28 février, 2024

Galaxie (1ère série) n°056 – Juillet 1958

Entrée de Frank Herbert dans le panthéon des auteurs publiés au sein de nos revues Fiction et Galaxie, et première partie de « Terminus, les étoiles » de Alfred Bester, dans une traduction différente de celle publiée quelques mois plus tôt chez Présence du Futur (ici sous le titre : « Jusqu’aux étoiles »).


Clic droit sur la transparence

Sommaire du Numéro 56 :


NOUVELLES

 

1 - Alfred BESTER, Jusqu'aux étoiles (1ère partie) (The Stars My Destination, 1957), pages 3 à 37, roman, trad. (non mentionné), illustré par Ed EMSH

2 - William MORRISON, Les Démons sont lâchés (A Feast of Demons, 1958), pages 38 à 52, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par DILLON *

3 - Robert SILVERBERG, Le Chancelier de fer (The Iron Chancellor / The Weight Watcher, 1958), pages 53 à 78, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Wallace (Wally) WOOD

4 - COLLECTIF, Votre courrier, pages 79 à 80, courrier

5 - Evelyn E. SMITH, La Tour bleue (The Blue Tower, 1958), pages 81 à 89, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Dick FRANCIS *

6 - Robert SHECKLEY, L'Homme-test (The Minimum Man, 1958), pages 90 à 116, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par Dick FRANCIS

7 - Charles HENNEBERG, Pavane pour une plante, pages 117 à 128, nouvelle

9 - Frank HERBERT, La Maison vagabonde (Old Rambling House, 1958), pages 131 à 138, nouvelle, trad. (non mentionné), illustré par JOHNSON

 

CHRONIQUES


8 - Jimmy GUIEU, La Rubrique de l'étrange, pages 129 à 130, chronique

10 - Francis GOUDEAU, Terre et cosmos, pages 139 à 142, article

11 - Maurice-Bernard ENDRÈBE, Livres d'aujourd'hui et de demain, pages 143 à 144, notes.

 

* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Une illustration d'Emsh
pour ce roman d'Alfred Bester

Quelques trois mois avant la publication de ce n°56 de Galaxie, la collection Présence du futur éditait « Terminus, les étoiles », d’Alfred Bester (qui s’était déjà fait connaître avec son « Homme démoli »). Bien que publié en deux épisodes, Jusqu’aux étoiles  illustre la malheureuse politique "digest" à l'œuvre chez Nuit et Jour (l’éditeur de Galaxie), qui donne parfois l’impression de se hâter de publier des fonds de tiroirs. Il vaudra mieux lire ce roman dans sa traduction par Jacques Papy, malgré ses propres imperfections. Plus précisément, Fiction aura souvent qualifié Bester de recycleur de classiques pour les accommoder à la sauce SF ; les références présentes ici vont surtout au « Comte de Monte Cristo ».

Après les échelles de dimensions relatives, William Morrison s'attaque, dans Les démons sont lâchés, aux échelles de temps... en effet chaotique. Une bien sympathique nouvelle.

Le Chancelier de fer n'est pas aussi intéressant que d'autres récits de Robert Silverberg, mais son sujet, la tyrannie d'un robot réglé pour le bien-être de ses acheteurs, rappelle parfois Robert Sheckley et reste sympathique. On notera dans la publication la mise en italique des « crédits », cette monnaie purement SF, dont le concept a été créé par Edward Bellamy en 1888, dans son roman « Cent ans après, ou l'An 2000 ».

La tour bleue est une belle fable bien menée par Evelyn E. Smith sur l'infantilisation des masses, et leur incapacité à se responsabiliser par elles-mêmes, ouvrant par là la voie aux dictatures. Un peu politiquement désespérant, mais tellement humain...

Une autre tyrannie de robot, qui « compense » ici, par la destruction, les progrès d'un homme de prime abord incompétent mais s'affranchissant de sa simplicité et de ses carences. C’est L’homme test, par Robert Sheckley.

Nathalie Henneberg,  dont Fiction annonçait le retour dans son n° 56 de ce même mois de Juillet 1958, tape en effet à toutes les portes pour publier ses nouvelles... Toujours sous le prénom de son mari, Pavane pour une plante poursuit son œuvre, qui mêle SF et mythes revisités. Une belle ambiance de cauchemar lent et halluciné.

Un nouveau venu : Frank Herbert, mais une nouvelle convenue, La maison nomade, pas très fouillée, et qui aurait mérité plus d'ambiance ou de psychologie…


Côté rubriques :

« Je fais appel à tous ceux qui ont été les témoins – ou les acteurs – d’un événement étrange, insolite, mystérieux, quel qu’il soit. C’est avec le plus grand plaisir que je recevrai leurs déclarations, et les commenterai dans cette rubrique qui remplacera, désormais, celle des Soucoupes Volantes. »

Ce sacré Jimmy joue ici les Charles Fort et étend son champ de commerce. Sacré nom d’une pipe, doit-on penser qu'il n'y aurait plus de « SV » en 1958 ? Il n’y a plus de valeurs, ma bonne dame !

Enfin un journaliste crédité dans Galaxie (et même deux, avec l’article Terre et cosmos). Maurice-Bernard Endrèbe, (traducteur de Daphné Du Maurier en France, et aussi scénariste pour la série « Les cinq dernières minutes ») signe la copie (moins détaillée toutefois) de « La revue des livres » de Fiction, avec une intéressante recension, Livres d’aujourd’hui et de demain.

21 février, 2024

Fiction n°060 – Novembre 1958

Jacques Sternberg et Nathalie Henneberg tiennent bien haut le niveau de ce numéro 60 de Fiction, avec quelques nouvelles bien concises et une déroutante novella de Jane Roberts.

 

Un clic droit post-apo?

Sommaire du Numéro 60 :


NOUVELLES

 

1 - Jane ROBERTS, Le Collier de marrons (The chestnut beads, 1957), pages 3 à 27, nouvelle, trad. Bruno MARTIN

2 - Jacques STERNBERG, Marée basse, pages 28 à 36, nouvelle

3 - Les COLE, Mystère en trois temps (Tripod, 1957), pages 37 à 44, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE *

4 - Theodore R. COGSWELL, Raccords (Thimgs, 1958), pages 45 à 56, nouvelle, trad. Roger DURAND *

5 - ARCADIUS, Les Naufrageurs, pages 57 à 70, nouvelle

6 - Robert ARTHUR, Un caractère négatif (Obstinate uncle Otis, 1958), pages 71 à 78, nouvelle, trad. Roger DURAND *

7 - Charles BEAUMONT, Le Quadriopticon (The Quadriopticon, 1954), pages 79 à 100, nouvelle, trad. CATHERINE

8 - John SHEPLEY, Le Physique de l'emploi (Gorilla suit, 1958), pages 101 à 108, nouvelle, trad. Roger DURAND *

9 - Charles HENNEBERG, La Fusée fantôme, pages 109 à 122, nouvelle

 

CHRONIQUES


10 - Jean-Jacques BRIDENNE, Théo Varlet, prophète cosmique, pages 123 à 127, article

11 - Alain DORÉMIEUX & Gérard KLEIN & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 129 à 135, critique(s)

12 - Alain DORÉMIEUX, La Critique des revues, pages 136 à 137, critique(s)

13 - Alain DORÉMIEUX & F. HODA, Décadence des classiques / Un mythe rénové, pages 139 à 141, article

14 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX, Aux frontières du possible, pages 143 à 144, chronique 

* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

La sorcellerie à l'œuvre dans Le collier de marrons, une déroutante novella loin des sentiers battus de la moralité et des happy ending. Après un temps de mise en place des éléments de son récit, Jane Roberts mêle fantastique (l'emprise des sorcières) et science-fiction (l'apocalypse atomique).

On ne saurait dévoiler l'issue de cette Marée basse de Jacques Sternberg, récit plus conventionnel qu'à son habitude, mais très bien mené et mêlant habilement émoi amoureux et frisson psychologique.

Mystère en trois temps : une petite histoire de voyage dans l'espace et le temps par Les Cole, que Fiction nous présente comme un paradoxe sans qu'il n'en soit rien.

Comme dans "Un souhait de trop", (in Fiction n°38) Theodore R. Cogswell s'amuse dans Raccords à faire prendre au pied de la lettre les souhaits présentés à un génie. La nature ici du génie est originale, tout comme le contexte de polar noir est parodique. Plaisant.

Les naufrageurs, ou l'étude cernée de péripétie d'une espèce vénusienne, par Arcadius (qui avait signé une première nouvelle sous le pseudonyme d’Allan George dans le Galaxie n°54). Une aventure honorable au style très classique, qui rappellera les théories de Charles Fort sur les formes de vie transparentes et atmosphériques.

« Les prophètes avaient peut-être, jadis, une foi capable de déplacer des montagnes. Mais mon oncle Otis possédait quelque chose de bien plus remarquable, semblait-il… un manque de foi qui pouvait les faire rentrer sous terre. »

 

Un caractère négatif, par Robert Arthur, est une très habile nouvelle au fond terrifiant mais d'un postulat irréductiblement simple, qui fera repenser à « Escamotage » de Richard Matheson (in Fiction n°29).

Dans Le Quadriopticon, l'idée de base d'un cinéma immersif tourne malheureusement un peu court, et Charles Beaumont se perd à parodier de la mauvaise SF. On passera.

A peine fantastique, Le physique de l’emploi, petite pochade au ton naïf bien travaillé de John Shepley, fera un sympathique petit intermède, qui rappellera l'histoire de Chaplin perdant un concours de sosies de Charlot.

Un bon morceau que La fusée fantôme, ou la légende du Hollandais Volant revisitée par Nathalie Henneberg (sous le nom de son mari Charles), avec son lot de piraterie et d'êtres impossibles tels que les Androïdes Supérieurs, machines biologiques dépourvues d'émotions, du moins à échelle humaine.

 

On aurait pu penser Alain Dorémieux et Gérard Klein bons camarades, car partageant les mêmes centres d’intérêts et les mêmes postes au sein de la rédaction de Fiction. On sera d’autant plus surpris avec cet extrait de la Critique des revues, rédigé par Alain Dorémieux.

" La revue « Arguments » a consacré son numéro de septembre à un ensemble d’articles sur la science-fiction. La revue « Arguments » est une revue intellectuelle. On sait ce que cela veut dire. C’est une revue faite par des intellectuels pour des intellectuels. C’est dans cette conjoncture que la tentation du délire verbal se fait le plus sentir. 
Ici, les résultats dépassent l’attente. La recette est simple : employer un jargon fumeux et ampoulé, susciter à chaque phrase de vastes problèmes où il n’est question que de l’homme et de l’humain, de l’absolu et du transcendental, affecter de les résoudre du haut d’une tour d’ivoire philosophique, et manifester en toute chose une prétention dogmatique et un pédantisme insupportables. 
En l’occurrence, la science-fiction a donc servi de tête de Turc, prétexte pour chacun des concurrents en lice à faire son petit numéro personnel de dissertation. Pour cet exercice, (…) le prix d’honneur (revient) à Gérard Klein, dont l’exposé a pour titre « Rêver l’avenir et le construire » (mais ne faut-il pas soupçonner Klein d’avoir fait exprès de se parodier lui-même ?)

(…) Dans le numéro d’octobre de « Ailleurs », Pierre Versins s’est amusé à dresser un petit florilège de citations extraites des discours de ces messieurs. Mais il y a tant à citer que je puis à mon tour choisir des citations sans qu’elles recoupent celles de Versins. Voici donc quelques échantillons de cette prose immortelle :

 
(…)

« Il ne suffit pas de considérer un certain avenir comme le résultat logique d’une histoire encore à écrire. Il est nécessaire de le considérer dans son devenir, tel qu’il est, immense et inépuisable, et de le scruter à la fois avec une grande humilité quant aux possibilités de le décrire et avec un grand orgueil quant à ses potentialités qui sont les nôtres. »

Gérard KLEIN. 

 

« Cela expliquerait sa longue survie en d’autres termes que ceux exprimant une sorte d’hystérésis sociale, dans ce monde moderne qui est tissé de transformations et au sein duquel les données humaines elles-mêmes apparaissent comme fluides. Mais à certains signes, il semble précisément que cette idée ne soit plus indiscutée, que l’immanence de certains traits du monde humain, par exemple, se trouve en ce moment mise en question. »

Gérard KLEIN.

(…)
La conclusion à tirer de tout cela, s’il en faut une, sera la suivante : le Ciel préserve la science-fiction des intellectuels !

14 février, 2024

Fiction n°059 – Octobre 1958

Pas de bonus particulier pour la Saint-Valentin cette année, mais que ça ne nous empêche pas de souhaiter leur fête à tous les amoureux de cette Terre et d'Ailleurs. Nonobstant, la couverture de ce numéro d'automne 1958 de Fiction convient parfaitement à la Saint Valentin, comme quoi les augures s'alignent toujours en un point favorable, hier, aujourd'hui ou demain.

De ce numéro 59 de Fiction, la majorité des nouvelles ne seront jamais republiées ailleurs, notamment une nouvelle de Poul Anderson. Mais la grande surprise de ce numéro sera sans doute pour ses lecteurs "L'autre planète" de R. M. Albérès, critique littéraire qui avait défrayé les chroniques de Fiction dans ses numéros 50 et 52.

Clic - clic avec le nez, chérie ?

Sommaire du Numéro 59 :


NOUVELLES
 


1 - René-Marill ALBERES, L'Autre planète, pages 3 à 46, nouvelle

2 - Carol EMSHWILLER, Rencontre (The Coming, 1957), pages 47 à 52, nouvelle, trad. Bruno MARTIN *

3 - Ruth M. GOLDSMITH, Les Bouilleurs de cru (Moonshine, 1956), pages 53 à 61, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH *

4 - Gérard KLEIN, Le Monstre, pages 62 à 73, nouvelle

5 - Gordon Rupert DICKSON, Les Deux font la paire (Rescue Mission, 1957), pages 74 à 90, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH *

6 - Arthur OESTERREICHER, Rupture de circuit (Broken circuit, 1958), pages 91 à 94, nouvelle, trad. Bruno MARTIN *

7 - Ron GOULART, Conroy et consorts (Conroy's Public, 1952), pages 95 à 103, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

8 - Poul ANDERSON, Cycle génétique (Life Cycle, 1957), pages 104 à 120, nouvelle, trad. Bruno MARTIN *

9 - Richard WILSON, Le Dossier Vénus (The Venus Papers, 1958), pages 121 à 128, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE *


CHRONIQUES

10 - F. HODA, Roger Caillois et le Fantastique, pages 129 à 131, article

11 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX & Gérard KLEIN, Ici, on désintègre !, pages 133 à 139, critique(s)

12 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX, Aux frontières du possible, pages 141 à 143, chronique


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Il y a du Poul Anderson dans cette Autre Terre uchronique, L'autre planète, atteinte par un procédé sur lequel se forgent les plus circonspectes spéculations scientifiques (le dépassement de la vitesse lumière). Il y a aussi du William Morris, dans cette description doucereusement anarchisante d'une Arcadie où le travail est pris pour une perversion. René-Marill Albéres relève haut-la-main le défi posé par sa critique de la science-fiction de son époque. Une très bonne novella qui rassemble style et philosophie matérialiste.

Ostracisés pour leur différence, tel est le sujet de Rencontrenouvelle ni SF, pas même fantastique, mais qui relève de l'étrange malgré tout - et qui ne le devrait pas. Une façon d'être au monde intéressante malgré tout.

A propos de son autrice, Carol Emshwiller, on lira dans le texte de présentation : "Carol Emshwiller est la femme de « Emsh ». Cette signature – composée des quatre premières lettres du nom de son mari – est connue dans le monde entier par tous ceux qui achètent des magazines de science-fiction. Ed Emshwiller est, en effet, un des plus populaires parmi les dessinateurs qui créent les couvertures de ces magazines. Ses couvertures ont paru sur de nombreux magazines américains, dont notre édition américaine, sur le magazine suédois « Papna », sur le magazine allemand « Utopia »."  Petit mépris : nulle mention n'est faite par la rédaction de Fiction des illustrations de Emsh que l'on retrouve très souvent dans Galaxie.

Les extraterrestres débarquent dans la vie rurale américaine, et rencontrent Les bouilleurs du cru. Comme dans "La soupe aux choux" de René Fallet, la gnôle locale sert de passerelle entre les espèces. Peut-être ici avec moins de poésie, toutefois, de la part de Ruth M. Goldsmith.

Le monstre est une allégorie puissante qui mêle le dégoût à la fascination. L'autrice hongroise Agota Kristof en a exploité le thème dans une pièce de théâtre concise et pertinente. Gérard Klein s'en tire très bien lui aussi, avec parfois des échos qu'on pourrait prêter au sens de l'absurde d'un Albert Camus.

Les deux font la paire est une sympathique nouvelle d'un ton proche de Evelyn Smith. Gordon R. Dickson étoffe son motif du dragon qu'il développera par la suite..

Dans la série "la nouveauté inspire le danger", Rupture de circuit est une petite nouvelle un peu angoissante et qui préserve toute sa part de mystère. Assez réussi de la part du poète Arthur Oesterreicher.

Pourrait-on vraiment croire que l'on est jamais si bien servi que par soi-même ? Ron Goulart semble vouloir s'en prendre à l'égocentrisme d'une partie de ses pairs écrivains, et peut-être les avertir que "plus dure sera la chute", dans Conroy et consorts.

Poul Anderson signe avec Cycle génétique une nouvelle plus conventionnelle qu'à l'accoutumée, et imagine un cycle de reproduction sur la planète Mercure, astre sans rotation qui présente toujours la même face au Soleil.

On y notera une référence à la pièce (subversive) d'Aristophane "Lysistrata", dans laquelle les femmes, pour mettre fin à la guerre où les hommes les entraînent toutes et tous, décident de faire la grève de l'amour.

L'amour interespèces restera de l'amour, mais encore faut-il veiller à partager les même valeurs morales.. Le dossier Vénus joue sur divers modes narratifs bien élaborés par Richard Wilson, bien que simples.

Côté "Chroniques", on notera l'apparition de "Aux frontières du possible", ensemble de faits divers compilés à l'origine par Pierre Versins. On peut avoir l'impression que Fiction fait un pas vers le lectorat (supposé) de Galaxie, avec ses incartades sur les Soucoupes Volantes, quand dans un mouvement similaire Galaxie s'approche du lectorat de Fiction en proposant une rubrique des parutions (dans son numéro 55 de juin 1958, qui publiait aussi Richard Wilson et Gordon R. Dickson au même sommaire). Je t'aime, moi non plus.

07 février, 2024

Fiction n°058 – Septembre 1958

Beaucoup de nouveaux auteurs pour ce numéro 58, le seul à faire coïncider son année de parution et sa numérotation. Plus sérieusement, on appréciera de (re)découvrir des récits - restés inédits depuis - de Shirley Jackson ou de C.S. Lewis, et un très bon article de Jacques Sternberg.

Cap sur le clic droit !

 

Sommaire du Numéro 58 :


NOUVELLES


1 - Robert A. HEINLEIN, Oiseau de passage (The Menace from Earth, 1957), pages 3 à 27, nouvelle, trad. Roger DURAND

2 - C. S. LEWIS, Le Contingent de secours (Ministering Angels, 1958), pages 28 à 37, nouvelle, trad. Roger DURAND *

3 - Joan VATSEK, Le Rival (The duel, 1958), pages 38 à 51, nouvelle, trad. Roger DURAND *

4 - Marcel BATTIN, Un jour comme les autres, pages 52 à 53, nouvelle

5 - Shirley JACKSON, Les Présages (The omen, 1958), pages 54 à 67, nouvelle, trad. Roger DURAND *

6 - Rog PHILLIPS, Plante à tout faire (Love Me, Love My -, 1958), pages 68 à 81, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

7 - Jean-Claude PASSEGAND, L'Amoureux du soleil, pages 82 à 86, nouvelle *

8 - René BARJAVEL, Béni soit l'atome, pages 87 à 98, nouvelle

9 - Robert M. COATES, Les Voix de l'esprit (A parable of love, 1957), pages 99 à 111, nouvelle, trad. Catherine GRÉGOIRE *

10 - Jean-Jacques OLIVIER, La Fin d'un monde, pages 112 à 114, nouvelle *

11 - Poul ANDERSON, Les Arriérés (Backwardness, 1958), pages 115 à 125, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE 

CHRONIQUES


12 - Jacques STERNBERG, Le Monde de demain à l'exposition de Bruxelles, pages 127 à 133, article

13 - COLLECTIF, Le Conseil des spécialistes, pages 134 à 134, critique(s)

14 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX & Gérard KLEIN & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 135 à 141, critique(s)


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Oiseau de passage est une charmante nouvelle au ton très vivant. Robert Heinlein décrit avec intelligence quelques particularités de la vie dans une base lunaire.

Comme le présente la revue, C.S. Lewis répond au problème supposé des hommes laissés sans femmes dans une mission martienne au long cours, dans Le contingent de secours. Si ses arguments sont sensés, il ne faudra pas oublier de considérer les personnages comme de simples représentants d'eux-mêmes et non comme les porte-paroles de leurs genres respectifs. Alors on pourra suivre cette histoire avec humour.

Un brin d'horreur psychologique dans Le rival  et une histoire de revenant tout de même assez classique quoi qu'en disent les rédacteurs de la revue. Ce sera la seule nouvelle publiée dans Fiction pour Joan Vatsek, connue plutôt pour des nouvelles de littérature dite "blanche".

Il y a du Julia Verlanger chez Marcel Battin, auteur nouveau venu surtout connu pour ses traductions. Un jour comme les autres est un récit cruel fait par la "génération 2" post-apocalyptique.

Hormis l'usage des plantes pour renouveler l'oxygène dans un astronef, Plante à tout faire  par Rog Phillips, d'un ton  plus polar que SF, n'apporte pas grand chose de neuf.

L'amoureux du soleil, par le jeune Jean-Claude Passegand, est un joli conte plein de poésie, dans le vrai sens du merveilleux, c'est-à-dire fascinant et effroyable à la fois.

Dans Les Présages, et pour une fois, Shirley Jackson demeure légère et même humoristique - non sans une représentation des mécanismes du monde qui frôlent la sorcellerie. Cette différence de ton explique peut-être que la nouvelle, très bien ficelée au demeurant, n'ait pas été reprise dans les futures anthologies de l'autrice.

On reconnaîtra à René Barjavel le mérite d'avoir su écrire de la véritable science-fiction quand peu de ses contemporains s'y intéressaient, bien qu'il n'échappe pas à certains travers avec ce Béni soit l'atome (imaginer l'avenir uniquement comme une amplification technologique, se figurer une société à la fois stagnante et à la conquête de l'espace, surjouer les cataclysmes humains comme si le sort de l'univers en dépendait...). On pourra lui préférer Pierre Boulle, dans un registre similaire.

En marge, vous pouvez retrouver René Barjavel (sans filtre, ou presque) en 1958, interviewé par Pierre Desgraupes, dans le cadre de l'émission "Lectures pour tous" (09 juillet 1958),  à l'occasion de la réédition de son "Voyageur imprudent" chez Denoël (Présence du futur) : SUR LE SITE de l'INA - ICI

On repensera à "La tentation cosmique" de Roger Sorez à la lecture de Les voix de l'esprit - même avanie du protagoniste principal qui se découvre un "plus" par rapport à ses semblables, même cynisme, même ascension fulgurante dans le monde des affaires, et mêmes déconvenues. Le piège de l'amour ne lui est pas non plus épargné. Un beau récit de Robert M. Coates, quoi qu'il en soit, dont ce sera pour lui aussi la seule incursion dans la revue.

Jean-Jacques Olivier, qu'on a déjà lu, gagne à être concis et le démontre dans La fin d'un monde, qui frise l'absurde et déploie l'ironie.

Les arriérés travaille un cliché de la SF : celui des espèces plus évoluées que la nôtre. Le contexte devient habituel : un Empire galactique est sur le point de faire entrer la Terre dans son conglomérat. Mais ici, Poul Anderson envisage que la supériorité intellectuelle d'une espèce diffère de celle des individus qui la composent, tout comme l'espèce humaine n'est pas constituée que de Newton ou d'Einstein. Bien que tournant un peu court, le propos est intéressant.

Un texte magistral de Jacques Sternberg Le Monde de demain à l'exposition de Bruxelles, qui, en plus d'avoir un regard aiguisé sur les promesses de son époque, nous éclaire d'aphorismes prémonitoires sur ce qui est devenu notre quotidien. Tout est dit pour notre temps ; par exemples :

Comme on le voit, la science-fiction est une littérature placide, mais un sport violent. Que penser des émotions qu'elle nous réserve quand elle ne sera plus fiction ?

Ou encore : 

Inutile de tenter de visiter ce dédale universel en un jour : c'est fatigant et inutile. Le tour du monde en vingt-quatre heures appartient aux avions à réaction, pas aux piétons. Et, dans ce monde ultra moderne du presque XXIe siècle, aucun véhicule ne dépasse la vitesse de 10 km à l'heure. C'est exactement ce qui attend notre siècle si les autos continuent à proliférer comme les lapins.

On notera une petite pique  (?) au passage envers la revue Satellite nouvellement créée, à l'occasion des descriptions du Luna Park et de ses attractions  :

Satellite : Métier (sic) extrêmement spectaculaire, très brutal, destiné aux amateurs de sensations fortes. Les Voitures tournent sur un axe à une vitesse très élevée et se détachent brusquement pour s'engouffrer dans un tunnel. (Comme la revue du même nom, sans doute ?)

Par ailleurs, dans La revue des livres, la critique de Gérard Klein au sujet de la dernière parution de Willy Ley (vulgarisateur scientifique qu'on a pu suivre dans Galaxie)  est fort instructive.


RÊVES D'INGENIEURS. Willy Ley, Marne, collection « Découvertes ».

On sait que Willy Ley est l'un des journalistes scientifiques les plus en vue aux U.S.A. Ses articles dans « Astounding Science Fiction » valent régulièrement à cette sérieuse revue un courrier abondant dans lequel se mêlent félicitations et injures. C'est que Ley s'efforce toujours de décrire les techniques de l'avenir et qu'il n'est rien de plus âpre au monde que les disputes d'ingénieurs à propos de leurs travaux, si ce n'est les colloques scientifiques.

Ces « Rêves d'ingénieurs » s'ouvrent sur un cauchemar : celui de la disparition des sources classiques d'énergie, le charbon et le pétrole. Il nous a semblé que Willy Ley était un peu pessimiste à ce propos, eut égard aux rapports des économistes et des géographes ; mais nous pouvons sans peine admettre son point de départ, à savoir que des réserves, si importantes soient-elles, sont limitées et qu'un beau jour on en verra le bout. 

Et après ? Eh bien, après, il faudra recourir à d'autres sources d'énergie, plus originales celles-là, et selon toute vraisemblance inépuisables, celles que nous offrent les éléments. Willy Ley décrit dans son ouvrage les études et les réalisations qui ont été entreprises et dans certains cas menées à bien afin d'employer l'énergie des volcans, celle du soleil, la puissance de la mer, et celle enfin de l'océan atmosphérique dans lequel nous baignons. Dans l'état actuel des choses, l'énergie des volcans et celle du vent ont été largement exploitées. Le soleil et la mer sont moins bien partagés, mais le stade des expériences est largement dépassé.

On notera que trois au moins de ces mines d'énergie ne font qu'employer de façon détournée l'énergie solaire, la question n'étant pas résolue en ce qui concerne l'énergie géo-thermique.

Un fait significatif sur le plan économique est que les pays qui ont déjà développé ces sources d'énergie sont pauvres en ressources classiques. Il se pourrait bien qu'ils se trouvent ainsi à l'avant-garde du progrès et que leur pauvreté ne se mue finalement en abondance. Ainsi l'Italie, qui domine de mieux en mieux la puissance parfois explosive des volcans. Ainsi la France, qui bien que mieux partagée, gagnerait à économiser son charbon en utilisant les ressources de la mer ou du vent. Peu ou pas de travaux de ce genre aux États-Unis où les ressources classiques, pétrole et charbon, sont, dans l'état actuel des choses, d'un prix de revient moins élevé.

Toujours est-il que les bouleversements politiques et économiques que pourrait apporter la mise en valeur de ces « nouvelles » richesses seraient considérables : le traditionnel déséquilibre entre pays riches et développés, et pays pauvres et sous-développés pourrait se renverser.

On notera pourtant que tous ces travaux sont colossaux et qu'ils exigent des investissements considérables, correspondant bien par là à des rêves d'ingénieurs, désireux de rebâtir la carte du monde, de réédifier la structure des côtes et de transformer la surface aride des déserts en gigantesques cellules photo-électriques. Il est peu douteux, cependant, qu'ils soient menés à bien un jour ou l'autre, tant leur élaboration est aujourd'hui poussée. Par leur immensité même, ces projets appartiennent bien à ce grandiose avenir que nous envisageons tous plus ou moins confusément, et avec plus ou moins de sérénité.

À noter que Willy Ley n'accorde aucune place dans son livre à l'énergie atomique. Sans doute parce qu'on en a déjà beaucoup, et peut-être même trop, parlé. Peut-être aussi parce qu'elle est beaucoup moins rentable qu'on ne l'a dit, et à coup sûr extrêmement délicate à manipuler, sinon dangereuse. Les volcans, le soleil, la mer et la tempête sont de vieux amis, ou de vieux ennemis, de l'homme. Il sait qu'il peut leur faire confiance.

G. K. 

Rapport du PreFeG (Janvier 2024)

  • Relecture 
  • Corrections orthographiques et grammaticales 
  • Vérification du sommaire 
  • Ajout du 4ème de couverture (publicité pour le Rayon Fantastique)
  • Vérification des casses et remise en forme des pages de titre 
  • Note (4) ajoutée. 
  • Vérification et mise à jour des liens internes 
  • Mise au propre et noms des fichiers html 
  • Mise à jour de la Table des matières
  • Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)

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Robert HEINLEIN
C.S.LEWIS

A suivre : Fiction n°059.

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