Pour fêter cette nouvelle année 2023 (l’ancienne année 2023 ayant été reléguée au rang des avenirs parallèles…), le PReFeG vous propose de découvrir un ouvrage paru en 1956 parmi les tous premiers titres (n°12) de la célèbre et prestigieuse collection « Présence du futur », aux éditions Denoël : « Ombres sur le Soleil », par Chad Oliver, et traduit par Claude Elsen (le traducteur de Matheson chez Denoël). Nous tenons aussi à préciser que le scan d’origine et la numérisation a été assurée par « Purple Ed », dont nous tenons à saluer l’excellent travail.
Le quatrième de couverture de l’(unique) édition de 1956 :
Jefferson Springs (Texas) : 6.000 habitants, une grande-rue calme, une école, un cinéma, un café, un hebdomadaire consacré surtout aux nouvelles locales : en somme, la petite — ville — américaine — type. C'est pourquoi Paul Ellery, jeune anthropologue, qui veut étudier les caractères de la communauté moyenne, l'a choisie. Après avoir appliqué les méthodes scientifiques apprises à l'Université, il constate qu'il a découvert une sorte d'exemple parfait — trop parfait...
Aucun des habitants n'est fixé dans le pays depuis plus de quinze ans. En province, les gens sont généralement paisibles, mais ici, après neuf heures du soir, jamais une fenêtre illuminée ; seule filtre, à travers les volets clos de certaines maisons, une étrange lumière bleuâtre. De temps à autre aussi, il semble que la population entière se déplace vers un lointain endroit.
Esprit scientifique, Paul Ellery essaye d'analyser son trouble, il essaye de comprendre, de savoir... Mais les découvertes qu'il fait dépassent son imagination. La rencontre avec la séduisante Cynthia ajoute au mirage. Qui l'emportera, elle ou la sage Anne, la fiancée de Paul ? Et qu'est-ce que Jefferson Springs pour le jeune savant : une simple étape ou le début d'un voyage dans un monde inconnu ?
Un roman de « science-fiction » où l'humour et la psychologie ont une large place.
Chad Oliver, anthropologue de formation, figure parmi les auteurs peu diffusé en France, et qui aurait sans doute mérité une plus grande notoriété, du fait principalement de sa justesse de ton et du caractère adulte de ses considérations. Outre une vingtaine de nouvelles (la plupart parues dans Fiction), deux de ses romans seulement ont été traduits en France, « Ombres sur le Soleil », donc, et « Les vents du temps » (1957, VF 1978, dans la série Galaxie Bis).
« Ombres sur le Soleil » est un très bon roman non seulement sur le développement de quelques grands thèmes de la S.F., mais aussi en ce qui concerne l’humanité, la défense d’une paix durable et la lutte contre les hypocrisies des politiques coloniales qui agissent sous couvert d’être « civilisatrices ».
Il a été question d’Ombres sur le Soleil dans la Revue des livres du n°30 de Fiction, mais aussi de Chad Oliver dans d’autres numéros de Fiction. Voyons ainsi, par exemple :
En moins de cinq ans, Chad Oliver est devenu un des plus originaux créateurs de S.F. et de fantastique aux États-Unis. La principale raison de son succès a été son refus d’écrire des récits qui fussent la réplique de ses précédents, son dédain pour les veines à exploiter, son éclectisme soigneusement préservé. Aucune des histoires d’Oliver ne ressemble à n’importe laquelle des autres ! (Fiction n°23)
En présentant dans notre numéro 23 « Les habitants de la ville jouet », nous souhaitions principalement voir paraître en France le roman de Chad Oliver « Shadows in the sun ». C'est maintenant chose faite, puisqu'il vient de sortir à « Présence du Futur » sous le titre « Ombres sur le soleil ». Nous sommes heureux de cette consécration d'un auteur que nous avons révélé et que nous continuerons à « suivre » dans l'avenir.
Nous vous avons déjà dit que les histoires de Chad Oliver provenaient de veines délibérément diverses. Après une aventure interplanétaire satirique (« Le conseiller technique », n° 15) et une insolite évocation fantastique (« Les habitants de la ville jouet », n°23), il nous donne avec « L'objet » un récit réaliste à l'ambiance troublante.
Chose curieuse, la SF a négligé en général un des plus passionnants aspects de la science en elle-même : le pur frisson, aussi bien intellectuel qu'émotionnel, de la recherche – la lente découverte de la vérité, plus fertile à la longue en tension que les plus vastes mystères de la galaxie. Chad Oliver, dont l'originalité est d'avoir, le premier, apporté à la SF le point de vue de l'anthropologue ou de l'archéologue (voir notamment son roman), a choisi d'illustrer cet aspect à la lumière de ses disciplines favorites. (Fiction n°29)
Je vous recommande également« Ombres sur le soleil » (Shadows in the sun), de Chad Oliver (Ed. Denoël), antithèse exacte de l’œuvre d’Asimov – non pour cette raison (en fait je suis totalement en désaccord avec l’auteur sur sa conclusion), mais parce que c’est également un ouvrage intéressant, remarquablement pensé, bâti et écrit. L’action se déroule dans une petite ville du Texas, Jefferson Springs, où un jeune anthropologue, Paul Ellery, est venu étudier les mœurs des autochtones. Au bout de quelques semaines, il s’aperçoit avec étonnement qu’aucun des 6.000 habitants n’est fixé dans la localité depuis plus de quinze ans. En outre, il est témoin de certains phénomènes pour le moins curieux – descentes de mystérieuses sphères dans les fermes voisines, étrange lumière bleue à certaines fenêtres. La population de Jefferson Springs est-elle composée d’hommes normaux ? Sont-ce, au contraire, des êtres venus d’une autre planète ? Ellery percera le mystère et aura l’occasion de faire un choix capital. Je ne vous révélerai ni l’un ni l’autre, me contentant de réaffirmer que la réaction du héros d’Oliver, bien que susceptible d’être approuvée par un grand nombre de gens, ne l’a guère été par votre serviteur. (Revue des livres – Fiction n°30)
Pour vous permettre de juger plus avant des qualités de ce roman, nous vous en proposons cet extrait :
« LES jours s’écoulaient rapidement. Ce fut bientôt le 31 décembre. À minuit, une nouvelle année commencerait sur la Terre. À une heure du matin, l’astronef du Centre prendrait son vol – et, à son bord, il y avait une place prévue pour Paul Ellery…
Tout ce qu’il avait à faire, c’était de monter dans le navire de l’Espace. De dire adieu à la Terre.
Il regarda dehors par la fenêtre de sa cuisine. C’était un jour gris et maussade. Le soleil était pâle et lointain. Une bise aigre soufflait.
Dire adieu à la Terre…
Cela serait-il vraiment si difficile ? Bien sûr, il était toujours pénible de s’en aller – pénible, mais non impossible. Il suffisait de penser à la hideuse fleur d’hydrogène, prête à fleurir sur chaque colline, et à d’autres floraisons du même genre : celle du cobalt aux feuilles grises, celle de la modeste plante du gaz paralysant… Ellery avait vu la guerre de près. Il était né dans un siècle belliqueux. L’odeur puante de la guerre était familière à ses narines. Hiroshima et Nagasaki avaient inauguré une nouvelle technologie, rendant désuètes les anciennes méthodes guerrières, et les trous creusés par la bombe H dans cet océan si curieusement appelé « Pacifique » avaient parachevé la leçon. La Terre devait réviser sa notion de la civilisation, et elle le ferait. Mais le ferait-elle à temps ?
Il avait si souvent entendu des voix qui disaient : « Bombardons ces salauds tant que nous avons la chance d’être plus fort qu’eux… Il faut frapper les premiers pour ne pas être frappés… Peut-être sauterons-nous, mais ils sauteront avec nous… »
La guerre n’était pas une solution. C’était une forme de suicide. Mais les gens ne le savaient pas. Leurs réactions n’avaient pas changé. Personne ne leur avait dit que tout le reste avait changé, depuis vingt ans. Personne.
Et que leur dire, d’ailleurs ? Ils n’avaient pas confiance. Ils ne croyaient plus à la bonne foi. Ils avaient appris le cynisme à une rude école. Ils ne savaient pas non plus ce qu’était vraiment la science : une méthodologie. Ils ne voyaient en elle que des machines, des autos, des appareils de télévision, et des bombes. Et comment en eût-il été autrement ? Les savants ne se souciaient guère de les éclairer.
Les savants étaient « humains », eux aussi. Ce n’étaient pas seulement des savants. Ils s’appelaient Frank, Sam, Heinrich ou Luigi. Ils n’étaient jamais d’accord sur rien et y mettaient leur point d’honneur. Ils discuteraient toujours leurs opinions respectives le jour où le monde sauterait.
Il y avait les hommes, les femmes et les enfants. Chacun avait ses problèmes propres, ses rêves, ses craintes. Chacun estimait avoir raison. Chacun s’agitait, travaillait, courait en tout sens. Des fourmis dans une fourmilière, ignorant le baquet d’eau bouillante suspendu au-dessus de leur tête… »
· Autres ouvrages de Chad OLIVER
o Les Vents du temps (roman, science-fiction) The Winds of Time, 1957, OPTA, Galaxie Bis n°61, 1979 / J’ai Lu Science-Fiction n°116, 1980, réédition en 1992.
· Nouvelles de Chad OLIVER parues dans Fiction
o Le Conseiller technique (Nouvelle, The Magazine of Fantasy and Science Fiction, février 1953) Technical Advisor, 1953
o Les Habitants de la ville jouet (Nouvelle, The Magazine of Fantasy and Science Fiction, novembre 1954) Transformer, 1954
in Fiction n° 23, OPTA 10/1955
in Fiction spécial n° 23 : Futurs d'Antan, OPTA 11/1974
o L'Objet (Nouvelle, The Magazine of Fantasy and Science Fiction, juin 1955) Artifact, 1955
o Claude à travers le temps (avec Charles BEAUMONT) (Nouvelle, The Magazine of Fantasy and Science Fiction, avril 1955) The Last Word, 1955
in Fiction n° 33, OPTA 8/1956
o Claude l'invincible (avec Charles BEAUMONT) (Nouvelle, The Magazine of Fantasy and Science Fiction, février 1956) I, Claude, 1956
in Fiction n° 34, OPTA 9/1956
o Le Vent du nord (Nouvelle, The Magazine of Fantasy and Science Fiction, mars 1956) North Wind, 1956
in Fiction n° 36, OPTA 11/1956
o Départ en beauté (Nouvelle, The Magazine of Fantasy and Science Fiction, avril 1957) Didn't He Ramble, 1957
in Fiction n° 56, OPTA 7/1958
o Paternité (Nouvelle, The Magazine of Fantasy and Science Fiction, septembre 1957) Rewrite Man, 1957
in Fiction n° 61, OPTA 12/1958
o Culbute dans le temps (Nouvelle, The Magazine of Fantasy and Science Fiction, février 1958) Pilgrimage, 1958
in Fiction n° 65, OPTA 4/1959
o Le Vent souffle où il veut (Nouvelle, The Magazine of Fantasy and Science Fiction, juillet 1957) The Wind Blows Free, 1957
in Fiction n° 68, OPTA 7/1959
o Entre le tonnerre et le soleil (Nouvelle, The Magazine of Fantasy and Science Fiction, mai 1957) Between the Thunder and the Sun, 1957
in Fiction n° 94, OPTA 9/1961
o La Fin du voyage (Nouvelle, The Magazine of Fantasy and Science Fiction, janvier 1965) End of the Line, 1965
in Fiction n° 140, OPTA 7/1965
o L'Esprit gardien (Nouvelle, The Magazine of Fantasy and Science Fiction, avril 1958) Guardian Spirit, 1958
in Fiction n° 143, OPTA 10/1965
o Corps de rechange (Nouvelle, The Magazine of Fantasy and Science Fiction, août 1965) A Stick for Harry Eddington, 1965
in Fiction n° 150, OPTA 5/1966
o Rite de passage (Nouvelle, Astounding Science Fiction, avril 1954) Rite of passage, 1954
in Fiction n° 193, OPTA 1/1970
o Une maison pour vivre (Nouvelle, Universe Science Fiction, mars 1954) Let Me Live in a House, 1954
in Fiction spécial n° 16 : Grands classiques de la science-fiction (1ère série), OPTA 4/1970
o Méthode scientifique (Nouvelle, Science-Fiction Plus, août 1953) Scientific Method, 1953
in Fiction n° 212, OPTA 8/1971
o Bien sûr (Nouvelle, Astounding Science Fiction, mai 1954) Of Course, 1954
in Fiction n° 292, OPTA 7/1978
merci pour tout et excellente année !!!
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