On creuse la question de l'optimisme qui nous ferait entrevoir une première rencontre avec une espèce extraterrestre comme profitable pour tous. Avant tout : nous sera-t-il possible de nous comprendre mutuellement ? N'y aura-t-il pas, de part ou d'autre, une tentation dont se défier, celle de la condescendance ou du mépris ? Et s'il y a "profit partagé", ne sera-ce pas au prix de l'intégrité de chacune de ces espèces qui devront peut-être chacune se redéfinir pour permettre une symbiose - seule voie à un entendement mutuel ? Bref, vous l'aurez compris, un numéro fort bien construit, comme le serait une anthologie, malgré un choix de nouvelles d'époques très disparates (entre 1951 et 1963).
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Sommaire du Numéro 8 :
1 - Daniel F. GALOUYE, La Cité des sphères (The City of Force, 1959), pages 2 à 47, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH, illustré par DILLON *
2 - Theodore STURGEON, Tandy et le brownie (Tandy's Story, 1961), pages 48 à 71, nouvelle, trad. Pierre BILLON, illustré par WALKER
3 - William TENN, Les Escargots de Bételgeuse (Betelgeuse Bridge, 1951), pages 72 à 89, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH
4 - Frederik POHL & Jack WILLIAMSON, Les Récifs de l'espace (suite et fin) (The Reefs of Space, 1963), pages 90 à 140, roman, trad. Pierre BILLON, illustré par Ed EMSH
5 - Jack SHARKEY, Une question de protocole (A Matter of Protocol, 1962), pages 142 à 154, nouvelle, trad. Michel DEMUTH, illustré par George SCHELLING *
6 - (non mentionné), Nouvelles des auteurs de ce numéro parus dans l'ancien "Galaxie", pages 156 à 157, bibliographie
7 - (non mentionné), Table des récits parus dans « Galaxie » : mai-décembre 1964, pages 158 à 159, index
* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Dans La cité des sphères, Daniel F. Galouye met à l'épreuve l'optimisme qui pousserait l'humain à tenter de communiquer avec une espèce d'un autre monde sensiblement plus évoluée que lui - tout au moins tellement étrangère qu'elle ne verrait en lui qu'une vermine ou un parasite. On repensera, sur le sujet de l'incommunicabilité, à "Solaris" de Stanislas Lem, mais aussi au récemment paru "Les hommes dans les murs" de William Tenn (in Galaxie n°05). D'ailleurs, à l'instar de ce dernier, Galouye aura poursuivi cette nouvelle (publiée en 1959) dans un roman : "Les seigneurs des sphères", écrit en 1963 et qui paraîtra en 1964 dans la collection Présence du Futur. Cependant, plutôt que de continuer comme Tenn son récit, il en fera un tout autre, plus martial et résolument moins versé sur cet optimisme humaniste que l'on explore ici.

Dans un style qui lui est propre, simple mais terriblement efficace pour construire une relation particulière avec son lecteur, Theodore Sturgeon expose une fable enfantine pour développer l'idée de "profit partagé" propre aux espèces symbiotique. Bien entendu, quand il s'agit des êtres humains, on aurait tendance à grincer des dents et imaginer beaucoup d'optimisme béat, encore une fois, dans cette affaire. Mais Sturgeon nous séduit par la joie qui anime Tandy et le brownnie.

" Les couvertures des magazines montrant des vierges tout ce qu’il y a de nubile menacées en trois couleurs par une collection de monstruosités diverses et variées, les films d’horreur, les histoires d’invasion de la Terre par des êtres surgis de l’espace, les épouvantails dont les bandes dessinées faisaient leurs choux gras – il fallait que j’extirpe tout cela, que je comble les profondes ornières psychologiques creusées au cours des années. Sans compter les frissons suscités par la seule mention des « vers géants », la méfiance automatique provoquée par les « étrangers », la peur superstitieuse que l’on éprouve devant des créatures que ne sauraient visiblement habiter une âme. "
C'est à partir de ce constat d'une science-fiction finalement xénophobe (qui viendrait jusque dans nos bras égorger nos filles et nos compagnes, comme dirait l'autre) que Tenn imagine, en 1951, qu'une ambassade extraterrestre, Les escargots de Betelgeuse, vient à nous rendre visite. C'est donc encore l'histoire d'un premier contact avec une race extraterrestre, ici technologiquement plus avancée que nous - comme on s'y attendrait dans la mesure où ce sont eux les visiteurs et qu'ils arrivent de Betelgeuse. Une espèce plus avancée, donc, et qu'il faut apprendre à accueillir - occasion pour Tenn de décrire par le menu une campagne d'opinion à l'échelle planétaire. On se souviendra de "Comment servir l'homme" de Damon Knight (in Galaxie 1ère série n°1) ; ici aussi, l'obséquiosité des visiteurs restera à prendre avec des pinces... à escargots !

Pour cette littérature d'évasion, Frederik Pohl et Jack Williamson se hâtent un peu de dénouer les fils des multiples intrigues pour ouvrir le champ de leur récit à un avenir possible. Du suspens, l'inévitable moment où tout semble perdu, Les récifs de l'espace ne sont finalement entrevus que depuis un modèle réduit, et la résolution manque peut-être un peu de la subversion qu'on apprécie pourtant généralement chez Pohl.

Comme l'indique la rédaction à la fin de la nouvelle suivante, on y retrouve le personnage de "L'univers intérieur", le lieutenant Jerry Norcriss, zoologiste spatial (on dirait de nos jours "xénobiologiste".) Quand Jerry Norcriss se pose avec son équipe sur la planète Viride, il ignore agir déjà sur le protocole symbiotique de reproduction des espèces. Car observer, c'est déjà agir. Jack Sharkey imagine l'impensable mélange des règnes animaux et végétaux dans Une question de procole, bonne et courte nouvelle, et qui d'une certaine manière annonce celle de Jack Vance que Galaxie publiera deux mois plus tard ("Le prince des étoiles").