25 juin, 2025

Fiction n°117 – Août 1963

Evelyn E. Smith, Frederick Pohl… nous avons l'impression de retrouver le ton des Galaxie 1ère série ! La reprise de cette défunte revue se prépare d'ailleurs chez Opta. Par ailleurs, nous noterons l'entrée de John Brunner parmi les baroudeurs du PReFeG.

Côté graphisme, ce numéro sera le dernier avec le logo Fiction originel (dans le triangle, forme abandonnée depuis le numéro 105 - un an auparavant). A observer le dessin, il aurait fort bien pu convenir au numéro 112, qui éditait "Le jardin du temps" de Ballard. C'est à croire que la rédaction a attendu la prochaine nouvelle de Ballard pour se servir de cette couverture, avec l'ancien logo intégré par Forest.

Mignonne allons voir si le clic droit...

Comme pour toutes nos publications, un clic droit sur la couverture

vous invitera à télécharger le livre au format epub.

Sommaire du Numéro 117 :


1 - (non mentionné), Nouvelles des auteurs de ce numéro, pages 2 à 3, bibliographie


NOUVELLES


2 - Evelyn E. SMITH, De tout pour faire un monde (They Also Serve, 1962), pages 6 à 28, nouvelle, trad. Régine VIVIER

3 - Frederik POHL, Pour des canards sauvages ! (Punch, 1961), pages 29 à 33, nouvelle, trad. René LATHIÈRE *

4 - John BRUNNER, Rêve par procuration (Such Stuff, 1962), pages 34 à 49, nouvelle, trad. Elisabeth GILLE

5 - Roland TOPOR, La Douceur de vivre, pages 50 à 53, nouvelle *

6 - G. C. EDMONDSON, Statu quo (The Status Quo Peddlers, 1957), pages 54 à 60, nouvelle, trad. René LATHIÈRE *

7 - Brian ALDISS, Échardes (Shards, 1962), pages 61 à 69, nouvelle, trad. Elisabeth GILLE

8 - Jean-Jacques OLIVIER, Message pour le futur, pages 70 à 88, nouvelle *

9 - J. G. BALLARD, Le Sel de la terre (Now Wakes the Sea, 1963), pages 89 à 98, nouvelle, trad. Christine RENARD

10 - Mario SOLDATI, La Balle de tennis (La palla da tennis, 1962), pages 99 à 110, nouvelle, trad. Roland STRAGLIATI

11 - Christine RENARD, Les Naufrageurs, pages 111 à 116, nouvelle

12 - Jacques STERNBERG, Le Reste est silence, pages 117 à 134, nouvelle

13 - Jacques LOB, Humour : Lob, pages 135 à 140, bande dessinée

 

CHRONIQUES


14 - COLLECTIF, Ici, on désintègre !, pages 141 à 156, critique(s)

15 - Jacques GOIMARD, L'Écran à quatre dimensions, pages 157 à 163, article

16 - Demètre IOAKIMIDIS, Des Voyages Extraordinaires considérés comme autoportrait vernien, pages 164 à 167, article

17 - Jacques GOIMARD, Quintessence du space-opera, pages 168 à 171, critique(s)

18 - Maxim JAKUBOWSKI, Échos d'Angleterre, pages 172 à 176, article



* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.


L'avis du PReFeG :

Dans De tout pour faire un mondeEvelyn E. Smith nous sert de ses utopies humoristiques dont elle a le secret (ici : Un monde où "les choses appartiennent à ceux qui leur ont donné la beauté"). Peut-être un peu longuet, mais il ne faudrait pas bouder notre plaisir.

Pour des canards sauvages fera inévitablement repenser à "Comment servir l'homme" de Damon Knight (in Galaxie 1ère série n°1); Frederik Pohl nous y laisse pressentir en les suggérant habilement tout un tas de chutes possibles, car on sent bien venir l'histoire à chute… un peu éventée par le passable traducteur René Lathière.

John Brunner, encore jeune mais aussi barbu, pourvu d'un flegme tout à fait anglais. En ce moment, il semble faire irruption absolument partout dans les revues d'outre-Atlantique, et compte une douzaine de romans sous son nom ou son pseudonyme de Keith Woodcott. 
(Maxim Jakubowski in "Échos d'Angleterre")

Une fois de plus la traduction du titre (Rêve par procurationen révèle un peu trop. Le titre orignal, "Such stuff" - "une étoffe pareille", ou "une telle étoffe" - fait référence aux vers de Shakespeare dans "La tempête" : "Nous sommes faits de l'étoffe des songes…" Dans cette première nouvelle, à paraître dans Fictionde ce jeune auteur de moins de trente ans, John Brunner,  un protocole expérimental sur le sommeil tente de circonvenir l'importance de rêver dans le maintien de l'équilibre psychique. Ceux qui en sont empêchés développent des troubles de l'humeur… Sauf une personne. On n'est pas encore dans les grands thèmes politiques et sociaux qui feront la notoriété de Brunner, plutôt dans ceux que Ballard appelle de tous ses vœux (voir plus loin), mais l'ensemble se parcourt avec plaisir.

Roland Topor débusque l'indolence qui couve dans toute situation dénuée de drame ou d'adversité - comme quoi le bonheur, ou La douceur de vivre, pourrait être déprimants. Mais le docteur détient le remède à la mélancolie !

Statu quopetite histoire post-apocalyptique, laisse entendre que la fin du monde ne saurait se décliner au singulier, et que tout ne prend pas fin de la même manière, ni à la même vitesse. Ce qui prend réellement fin, c'est la cohésion des territoires entre eux.  Par G. C. Edmondson.

Il faut peut-être lire Échardes une seconde fois pour apprécier le flot d'images surréalistes qui en constitue les trois quart. Brian Aldiss audacieux et somme toute concis.

Message pour le futur propose de l'aventure et des péripéties, certes. Mais demeure l'impression que l'auteur, Jean-Jacques Olivier, découvre par lui-même la science-fiction et ses grands thèmes, comme si le texte datait de 1953. Un passage au sujet de la publication rappellera les petites facéties de Jean Lec …  

« Pourquoi vous êtes-vous adressé à moi ? »

— « Parce que vous êtes écrivain et que vous allez écrire cette histoire. Vous l'appellerez « Message pour le futur » et elle paraîtra dans le n° 117 du mois d'août de l'année 1963 de la revue « Fiction ». Tout est venu de la découverte dans nos archives de ce numéro de « Fiction ». Ceci nous permettait de vous situer dans le temps et de vous contacter. »

(…) en mai 1962, vient [le] tour [de J. G. Ballard] d'écrire l'éditorial d'honneur pour « New Worlds SF », la meilleure revue anglaise, tâche que Carnell offrait à tour de rôle à ses meilleurs auteurs pour que ceux-ci y reflètent leurs vues sur l'état de la SF moderne. L'article de Ballard était intitulé « Which way to inner space ? » (Quel chemin pour l'espace intérieur ?) ; de façon catégorique, Ballard y annonçait un déclin de la SF si celle-ci n'abandonnait immédiatement la solution space-opéra et tout recours au voyage dans l'espace. La révolution était de taille ! À partir de là, il prêchait une reconquête de la psychologie humaine par le biais de l'insolite, et jurait publiquement de ne plus illustrer que ce thème dans ses écrits.

(Maxim Jakubowski in "Échos d'Angleterre")

J. G. Ballard joue avec Le sel de la terre et les réminiscences de l'espèce humaine, à moins qu'il ne s'agisse de prémonition sur l'inexorable montée des eaux de l'océan. Quoi qu'il en soit, encore un de ses récits de décompensation psychotique.

La balle de tennis de Mario Soldati nous décrit une ambiance de villégiature en déréliction qui rappellera celle de "L'invention de Morel" de Bioy Casarès (in Fiction n°103), ou "L'année dernière à Marienbad" de Alain Resnais. Avec un enjeu moindre toutefois, et du fantastique à posteriori. 

Une ambiance encore dans Les naufrageurs, ici labyrinthique. Le ton de Christine Renard rappellerait du Topor au féminin, étrange mais sans cruauté.

Toujours cette désespérante vacuité de vivre chez Jacques Sternberg, dans Le reste est silenceune variation sur l'amour et la mort assez similaire à sa "Marée basse" (voir Fiction n°60). Un peu longuet avant le motif final, dont voici un extrait (attention au divulgâchage) :

Elle avait oublié son agenda sur la table. Je le pris, je le feuilletai machinalement. Puis, immédiatement, mon attention fut alertée, quelque chose se figea en moi. Je le feuilletai très lentement, sans comprendre.

Sur chaque page correspondant à deux jours, il y avait deux noms. Un nom par jour. Toujours des noms différents, pour chaque jour. Toujours un prénom, un nom de famille. Parfois un nom de femme, parfois un nom d'homme. En dessous de ces noms, des chiffres dont je ne comprenais pas le sens. Comme s'il s'agissait d'un code. Et derrière chaque nom un gros point noir, bien dessiné, bien net.

Les amateurs de mangas seront surpris de constater que Jacques Sternberg a inventé le "Death Note" en 1963 ! 


Une fois n'est pas coutume, mais coutume n'est pas règle non plus, nous vous proposons en bonus cette semaine un ouvrage de "vulgarisation" scientifique, qui, à en croire la critique qu'en fait Demètre Ioakimidis, mérite l'intérêt.

Jean Charon. Du temps, de l'espace et des hommes. 

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Voici un ouvrage qui fait, en quelque sorte, pendant à l'excellente Connaissance de l'univers, du même auteur. Jean Charon s'est attaché, en ces 170 pages, à montrer les directions dans lesquelles l'horizon de la science se confond avec celui de la philosophie, de la métaphysique et de la religion. Le contact de l'homme avec l'univers exige la reconnaissance de ces vastes points d'interrogation, auxquels la science s'efforce de substituer une explication, mais que les autres domaines du savoir ont également abordés. Disciple convaincu de Teilhard de Chardin, Jean Charon estime que la notion de psychisme peut permettre de lever les incompatibilités qui semblent opposer sur certains points les explications scientifiques aux convictions religieuses. Il invoque également l'inconscient collectif de Jung, et propose une esquisse de synthèse qui mérite d'être méditée.

Le courage de l'auteur est grand, d'aborder des problèmes tels que ceux de la vie et de la mort, après avoir choisi comme point de départ ceux de l'espace, du temps et de la matière, fort simples, et pour ainsi dire prosaïques, par comparaison. Mais son exposé est fait avec un sens très aigu de la gradation, gradation évoquant les démarches de ce qu'on pourrait appeler la curiosité scientifique collective de l'humanité : au fur et à mesure qu'une réponse est acquise, elle prend sa place dans une vision plus complexe dont il s'agit de dégager le plan d'ensemble. N'est-ce pas là une façon d'interpréter les progrès du savoir scientifique au cours des trois cent cinquante dernières années ? 

L'exposé de Jean Charon demande de l'attention et une certaine capacité de concentration, plutôt qu'il ne fait appel à des connaissances scientifiques profondes. S'il résume diverses acquisitions de la science contemporaine (et comment faire autrement, devant le but qu'il s'est fixé ?), l'auteur suppose surtout, chez son lecteur, la faculté de raisonner, celle d'embrasser un horizon scientifique vaste, et aussi celle d'abandonner certaines acquisitions de l'enseignement officiel. Par exemple, il insiste sur le fait que la géométrie euclidienne, parfaitement valable en sa qualité d'approximation dans le cas de l'univers limité auquel le collégien doit l'appliquer, n'est point valable lorsqu'il s'agit d'embrasser des galaxies. Il insiste de même sur tout ce qu'il y a de relatif dans la notion de simultanéité dès que l'on se place sur le plan cosmique : le signal le plus rapide dont nous disposons – la lumière – ne transmet des informations qu'à une vitesse finie, et ce temps de transmission doit être pris en considération lorsqu'on envisage des distances à l'échelle du parsec.

On peut résumer le plan de l'exposé de la façon suivante : Jean Charon commence par évoquer la soif de connaissance qui anime l'élite de l'espèce humaine, puis il aborde les constituants de notre univers – l'espace, le temps, la matière – pour se demander si cet univers nous sera totalement accessible, s'il a des limites dans le temps ou dans l'espace, et s'il peut abriter d'autres êtres intelligents. Il s'agit des questions qui formaient la substance des quatre fameux livres de l'Abbé Moreux – « D'où venons-nous », « Où sommes-nous », « Qui sommes-nous », « Où allons-nous » – mais elles sont abordées avec une largeur d'esprit et une capacité de synthèse beaucoup plus grandes. C'est dans la seconde moitié de son ouvrage que Jean Charon expose la notion de psychisme, ce qui l'amène à considérer des problèmes tels que la vie et la mort, la situation de la science comparée à celle de la religion, ou l'évolution cosmique.

Il y a lieu de relever un point mineur, mais qui semblerait indiquer chez Jean Charon l'existence d'un côté pince-sans-rire. Les chapitres de son livre portent en épigraphe des citations empruntées à la science et à la littérature, et dont les auteurs sont successivement Einstein, Hugo, Merleau-Ponty, Thalès, Camus, et plusieurs autres. Le dernier chapitre est précédé d'un paragraphe signé… Louis Pauwels. Le texte qui suit demeure cependant fidèle à l'esprit d'exposition lucide, scientifique et critique qui anime le reste du livre. Écrit dans une langue simple et claire, qui reste précise sans devenir sèche, et fluide sans sacrifier à la facilité, l'ouvrage de Jean Charon mérite l'attention de tous ceux qui cherchent à mieux connaître cet univers qui constitue le cadre ultime de notre existence.

Demètre Ioakimidis

Rapport du PReFeG (Juin 2025)

  • Relecture
  • (Rares) corrections orthographiques et grammaticales
  • Vérification du sommaire
  • Vérification des casses et remise en forme des pages de titre
  • Mise en forme des titres présentés in "Revue des livres"
  • Ajout de la Table des "Nouvelles des auteurs de ce numéro" telle qu'évoquée dans le sommaire sur NooSFere mais n'apparaissant pas dans le epub d'origine.
  • Notes (1b), (3b), (6b) et (15) ajoutées.
  • Vérification et mise à jour des liens internes
  • Mise au propre et noms des fichiers html
  • Mise à jour de la Table des matières
  • Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)

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Prochaine publication prévue pour le mercredi 02 juillet 2025 : Fiction n°118.

1 commentaire:

  1. Chers usagers bonjour !
    Quelques erreurs télématiques s'étant glissée à la faveur d'une correction hâtive, nous venons de procéder à une petite mise à jour ce mercredi 25 juin 2025 à 11h (et le lien vers le bonus corrigé aussi).
    Comme à l'accoutumée, vous pouvez nous confirmer que tout fonctionne bien de votre côté, et nous vous en remercions.

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Merci pour votre commentaire, il sera publié une fois notre responsable revenu du Centaure (il arrive...)

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