31 octobre, 2024

Cadeau bonus : Fiction Spécial n°02 - De passionnants récits d'anticipation par les meilleurs auteurs français (Juin 1960)

Un an après avoir publié son premier hors-série, le revue Fiction renouvelle l'expérience avec une nouvelle anthologie d'auteurs français. L'éditorial se présente ainsi :

" En présentant en mai 1959 notre premier numéro spécial français, nous formions le vœu de pouvoir donner une suite à cette entreprise. Voilà qui est chose faite. Cette nouvelle sélection, nous l’avons voulue aussi copieuse que la précédente. Selon leurs goûts, certains la trouveront peut-être moins bonne, d’autres meilleure. Que chacun soit assuré en tout cas que nous avons apporté le maximum de soin à la préparation de ce numéro et au choix des récits. Il nous semble que ces derniers, dans leur ensemble, sont de plus en plus représentatifs de ce que l’on peut appeler la science-fiction française. À en juger par leur lecture, celle-ci est en train de prendre pour devise : moins de technique et de science, davantage de psychologie et d’âme. Un grand nombre de nouvelles, en effet, sont de préférence consacrées à l’étude des réactions humaines en face d’un futur donné. C’est là un fait que nous nous contentons d'enregistrer, sans plus le favoriser que le réfuter, puisque le but de cette anthologie est avant tout d’être un constat des tendances qui se manifestent parmi nos auteurs. "

Sommaire du Fiction Spécial n°2 :


1 - ARCADIUS, La Bête, pages 5 à 17, nouvelle
2 - Marcel BATTIN, Les Condamnés, pages 18 à 26, nouvelle
3 - Francis CARSAC, La Voix du loup, pages 27 à 40, nouvelle
4 - Philippe CURVAL, Un succès de peintre, pages 41 à 45, nouvelle *
5 - Bernard DAVIDSON, Sans intérêt, pages 46 à 49, nouvelle *
6 - Michel DEMUTH, La Pluie de l'après-midi, pages 50 à 54, nouvelle *
7 - Alain DORÉMIEUX, Les Plaisirs de la Terre, pages 55 à 62, nouvelle
8 - Daniel DRODE, La Rose des énervents, pages 63 à 81, nouvelle
9 - Michel EHRWEIN, Le Retour des étoiles, pages 82 à 85, nouvelle *
10 - Fernand FRANCOIS, Lune de miel, pages 86 à 94, nouvelle *
11 - Gérard GRIFFON, Tablettes tirées des sables, pages 95 à 99, nouvelle *
12 - Charles HENNEBERG, La Vallée d'Avallon, pages 100 à 113, nouvelle
13 - Gérard KLEIN, La Planète aux sept masques, pages 114 à 124, nouvelle
14 - Pierre MARQUAND, L'Indiscrétion de Finnegan, pages 125 à 135, nouvelle *
15 - Anne MERLIN, Les Métaphores peuvent tuer, pages 136 à 138, nouvelle *
16 - Jacqueline H. OSTERRATH, Des goûts et des couleurs (1960), pages 139 à 142, nouvelle
17 - Jean-Claude PASSEGAND, Nativité, pages 143 à 152, nouvelle *
18 - Jacques STERNBERG, Petit précis d'histoire du futur, pages 153 à 163, nouvelle
19 - Jean-Paul TÖRÖK, Point de lendemain, pages 164 à 174, nouvelle
20 - Claude VEILLOT, L'Enclave, pages 175 à 190, nouvelle
21 - Julia VERLANGER, Le Mal du dieu, pages 191 à 195, nouvelle
22 - Pierre VERSINS, Vingt-six leucocytes, pages 196 à 202, nouvelle *
23 - Bruno VINCENT, Les Grands voyages, pages 203 à 210, nouvelle *
24 - Stefan WUL, Jeux de vestales, pages 211 à 221, nouvelle
25 - (non mentionné), Nouvelles parues dans "Fiction" des auteurs de ce numéro, pages 222 à 222, index
26 - (non mentionné), Questionnaire, pages 224 à 224, chronique

* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.


Pas de note biographique dans ce numéro spécial, contrairement au précédent, mais une liste des "nouvelles des auteurs de ce numéro
 parues dans Fiction". On notera que cette liste est incomplète : si des auteurs publiant ici leur toute première nouvelle (Bernard Davidson, Daniel Drode et Pierre Marquand) sont écartés à juste titre de cette liste, ce n'est pas le cas pour Gérard Griffon qui avait publié "Les trucs" dans le n°77 de Fiction.

Aussi, en regard d'un petit commentaire de lecture sur chacune des nouvelles présentées dans cette anthologie, nous reprendrons ici - pour la majorité - les notes biographiques (marquées *) d'une autre anthologie : "Les mondes francs" (Livre de poche - 1988), consacrée à la science-fiction française des années 50 et 60, et qui regroupe de fait une bonne partie des auteurs de ce Fiction Spécial n°2. Toutefois, certains auteurs demeurant absents d'autres anthologies, sont restés par conséquent de parfaits inconnus…


illustration de Serge Bihannic (1981)
pour "La Bête".
LA BÊTE par ARCADIUS.
Né en 1932, sous le nom de Alain Hilleret, Arcadius a publié dans les années soixante une petite septaine de nouvelles dans Fiction, et deux romans au Rayon Fantastique  : "La Terre endormie" (1961) et "Planète d'exil" (1963).

Dans La Bête, et bien qu'il ait ignoré qu'un jour lunaire dure environ quinze jours terrestres, Arcadius déploie une ambiance plus fantastique que SF dans cette histoire semblable à celle de la Bête du Gévaudan, hantant ici les nuits des pionniers d'une première base sur la Lune, l'astre des influences…  

LES CONDAMNÉS par Marcel BATTIN.
Né le 20 décembre 1921 à Réhon (54), Marcel Battin est entré en usine comme apprenti métallurgiste à l'âge de quatorze ans. La suite de métiers divers exercés par lui depuis (comptable industriel et commercial, magasinier, vendeur de machines agricoles, barman, chimiste, dessinateur industriel, publicitaire, caissier) n'a été interrompue que par la guerre qu'il a effectuée dans les Forces Navales Françaises Libres. Cela ne l'a pas empêché, en parfait autodidacte, de s'intéresser à la littérature. Malheureusement pour le lecteur, ses contes et nouvelles, volontiers grinçants, humoristiques et percutants, sont difficilement accessibles parce que dispersés dans des revues et des fanzines spécialisés difficilement trouvables, tels Fiction — où il fit ses débuts en 1958 —, Satellite, Ailleurs et Mercury. Il a participé à la vie fanique au début des années 60 en publiant le fanzine Karellen Orion (alias Chaos) avec Georges Gheorghiu. On lui doit nombre de traductions (Robert Sheckley, Thomas M. Disch, Philip José Farmer, Alfred Bester, etc.) dont plusieurs ont été reprises dans La Grande Anthologie de la Science-Fiction du Livre de Poche.

Les condamnées revisite une scène biblique là où on aurait attendu un pastiche du "Dernier jour d'un condamné" de Hugo. Le style langagier est intéressant mais l'ensemble est finalement un peu gratuit.

LA VOIX DU LOUP par Francis CARSAC.
De son vrai nom François Bordes, Francis Carsac, en bon écrivain de Science-Fiction, est mort deux fois. La première, d'après les journalistes, lors du décès d'un de ses collègues d'université dont le nom évoquait le sien ; cela lui permit de prendre connaissance des notices nécrologiques pour y lire tout le bien que l'on pensait de lui… La deuxième, pour de bon, hélas, le 1 er mai 1981, à Tucson en Arizona où ses activités de paléontologue le conduisaient souvent. Né le 30 décembre 1919 à Rives dans le Périgord, il est l'auteur d'une SF solide, classique, narrative, dépourvue de fioritures stylistiques, empreinte d'un sens aigu des « convenances » ; il a laissé une trentaine de nouvelles et six romans, parmi lesquels Ceux de nulle part (1954), La Vermine du Lion (1967) et Les Robinsons du cosmos (1955) — ce dernier texte a d'ailleurs reçu une suite inédite, L'Outre-Terre, rédigée par son ami André Marchand. La réédition de ses œuvres, longtemps attendue par ses admirateurs, a été entreprise par NéO.

La voix du loup
 décrit les circonstances d'une première rencontre avec des extraterrestres humanoïdes si semblables à nous… Et pourtant…

UN SUCCÈS DE PEINTRE par Philippe CURVAL.
L'auteur, selon la tradition, exerce les professions diverses et variées avant de s'adonner à l'écriture. Philippe Curval, né le 27 décembre 1926 à Paris, qui fuit très tôt les destins tracés et prévisibles en abandonnant ses études secondaires et dédaignant le service militaire, s'est cependant autorisé cette coutume ; on lui doit de nombreux travaux en céramique, chant, photographie, peinture en bâtiment ou industrielle mais aussi sur toile, visite médicale, vente en tableaux ou en librairie, et il est actuellement rédacteur en chef de La Vie électrique. Grand voyageur, il a eu l'occasion de promener son regard dans le monde entier, et il a injecté cette multitude d'expériences dans ses textes où tout est couleur, odeur, musique, jouissance et sensualité. Son activité d'écrivain, couronnée par les prix Jules-Verne pour Le Ressac de l'espace (1962), de la Science-Fiction française pour L'Homme à rebours (1974) ou Apollo pour Cette chère Humanité (1976), ne saurait faire oublier le critique fin et pertinent des Petites chroniques de nuit, parues naguère dans la revue Galaxie, et la rubrique régulière qu'il tient aujourd'hui au Magazine littéraire après avoir collaboré au Monde. Cet intérêt pour la création littéraire a donné naissance aux anthologies Futurs au présent (1978) et Super-futurs (1986) où il présente au lecteur une multitude de nouveaux talents. Philippe Curval a assuré avec Jacques Sternberg la rédaction et la fabrication du légendaire Petit silence illustré, dernier titre de la presse surréaliste « sauvage » ou premier titre de la presse « parallèle », et participé à la création de plusieurs revues de cinéma comme L'Écran et Présence du cinéma.

Un succès de peintre, c'est rendre en peinture le pouvoir d'une couleur jusqu'ici inconnue. Curval dans son élément.

SANS INTÉRÊT par Bernard DAVIDSON.
On imaginait encore en 1960 que la vue d'une image de façon subliminale suffisait à anéantir la volonté et puisse transformer comme un envoûtement un spectateur en consommateur compulsif. Premier point un peu naïf de cette nouvelle un peu moins intéressante que les précédentes.

LA PLUIE DE L’APRÈS-MIDI par Michel DEMUTH.
En 1966, Michel Demuth quitte Lyon, où il est né le 17 juillet 1939, pour répondre à l'appel des éditions Opta dont les directeurs littéraires, Alain Dorémieux et Jacques Sadoul, sont débordés. Il passe ainsi du statut de dessinateur-compositeur en soierie à celui de rédacteur en chef de Galaxie et d'Alfred Hitchcock Magazine. Son nom est ensuite associé à Fiction, « Galaxie/bis », Marginal, le Club du Livre d'Anticipation, « Anti-mondes », autant de collections et de revues majeures indissociables de l'histoire de la Science-Fiction en France. Cette activité éditoriale se poursuivra ensuite au Masque et au Livre de Poche de 1976 à 1981. Michel Demuth est également traducteur — on lui doit notamment les premiers volumes du cycle de Dune de Frank Herbert. Son activité d'écrivain est surtout dominée par Les Galaxiales, histoire du futur sous forme de nouvelles réunies en deux tomes par les éditions J'ai lu (1976 et 1979). Dans ces textes, dont la rédaction s'étale sur plus d'une vingtaine d'années, il passe avec aisance de la facture narrative la plus classique à l'expérimentation littéraire. Le recueil Les Années métalliques (1977) présente d'autres exemples frappants de cette dualité. Michel Demuth a signé le scénario d'Yragaël, bande dessinée mise en images par Philippe Druillet, et il collabore aujourd'hui au magazine Zoom, notamment pour le numéro spécial « Japon », une autre manière de s'intéresser aux civilisations extraterrestres.

La pluie de l'après-midi place l'espèce humaine sous l'influence des "sachant", de ceux qui s'imaginent prendre en main le bonheur de toute une population avec ou sans son consentement.

LES PLAISIRS DE LA TERRE par 
Alain DORÉMIEUX.
Alain DORÉMIEUX
(Note biographique extraite de l'anthologie de Gérard Klein : "En un autre pays - Seghers 1975) : Alain Dorémieux, né en 1933, publie son premier conte fantastique en 1954 dans Fiction. Empêché par la maladie d’achever ses études, il se voit confier par Maurice Renault, fondateur des Éditions OPTA et son voisin d’immeuble, des travaux à domicile de traduction et de rédaction. En 1956, il fait paraître ses premières critiques dans la rubrique « Ici on désintègre ». Puis, sa santé s’améliorant, il devient en novembre 1957 secrétaire de rédaction de Fiction, et rédacteur en chef en décembre 1958, poste qu’il conservera jusqu’en septembre 1974. Vient s’y adjoindre en 1964 la rédaction en chef de Galaxie, dont le secrétariat de rédaction est confié à Michel Demuth qu’il a fait venir de Lyon quelques années plus tôt pour l’assister. 
Alain Dorémieux s’est également occupé de longues années de la revue Mystère-Magazine qui devait donner naissance au Club du Livre policier. Sur le modèle de ce dernier, alors florissant, fut créé en 1965 le Club du Livre d’anticipation, dirigé d’abord par Dorémieux et Jacques Sadoul, puis au départ de ce dernier par Dorémieux seul jusqu’à fin 1969, où il fut remplacé par Michel Demuth. 
Dans l’édition toujours, il dirige depuis quelques années la collection d’histoires fantastiques et de science-fiction des éditions Casterman, où il a publié personnellement de nombreuses anthologies, dont Voyages dans l’ailleurs (1971), composée de nouvelles françaises inédites. Enfin, il a créé la collection « Nebula » (OPTA), largement ouverte aux formes expérimentales de la SF française, tout comme la série de numéros spéciaux de Fiction, Nouvelles Frontières.
(...) Alain Dorémieux a publié entre 1954 et 1967, année de la parution de son recueil Mondes interdits (Losfeld), une vingtaine de nouvelles qui se partagent à peu près également entre la SF et le fantastique. Il a également traduit nombre de romans, dont le célèbre Ubik de Philippe K. Dick. 
Il vit depuis 1970 avec sa femme et sa fille dans la région de Biarritz et s’y adonne notamment à la culture de son jardin, ce qui explique sans doute qu’il ait recommandé aux auteurs français de cultiver des pommes de terre plutôt que d’écrire, dans un avis qui fit scandale (Fiction, n° 244, avril 1974). 

Dorémieux poursuit entre ses nouvelles son tramage intertextuel pour peaufiner le portrait de son futur hédoniste et vain, et le mettre en pendant avec la rudesse des pionniers. Les plaisirs de la Terre expose ainsi un thème très américain au final, bien que Dorémieux s'en défendisse certainement.

LA ROSE DES ÉNERVENTS par Daniel DRODE.
« Le langage des personnages de Science-Fiction n'est, en fait, que l'état actuel de la langue, abusivement étendu à tout le futur. Par suite de cet anachronisme flagrant, il y a décalage entre les paroles du personnage et la réalité qui l'entoure. [...] S'il est logique, s'il va jusqu'au bout de sa pensée, s'il veut créer une anticipation totale, le romancier doit lancer, d'un même mouvement, dans le futur, et le thème et la psychologie (cela ne s'est pas tant fait) et la forme où se moule sa fiction. [...] Expériences ? Bien sûr ! Mais la SF n'est-elle pas faite d'expériences portant sur des idées ? »
Cette profession de foi, assortie d'une des plus satisfaisantes définitions de la SF, Daniel Drode la lance en 1960 dans les pages d'Ailleurs, fanzine d'étude dirigé par Pierre Versins. Il ne s'est pas seulement contenté de l'énoncer, puisque, dès 1959, il l'avait mise en pratique dans Surface de la planète, roman nouveau alors fortement controversé malgré le prix Jules-Verne qui l'avait couronné. Cette réception mitigée de ce qui est considéré aujourd'hui comme un des tournants du genre en France, contraignit implicitement son auteur au silence littéraire, puisque ne parurent ensuite qu'une petite dizaine de textes, çà et là. Né le 31 octobre 1932 à Cambrai et décédé le 22 octobre 1984 au Havre, Daniel Drode enseignait l'Histoire et la Géographie.

On apprécie ou non Drode, tant son style désinvolte prend le pas sur la narration. La rose des énervents ici use de paradoxes temporels laissés comme des chausse-trappes dans la trame du temps par un futur qui cherche à advenir.

LE RETOUR DES ÉTOILES par 
Michel EHRWEIN.
(Note biographique extraite de l'anthologie de Gérard Klein : "En un autre pays" - Seghers 1975) : Michel Ehrwein, né en 1934, a commencé par publier dans Fiction au cours des années cinquante des contes fantastiques, symboliques, un peu en demi-teinte. Puis il s’est orienté vers la science-fiction sans abandonner pour autant sa première manière. 
Une grande sobriété d’écriture, une extrême délicatesse de la touche, ne font que mieux ressortir les prolongements presque infinis de ses univers.

Michel Ehrwein traite, dans Le retour des étoiles, du difficile écart temporel entre les décennies passées pour ceux restés à terre et les semaines pour ceux qui ont voyagé à la vitesse de la lumière.

LUNE DE MIEL par Fernand FRANCOIS.
(Extrait de la page Wikipedia consacrée à l'auteur) : Fernand François est né le 1er avril 1900 à Nancy et décédé le 23 mai 1991 (à 91 ans) à Fontenay-aux-Roses
Officier de carrière, breveté d’état-major et diplômé de Sciences-Po Paris, il débute l’écriture au sortir de la Seconde Guerre mondiale, après cinq années passées en captivité.
Capturé par l'armée allemande en 1940, il est enfermé à l'OFLAG IV D, en Silésie, où il côtoie les écrivains Julien Gracq, Jacques Arnold et Raymond Abellio, le poète Patrice de La Tour du Pin, le père Yves Congar ou encore le journaliste Jacques Fauvet. De cette expérience naîtra son goût pour l’écriture.
En captivité, il apprend le russe et le polonais et perfectionne sa connaissance des langues anglaise et allemande.
En 1946, il est nommé officier de liaison en zone d'occupation américaine en Allemagne. Rentré en France en 1952, il est affecté à l'école militaire en qualité de traducteur officiel du ministère des Armées.
Dans les années 1950 et 1960, il publie de nombreuses nouvelles dans des revues de référence telles que Fiction, Satellite et Mystère magazine.
Ses nouvelles de science-fiction et chroniques d’anticipation militaire, écrites en temps de guerre froide, dépassent le contexte politique de l'époque.
Il est récompensé à plusieurs reprises au grand prix de la nouvelle policière.

Dans Lune de miel, il est question de la Guerre Froide et des craintes exprimées du bloc Ouest, de la peur de la Bombe, de la suprématie scientifique soviétique, du fanatisme et de l'aveuglement. Fernand François use de belles formules pour ramener un brin d'humanité et d'universalité à tout cela, bien qu'il ait choisi lui aussi son camp.

TABLETTES TIRÉES DES SABLES par Gérard GRIFFON.

L'humanité créée par les robots. Outre un renversement du flux créateur, Gérard Griffon nous propose une redite biblique de plus. Cette SF là parait bien rétrograde…

LA VALLÉE D’AVALLON par Charles HENNEBERG.
Les hasards de la vie amenèrent Karl Henneberg zu Irmelshausen Wasungen, né le 2 novembre 1899 à Wittemberge en Allemagne, à servir dans la Légion étrangère, ce qui le conduisit à Homs, en Syrie, où il rencontra Nathalie Novokowski, née le 17 octobre 1917 à Batoum en Russie, et qui avait transité par le Liban. Ces simples faits suffisent à expliquer pourquoi les textes de Science-Fiction qu'ils publièrent à partir de 1954 sont peu enracinés dans le quotidien, pleins de cris et de grincements de dents, de couleurs, de douleurs et de destins fabuleux. On peut lire, pour s'en persuader, La Naissance des dieux (1954), La Plaie ou Le Dieu foudroyé (1976). Comme pour tous les couples d'écrivains, la grande question a fini par se poser : qui est responsable de quoi dans leur œuvre commune, qui a écrit, qui a donné les idées ? Bien sûr, Charles, mort le 20 mars 1959 à Paris, l'emporte tout d'abord dans l'esprit des curieux, mais il semble que Nathalie, décédée le 24 juin 1977 à Paris également, ait les préférences actuelles. La postérité retiendra d'eux « Henneberg », et placera un trait d'union éternel entre leurs deux prénoms.

Dans "La vallée d'Avallon", une créature d'outre-espace prend - on le comprend dès le début - la forme d'une brume magique et envoûtante. C'est l'occasion pour Nathalie Henneberg de laisser faire son style lyrique qui prend quelques beaux envols justifiés. Un récit équilibré.

LA PLANÈTE AUX SEPT MASQUES par Gérard KLEIN.
Gérard Klein, né le 27 mai 1937 à Neuilly-sur-Seine, entre très tôt (dès l'âge de dix-sept ans) dans le petit monde de la Science-Fiction en fréquentant assidûment la Balance, première librairie française spécialisée à laquelle sa propriétaire, Valérie Schmidt, donnait des allures de salon littéraire. Il publie à l'âge de dix-huit ans ses premiers textes dans Galaxie et Fiction auquel il donnera longtemps critiques, études et comptes rendus. Il publie en 1958 son premier roman, Le Gambit des étoiles, dans la collection « Le Rayon fantastique », collabore au Petit silence illustré (voir Sternberg). Membre de l'écurie Denoël, il ne dédaigne pas le Fleuve noir où il fait paraître sous le pseudonyme de Gilles d'Argyre des romans populaires qu'il ne renie pas aujourd'hui puisque les éditions J'ai lu viennent d'en rééditer certains dans une version légèrement remaniée. Profondément influencé par l'œuvre de Bradbury, comme le montre le recueil Les Perles du temps (1958), il s'en dégage peu à peu pour donner ce que la SF française a de plus poétique. On lira pour s'en convaincre les nouvelles réunies dans Histoires comme si... (1975) et La Loi du talion (1973), sans oublier les romans Le Temps n'a pas d'odeur (1963) et Les Seigneurs de la guerre (1971). Il n'est donc pas surprenant qu'on lui ait décerné à deux reprises le Grand Prix de la Science-Fiction française. Mais sous le masque de l'écrivain se cachent ceux du psychologue, de l'économiste, du prospectiviste, de l'éditeur (il crée notamment la prestigieuse collection « Ailleurs et demain », chez Robert Laffont), du philosophe passionné de sciences, du critique, sept masques donc qui tous œuvrent pour la Science-Fiction. Cette réunion d'expériences et de réflexions a débouché sur Malaise dans la Science-Fiction (1975), son essai le plus connu, et Trames et moirés (1986, in Science-Fiction et psychanalyse), où il propose la théorie des subjectivités collectives.

Klein aura peut-être lu la version sous forme de nouvelle de "La nuit de la lumière" de P. J. Farmer parue en juin 1957 aux Etats-Unis, et reprise dans le n°82 de Fiction (Septembre 1960)On repensera aussi au style de Marcel Schwob et à son "Roi au masque d'or", aux sept portes du palais du Prince Prospero souhaitant échapper à la peste dans "Le masque de la mort rouge" de Edgar Poe, au "Roi en jaune" de R. W. Chambers déclarant ne pas porter de masque en plein carnaval royal… La planète aux sept masques de Gérard Klein lui a possiblement été dictée aussi par le désert algérien où les jeunes gens de sa génération étaient envoyés en "pacificateurs". Quoi qu'il en soit, l'ambiance de ce récit emprunte plus au fantastique et aux contes qu'à la S.F., et c'est peut-être là une des spécificités de cette "école française" nommée par Dorémieux.

L’INDISCRÉTION DE FINNEGAN par Pierre MARQUAND.

Phrases courtes empreintes de sensations, récit à l'emporte-pièces toujours haletant, et à la clé toute la science de l'univers, Pierre Marquand signe ici sa seule contribution à Fiction. Dommage car prometteur, pour des amateurs d'auteurs dans la lignée de Cyril M. Kornbluth.

LES MÉTAPHORES PEUVENT TUER par Anne MERLIN.

Bien qu'écrivant avec style, la traductrice Anne Merlin ne nous propose ici qu'une potacherie à chute.

DES GOÛTS ET DES COULEURS par Jacqueline H. OSTERRATH.
Illustration de Serge Bihannic (1981)
pour "Des goûts et des couleurs".
(Note biographique reprise du site Eons.fr) : Née en 1922, Jacqueline H. Osterrath (avec H comme « Hervée ») quitta sa Bretagne en 1951 pour épouser un industriel allemand et a passé le reste de sa vie dans ce pays. Elle a marqué le monde de la SF française par deux œuvres majeures.
Tout d’abord, suite à l’arrêt du fanzine Ailleurs de Pierre Versins en 1963 après 51 numéros, elle fait le pari de publier un fanzine qui durera dix ans. Lunatique (septembre 1963 – décembre 1973) tiendra la distance et 67 numéros, contribuant à lancer nombre d’auteurs : au sommaire de ses fanzines figurent des pointures comme Patrice Duvic, Jean-Pierre Andrevon, Pierre Gripari, George W. Barlow, Michel Demuth, etc.
Son autre titre de gloire est la traduction en langue française, entre 1966 et 1979, de 86 épisodes de la série Perry Rhodan (soit 43 volumes dans la première édition). C’est elle qui imposa le vocabulaire de base, avec notamment le personnage de « Gucky », définitivement devenu « L’Émir » en francophonie.
Après avoir cessé ses activités de traductrice, elle se consacra jusqu’à une date récente à la peinture. En Allemagne, on trouve ses tableaux reproduits dans des calendriers, des cartes postales, etc.
Elle nous a quittés le 28 octobre 2007.

On repensera à un épisode de Twillight zone ("L'oeil de l'observateur") avec cette histoire courte qui inverse nos canons esthétiques.

NATIVITÉ par Jean-Claude PASSEGAND.

Chercher l'exotisme le plus extrême motive les explorateurs de l'espace. Mais comme l'on dit qu'ailleurs l'herbe est toujours plus verte, il se pourrait fort bien qu'un exotique y trouve son compte chez nous… Malgré un titre par trop biblique, Passegand compose un récit tout en sensations et en évocations légères.








PETIT PRÉCIS D’HISTOIRE DU FUTUR par Jacques STERNBERG.

Jacques Sternberg est né le 17 avril 1923 à Anvers. Il n'a aucune formation particulière, et surtout pas scolaire puisqu'il avoue n'être jamais arrivé à passer son bac. Mais, dans sa bouche, cette phrase prend un tout autre sens, car l'on comprend à demi mot qu'il n'a simplement pas réussi à se présenter aux épreuves, par oubli, par mépris, par lassitude ou par indifférence. Son intérêt, il le portait ailleurs, à la lecture, au Vélo-solex, au dessin d'humour, au bateau à voile, au cinéma, et cette inadaptation consciente et raisonnée à notre société transparaît dans tous ses écrits, en littérature générale comme dans ses essais, dans le domaine de l'étrange comme en Science-Fiction. En 1953, il sort un remarquable recueil de textes courts, La Géométrie dans l'impossible, chez celui qui deviendra son éditeur le plus fidèle, Eric Losfeld, et qui publiera son roman le plus étonnant, Un jour ouvrable (1961). Dans la même veine satirique, il donne en 1958 L'Employé, peut-être son chef-d'oeuvre. Mais, bien entendu, ces écrits dans lesquels il s'était entièrement impliqué se sont mal vendus ; le public leur a préféré des ouvrages rédigés sur commande dont nous tairons les noms. La SF, il l'a aimée, l'a chérie, a contribué à son introduction en France, pour mieux la fustiger lorsqu'il s'est aperçu que d'autres personnes s'y intéressaient, par crainte de l'étiquette. Peu importe, nous avons lu ou nous lirons quand même La Sortie est au fond de l'espace (1956), Entre deux mondes incertains (1958), Toi, ma nuit (1965), Futurs sans avenirs (1971) ou le très récent 180 contes à régler (1988, illustré par Roland Topor). Jacques Sternberg a dirigé voici quelques années une excellente série d'anthologies aux éditions Planète, presque exclusivement consacrées à des genres marginaux. Il a été journaliste d'humeur, notamment dans Arts, Plexus, France-Soir, Le Monde, et rédacteur en chef de Mépris et de l'immortel Petit silence illustré. Je t'aime, je t'aime d'Alain Resnais lui doit scénarios et dialogues, mais ses autres tentatives ne décrochèrent jamais un centime au célèbre Centre d'Avances sur Recettes, ce qui n'est pas pour l'étonner.


Dans son Petit précis d'histoire du futur, Sternberg déploie son utopie, d'où la bêtise humaine disparait avec l'engloutissement des USA et de l'URSS. Mais il ne s'arrête pas là, loin s'en faut. Car l'intelligence et la lucidité communément partagées vont de pair avec l'abandon de tout un système de pensée…


POINT DE LENDEMAIN par 
Jean-Paul TÖRÖK.

Le nom de Jean-Paul Török est souvent orthographié par erreur sans trémas, ce qui revient, en hongrois, à confondre « gorge » et « turc ». Ce détail ne l'a pas empêché de mener à bien des études de Lettres classiques en Sorbonne, puis de devenir critique de cinéma, membre du comité de rédaction de la revue Positif (jusqu'en 1978), et scénariste. Il a travaillé sur Un mauvais fils de Claude Sautet, et publié un ouvrage sur le sujet, Le Scénario (1986). La Science-Fiction lui doit deux textes, aux sommaires des premières anthologies Fiction spécial. Jean-Paul Török est né le 17 octobre 1939 à Saint-Jean-Poutge (32) ; il est actuellement maître de conférences à l'Université de Paris I. 

" Ce livre que Wilno et moi avons, malgré toutes les difficultés, réussi à traduire, racontait une histoire d’amour entre un homme et une femme. Vous en souvient-il, Wilno ? Une histoire d’amour, vous comprenez ? C’étaient des êtres singuliers, charmants, terriblement compliqués. L’amour, ça ne peut pas s’expliquer, il n’y a plus les mots qu’il faut. Lorsque ces deux êtres se rencontrent, lorsqu’ils sont face à face, il se passe entre eux quelque chose d’inouï, d’ineffable, de doux, de terrible, on ne peut pas comprendre. Ils atteignaient un point de l’esprit où tout se rejoignait, le passé et le futur, le mal et le bien, le bonheur et le désespoir. Le monde était transformé à leurs yeux, il revêtait sa vraie signification, il s’illuminait sous une lumière plus aveuglante que mille soleils. Mais cela, nous ne le connaîtrons jamais, jamais. Wilno, souvenez-vous de ces paroles magiques qu’ils échangeaient parfois. Tu te souviens : je t’aime…
— Elle divague, monsieur, chuchota le docteur, épouvanté. Il faut la faire taire. "
(Point de lendemain - Extrait).
Quand on demande à la machine de se conformer à la perfection au genre humain, ne demande-t-on pas dans un même temps à l'humanité de se conformer à la performance de la machine ? Ainsi, qui est le robot véritable, dans un corps social où perpétuer l'espèce devient un eugénisme, où la littérature et l'imagination sont méprisées comme bas-instincts, et où l'acte d'aimer est perçu comme une aberration primitive ? La nouvelle de Jean-Paul Török pose ce questionnement dans un avenir reconstruit après le chaos de la Bombe.

L’ENCLAVE par Claude VEILLOT.

(Note biographique extraite de l'anthologie de Gérard Klein : "En un autre pays" - Seghers 1975) : Claude Veillot est né en 1925. Évadé en 1942 d’une école militaire d’enfants de troupe, il a mené une existence aventureuse à travers l’Espagne et l’Afrique du Nord, puis fait la guerre en Italie, en France et en Allemagne. C’est sur le front du Garigliano qu’il eut le plaisir de se lire pour la première fois : il avait publié dans le journal du corps expéditionnaire français, Combattant 44, une nouvelle, La piste qui mène à la vallée.

Mais c’est beaucoup plus tard qu’il devait commencer à écrire de la SF puisqu’il ne publie son premier conte dans Fiction qu’en 1959. Au reste, son œuvre dans ce domaine est relativement restreinte puisqu’elle tient tout entière dans un volume, Misandra (J’ai lu). 

Après la guerre, il exerce plusieurs métiers puis devient journaliste professionnel en 1950, collabore au Nouveau Candide puis à L’Express, s’intéresse beaucoup au cinéma comme critique et se retrouve scénariste (Un condé, RAS, L’Albatros, Le Vieux Fusil). Il écrit notamment pour Jean-Christophe Averty l’adaptation du Péril bleu de Maurice Renard. 

Outre l’influence des classiques, Jules Verne, Wells, Gustave Le Rouge, il dit avoir subi celle de sa grand-mère bretonne, des illustrés d’avant-guerre (Robinson), des revues spécialisées, des Américains publiés après 1950 au Rayon fantastique et dans Présence du Futur, de Stefan Wul et de Kurt Steiner, et bien entendu du cinéma fantastique et de SF « de King-Kong à Silent Running ». Il admire tout spécialement London et Cendrars. 

Claude Veillot n’aime pas la SF moderne et en particulier Moorcock, Silverberg et Zelazny. C’est un peu à cause d’eux, dit-il, qu’il a cessé d’en écrire.

On repensera à "Comment servir l'homme" de Damon Knight à la lecture de cette nouvelle de Claude Veillot, bien menée et déployant une forme tragique d'exploitation du vivant (et on notera au passage que l'espionnage inter espèces induit la pantropie.)

LE MAL DU DIEU par Julia VERLANGER.

Née le 7 décembre 1929 à Paris, Héliane Grimaître s'est éteinte le 3 septembre 1985 à Chably. Elle attribuait son goût très vif, depuis le plus jeune âge, pour la lecture et l'écriture, à son grand-père paternel qui s'occupait d'un journal régional. C'est d'ailleurs dans le grenier de celui-ci qu'elle vint à la Science-Fiction avant la guerre, par le biais d'une vieille collection de Sciences et voyages. Sa carrière littéraire peut facilement se diviser en deux périodes, marquées par l'emploi de pseudonymes différents. Tout d'abord, de 1956 à 1963, Julia Verlanger publie une vingtaine de nouvelles dispersées dans les revues Fiction, Galaxie et Satellite. Plus tard, elle utilisera encore ce nom, notamment pour Les Portes sans retour (1976), mais sur la fin des années 70 elle adoptera le pseudonyme de Gilles Thomas, un des auteurs les plus intéressants du Fleuve noir, alors que celui-ci opérait un changement d'orientation orchestré par Patrick Siry. De cette époque, on retiendra surtout, en SF, L'Autoroute sauvage (1976), et en Fantastique, Magie sombre (1977), où s'affirmait une volonté avouée de délasser le lecteur en lui racontant des « histoires ». 


" Être maudit me rendait libre, et je ne craignais plus les tabous."
Tenant à la fois du récit préhistorique à la Rosny-Aîné et à la fable post-apo du genre de "Niourk" de Stefan Wul, cette nouvelle de Verlanger ne traite de rien d'autre que de la peur de la Bombe A. Bien que sans surprise, on pourra s'amuser à traduire les périphrases en termes contemporains.

VINGT-SIX LEUCOCYTES par Pierre VERSINS.

Des trois pseudonymes Yves Le Hadec, Stéphane Gaulavoile et Pierre Versins, la postérité retiendra plus particulièrement le dernier. C'est en effet sous ce nom que Jacques Chamson, né le 12 janvier 1923 à Strasbourg, allait se faire connaître dans les milieux de la Science-Fiction. Des études de Lettres interrompues, un internement en camp de concentration et une longue période d'hospitalisation le conduisent en Suisse. Il y crée le club Futopia et publie la revue Ailleurs, dont on peut dire qu'elle est à l'origine de la constitution et de la structuration du fandom francophone tant ses pages fourmillent d'études, de prises de position et de textes rares, sous la plume des auteurs et des critiques les plus importants du genre. Lui-même y signe nombre d'articles qui déboucheront sur l'imposante Encyclopédie de l'Utopie, des Voyages extraordinaires et de la Science-Fiction (1972) couronnée par le prix Hugo de renommée internationale. Un autre monument auquel Pierre Versins peut aisément être identifié, c'est la collection gigantesque de livres et revues et la documentation impressionnante accumulée au fil des ans qui constituent la Maison d'Ailleurs, véritable musée de la SF fondé par lui en 1976 à Yverdon, mais malheureusement peu accessible depuis qu'il en a abandonné la direction en 1981. L'œuvre littéraire de Pierre Versins est plus restreinte. On lui doit quelques romans, tels Les étoiles ne s'en foutent pas (1954) ou En avant, Mars (1955), et des nouvelles où il manie volontiers le jeu de mots et la poésie. Mais, même dans ce domaine, le gigantisme le titille puisqu'il écrit actuellement un roman-océan hyper-réaliste, Louis Savie-Sonœuvre ou l'Imparfait du subjectif, ouvrage annoté par le personnage lui-même, en treize chapitres-volumes.
Dans Vingt-six leucocytes, Versins joue à la fin du monde façon Sternberg, nous ramenant à notre insignifiance dans un vertige des échelles du vivant.

illustration de Serge Bihannic (1981)
pour "Mon oncle" de Bruno Vincent.
LES GRANDS VOYAGES par Bruno VINCENT.

On compare souvent les voyages interplanétaires aux explorations maritimes des siècles passés. Mais le temps passé entre deux terres, dans l'immensité de l'océan, se fait malgré tout dans un environnement propice à la vie. Il n'en est rien quand on traverse l'espace. C'est ce que démontre Bruno Vincent dans cette nouvelle, en s'appuyant sur la grande dépendance à son environnement technologique de l'explorateur spatial.



Stefan WUL
JEUX DE VESTALES par STEFAN WUL
(Note biographique extraite de l'anthologie de Gérard Klein : "En un autre pays" - Seghers 1975) : Stefan Wul, né en 1922, est la figure légendaire de la science-fiction française. Sans doute parce que comme tous les héros mythiques, il est sorti brusquement du néant pour rentrer dans l’ombre, après peu d’années. En six ans, il a publié onze romans et six nouvelles. Dès la parution de son second roman, Niourk, dans la collection « Anticipation » du Fleuve Noir, ce fut l’enthousiasme. Enfin, on tenait un auteur capable de tenir tête aux Américains et, qui plus est, sans leur devoir grand-chose. 
Le succès de Stefan Wul, qui tient à l’originalité de ses thèmes, à la précision visionnaire de ses descriptions et au rythme enlevé mais nullement artificiel de ses intrigues, s’est si peu démenti que ses livres, dès l’épuisement de leurs tirages, se vendirent d’occasion à un prix bien plus élevé (jusqu’à dix fois) qu’à l’origine. Six de ses romans ont été depuis réédités : trois dans un volume qui marque le départ de la série « Ailleurs et Demain : classiques », chez Robert Laffont (Le Temple du passé, Piège sur Zarkass, La Mort vivante) ; trois autres chez Denoël (Niourk, Rayons pour Sidar et Oms en série).
Ce dernier roman fut porté à l’écran par René Laloux et Roland Topor sous la forme d’un long métrage d’animation, La Planète sauvage (1972). 
Reste le mystère de l’effacement de Stefan Wul. Bien qu’en effet d’amicales pressions aient été exercées sur lui pour qu’il reprenne la plume, et bien qu’il ait concédé de vagues promesses, on n’a rien vu venir depuis 1961, si ce n’est un long poème mérovingien et parodique, publié sous son véritable nom, Pierre Pairault, et qui a quelque peu décontenancé ses rares lecteurs.
La vérité est peut-être que Stefan Wul manifesta ses talents alors que Pierre Pairault, jeune chirurgien-dentiste, avait bien du mal à survivre dans la province où il s’était installé. Puis, la clientèle s’étendant, Wul fut relégué dans un coin du subconscient de Pairault où il ronge son frein et attend son heure. Ce n’est sans doute pas l’envie d’écrire qui manque à Pierre Pairault, mais plus encore que le temps, la disponibilité qui permet seule à l’imagination de vagabonder et à la création de se faire.
Stefan Wul a toujours été moins à l’aise dans la nouvelle que dans le roman. Il n’a jamais caché du reste que l’étroitesse des débouchés, l’incertitude de la publication, et le caractère symbolique de la rémunération l’avaient détourné de ce genre où la vivacité de son style auraient pourtant fait merveille. Deux de ses nouvelles seulement méritent de passer à la postérité, Jeux de Vestales, qu’on va lire, et Gwendoline (1961).

Dans Jeux de vestales, Wul s'adonne à l'exercice de la planète-piège, avec les caractéristiques de son style pétri de sensations et de paysages.

30 octobre, 2024

Fiction n°083 – Octobre 1960

Jean-Claude Forest soigne une couverture pour Carmilla, le classique de Joseph Sheridan Le Fanu, rendant ici hommage à Annette Vadim interprétant la pauvre jeune fille vampirisée, dans le film de Roger Vadim : "Et mourir de plaisir". Quelques années plus tard, le même Roger Vadim lui renverra l'ascenseur en adaptant pour le cinéma la plus célèbre bande dessinée de Forest : "Barbarella".

 

Clic droit à sang pour sang !

Sommaire du Numéro 83 :

NOUVELLES

 

1 - Zenna HENDERSON, L'Enchaîné (Captivity, 1958), pages 2 à 43, nouvelle, trad. Roger DURAND

2 - Michel EHRWEIN, Celui que Jupiter veut perdre, pages 44 à 53, nouvelle

3 - Rog PHILLIPS, L'Exécuteur (Executioner No. 43, 1957), pages 54 à 64, nouvelle, trad. René LATHIÈRE *

4 - Avram DAVIDSON, Après nous le déluge (Après Nous, 1960), pages 65 à 65, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

5 - Joseph Sheridan LE FANU, Carmilla (Carmilla, 1872), pages 66 à 105, roman, trad. Alain DORÉMIEUX

6 - Jean-Louis BOUQUET, Assirata ou Le miroir enchanté, pages 106 à 119, nouvelle

7 - Fereydoun HOVEDA, Le Péché originel, pages 120 à 125, nouvelle


 

CHRONIQUES


8 - COLLECTIF, Ici, on désintègre !, pages 127 à 129, critique(s)

9 - F. HODA, A bout de souffle, pages 131 à 133, article

10 - (non mentionné), Notre référendum, pages 134 à 135, chronique

11 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 137 à 139, article


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Je saisis mes béquilles et me dirigeai comme une folle vers la porte. « Et peut-être qu'un jour, si je suis sage et que je me mette à douter avec assez de force, je marcherai de nouveau…»

— « Douter avec assez de force ? » fit (le docteur) en écho. « N'est-ce pas plutôt croire avec assez de force que vous voulez dire ? »

— « Ne forcez pas votre raisonnement, » dis-je. « C'est bien douter. »

L'enchaîné - chapitre V - extrait 

On retrouve l'univers des institutrices de province confronté à l'étrangeté des enfants du Peuple, série de Zenna Henderson sur des extraterrestres naufragés sur Terre. Ici, dans L'enchaîné, la différence pousse à la marginalisation, voire à la petite délinquance.

Les nouvelles qui constituent la quête de reconstruction de cette communauté d'extraterrestres ne resteront pas tout à fait inédites par la suite. Dans une nouvelle traduction qu'en fera Michel Deutsch, elle seront regroupées dans le volume "Chronique du peuple" chez J'ai Lu en 1980.

Michel Erhwein se révèle très à l'aise dans un exercice de pastiche d'une enquête irrésolue de Sherlock Holmes, avec Celui que Jupiter veut perdre. Très amusant surtout de voir le point de vue du fameux détective sur le mystère des soucoupes volantes. 

Il y a de l'absurde dans la situation de L’Exécuteur, une ambiance de série noire aussi dans ce bar à bonshommes patibulaires et animé de strip-teaseuses. Il y a finalement aussi plus d'allégorie que de science-fiction dans cette histoire de mort qui rôde, par Rog Phillips.

Après nous, le déluge est une histoire à clé, ici biblique et se rapportant à l'arche de Noé, où l'on retrouve l'un des piliers de Fiction : le sardonique et talentueux Avram Davidson.

Un beau travail de traducteur de la part d'Alain Dorémieux pour (re)découvrir Carmilla, un classique des histoires de vampires composé par l'irlandais Joseph Sheridan Le Fanu, oú l'on se surprend à se laisser faire par le récit, du point de vue de la victime, alors que l'on en connait par avance et préjugés les tenants et les aboutissants.

Pour revenir sur l'adaptation cinématographique de Roger Vadim de cette nouvelle, F. Hoda en produira une note très intéressante dans le n°84 de Fiction du mois de novembre 1960.

Dans le jardin secret des sciences magiques, le vrai et le faux confondent inextricablement leurs ramures. L'homme qui invente un seing démoniaque, savons-nous quelles forces le possèdent et l'inspirent ?

Un sortilège vient frapper un érudit pourtant de nature sceptique. Dans Assirata ou La miroir enchanté, on retrouve le verbe gentiment suranné et enchanteur de Jean-Louis Bouquet, mais ici dans un environnement décalé bien que réaliste, celui des férus d'occultisme. Le prochain numéro de Fiction verra ce cercle d'érudits devenir moins hermétique avec la parution du "Matin des magiciens" de Louis Pauwels et Jacques Bergier.

Le péché originel est une amusante petite histoire où la donne du pacte faustien est inversée. Composée par Fereydoun Hoveyda, qui n'est autre que le Monsieur Cinéma de Fiction, la rédaction le présentera ainsi :

Notre ami Hoveyda apparaît pour la première fois ici sous son vrai nom, puisque nos lecteurs ne le connaissaient que sous le pseudonyme de Hoda. Âgé de 35 ans, Hoveyda est Iranien ; sa carrière est la diplomatie (il est attaché à Paris à l'UNESCO) et son violon d'Ingres, comme on s'en doute, le cinéma.

Côté rubriques, dans la Revue des Livres, on pourra remarquer, au détour de la critique d'une des dernières parutions du Rayon Fantastique, cette référence à un autre ouvrage :

Frederick Pohl et C.M. Kornbluth connaissaient ils ce roman en écrivant « Wolfbane » ?

On se rappellera que Wolfbane aura été publié sous le titre "La tribu des loups", dans les Galaxie 49 et 50 de décembre 1957 et janvier 1958. Malgré la disparition de cette revue, on s'étonnera tout de même qu'il n'en soit pas fait ici référence, malgré tout.

Et pour poursuivre cette no-stalgie des années Galaxie, on pourra retrouver dans la Tribune Libre des relents de notre sacré Jimmy (Guieu) et son ésotérisme de bazar avec une nouvelle justification de l'astrologie par le Lieutenant Kijé.

Le PReFeG vous propose également