14 décembre, 2023

Quand "Fiction" passe à la télévision...

On pourrait avoir l'impression que la revue "Fiction" n'intéresserait qu'une niche de lecteurs, pour la plupart âgés d'une bonne soixantaine d'années, qui reverraient avec nostalgie défiler les grands noms d'une époque où "faire de la SF", où "lire du fantastique", ne relevait que d'un exercice d'imagination.

Nous le voyons, la dureté de notre époque, la rapidité des transformations de nos sociétés, les enjeux multiples qui nous feraient redouter les lendemains, donnent l'impression que les lecteurs d'aujourd'hui, et les auteurs contemporains des littérature de l'imaginaire, s'enfoncent radicalement dans l'évasion, l'échappatoire, la distraction, plutôt qu'enfoncer le clou des spéculations et des anticipations des décennies passées.

Aussi, ces littératures spéculatives des années 50 à 80 seraient d'elles-mêmes condamnées à l'oubli, pour leur capacités toujours présentes à "mettre de l'huile sur le feu".

C'est un peu la posture d'Emmanuel Carrère lorsque - dans la séquence terminale "Droit dans les yeux" de l'émission littéraire "La Grande Librairie" - il conclut son portrait du monde et des dangers qui nous menacent par l'aveu, un peu gêné, qu'il pratique délibérément la politique de l'autruche, ne pouvant se résoudre à n'être ni un "relatif optimiste", ni un "radical pessimiste".

Pour autant, Emmanuel Carrère a été pétri de cette culture fantastique et spéculative qu'entretenait "Fiction". En témoigne cet extrait de l'émission diffusée le 13 décembre 2023 consacrée à l'auteur. On y évoque Lovecraft, Philip K. Dick, et... "Fiction" !


On peut y découvrir la couverture du Fiction n°300, où figure la première nouvelle jamais publié d'Emmanuel Carrère : Victor Frankenstein : carnets inédits. A cette occasion, il était introduit comme suit auprès des lecteurs de Fiction :

« Grand consommateur de littérature fantastique et extrêmement ignorant en matière de science-fiction ». Ainsi se définit Emmanuel Carrère, auteur de ces étonnants « carnets inédits » qui constituent sa première œuvre de fiction jamais publiée. Pourtant, Emmanuel Carrère n'est pas tout à fait un novice en matière d'écriture. Né à Paris le 9 décembre 1957, étudiant en troisième année de « Sciences Po », il est, en effet, un collaborateur régulier de notre inestimable consœur Positif. Pourtant, jusqu'à ce jour, il n'avait encore publié – ni même proposé – aucune nouvelle ni aucun récit. Ce qui est d'autant plus surprenant que le texte que vous allez lire ne manque pas d'ambition tant sur le plan du style que sur celui des idées. Ce qui n'empêche pas son auteur de déclarer : « Il m'a semblé que le sujet, l'évidente facilité qu'il y a à couler un récit autre dans les interstices d'une œuvre connue – et que j'admire sans réserves – ma familiarité, enfin, avec l'univers culturel invoqué (le romantisme anglais et allemand, la philosophie de la nature) faisaient à peu près passer les maladresses de l'exécution. » « Maladresses » ? Voire ! Car il est peu fréquent qu'un récit s'inspirant d'une œuvre (et quelle œuvre !) l'ayant précédé parvienne à être aussi convaincant.

 (in Fiction n°300,  Avril 1979).

2 commentaires:

  1. Voilà une consécration médiatique bien méritée !

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    1. Merci Ludo pour votre commentaire et très bonne année 2024 à vous !

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Merci pour votre commentaire, il sera publié une fois notre responsable revenu du Centaure (il arrive...)

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