Sommaire du Fiction Spécial n°2 :
26 - (non mentionné), Questionnaire, pages 224 à 224, chronique
* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.
Aussi, en regard d'un petit commentaire de lecture sur chacune des nouvelles présentées dans cette anthologie, nous reprendrons ici - pour la majorité - les notes biographiques (marquées *) d'une autre anthologie : "Les mondes francs" (Livre de poche - 1988), consacrée à la science-fiction française des années 50 et 60, et qui regroupe de fait une bonne partie des auteurs de ce Fiction Spécial n°2. Toutefois, certains auteurs demeurant absents d'autres anthologies, sont restés par conséquent de parfaits inconnus…
illustration de Serge Bihannic (1981) pour "La Bête". |
* De son vrai nom François Bordes, Francis Carsac, en bon écrivain de Science-Fiction, est mort deux fois. La première, d'après les journalistes, lors du décès d'un de ses collègues d'université dont le nom évoquait le sien ; cela lui permit de prendre connaissance des notices nécrologiques pour y lire tout le bien que l'on pensait de lui… La deuxième, pour de bon, hélas, le 1 er mai 1981, à Tucson en Arizona où ses activités de paléontologue le conduisaient souvent. Né le 30 décembre 1919 à Rives dans le Périgord, il est l'auteur d'une SF solide, classique, narrative, dépourvue de fioritures stylistiques, empreinte d'un sens aigu des « convenances » ; il a laissé une trentaine de nouvelles et six romans, parmi lesquels Ceux de nulle part (1954), La Vermine du Lion (1967) et Les Robinsons du cosmos (1955) — ce dernier texte a d'ailleurs reçu une suite inédite, L'Outre-Terre, rédigée par son ami André Marchand. La réédition de ses œuvres, longtemps attendue par ses admirateurs, a été entreprise par NéO.
La voix du loup décrit les circonstances d'une première rencontre avec des extraterrestres humanoïdes si semblables à nous… Et pourtant…
UN SUCCÈS DE PEINTRE par Philippe CURVAL.
* L'auteur, selon la tradition, exerce les professions diverses et variées avant de s'adonner à l'écriture. Philippe Curval, né le 27 décembre 1926 à Paris, qui fuit très tôt les destins tracés et prévisibles en abandonnant ses études secondaires et dédaignant le service militaire, s'est cependant autorisé cette coutume ; on lui doit de nombreux travaux en céramique, chant, photographie, peinture en bâtiment ou industrielle mais aussi sur toile, visite médicale, vente en tableaux ou en librairie, et il est actuellement rédacteur en chef de La Vie électrique. Grand voyageur, il a eu l'occasion de promener son regard dans le monde entier, et il a injecté cette multitude d'expériences dans ses textes où tout est couleur, odeur, musique, jouissance et sensualité. Son activité d'écrivain, couronnée par les prix Jules-Verne pour Le Ressac de l'espace (1962), de la Science-Fiction française pour L'Homme à rebours (1974) ou Apollo pour Cette chère Humanité (1976), ne saurait faire oublier le critique fin et pertinent des Petites chroniques de nuit, parues naguère dans la revue Galaxie, et la rubrique régulière qu'il tient aujourd'hui au Magazine littéraire après avoir collaboré au Monde. Cet intérêt pour la création littéraire a donné naissance aux anthologies Futurs au présent (1978) et Super-futurs (1986) où il présente au lecteur une multitude de nouveaux talents. Philippe Curval a assuré avec Jacques Sternberg la rédaction et la fabrication du légendaire Petit silence illustré, dernier titre de la presse surréaliste « sauvage » ou premier titre de la presse « parallèle », et participé à la création de plusieurs revues de cinéma comme L'Écran et Présence du cinéma.
Un succès de peintre, c'est rendre en peinture le pouvoir d'une couleur jusqu'ici inconnue. Curval dans son élément.
SANS INTÉRÊT par Bernard DAVIDSON.
On imaginait encore en 1960 que la vue d'une image de façon subliminale suffisait à anéantir la volonté et puisse transformer comme un envoûtement un spectateur en consommateur compulsif. Premier point un peu naïf de cette nouvelle un peu moins intéressante que les précédentes.
LA PLUIE DE L’APRÈS-MIDI par Michel DEMUTH.
* En 1966, Michel Demuth quitte Lyon, où il est né le 17 juillet 1939, pour répondre à l'appel des éditions Opta dont les directeurs littéraires, Alain Dorémieux et Jacques Sadoul, sont débordés. Il passe ainsi du statut de dessinateur-compositeur en soierie à celui de rédacteur en chef de Galaxie et d'Alfred Hitchcock Magazine. Son nom est ensuite associé à Fiction, « Galaxie/bis », Marginal, le Club du Livre d'Anticipation, « Anti-mondes », autant de collections et de revues majeures indissociables de l'histoire de la Science-Fiction en France. Cette activité éditoriale se poursuivra ensuite au Masque et au Livre de Poche de 1976 à 1981. Michel Demuth est également traducteur — on lui doit notamment les premiers volumes du cycle de Dune de Frank Herbert. Son activité d'écrivain est surtout dominée par Les Galaxiales, histoire du futur sous forme de nouvelles réunies en deux tomes par les éditions J'ai lu (1976 et 1979). Dans ces textes, dont la rédaction s'étale sur plus d'une vingtaine d'années, il passe avec aisance de la facture narrative la plus classique à l'expérimentation littéraire. Le recueil Les Années métalliques (1977) présente d'autres exemples frappants de cette dualité. Michel Demuth a signé le scénario d'Yragaël, bande dessinée mise en images par Philippe Druillet, et il collabore aujourd'hui au magazine Zoom, notamment pour le numéro spécial « Japon », une autre manière de s'intéresser aux civilisations extraterrestres.
La pluie de l'après-midi place l'espèce humaine sous l'influence des "sachant", de ceux qui s'imaginent prendre en main le bonheur de toute une population avec ou sans son consentement.
LES PLAISIRS DE LA TERRE par Alain DORÉMIEUX.
Alain DORÉMIEUX |
LA ROSE DES ÉNERVENTS par Daniel DRODE.
* « Le langage des personnages de Science-Fiction n'est, en fait, que l'état actuel de la langue, abusivement étendu à tout le futur. Par suite de cet anachronisme flagrant, il y a décalage entre les paroles du personnage et la réalité qui l'entoure. [...] S'il est logique, s'il va jusqu'au bout de sa pensée, s'il veut créer une anticipation totale, le romancier doit lancer, d'un même mouvement, dans le futur, et le thème et la psychologie (cela ne s'est pas tant fait) et la forme où se moule sa fiction. [...] Expériences ? Bien sûr ! Mais la SF n'est-elle pas faite d'expériences portant sur des idées ? »
On apprécie ou non Drode, tant son style désinvolte prend le pas sur la narration. La rose des énervents ici use de paradoxes temporels laissés comme des chausse-trappes dans la trame du temps par un futur qui cherche à advenir.
LE RETOUR DES ÉTOILES par Michel EHRWEIN.
* Les hasards de la vie amenèrent Karl Henneberg zu Irmelshausen Wasungen, né le 2 novembre 1899 à Wittemberge en Allemagne, à servir dans la Légion étrangère, ce qui le conduisit à Homs, en Syrie, où il rencontra Nathalie Novokowski, née le 17 octobre 1917 à Batoum en Russie, et qui avait transité par le Liban. Ces simples faits suffisent à expliquer pourquoi les textes de Science-Fiction qu'ils publièrent à partir de 1954 sont peu enracinés dans le quotidien, pleins de cris et de grincements de dents, de couleurs, de douleurs et de destins fabuleux. On peut lire, pour s'en persuader, La Naissance des dieux (1954), La Plaie ou Le Dieu foudroyé (1976). Comme pour tous les couples d'écrivains, la grande question a fini par se poser : qui est responsable de quoi dans leur œuvre commune, qui a écrit, qui a donné les idées ? Bien sûr, Charles, mort le 20 mars 1959 à Paris, l'emporte tout d'abord dans l'esprit des curieux, mais il semble que Nathalie, décédée le 24 juin 1977 à Paris également, ait les préférences actuelles. La postérité retiendra d'eux « Henneberg », et placera un trait d'union éternel entre leurs deux prénoms.
LA PLANÈTE AUX SEPT MASQUES par Gérard KLEIN.
* Gérard Klein, né le 27 mai 1937 à Neuilly-sur-Seine, entre très tôt (dès l'âge de dix-sept ans) dans le petit monde de la Science-Fiction en fréquentant assidûment la Balance, première librairie française spécialisée à laquelle sa propriétaire, Valérie Schmidt, donnait des allures de salon littéraire. Il publie à l'âge de dix-huit ans ses premiers textes dans Galaxie et Fiction auquel il donnera longtemps critiques, études et comptes rendus. Il publie en 1958 son premier roman, Le Gambit des étoiles, dans la collection « Le Rayon fantastique », collabore au Petit silence illustré (voir Sternberg). Membre de l'écurie Denoël, il ne dédaigne pas le Fleuve noir où il fait paraître sous le pseudonyme de Gilles d'Argyre des romans populaires qu'il ne renie pas aujourd'hui puisque les éditions J'ai lu viennent d'en rééditer certains dans une version légèrement remaniée. Profondément influencé par l'œuvre de Bradbury, comme le montre le recueil Les Perles du temps (1958), il s'en dégage peu à peu pour donner ce que la SF française a de plus poétique. On lira pour s'en convaincre les nouvelles réunies dans Histoires comme si... (1975) et La Loi du talion (1973), sans oublier les romans Le Temps n'a pas d'odeur (1963) et Les Seigneurs de la guerre (1971). Il n'est donc pas surprenant qu'on lui ait décerné à deux reprises le Grand Prix de la Science-Fiction française. Mais sous le masque de l'écrivain se cachent ceux du psychologue, de l'économiste, du prospectiviste, de l'éditeur (il crée notamment la prestigieuse collection « Ailleurs et demain », chez Robert Laffont), du philosophe passionné de sciences, du critique, sept masques donc qui tous œuvrent pour la Science-Fiction. Cette réunion d'expériences et de réflexions a débouché sur Malaise dans la Science-Fiction (1975), son essai le plus connu, et Trames et moirés (1986, in Science-Fiction et psychanalyse), où il propose la théorie des subjectivités collectives.
Klein aura peut-être lu la version sous forme de nouvelle de "La nuit de la lumière" de P. J. Farmer parue en juin 1957 aux Etats-Unis, et reprise dans le n°82 de Fiction (Septembre 1960). On repensera aussi au style de Marcel Schwob et à son "Roi au masque d'or", aux sept portes du palais du Prince Prospero souhaitant échapper à la peste dans "Le masque de la mort rouge" de Edgar Poe, au "Roi en jaune" de R. W. Chambers déclarant ne pas porter de masque en plein carnaval royal… La planète aux sept masques de Gérard Klein lui a possiblement été dictée aussi par le désert algérien où les jeunes gens de sa génération étaient envoyés en "pacificateurs". Quoi qu'il en soit, l'ambiance de ce récit emprunte plus au fantastique et aux contes qu'à la S.F., et c'est peut-être là une des spécificités de cette "école française" nommée par Dorémieux.
L’INDISCRÉTION DE FINNEGAN par Pierre MARQUAND.
Phrases courtes empreintes de sensations, récit à l'emporte-pièces toujours haletant, et à la clé toute la science de l'univers, Pierre Marquand signe ici sa seule contribution à Fiction. Dommage car prometteur, pour des amateurs d'auteurs dans la lignée de Cyril M. Kornbluth.
LES MÉTAPHORES PEUVENT TUER par Anne MERLIN.
Bien qu'écrivant avec style, la traductrice Anne Merlin ne nous propose ici qu'une potacherie à chute.
DES GOÛTS ET DES COULEURS par Jacqueline H. OSTERRATH.
Illustration de Serge Bihannic (1981) pour "Des goûts et des couleurs". |
Chercher l'exotisme le plus extrême motive les explorateurs de l'espace. Mais comme l'on dit qu'ailleurs l'herbe est toujours plus verte, il se pourrait fort bien qu'un exotique y trouve son compte chez nous… Malgré un titre par trop biblique, Passegand compose un récit tout en sensations et en évocations légères.
PETIT PRÉCIS D’HISTOIRE DU FUTUR par Jacques STERNBERG.
* Jacques Sternberg est né le 17 avril 1923 à Anvers. Il n'a aucune formation particulière, et surtout pas scolaire puisqu'il avoue n'être jamais arrivé à passer son bac. Mais, dans sa bouche, cette phrase prend un tout autre sens, car l'on comprend à demi mot qu'il n'a simplement pas réussi à se présenter aux épreuves, par oubli, par mépris, par lassitude ou par indifférence. Son intérêt, il le portait ailleurs, à la lecture, au Vélo-solex, au dessin d'humour, au bateau à voile, au cinéma, et cette inadaptation consciente et raisonnée à notre société transparaît dans tous ses écrits, en littérature générale comme dans ses essais, dans le domaine de l'étrange comme en Science-Fiction. En 1953, il sort un remarquable recueil de textes courts, La Géométrie dans l'impossible, chez celui qui deviendra son éditeur le plus fidèle, Eric Losfeld, et qui publiera son roman le plus étonnant, Un jour ouvrable (1961). Dans la même veine satirique, il donne en 1958 L'Employé, peut-être son chef-d'oeuvre. Mais, bien entendu, ces écrits dans lesquels il s'était entièrement impliqué se sont mal vendus ; le public leur a préféré des ouvrages rédigés sur commande dont nous tairons les noms. La SF, il l'a aimée, l'a chérie, a contribué à son introduction en France, pour mieux la fustiger lorsqu'il s'est aperçu que d'autres personnes s'y intéressaient, par crainte de l'étiquette. Peu importe, nous avons lu ou nous lirons quand même La Sortie est au fond de l'espace (1956), Entre deux mondes incertains (1958), Toi, ma nuit (1965), Futurs sans avenirs (1971) ou le très récent 180 contes à régler (1988, illustré par Roland Topor). Jacques Sternberg a dirigé voici quelques années une excellente série d'anthologies aux éditions Planète, presque exclusivement consacrées à des genres marginaux. Il a été journaliste d'humeur, notamment dans Arts, Plexus, France-Soir, Le Monde, et rédacteur en chef de Mépris et de l'immortel Petit silence illustré. Je t'aime, je t'aime d'Alain Resnais lui doit scénarios et dialogues, mais ses autres tentatives ne décrochèrent jamais un centime au célèbre Centre d'Avances sur Recettes, ce qui n'est pas pour l'étonner.
POINT DE LENDEMAIN par Jean-Paul TÖRÖK.
* Le nom de Jean-Paul Török est souvent orthographié par erreur sans trémas, ce qui revient, en hongrois, à confondre « gorge » et « turc ». Ce détail ne l'a pas empêché de mener à bien des études de Lettres classiques en Sorbonne, puis de devenir critique de cinéma, membre du comité de rédaction de la revue Positif (jusqu'en 1978), et scénariste. Il a travaillé sur Un mauvais fils de Claude Sautet, et publié un ouvrage sur le sujet, Le Scénario (1986). La Science-Fiction lui doit deux textes, aux sommaires des premières anthologies Fiction spécial. Jean-Paul Török est né le 17 octobre 1939 à Saint-Jean-Poutge (32) ; il est actuellement maître de conférences à l'Université de Paris I.
" Ce livre que Wilno et moi avons, malgré toutes les difficultés, réussi à traduire, racontait une histoire d’amour entre un homme et une femme. Vous en souvient-il, Wilno ? Une histoire d’amour, vous comprenez ? C’étaient des êtres singuliers, charmants, terriblement compliqués. L’amour, ça ne peut pas s’expliquer, il n’y a plus les mots qu’il faut. Lorsque ces deux êtres se rencontrent, lorsqu’ils sont face à face, il se passe entre eux quelque chose d’inouï, d’ineffable, de doux, de terrible, on ne peut pas comprendre. Ils atteignaient un point de l’esprit où tout se rejoignait, le passé et le futur, le mal et le bien, le bonheur et le désespoir. Le monde était transformé à leurs yeux, il revêtait sa vraie signification, il s’illuminait sous une lumière plus aveuglante que mille soleils. Mais cela, nous ne le connaîtrons jamais, jamais. Wilno, souvenez-vous de ces paroles magiques qu’ils échangeaient parfois. Tu te souviens : je t’aime…
— Elle divague, monsieur, chuchota le docteur, épouvanté. Il faut la faire taire. "(Point de lendemain - Extrait).
L’ENCLAVE par Claude VEILLOT.
(Note biographique extraite de l'anthologie de Gérard Klein : "En un autre pays" - Seghers 1975) : Claude Veillot est né en 1925. Évadé en 1942 d’une école militaire d’enfants de troupe, il a mené une existence aventureuse à travers l’Espagne et l’Afrique du Nord, puis fait la guerre en Italie, en France et en Allemagne. C’est sur le front du Garigliano qu’il eut le plaisir de se lire pour la première fois : il avait publié dans le journal du corps expéditionnaire français, Combattant 44, une nouvelle, La piste qui mène à la vallée.
Mais c’est beaucoup plus tard qu’il devait commencer à écrire de la SF puisqu’il ne publie son premier conte dans Fiction qu’en 1959. Au reste, son œuvre dans ce domaine est relativement restreinte puisqu’elle tient tout entière dans un volume, Misandra (J’ai lu).
Après la guerre, il exerce plusieurs métiers puis devient journaliste professionnel en 1950, collabore au Nouveau Candide puis à L’Express, s’intéresse beaucoup au cinéma comme critique et se retrouve scénariste (Un condé, RAS, L’Albatros, Le Vieux Fusil). Il écrit notamment pour Jean-Christophe Averty l’adaptation du Péril bleu de Maurice Renard.
Outre l’influence des classiques, Jules Verne, Wells, Gustave Le Rouge, il dit avoir subi celle de sa grand-mère bretonne, des illustrés d’avant-guerre (Robinson), des revues spécialisées, des Américains publiés après 1950 au Rayon fantastique et dans Présence du Futur, de Stefan Wul et de Kurt Steiner, et bien entendu du cinéma fantastique et de SF « de King-Kong à Silent Running ». Il admire tout spécialement London et Cendrars.
Claude Veillot n’aime pas la SF moderne et en particulier Moorcock, Silverberg et Zelazny. C’est un peu à cause d’eux, dit-il, qu’il a cessé d’en écrire.
LE MAL DU DIEU par Julia VERLANGER.
* Née le 7 décembre 1929 à Paris, Héliane Grimaître s'est éteinte le 3 septembre 1985 à Chably. Elle attribuait son goût très vif, depuis le plus jeune âge, pour la lecture et l'écriture, à son grand-père paternel qui s'occupait d'un journal régional. C'est d'ailleurs dans le grenier de celui-ci qu'elle vint à la Science-Fiction avant la guerre, par le biais d'une vieille collection de Sciences et voyages. Sa carrière littéraire peut facilement se diviser en deux périodes, marquées par l'emploi de pseudonymes différents. Tout d'abord, de 1956 à 1963, Julia Verlanger publie une vingtaine de nouvelles dispersées dans les revues Fiction, Galaxie et Satellite. Plus tard, elle utilisera encore ce nom, notamment pour Les Portes sans retour (1976), mais sur la fin des années 70 elle adoptera le pseudonyme de Gilles Thomas, un des auteurs les plus intéressants du Fleuve noir, alors que celui-ci opérait un changement d'orientation orchestré par Patrick Siry. De cette époque, on retiendra surtout, en SF, L'Autoroute sauvage (1976), et en Fantastique, Magie sombre (1977), où s'affirmait une volonté avouée de délasser le lecteur en lui racontant des « histoires ».
" Être maudit me rendait libre, et je ne craignais plus les tabous."
Tenant à la fois du récit préhistorique à la Rosny-Aîné et à la fable post-apo du genre de "Niourk" de Stefan Wul, cette nouvelle de Verlanger ne traite de rien d'autre que de la peur de la Bombe A. Bien que sans surprise, on pourra s'amuser à traduire les périphrases en termes contemporains.
* Des trois pseudonymes Yves Le Hadec, Stéphane Gaulavoile et Pierre Versins, la postérité retiendra plus particulièrement le dernier. C'est en effet sous ce nom que Jacques Chamson, né le 12 janvier 1923 à Strasbourg, allait se faire connaître dans les milieux de la Science-Fiction. Des études de Lettres interrompues, un internement en camp de concentration et une longue période d'hospitalisation le conduisent en Suisse. Il y crée le club Futopia et publie la revue Ailleurs, dont on peut dire qu'elle est à l'origine de la constitution et de la structuration du fandom francophone tant ses pages fourmillent d'études, de prises de position et de textes rares, sous la plume des auteurs et des critiques les plus importants du genre. Lui-même y signe nombre d'articles qui déboucheront sur l'imposante Encyclopédie de l'Utopie, des Voyages extraordinaires et de la Science-Fiction (1972) couronnée par le prix Hugo de renommée internationale. Un autre monument auquel Pierre Versins peut aisément être identifié, c'est la collection gigantesque de livres et revues et la documentation impressionnante accumulée au fil des ans qui constituent la Maison d'Ailleurs, véritable musée de la SF fondé par lui en 1976 à Yverdon, mais malheureusement peu accessible depuis qu'il en a abandonné la direction en 1981. L'œuvre littéraire de Pierre Versins est plus restreinte. On lui doit quelques romans, tels Les étoiles ne s'en foutent pas (1954) ou En avant, Mars (1955), et des nouvelles où il manie volontiers le jeu de mots et la poésie. Mais, même dans ce domaine, le gigantisme le titille puisqu'il écrit actuellement un roman-océan hyper-réaliste, Louis Savie-Sonœuvre ou l'Imparfait du subjectif, ouvrage annoté par le personnage lui-même, en treize chapitres-volumes.
illustration de Serge Bihannic (1981) pour "Mon oncle" de Bruno Vincent. |
Stefan WUL |