore, avec Lâchez tout ! de Charles L. Fontenay. Il s’agit d’un épisode des tout débuts de la conquête de Mars, bien documenté et vraisemblable, révélé avec une extraordinaire découverte, dans un style toutefois différent de "La soie et la chanson"  (in Fiction n° 47) mais tout aussi bon.

Les derniers jours est un récit post apocalyptique comme Julia Verlanger sait en faire, qui rappelle l'ambiance des nouvelles de Ward Moore comme le constate Fiction. Manque peut-être un peu d'intrigue et de fond.

Dans Guerre dans les airs, R.V. Cassill invente sans le nommer un nouveau type d'extra sensorialité : la psychocénesthésie... À moins qu'il ne s'agisse d'identification projective un peu poussée. Le moins qu'on puisse en dire est que l'auteur n'est pas tendre envers ses créations. Atypique et à découvrir.

Un grand classique, et Fiction aura contribué à la faire connaître, avec La choucroute de l’admirable Jean Ray, où - puisque c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures confitures - Jean Ray actualise le "mythe de Tantale", non sans humour.

Seconde nouvelle sous une forme dialoguée, mai ici avec davantage d’à propos : c’est La semaine de huit jours, première nouvelle de Gordon R. Dickson à paraître au sommaire de Fiction. On y reconnait l'humour à froid de Dickson, pour une histoire un peu bavarde malgré tout, bien qu’intéressante.

On se souvient de  « La route est ouverte » par Lee Correy (in Fiction n°50), dont on savait qu’il s’agissait du pseudonyme d’un ingénieur en aéronautique. C’est maintenant cet ingénieur, G. Harry STINE, qui parle dans Pourquoi nous avons perdu la course au satellite, à propos du lancement de Spoutnik d’Octobre 1957. Voilà un article intéressant, et un point de vue certainement à contre-courant pour son époque. Mais la nouvelle du mois précédent était toutefois plus approfondie.


Parmi les articles, on notera dans les Glanes interstellaires la portée de l’effet Spoutnik. 

Ouverture du Musée Jules Verne

Ce n'est pas un hasard si cette inauguration s'est produite au moment où le lancement des Spoutniks a ouvert l'âge des voyages dans l'Espace : la Cosmonautique est née du périple circumterrestre d'une petite sphère de métal dont le bip… bip… bip… annonce pour bientôt l'annexion de la lune comme banlieue de la Terre.

(…)

L'Ère du Progrès ne fait que commencer ; cybernétique, astrophysique, stéréotronique, œuvres d'art spatiodynamiques, voilà autant de mots qui ne connaissent pas tous encore l'honneur d'une définition dans le dictionnaire et qui doivent gagner bientôt leur place dans le langage courant.

Progrès... technique. Un mois auparavant, des nouvelles de la même revue démarquaient bien le progrès technologique et le progrès social et humain, et leur déséquilibre allant croissant.

Le musée Jules Verne, quant à lui, situé dans le palais Berlitz à Paris (lieu d’exposition pourtant de sinistre mémoire au regard de ce qui y fut présenté fin 1941) n’y perdurera pas. Un autre musée dédié à ce père de la SF verra le jour à Nantes en 1978.

Par ailleurs, et si Spoutnik ouvre la voie à un intérêt plus concret pour la science-fiction chez un lectorat jusqu’ici béotien en la matière, on peut noter que les années qui vont suivre marquent un espace éditorial en souffrance. La revue Galaxie disparaîtra courant 1959, et Fiction ne suffira plus à fournir des plages de publications à une éventuelle science-fiction française émergente. En témoigne cet appel (ou plutôt "non-appel") :

PLUS DE MANUSCRITS, S. V. P. !

Depuis le lancement de « Fiction », près de 800 nouvelles françaises nous ont été soumises en vue d'une publication éventuelle. À l'heure actuelle, plus de 70 de ces nouvelles sont retenues pour nos numéros à venir. À raison de 2 ou 3 par numéro – chiffre maximum que nous observons – nous sommes couverts en manuscrits français pour plus de deux ans à l'avance. Il est donc inutile de nous soumettre de nouveaux manuscrits, dont nous ne serions même pas en mesure d'assurer la publication. Nous prions tous les auteurs de bien vouloir tenir compte de cet avis et nous nous excusons d'avance de ne pas leur répondre ou cas où ils nous communiqueraient quand même leurs récits.

Rapport du PreFeG (Novembre 2023)

  • Relecture
  • Corrections orthographiques et grammaticales
  • Vérification du sommaire
  • Notes (0), (2b), (2c) et (4b) ajoutées.
  • Vérification et mise à jour des liens internes avec ajout de retour de notes.
  • Mise au propre et noms des fichiers html
  • Mise à jour de la Table des matières
  • Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)

En cliquant sur les noms des auteurs de ce numéro

retrouvez les bibliographies complètes de leurs parutions dans Fiction et Galaxie !

R. V. CASSIL

A suivre : Fiction n°052.

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