01 juin, 2022

Fiction n°015 – Février 1955

Très bonne deuxième partie du feuilleton de J. T. McIntosh, "Une chance sur mille". McIntosh désenchante les voyages spatiaux idéalisés dans les space-operas des décennies précédentes, et l'on apprécie toujours son très bon rendu psychologique.


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A propos de la nouvelle et son auteur, Fiction déclare : "C’est la simple chronique de l’existence d’hommes et de femmes ordinaires (avec parmi eux deux enfants), vivant les uns sur les autres, incapables même de s’aimer en privé, luttant contre la lassitude, le désespoir et les accès de révolte de leurs compagnons respectifs, remplis du regret de leur patrie perdue et obligés de faire face à un futur impossible à deviner. L’art d’écrivain de l’auteur s’y confirme avec éclat. C’est H. G. Wells qui voulait voir dans le récit de « science-fiction » un seul postulat fantastique au départ, et ensuite des êtres de tous les jours, réagissant comme chacun de nous l’aurait fait. Les récits de J. T. MacIntosh sont la parfaite illustration de cette règle." On ne saurait mieux dire, pour notre part.

Les histoires qui complètent ce numéro 15 de Fiction nous offre une petite collection de porte-bonheurs ou de porte-malheurs, notamment avec "Un fameux cordon-bleu" par L. SPRAGUE DE CAMP et FLETCHER PRATT, histoire que l'on pourrait classer dans la série "un malheureux bienfait". "1 dollar 98" par ARTHUR PORGES, nous propose sur un ton léger inattendu pour cet auteur une autre histoire de souhaits... et de leurs prix ; et puisqu'un malheur n'arrive jamais seul, nous pourrons poursuivre notre collection avec une parodie de nouvelle fantastique ou policière, "Ça, c'est du billard" par le prolifique RICHARD SALE (surnommé "le Dumas du pulp" !) ; enfin "L'arbre qui trembla" par CLAUDE FARRÈRE, une bonne nouvelle dans la série " Ici est mort mystérieusement...", mais complètement "divulgachée" par son malheureux titre (comme c'est le cas pour "L'octopus" par Y. F. J. LONG).

On sacrifie à la mode des soucoupes volantes avec "Pigeons volent…" par GILLES-MAURICE DUMOULIN, mais ses Grégariens à la sauce persane n'en présentent pas moins une bonne resucée.

Pour finir, " Le vieil homme et les poissons" par LESLIE CHARTERIS (l'auteur de la série "Le Saint") rappellera "Ceux des profondeurs" de James Wade à tous les lovecraftomaniaques.

On découvre avec ce numéro 15 l'humour sarcastique de CHAD OLIVER, anthropologue de formation, avec "Le conseiller technique". A propos de cette nouvelle , la rédaction écrit : "À noter que le postulat sur lequel Chad Oliver a basé son récit (le voyage dans la Lune financé par une compagnie de films) est en partie basé sur la réalité. Ce fut en effet grâce aux fonds fournis par le film « La femme dans la Lune » que la Société Interplanétaire allemande a pu commencer les études qui ont conduit à la V2 et de là à l’astronef." Un bel aveu que nous délivre au passage la Société du spectacle, n'est-ce pas ?


Sommaire du Numéro 15 :

NOUVELLES

1 - J. T. McINTOSH, Une chance sur mille (One in a Thousand, 1954), pages 3 à 54, nouvelle, trad. (non mentionné)

2 - Claude FARRÈRE, L'Arbre qui trembla, pages 55 à 59, nouvelle

3 - Richard SALE, Ça, c'est du billard ! (The old oaken eight-ball, 1953), pages 60 à 74, nouvelle, trad. (non mentionné)

4 - Gilles-Maurice DUMOULIN, Pigeons volent..., pages 75 à 77, nouvelle

5 - Lyon Sprague DE CAMP & Fletcher PRATT, Un fameux cordon-bleu (The Green Thumb, 1953), pages 78 à 85, nouvelle, trad. (non mentionné)

6 - Leslie CHARTERIS, Le Vieil homme et les poissons (Fish story, 1954), pages 86 à 96, nouvelle, trad. (non mentionné)

7 - Y. F. J. LONG, L'Octopus, pages 97 à 98, nouvelle

8 - Chad OLIVER, Le Conseiller technique (Technical Advisor, 1953), pages 99 à 109, nouvelle, trad. (non mentionné)

9 - Arthur PORGES, 1 dollar 98 ($1.98, 1955), pages 110 à 114, nouvelle, trad. (non mentionné)

CHRONIQUES

10 - Jacques BERGIER, Igor B. MASLOWSKI & Alain DORéMIEUX, Ici, on désintègre !, pages 115 à 121, critique(s)

11 - F. HODA, Des monstres attaquent la ville..., pages 125 à 126, article

 

Rapport du PreFeG :

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  • Mise en gras des titres in "Revue des livres"
  • Vérification et mise à jour des liens internes
  • Mise à jour de la Table des matières
  • Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)

Le phénomène Lovecraft.

Dès la parution du second recueil de Lovecraft dans la collection "Présence du Futur", "Dans l'abîme du temps", une myriade d'articles a fleuri dans la presse française. Nous vous proposons, puisqu'il ne vous aura pas échappé qu'au PReFeG nous apprécions tout particulièrement le dit "reclus de Providence", quelques extraits d'un article de Claude Ernoult paru dans le n°21 (Novembre 1954) de la revue "Les lettres nouvelles", article dont nous n'avons malheureusement pas retrouvé l'intégralité, mais que ce numéro de Fiction nous propose en préambule.

À travers la presse.

Le numéro de novembre de la revue littéraire « Les Lettres Nouvelles » a été consacré en grande partie à la rubrique « Terreur et fantastique ». On y relevait une étude extrêmement intéressante de Paul Benichou sur « Le monde et l’esprit chez Jorge Luis Borges », consacrée aux plus récentes œuvres de l’auteur de « Fictions » et « Labyrinthes », inédites pour la plupart en France. Et, de Claude Ernoult, le premier article d’exégèse sur Lovecraft paru dans notre pays : « Lovecraft ou le mythe en révolution ». Sous la même rubrique, la revue présentait également quelques textes. Mais regrettons qu’elle n’ait rien trouvé de mieux à nous offrir, outre une partie de « La maison de la sorcière » (histoire déjà connue de Lovecraft), qu’une allégorie fumeuse de Jean-Charles Pichon et un pseudo-suspense décevant de l’écrivain italien Dino Buzzati.

Nous publions quelques extraits de l’article de Claude Ernoult :

Le génie de Lovecraft est d’avoir su conjuguer la matérialité et l’immatérialité. Ses sources d’épouvante sont aussi bien extérieures qu’intérieures. Non pas à tour de rôle, mais en même temps. Il a tenu cette gageure de nous imposer un fantastique à la fois nouveau, inconnu et néanmoins profondément présent dans notre conscience la plus ancienne. C’est par un judicieux dosage de la science et du mythe qu’il y est parvenu, et par la merveilleuse incertitude où il nous tient des frontières qui les séparent.

[…] Lovecraft a choisi de nous effrayer avec des sorcières et des monstres. Il a décidé de nous replonger dans notre enfance, dans les formes les plus primitives de notre mentalité. Il nous a attaqués là où nous sommes les mieux protégés, car, au fond, les plus vulnérables. Sur ce terrain, nous avions édifié une défense si solide que nous ne pensions pas qu’elle pourrait jamais être battue en brèche. Nous n’avions pas prévu qu’une arme nouvelle pourrait à nouveau forcer le passage aux monstres. Cette arme nouvelle, Lovecraft l’a forgée.

C’est ici qu’intervient le rôle de la science. Car Lovecraft est bien un auteur de fiction scientifique. Puisque nous prétendons n’être plus frappés que par les vérités de la science, qu’à cela ne tienne, Lovecraft effacera les barrières qui séparent celle-ci du mythe qui l’envahira toute. Dès lors, sorcières et monstres deviendront pour nous vérités irrécusables, les classifications ordinaires de notre esprit qui nous protègent de l’inconnu seront ébranlées et la terreur pourra prendre une place que plus rien ne défend.

Ses nouvelles baignent dès le départ dans le mythe. Mythes traditionnels de sorcellerie, de démonologie, mais plus souvent mythes originaux dus à l’imagination de Lovecraft, où il s’est complu à associer tout ce qui, par le mystère et l’ombre, peut suggérer l’abjection.

[…] C’est alors que la science entre en jeu comme élément de choc qui, de virtuelle, rendra la réalité des mythes possible, puis certaine. Qu’il prenne appui sur l’hypothèse d’une quatrième dimension de l’espace, sur celle d’une évolution biologique marine parallèle à l’évolution des espèces terrestres ou sur celles des relations interplanétaires, Lovecraft fait alors appel aux mythes qui nous sont propres, à ceux auxquels nous croyons et qui découlent des progrès géants de notre connaissance. Du même coup, les autres mythes, anciens et refoulés, envahissent les nouveaux et leur empruntent leur qualité essentielle qui est la crédibilité. Les monstres redeviennent possibles, proches de nous et menaçants. L’épouvante ancienne réapparaît avec plus de force d’avoir été contenue, et le tour est joué.

*

Une courte note pour finir, toutefois assez édifiante sur ce que l'on savait, ce que l'on disait, et ce que l'on cachait de l'atome en 1955...

Les dangers de l’énergie atomique.

M. Charles-Noël Martin, attaché de recherches à l’Institut Poincaré, a fait récemment à l’Académie des Sciences une communication sur les dangers de l’énergie atomique dont on a beaucoup parlé dans la presse.

Nous croyons savoir que M. Charles-Noël Martin prépare actuellement un livre de vulgarisation sur cette importante question. Il est vraisemblable que ce livre connaîtra un vif succès d’intérêt auprès du public que ce problème passionne. M. Charles-Noël Martin est un grand amateur de « science-fiction » et faisait partie du jury du Grand Prix du Roman d’Anticipation Scientifique qui fut décerné en octobre dernier.

Il est à noter que, dans plusieurs nouvelles publiées ici même (par exemple : « Avis aux Forcenés », « Sans Éclat », etc.), ces mêmes dangers de l’énergie atomique ont été exposés sous une forme romanesque.

Nous noterons au passage que ce "pessimisme atomique" a été l'une des critiques le plus souvent faites à la S.F. de cette époque.


En cliquant sur les noms des auteurs de ce numéro

retrouvez les bibliographies complètes de leurs parutions dans Fiction et Galaxie !

J. T. McINTOSH

Claude FARRÈRE


Richard SALE

 

Gilles-Maurice DUMOULIN

Lyon Sprague DE CAMP

 


Leslie CHARTERIS

Y.F. J. LONG


Chad OLIVER

Arthur PORGES

   

 

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