Le PReFeG: Fiction n°034 – Septembre 1956

01 mars, 2023

Fiction n°034 – Septembre 1956

« Écoutez, écoutez ! Ce serait formidable ! Il y en a pour tous les goûts, à la télévision. Du sport pour Papa, Steve et moi. Des pièces et des émissions publiques pour vous, les femmes. Des émissions de danse et de mode aussi. Des émissions de variété pour tout le monde. Des émissions sérieuses pour Ernest. Et puis vous pourriez inviter vos amis à venir regarder. » ("Le fantôme à la télévision" - J.B. Priestley).

Voilà un formidable éloge du petit écran, et un aperçu du "progrès" qu'il devait représenter pour les citoyens des années '50... Nous n'avons pas évolué depuis avec nos "plateformes de streaming", sinon que le divertissement s'est fait de moins en moins partagé et de plus en plus "individué" (encore que...). Mais, à propos d'en avoir pour tous les goûts, ne peut-on au final pas en dire autant des livres ?

Attention mademoiselle ! Le cliqueur fou est derrière vous !

Sommaire du Numéro 34 :

NOUVELLES

1 - John Boynton PRIESTLEY, Le Fantôme à la télévision (Uncle Phil on TV, 1953), pages 3 à 19, nouvelle, trad. Jean ROSENTHAL

2 - Idris SEABRIGHT, Les Questions (Asking, 1955), pages 20 à 25, nouvelle, trad. Roger DURAND

3 - Yves DERMÈZE, Conférence à quatre, pages 26 à 28, nouvelle

4 - Charles BEAUMONT & Chad OLIVER, Claude l'invincible (I, Claude, 1956), pages 29 à 44, nouvelle, trad. Richard CHOMET

5 - Yves BAILLY, Les Maîtres, pages 45 à 55, nouvelle

6 - Philip José FARMER, La Planète du dieu (Father, 1955), pages 56 à 85, nouvelle, trad. Bruno MARTIN

7 - Gladys B. STERN, Le Rêve au fond d'un verre (Gemini, 1955), pages 86 à 98, nouvelle, trad. Roger DURAND

8 - Alfred Elton VAN VOGT, Bucolique (Process, 1950), pages 99 à 105, nouvelle, trad. Richard CHOMET

CHRONIQUES

9 - Mark STARR (pseudonyme de Gérard Klein), A. E. Van Vogt ou la démence rationalisée, pages 106 à 111, article

10 - Jacques BERGIER & Alain DORÉMIEUX & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 112 à 116, critique(s)

11 - (non mentionné), Service Bibliographique étranger, pages 117 à 118, article

12 - F. HODA, Fantastique et animation, pages 119 à 121, article

13 - Jean-Jacques BRIDENNE, Actualité de Villiers, pages 122 à 123, article

14 - Alain DORÉMIEUX, Éditions de Luxe, pages 124 à 124, article

15 - Jean Louis BOUQUET, Un précurseur : Léon Groc, pages 125 à 127, article

Le fantôme à la télévision, par le scénariste et homme de télévision (entre autres) John Boynton Priestley, est une intéressante étude de mœurs, surtout concernant l'entrée des postes de télévision dans les foyers et les changements d'habitudes qui en découlent.

On retrouve Idris Seabright avec Les questions, un récit dialogué sur ce que c'est qu'être maintenu dans l'ignorance... Jusqu'à l'ignorance de soi-même.

Dans Conférence à quatre, Yves Dermèze compose une petite histoire sur la sempiternelle vanité de l'industrie du divertissement.

Suite de Claude à travers le temps, Claude l'invincible poursuit son travail parodique bourré de références à la science-fiction. On aurait pu s'en réjouir, pourtant, à trop parodier, les auteurs Charles Beaumont et Chad Oliver perdent le fil de leur première partie, comme s'ils se hâtaient de tout passer en revue.

On en retiendra tout de même, pour les "lovecraftomaniaques", ce petit passage :

Il s'approcha d'un homme maigre, au visage en lame de couteau qui engloutissait une portion d'ice-cream.

— « Je pense…»

Mr. Lovecraft eut un sourire énigmatique.

— « Il est bien exact, » dit-il à Claude, « que j'ai tué d'une balle dans la tête mon meilleur ami, durant cette nuit d'horreur indescriptible, à la suite d'une rencontre avec un monstre sans âge mi-squameux mi-visqueux, abominable créature ichoreuse qui…»

Les maîtres, de Yves Bailly, propose un bel éloge de l'art de la prestidigitation... Et une histoire de diablerie.

Après le Diable, voilà le dieu ; de beaux moments de "religion-fiction", si l'on doit user de nouveautés pour cette belle novella de Philip José Farmer : La planète du dieu (suite et fin du numéro précédent).

Paroles d'ivrogne... Et une originale histoire d'envoûtement dans Le rêve au fond d'un verre, par Gladys B. Stern, peu connue de notre côté de la Manche.

Bucolique signe l'entrée de Alfred Eton Van Vogt dans les pages de Fiction, en un intéressant décalage de point de vue. L'auteur figure parmi les grands noms de la science-fiction de cette époque, et fut même l'un des premiers traduits en France avec Le monde des /A (traduction de Boris Vian !). Un article de fond sur l'auteur nous propose d'en approfondir notre connaissance :A. E. Van Vogt ou la démence rationalisée, signé par le mystérieux Mark Starr qui n'est autre que... Gérard Klein (qui s'y colle encore, après son article sur Ray Bradbury).

Citons-en ce petit passage, qui vaut par son appel sémantique :

(...) cet univers n'a pas intellectuellement de sens. Il n'appartient pas au monde de l'Utopie, mais bien, selon le mot d'un critique américain, à celui de la Futopie, ce monde étonnant qui commence demain. Sa seule signification est, en quelque sorte, artistique. Il vaut par lui-même et pour lui-même.

Le terme "Futopie" (dont nous n'avons pas retrouvé l'occurrence première) n'a pas pris. Et en effet, "ce monde étonnant qui commence demain" n'est-il pas tout entier S.F. ? Les années 60 nous prouverons que cela n'est pas si simple...

Léon GROC

Ce numéro 34 se clôt par un autre article de fond sur un auteur, article ici non pas motivé par l'actualité d'une publication mais, malheureusement, par un décès : Un précurseur : Léon Groc, signé (excusez du peu) Jean-Louis Bouquet. Le même mois, dans son propre numéro 34, Galaxie présentera aussi son petit hommage à Léon Groc - dont on aura pu lire un inédit, "Le suprême exode" dans le numéro 27 de Galaxie du mois de février de la même année. A présent relégué au Musée des "Chasseurs de chimères" (pour reprendre l'expression de l'anthologie de Serge Lehman sur les précurseurs de la science-fiction en France), et bien qu'ayant vieilli dans le cadre de ses propos, la verve de Groc demeure cependant bien agréable à lire de nos jours. Nous y reviendrons...

Une remarque de Bouquet, toutefois, dénote un sentiment qu'on aurait pu mésestimer :

"La littérature de science-fiction ne peut manquer d'inspirer des émules du regretté Régis Messac qui, bientôt peut-être, nous feront l'historique de la formation du genre. Ils devront réserver une place de choix, parmi les précurseurs, à Léon Groc, récemment disparu."

Nous voilà bien en présence d'un manque : l'historique du genre, accompagnant le constat que ce genre est plus vieux que son appellation "science-fiction". On repensera au "merveilleux scientifique" théorisé par Maurice Renard dès les débuts du XXème Siècle. Les essais sur le sujet tarderont peut-être à venir, mais le futur, n'est-ce pas, survient toujours.

Rapport du PreFeG (Février 2023)

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