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Sommaire du Numéro 92 :
NOUVELLES
1 - Poul ANDERSON, Le Peuple du ciel (The Sky People, 1959), pages 3 à 45, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE
2 - Fritz LEIBER, Rythme secret (Rump-Titty-Titty-Tum-TAH-Tee, 1958), pages 46 à 59, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE *
3 - Jean-Claude PASSEGAND, À tombeau ouvert, pages 60 à 73, nouvelle *
4 - Claude-François CHEINISSE, Le Sens de l'Histoire, pages 74 à 78, nouvelle *
5 - Howard FAST, Vision de l'Eden (The Sight of Eden, 1960), pages 79 à 90, nouvelle, trad. François VALORBE
6 - Michel DEMUTH, Projet Information, pages 91 à 113, nouvelle *
7 - Roland TOPOR, Une bonne blague, pages 114 à 118, nouvelle *
CHRONIQUES
8 - Pierre STRINATI, Bandes dessinées et science-fiction. L'âge d'or en France (1934-1940), pages 121 à 125, article
9 - COLLECTIF, Ici, on désintègre !, pages 127 à 136, critique(s)
10 - Demètre IOAKIMIDIS, Notes de lectures, pages 137 à 139, critique(s)
11 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 140 à 143, article
* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.
Avec Le peuple du ciel, dans la traditionnelle veine "ethnographique" de Poul Anderson, et son lot de barbares et de braves, l'auteur privilégie les forces de reconstruction scientifique, reconstituer le savoir quitte à mener les peuples survivants vers une nouvelle apocalypse atomique. Discutable, sans doute, mais pas inepte. L'ensemble se lit agréablement, et l'on notera la nouveauté d'un glossaire en fin de nouvelle, mais qui n'est pas indispensable à sa compréhension.
Dans Rythme secret, Fritz Leiber se moque allègrement et intelligemment de l'art contemporain - de tout art moderne visant à découvrir une forme ultime. Jouissif et malicieux, pour une nouvelle si particulière qu'elle est restée inédite depuis.
" Nostalgie du passé et haine du présent sont-elles une sorte de névrose ? La science-fiction se doit d'autant plus de s'intéresser à ce problème que nombre de ses auteurs cèdent à une telle névrose, en en transposant les données dans un futur qu'ils refusent par avance."
Dans cette introduction à la nouvelle qui suit, nous retrouvons bien la posture d'Alain Dorémieux, qui déplorait le pessimisme latent de la SF - raison pour laquelle il lui préférait sans doute la littérature fantastique. À tombeau ouvert, de Jean-Claude Passegand, déjà remarqué dans les numéros précédents, démarre en trombe par une scène de chauffards de la route qui rappellera inévitablement la nouvelle "Danse macabre" de Richard Matheson parue le mois précédent dans le Fiction spécial n°3. Cependant, Passegand va encore un peu plus loin que cette dernière. en exprimant une pensée construite pour dépasser la tentation réactionnaire du "le monde était mieux avant". En témoigne l'extrait suivant :
Le professeur Levasseur rompit le silence.— « Le bon vieux temps, » dit-il.
Frank fut surpris par cette exclamation.
— « Le bon vieux temps ? »
— « Oui, le bon vieux temps ! Tu ne m'en as aucunement parlé, mais la moindre de tes paroles exprime le regret de ce qui ne peut plus être. Notre époque te paraît stupide, folle, criminelle ; alors, tu essaies de te réfugier dans une époque idéale, qui n'est plus le présent, mais qui n'est pas non plus le passé, puisqu'il s'agit d'un passé idéalisé, donc faux. »
Il tira une bouffée de sa pipe.
« Écoute-moi, Frank, tous les gens dont tu me parles ne symbolisent pas notre époque. Ce sont des inadaptés ; ils réagissent comme ils le peuvent, c'est-à-dire mal, parce qu'ils ne sont aucunement préparés à vivre le présent. »
— « Mais, » protesta Frank, « on ne les prépare pas à vivre dans le présent ; on les laisse réagir de façon stupide ou folle. Aucune éducation politique n'est donnée… mais on laisse les gens se taper dessus par fanatisme. »
— « Frank, qui te dit que les dirigeants sont mieux préparés que les autres à mener une vie réellement adaptée à notre temps ? Ils réagissent de façon mesquine, parce qu'ils sont mesquins ; la vérité est qu'ils ont peur ; ils tiennent à leurs places comme des rats à leur fromage. Ils préfèrent laisser ce fanatisme religieux ou politique se détruire de lui-même plutôt que de le transformer en véritable sens politique… Alors, toute cette formidable énergie, qui pourrait être constructive, se disperse en vaines bagarres, en violences absurdes. Mais cette énergie, cet enthousiasme latent existent… Un jour, ils comprendront, ils deviendront conscients de leur propre force, ils s'éveilleront réellement de leur cauchemar, ils abandonneront leurs jeux puérils, et ce jour-là…»
Dans Le sens de l’histoire, le déjà remarqué Claude-François Cheinisse (avec sa nouvelle "Juliette" in Fiction n°62) surprend et réussit la modernité d'un langage "de demain" mieux que Daniel Drode. L'ambiance d'un fascisme à venir est très empreinte des récentes années 40, forcément, avec ses cartes de rationnement et ses milices, mais on y sent aussi à l'œuvre les rouages de l'abrutissement des masses et la récupération de leur force de travail. On saura y trouver des avertissements malheureusement universels, et comme le dit Umberto Eco, des indices probants pour "reconnaître le fascisme".
On pourra repenser aux derniers chapitres de "La sortie est au fond de l'espace" de Jacques Sternberg, à la lecture de Vision de l'Éden. Mais ici, Howard Fast n'exprime nul piège tendu à l'humanité… Ne suffit que la vision d'un monde accompli dans l'harmonie pour faire se retrousser ses manches à l'humanité.
En 1961, on touche presque à la fin de la Guerre d'Algérie, que Michel Demuth comme beaucoup de jeunes gens de sa génération a faite. Ainsi ne doit on pas oublier, au vu de l'issue par consultation d'opinion publique, que dans ces cas-là l'information confine à la propagande. Les correspondances entre le contexte politique d'alors et la nouvelle Projet information sont à peine voilées. On y traite bien de l'utilisation de la propagande dans les politiques coloniales, tâche rendue d'autant plus aisée ici à l'échelle galactique, où les distances rendent compliquées la vérification des informations diffusées.
Pour terminer, Roland Topor signe Une bonne blague grand guignolesque avec son lot de narrateur suspect, de savant fou et de trivialité. Bien amusant.
Côté chroniques, Pierre Strinati évoque dans "Bandes dessinées et science-fiction" la meilleure qualité des comics d'avant-guerre, mais au final, hormis Flash Gordon d'Alex Raymond et le Tarzan dessiné par Hogarth, rien n'a l'air très convaincant. Ne manquent que les illustrations, mais la BD ne va pas s'inviter tout de suite dans les pages de la revue (ce qui viendra).
On préfèrera de loin les "Notes de lecture" de Demètre Ioakimidis, qui précautionneusement tente de définir la science-fiction. Des années après la tentative de Maurice Renard et la dénomination de "merveilleux scientifique", Ioakimidis cherche surtout comment le champ de la science-fiction est délimité par ceux qui la font. Nous vous proposons la première partie de cet article en guise d'amuse-bouche :
NOTES DE LECTURE.
Il est souvent amusant, et parfois même utile, de chercher à préciser ce dont on parle. Puisque ces notes auront trait à la science-fiction principalement, il vaut la peine de déterminer d'abord ce que désigne ce terme, en confrontant quelque-unes des définitions proposées ; certaines de celles-ci sont dues à des auteurs spécialisés dans le genre.En 1953 parut un livre portant le titre de « Modern science-fiction » ; ce volume réunissait onze essais examinant divers aspects du sujet, et dont chacun était dû à un auteur différent. Il y avait parmi ces auteurs John W. Campbell, jr. le rédacteur en chef d'« Astounding Science Fiction » ; Anthony Boucher, qui, avec Francis J. McComas, dirigeait à l'époque la publication de « The Magazine of Fantasy and Science Fiction » ; ainsi que plusieurs romanciers, dont Arthur C. Clarke, L. Sprague de Camp et Isaac Asimov.Le Bon Docteur Asimov, au commencement de son étude de « La science-fiction sociale », se référait à une définition qu'il avait donnée lui-même, une année plus tôt : il y voyait « le domaine littéraire qui traite de l'influence du progrès scientifique sur les êtres humains ». Il est clair que le space-opera, par exemple, ne satisfait que dans certains cas à cette définition, aussi Isaac Asimov ajoutait-il que celle-ci se rapportait uniquement au sujet de son essai, la science-fiction sociale.L. Sprague de Camp, qui compte parmi les spécialistes les plus érudits de la question – tout en étant lui-même l'auteur de nombreux récits où l'action, l'imagination et l'humour se combinent en un mélange parfois savoureux – plaça, lui aussi, une définition dans son étude : « Tel que je l'emploie, le terme de fiction imaginative comprend le groupe de récits qui, dans la littérature occidentale contemporaine, sont non-réalistes, imaginatifs, fondés sur des suppositions contraires à l'expérience quotidienne, souvent franchement fantastiques, et fréquemment situés dans un cadre éloigné – dans le temps et dans l'espace – de celui de la vie courante. La fiction imaginative peut, à son tour, être divisée en fantastique, lequel comprend les récits fondés sur des hypothèses surnaturelles (esprits, magie, vie après la mort, etc) et science-fiction, cette dernière groupant les récits qui se basent sur des suppositions scientifiques ou pseudoscientifiques (voyages à travers l'espace ou le temps, vies extra-terrestres, télépathie, robots, etc). Il existe des récits qui se classeraient entre ces deux groupes, ou qui combinent des attributs de l'un avec ceux de l'autre ; considéré dans sa totalité, le genre n'a pas de séparation très nette avec certaines œuvres historiques (satires, utopies, etc.) ». À défaut de la brièveté, cette définition possède une incontestable clarté, et elle a l'avantage d'être indépendante du temps : selon les critères de Sprague de Camp, un roman tel que « Vingt mille lieues sous les mers » est de la science-fiction, puisqu'il se fonde sur une hypothèse (la navigation sous-marine) qui était contraire à l'expérience quotidienne au moment où l'ouvrage fut écrit.Dans l'introduction qu'il a écrite pour son recueil de nouvelles « Angels and spaceships », Fredric Brown insiste sur la différence qui sépare le fantastique de la science-fiction : « Le fantastique traite de choses qui ne sont pas et qui ne peuvent pas être. La science-fiction traite de choses qui ne sont pas, mais qui pourront être un jour. La science-fiction se limite à des possibilités compatibles avec la logique. » Il éclaire encore, plus loin, la distinction qu'il fait entre les deux genres : « Cela ne veut pas dire qu'il est impossible d'écrire de la science-fiction sur des loups-garous, des vampires, ou n'importe quel autre personnage relevant du surnaturel : la chose est possible, et elle a été faite. La différence est la suivante : en science-fiction, on essaie d'expliquer que des loups-garous ou des vampires existent réellement, et aussi de dire ce qu'ils sont ; ils sont décrits de telle sorte qu'ils passent du domaine surnaturel à celui de la réalité ; ils sont expliqués de façon à cadrer avec le monde tel que nous le connaissons. En lisant du fantastique, nous mettons notre incrédulité en veilleuse pour accueillir le premier démon venu ; si ce démon apparaît dans un récit de science-fiction, il nous faut une explication de sa nature et de son existence – une explication qui pourrait être véridique. » Une bonne illustration de cette condition est fournie par l'intéressant roman de Jack Williamson « Darker than you think » qui vient d'être publié par Hachette au Rayon Fantastique – dans une traduction qui laisse malheureusement bien à désirer – sous le titre de « Plus noir que vous ne pensez ».Quelques autres définitions méritent d'être au moins mentionnées en passant Dans « Adventures in tomorrow », Kendell Foster Crossen esquisse une histoire de la science-fiction, et en donne une définition simple et concise, mais qui a l'inconvénient de ranger dans le domaine du fantastique les récits à caractère « pseudo-scientifique ». Selon lui, la science-fiction est « une exploration imaginative de tout fait, ou théorie, appartenant au domaine de la connaissance ». Avant de refermer pour aujourd'hui ce dossier terminologique, citons encore Judith Merrill : « L'émerveillement – l'émerveillement pondéré, réfléchi, intentionnel – est à nouveau lâché sur cette terre. Et c'est ce que recouvre la désignation s-f, ce qu'est la science fiction…» Ce n'est sans doute pas là une définition systématique, mais cela pourrait constituer une bonne description…
Rapport du PReFeG (Décembre 2024)
- Relecture
- Corrections orthographiques et grammaticales
- Vérification du sommaire
- Vérification des casses et remise en forme des pages de titre
- Notes (4) et (10) augmentées, notes (7b), (7c) et (8b) ajoutées.
- Vérification et mise à jour des liens internes
- Mise au propre et noms des fichiers html
- Mise à jour de la Table des matières
- Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)
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