Une longue nouvelle de Theodore Sturgeon à la lisière de la science-fiction ouvre ce numéro qui semble prendre son élan avant quelques remises en question éditoriales. On y appréciera la suite du Monde vert de Brian Aldiss, et une dernière note critique de Damon Knight envers van Vogt.
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Sommaire du Numéro 102 :
1 - (non mentionné), Nouvelles des auteurs de ce numéro, pages 2 à 3, bibliographie
NOUVELLES
2 - Theodore STURGEON, Les Enfants du comédien (The Comedian's Children, 1958), pages 4 à 41, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE
3 - Carol EMSHWILLER, Le Tueur et l'oiseau (You'll Feel Better ..., 1957), pages 42 à 45, nouvelle, trad. Elisabeth GILLE *
4 - Arthur C. CLARKE, Le Vol de la déesse sirène (Trouble With Time / Crime on Mars, 1960), pages 46 à 50, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM
5 - Francis CARSAC, L'Ancêtre, pages 51 à 53, nouvelle
6 - Brian ALDISS, Le Monde vert - 3 / La bouche noire (Undergrowth, 1961), pages 54 à 95, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH
7 - Jean RAY, La Nuit de Pentonville, pages 96 à 104, nouvelle
CHRONIQUES
8 - Damon KNIGHT, A.E. Van Vogt, gâcheur cosmique (Cosmic Jerrybuilder: A. E. van Vogt, 1956), pages 105 à 116, article, trad. Pierre VERSINS
9 - Pierre VERSINS, Fanactivités, pages 117 à 121, chronique
10 - COLLECTIF, Ici, on désintègre !, pages 122 à 134, critique(s)
11 - COLLECTIF, Le Coin des spécialistes, pages 135 à 136, critique(s)
12 - Jacques GOIMARD, Miscellâneries, pages 139 à 141, article
13 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 143 à 144, article
* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.
" Personne ne savait précisément comment Heri Gonza avait trouvé l’idée d’une épreuve d’endurance pour solliciter publiquement des fonds. Il n’avait pas inventé cette idée ; c’était un phénomène de l’ancienne télégraphie sans fil, phénomène qui avait obtenu un succès éphémère lors du mariage du visuel et de l’auditif, procédé primitif connu sous le nom de télévision. Les programmes, offrant jusqu’à quarante heures de spectacles entrecoupés d’appels pour tel ou tel fonds de secours, étaient dirigés par une célébrité qui jouait le rôle de maître de cérémonie et de mendiant-en-chef. Le nom de cette production était téléthon, terminologie bâtarde composée de la racine grecque télé et de la syllabe thon, qui ne signifiait rien par elle-même mais était en fait la dernière syllabe du mot marathon. Le téléthon, sensationnel au début, avait rapidement dégénéré, à cause de son utilisation par des quantités de publicistes avides de gain qui, pour le prix d’un appel téléphonique, avaient fait des affaires en réclamant des dons pour aider des malades, mais en même temps parce que l’impulsion de donner d’un grand nombre de citoyens n’avait guère survécu à leurs promesses téléphoniques. L’attrait de la nouveauté ayant passé, le public ne regarda plus le spectacle. Aussi, pendant près de quatre-vingts années, il n’y avait pas eu de téléthons et, s’il y en avait eu, on n’aurait guère trouvé de maladies qui pussent en bénéficier. "
Il est vrai qu'en France le téléthon est timidement passé de la sclérose en plaque aux maladies orphelines. Dans Les enfants du comédien, Theodore Sturgeon n'évoque pas, toutefois, la colonisation culturelle américaine. Ici, il s'agit du show-business qui entre en collusion avec les affaires de santé publiques, au bénéfice d'un pouvoir privé. Sturgeon très acide se sert même des poncifs de la S.F. - ici le voyage spatial - pour maquiller le crime commis. Habile et inattendu.
Dans Le tueur et l’oiseau, les procédés artificiels pour remonter le moral - lorsqu'ils sont comme ici issus d'une intelligence artificielle, ou du moins d'un procédé mécanique - n'ont finalement pas d'autre raison d'être que de faire l'économie d'un vrai rapport humain. Un constat concis et univoque de Carol Emshwiller.
Le vol de la Déesse Sirène n'est qu'une histoire de cambriolage sur Mars, par des procédés recherchés, ici par Arthur C. Clarke, mais qui malheureusement tombe un peu à plat après les «Joyaux de la couronne martienne » de Poul Anderson. Dommage que Fiction ait publié ces deux histoires dans un mouchoir temporel de poche.
L’Ancêtre, ou l'apparition du surhomme. Mais pour Francis Carsac, cette spéculation a plutôt des airs de "remplacement". On a lu mieux de sa part.
Brian Aldiss poursuit la description de ce monde végétal, Le monde vert, plus complexe que nous l'indiquent ses premières impressions, des apparences trompeuses érigées en pièges pour la plupart. On y comprend aussi le sens que l'auteur voulait glisser dans ses précédentes références au Jardin d'Eden et au serpent de la Genèse...
Dans La nuit de Pentonville, les morts invitent à plaidoyer contre la peine capitale. Un conte d'épouvante, par un Jean Ray qui lui aussi connût la prison, sans souffrir toutefois les angoisses des condamnés à mort. On retrouve l'ambiance brumeuse et la veulerie, plutôt comique, de l'humain confronté au surnaturel.
Dernier article de la série de Damon Knight traduite par Pierre Versins, A. E. van Vogt, gâcheur cosmique est fort édifiant et lance un sacré pavé dans la mare. Quand on connait l'importance et l'influence de Boris Vian, Pierre Kast et France Roche au début des années 50, en tant qu'importateurs de la science-fiction, et comment van Vogt fut leur ambassadeur littéraire privilégié, Versins lance dans les pages de la revue une vraie petite bombe.
Alain Dorémieux commandera à Jacques Goimard un long article réhabilitant van Vogt, qui paraîtra en plusieurs parties dans les numéros suivants. Cet article intronisera "pour de bon" Goimard dans le cénacle de la SF française. Ceci dit, admettons que les attaques de Damon Knight sont pertinentes, bien réglées, et argumentées.
Le n° 101 de Fiction faisait état de la parution de "Ce monde est nôtre" de Francis Carsac. Au vu du contexte français d'alors, Gérard Klein (et dans une moindre mesure Jacques Goimard, encore lui) ne purent que rapprocher le propos de Carsac avec les "événements" d'Algérie, comme on disait alors. La Tribune libre de ce numéro donne la parole au fidèle lecteur de Fiction qu'était Francis Carsac lui-même, qui précise son intention.
" J’ai été, évidemment, heureux de la critique très favorable faite par Klein et Goimard de mon dernier livre : « Ce monde est nôtre ». Il me semble cependant qu’ils ont légèrement mal compris un point important, sur lequel je voudrais m’expliquer, car il risque, actuellement, de blesser de nombreuses sensibilités.
D’abord, si étrange que cela puisse paraître, ce livre fut conçu, et le plan fait, en 1952, deux ans avant que n’éclate l’affaire algérienne, et les premières pages furent écrites le 23 février 1953. Il n’y avait, et il n’y a en lui, aucune intention politique, aucune thèse actuelle. Comment se fait-il qu’il n’ait paru qu’en 1962, dix ans après sa conception ? Eh bien, je ne suis qu’un écrivain amateur, et je n’ai pas beaucoup de temps pour écrire. Il me faut souvent plusieurs années pour un roman. Ensuite, j’en ai toujours deux ou trois en train simultanément, que je poursuis ou laisse, au gré de l’inspiration. « Ce monde est nôtre » fut achevé (premier texte) le 19 juillet 1959. Le temps de le re-écrire, le temps de lecture chez l’éditeur, le temps de l’impression, font qu’il n’a paru que maintenant.
Klein veut y voir une allusion directe à la guerre d’Algérie. Elle n’y est pas ! Bien entendu, le sujet reste le fait colonial, que je connais bien, pour appartenir à une famille de coloniaux, avoir visité diverses colonies avant leur indépendance, et y avoir conservé des amis. Mais, et c’est là le point que Klein n’a pas vu, il s’agit du fait colonial entre humanités différentes, et non entre races ou peuples différents. En un ou deux endroits dans le livre (par exemple page 123), je dis que s’il y avait possibilité de métissage, le problème ne serait plus le même. La Loi d’Acier concerne des espèces, non des peuples. Pour les peuples, l’histoire montre que, après bien des péripéties, souvent sanglantes, on arrive à une fusion, et à un enrichissement : Gaulois et Romains, Gallo-romains et Germains, Saxons et Normands, etc. Mais que se serait-il passé si les Gaulois et les Romains avaient appartenu à deux espèces différentes ? Sur Nérat, comme je le fais dire à un de mes personnages, la rivalité Bérandiens-Vasks est secondaire, le seul vrai problème est entre les humains et les brinns (page 74).
Il existe un moyen d’effacer le racisme entre populations humaines différentes, c’est la fusion. La « muraille de Chine » dont parle Klein, nous la voyons actuellement en œuvre en Afrique du Sud, avec l’apartheid, et si j’en crois des amis sud-africains, les résultats en seront explosifs sous peu ! Je ne la préconise pas. Mais justement le problème de Nérat, c’est qu’il ne peut pas y avoir de fusion. De là la Loi d’Acier.
Toute ressemblance avec des événements contemporains ne pourrait se trouver que dans l’esprit du lecteur, ai-je dit dans l’avertissement. Je n’avais pas été plus explicite, ne voulant pas avoir l’air de m’excuser de traiter un sujet que justement je ne traitais pas ! J’ai sans doute eu tort. J’aurais dû dire : toute ressemblance étroite.
Je n’ai pas le plaisir de connaître Goimard. C’est la première fois de ma vie qu’on me décrit comme un homme calme ! Merci !
P.S. Quand je parle de la fusion, cela ne veut pas dire l’assimilation d’un peuple par l’autre, mais la création de quelque chose de nouveau, qui emprunte aux deux peuples parents. "
FRANCIS CARSAC
Rapport du PReFeG (Février 2025)
- Relecture
- Corrections orthographiques et grammaticales
- Vérification du sommaire
- Ajout du 4eme de couverture (publicité pour le Rayon Fantastique)
- Mise en forme des titres présentés in "Revue des livres"
- Ajout de la Table des "Nouvelles des auteurs de ce numéro" telle qu'évoquée dans le sommaire sur NooSFere mais n'apparaissant pas dans le epub d'origine.
- Notes (0), (0b), (6b) et (13b) ajoutées.
- Vérification et mise à jour des liens internes
- Mise au propre et noms des fichiers html
- Mise à jour de la Table des matières
- Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)
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Prochaine publication prévue pour le mercredi 19 mars 2025 : Fiction n°103.
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