Un numéro bien pratique si vous êtes en proie à un "génie aux trois souhaits", bien agréable pour découvrir une petite nouvelle inédite de Robert F. Young, et bien instructive sur les sources de Kurt Vonnegut…
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Sommaire du Numéro 80 :
NOUVELLES
1 - Joseph-Henri ROSNY aîné, Un autre monde, pages 3 à 25, nouvelle
2 - Dino BUZZATI, Il était arrivé quelque chose (Qualcosa era successo, 1954), pages 26 à 29, nouvelle, trad. (non mentionné)
3 - Gérard KLEIN, Rencontre, pages 30 à 37, nouvelle
4 - Jane RICE, Le Saule (The willow tree, 1959), pages 38 à 45, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE *
5 - John NOVOTNY, Le Second lot (Second prize, 1957), pages 46 à 56, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *
6 - Robert MARNER, D'une route à une autre (There ain't no other roads, 1958), pages 57 à 68, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE *
7 - Robert F. YOUNG, Écrit dans le ciel (Written in the Stars, 1957), pages 69 à 73, nouvelle, trad. René LATHIÈRE *
8 - Theodore STURGEON, Épitaphe (Like young, 1960), pages 74 à 81, nouvelle, trad. René LATHIÈRE
9 - Alain DORÉMIEUX, L'Habitant des étoiles, pages 82 à 102, nouvelle
10 - Idris SEABRIGHT, Son et lumières (Stawdust, 1956), pages 103 à 112, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE
11 - Anthony BOUCHER, Pour vous servir... (Nellthu, 1955), pages 113 à 113, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *
12 - Jean-Louis M. MONOD, Le But, pages 114 à 114, nouvelle *
13 - Jean-Louis M. MONOD, Double vue, pages 114 à 114, nouvelle *
14 - Jean-Louis M. MONOD, Signe de mort, pages 115 à 115, nouvelle *
CHRONIQUES
15 - (non mentionné), Notre référendum 1960, pages 117 à 118, chronique
16 - Aimé MICHEL, Faut-il brûler les auteurs de space-opera ?, pages 121 à 125, article
17 - COLLECTIF, Ici, on désintègre !, pages 126 à 135, critique(s)
18 - F. HODA, Fantastique et mise en scène, pages 136 à 137, article
19 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 138 à 142, article
20 - (non mentionné), Aux frontières du possible, pages 144 à 144, chronique
* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.
On ouvre ce numéro par un "classique" : Un autre monde, de Joseph-Henri Rosny-aîné, qui nous dévoile tout un monde inconnu à nos yeux - et l'idée d'une faune évoluant dans un plan juxtaposé au nôtre sans réelle interaction sera reprise plus tard par Lovecraft dans sa nouvelle "De l'au-delà". Mais surtout, Rosny "invente" le mutant, non pas surhomme, mais être "organisé" différemment. Reste pour cet individu isolé à trouver sa place… Un style agréable pour un texte réconfortant de tolérance.
Autre auteur de forte renommée, Dino Buzzati fait ici son entrée dans la revue avec Il était arrivé quelque chose. Buzatti n'explique rien, et se contente d'exprimer l'agencement de faits et d'intuitions d'étrangeté forcément inquiétante. Kafka n'est pas loin…
Dans Rencontre, Gérard Klein tourne un peu en rond dans une histoire d'éternel retour - un comble ! Plus fantastique que SF, quoiqu'en dise la présentation de Fiction.
Toujours mêlant fantastique et science-fiction, Le saule de Jane Rice fait se juxtaposer les méandres du temps, dans une histoire d'enfance, et les fait tracer des courbes et des boucles et s'interpénétrer, telles les pages d'un livre coexistantes mais ne relevant pas de la même temporalité. On retrouvera cette idée dans le "récent" ouvrage d'Alan Moore : "Jerusalem".
Des soldats antiques surnommés Toto et Doigts de Fer, tels les compagnons de Dorothy dans "Le magicien d'Oz" apportent Le second lot. Une histoire cocasse de John Novotny qui ravira les maris affublés d'une femme jalouse.
Spécificité américaine, les "tramps", voyageurs permanents et travailleurs saisonniers et occasionnels, comptent parmi eux leur lot de psychotiques légers, ou bien alors "d'outsiders", venus d'ailleurs. Dans D'une route à une autre signé Algis Budrys sous le pseudonyme de Robert Marner, il faut parvenir à lire entre les lignes et percevoir le rapport ambigu à l'étranger que cultivent certaines bourgades américaines.
Écrit dans le ciel, c'est l'ordonnancement du chaos et du hasard par une pensée consciente, qui fixe des symboles et des allégories dans les cieux étoilés. L'espace est alors perçu comme un plan (dans toutes les acceptations du terme). Robert F. Young traite ici de voyageurs stellaires qui découvriraient la profondeur, la troisième dimension, et les surprises d'un nouvel ordonnancement stellaire. Un peu de philologie au passage, un brin d'astronomie, dans une concision fort habile.
Le marsouin vu comme le successeur logique de l'espèce humaine. Kurt Vonnegut reprendra cette idée globale dans son roman "Galapagòs", mais nous découvrons que c'est bien dans cette Épitaphe de l'espèce humaine que Theodore Sturgeon a posé le premier ce postulat. On repensera aussi à la condescendance des psycho historiens de "Fondation", d'Isaac Asimov, à la lecture de cet extrait :
" Quant aux secrets fondamentaux – ceux dont découlaient la morale et les progrès de l'intelligence comme de la technique – il importait de les enfouir plutôt trois fois qu'une : il fallait qu'ils se présentent ultérieurement comme autant de révélations successives, chacune laissant pressentir la suivante. Nous devions mettre tous nos moyens en œuvre pour acquérir la certitude que la Nouvelle Race ne les exhumerait pas trop tôt – mais aussi qu'elle ne risquait pas de ne jamais découvrir des plaques trop bien cachées. "
On disait souvent que le personnage fétiche de Kurt Vonnegut, l'écrivain imaginaire de Science-fiction Kilgore Trout (c'est à dire "truite" en anglais) lui avait été inspiré par Sturgeon ("esturgeon", en anglais). Quoi qu'il en soit, Sturgeon partage bien cet humour désabusé avec Vonnegut. Ici, le seul commentaire sur la somme du savoir humain et qui lui survivra tient en deux mots - que nous vous laissons découvrir…
Avec L'habitant des étoiles, Alain Dorémieux continue d'élaborer ses thèmes de prédilection ; ici le vampirisme avec un être extraterrestre. Mais il dépeint aussi une forme de réaction d'individus mal compris de leur entourage, et qui n'ont d'autre alternative que de se réfugier dans une interprétation du Monde qui leur est propre.
Autre interprétation du monde, ici un monde forclos : celui des navires interstellaires pratiquant la croisière d'agrément. Son et lumières pourra faire repenser à la dernière séquence du film de John Carpenter, "The thing", quand les deux derniers rescapés d'une épidémie de transformations se toisent l'un l'autre. Ici, la métamorphose est grotesque, délibérément, avec cet humour sarcastique qu'emprunte parfois Idris Seabright, et renvoie l'héroïne à la vacuité de la vie quotidienne lors d'une croisière au long cours.
La sempiternelle histoire des trois vœux fait à un génie est, dans Pour vous servir…, peut-être définitivement résolue par Anthony Boucher. À garder, donc, dans le fond de son esprit au cas où…
Le Banc d'essai aux jeunes auteurs fait la place à trois courts récits de Jean-Louis M. Monod, qui joue sur les mots pour créer des situations. Un exercice quasi oulipien.
Côté chroniques, dans l'article intitulé Faut-il brûler les auteurs de space-operas ? on pourra lire :
" la science (...) est en train d'engager l'humanité dans une mue irréversible dont certains résultats déjà visibles à l'œil nu auront pour conséquence de rayer l'espèce humaine de la surface terrestre. Les hommes sont en train de vivre leurs dernières générations. S'il en existe encore quelques spécimens dans deux ou trois siècles, ce sera dans les musées. "
Evoque-t-on déjà la sixième extinction de masse ? Qu'on se rassure, l'écrivain et ufologue Aimé Michel traite ici des (nouvelles) expériences sur les génomes des espèces vivantes (auxquelles on ne demande pas leur avis). Un brin catastrophiste, il écrit par exemple à propos de l'ADN modifié (on parle maintenant de transgénique): " Rien ne pourra plus, par la suite, en changer le moindre détail, fût-ce le moindre grain de beauté. " Bien que les plus récentes études nuancent ce point de vue, et en fait d'extinction, c'est celle de l'espèce à son stade actuel dont il est question. comme dirait James Blish : la conquête d'autres mondes implique la pantropie.
Dans la série : " On l'a échappé belle ! ", la rubrique AUX FRONTIÈRES DU POSSIBLE évoque une recherche étonnante :
LE JOUR ÉTERNEL.Un jeune savant russe, Valentin Tcherenkov, vient de déposer un projet qui, s'il était exécuté, bouleverserait le monde. À la surprise de nombreux savants, l'Académie des Sciences de l'U.R.S.S. a décidé de le patronner. Il ne s'agit rien de moins que de supprimer la nuit, en créant un jour artificiel et éternel sur toute la planète.
La Lune constituant, à 380 000 kilomètres de la Terre, un miroir capable d'éclairer nos nuits, Tcherenkov envisage de construire un réflecteur artificiel entourant notre planète comme un anneau de Saturne. Techniquement il s'agirait d'envoyer à 1 200 km d'altitude mille fusées cosmiques emportant 500 000 tonnes de poussière blanche, de la craie ou du plâtre. Tournant autour de la Terre, ces mille fusées, grâce à une soufflerie d'air comprimé installée à leur bord, expulseraient leur charge de poussière, tissant un ruban de cent kilomètres de large, capable de réfléchir en pleine nuit une quantité de chaleur et de lumière solaire de 270 milliards de kilowatts (plus de dix mille fois la puissance totale des centrales électriques françaises). L'intensité de la lumière ainsi diffusée autour du globe pourrait aller jusqu'à 200 lux, alors qu'il suffit de 50 lux pour lire normalement un livre, en plein jour.
Ce ruban solaire, satellite de notre Terre, pourrait durer des milliers d'années. En cas de « déchirure » du ruban, des fusées chargées de nouvelles provisions de poussière pourraient le « raccommoder » aisément.
Pour finir, un peu de légèreté dans ce monde de brutes, les lecteurs de Fiction prennent leurs plumes pour défendre les charmes des dessins de Jean-Claude Forest qui fleurissaient les numéros de cette époque :
LES FEMMES DE FOREST SONT CHARMANTES…
s'il faut en croire de multiples lecteurs.
J'aime énormément les dessins de Forest. Dans vos commentaires, page 120 du numéro 78, vous disiez que certains lui reprochaient ses « jeunes femmes dévêtues ». J'en ai été ahuri, car enfin, le cinéma ou d'autres lieux, sans compter moult journaux, offrent pire à nos yeux.
(M. Beaucarne, Châlons-sur-Marne.)
Je ne comprends pas ces reproches envers les jeunes femmes dévêtues de Forest. C'est ridicule.
(M. Guéraud, Perpignan.)
J'aime beaucoup les couvertures de Forest, qui n'ont rien de choquant. Qu'il continue !
(M. Poncet, Suresnes.)
Attention : ne devenez pas des Pères-la-Pudeur à cause de quelques imbéciles, et ne censurez pas Forest.
(M. Develotte, Chantilly, Oise.)
Je trouve stupide le reproche adressé à Forest au sujet des « jeunes femmes dévêtues » !
(M. Jezequel, Tréboul, Finistère.)
Vos femmes dévêtues ne sont pas désagréables à voir ; habillez plutôt vos Insectes !
(M. Gouguenheim, Paris.)
Les femmes dévêtues de J.-C. Forest en couverture ne me paraissent nullement choquantes, mais agréables. Tout est pur pour les purs !
(M. Pelletier, Paris.)
Questionnaire à proposer aux adversaires de Forest : peau : …. % ; sous-vêtements : …. % ; sein droit : …. % ; etc. Pour parler sérieusement : ne pas tenir compte de l'avis des imbéciles.
(M. Fritsch, Strasbourg.)
Les esprits chagrins, étroits même, qui reprochent à Forest ses silhouettes trop peu vêtues, qu'ont-ils donc à déplorer ? J'ai repris une pile de vos derniers numéros : aucun dessin de Forest n'est indécent. La plupart sont d'une esthétique très sûre et souvent d'une grande poésie. Je crois que l'indécence n'existe en fait que dans le jugement de certains de vos lecteurs.
(M. Fruehard, Poitiers.)
Rapport du PReFeG (Septembre 2024)
- Relecture
- Corrections orthographiques et grammaticales
- Vérification du sommaire
- Vérification des casses et remise en forme des pages de titre
- Note (14) augmentée d'un commentaire.
- Ajout de la note (5b) (Erratum publié dans le Fiction n°81)
- Vérification et mise à jour des liens internes
- Mise au propre et noms des fichiers html
- Mise à jour de la Table des matières
- Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)
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