10 septembre, 2025

Galaxie (2eme série) n°001 – Mai 1964

Le PReFeG est heureux de renouer avec la seconde partie de son projet : la mise en ligne de la revue Galaxie, avec, en cette année 1964, le retour dans le champ éditorial français de cette revue américaine de qualité. Annoncé pour le mois d'avril, le premier numéro de cette "2ème série" parait finalement en Mai 1964, sous l'égide des éditions Opta, qui n'a pas encore fini à cette époque de multiplier son offre en matière de science-fiction. Pour cette "nouvelle" revue, le bal s'ouvre sur un roman de qualité : "Au carrefour des étoiles" de Clifford D. Simak ; on pourra aussi y saluer les jeunes Robert Silverberg et le britannique John Brunner, accompagnés par le déjà vétéran Poul Anderson, et un tas de textes restés inédits depuis.

"Bon sang, dans 60 balais,
on laissera faire Pesquet !"

Comme pour toutes nos publications, un clic droit sur la couverture

vous invitera à télécharger le livre au format epub.
("Enregistrer la cible du lien sous...")

Sommaire du Numéro 1 :


1 - Clifford D. SIMAK, Au carrefour des étoiles (Here Gather the Stars / Way Station, 1963), pages 4 à 59, roman, trad. Michel DEUTSCH, illustré par Wallace (Wally) WOOD

2 - Mary CARLSON, Le Temps du froid (The Time of Cold, 1963), pages 60 à 66, nouvelle, trad. Pierre BILLON *

3 - Robert SILVERBERG, Voir l'homme invisible (To See the Invisible Man, 1963), pages 67 à 77, nouvelle, trad. Michel DEMUTH

4 - John BRUNNER, Le Meilleur des pièges (A Better Mousetrap, 1963), pages 78 à 95, nouvelle, trad. Pierre BILLON, illustré par Virgil FINLAY *

5 - Jack SHARKEY, Le Réveil (The Awakening, 1964), pages 96 à 101, nouvelle, trad. Pierre BILLON *

6 - Alfred Elton VAN VOGT, Les Sacrifiés (The Expendables, 1963), pages 102 à 130, nouvelle, trad. Michel DEMUTH, illustré par Virgil FINLAY

7 - Poul ANDERSON, La Croisée des chemins (Turning Point, 1963), pages 131 à 145, nouvelle, trad. Pierre BILLON, illustré par John Jr. PEDERSON *

8 - Lester DEL REY, La Fin d'une race (The Course of Logic, 1963), pages 146 à 159, nouvelle, trad. Pierre BILLON, illustré par John GIUNTA *


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.


"Comme un gant" !

Annoncé dans Fiction (et Fiction Spécial 5) pour le mois d'avril, il faudra attendre le mois de Mai 1964 pour voir ressurgir la revue Galaxie, après cinq ans d'absence.

Durant ces cinq ans, les littératures de genre, et principalement la science-fiction, ont grandement évolué. Dans le monde, après le lancement de Spoutnik, c'est un homme qui est allé dans l'espace ; il faudra dorénavant chercher  l'évasion et l'imaginaire au-delà de l'Espace. Et puis la Guerre Froide, la Crise de Cuba, l'assassinat de Kennedy,... démontrent qu'après "l'épanouissement" consumériste des années 50, un basculement soudain est toujours possible, et qu'un avenir plus sombre se prépare potentiellement derrière les portes de demain. Face à une anxiété grandissante, les citoyens du monde des années 60  se politisent davantage que lors de la dispendieuse décennie précédente, et la science-fiction, toute entière consacrée à l'avenir, n'échappe évidemment pas à cette politisation.
C'est donc dans un environnement bien changé que renait Galaxie dans une version francophone, sous l'impulsion de Alain Dorémieux (et sans doute déjà de Michel Demuth) et des éditions Opta.

Mais qu'on s'en souvienne, entre 1953 et 1959, Galaxie (dite "1ère série" ensuite) diffusait principalement les auteurs de "l'Age d'or" de la SF américaine, Sheckley, Asimov, Pohl... Mais ce fut aussi en France le marchepied de Gérard Klein, de Michel Demuth ou d'Albert Ferlin, le jardin d'auteurs à présent "disparus" tels Jean Lec ou Jeannine Raylambert … Ce fut également l'aire de jeux du petit Jimmy Guieu, dans sa panoplie de chasseur de soucoupes.
Mais ce fut aussi une revue très décriée par la suite pour les libertés qu'elle prenait avec les textes, par des coupes drastiques et des traductions approximatives, faute d'un véritable souci éditorial. Car un fantôme hantait les bureaux de l'éditeur Nuit et Jour, et c'était le rédacteur en chef de Galaxie ("La rédaction-fantôme de « Galaxie » (tellement fantôme que jamais personne n'arrivait à voir le « rédacteur ») n'était en somme qu'un secrétariat s'occupant de transmettre des textes américains à traduire.", écrivait Alain Dorémieux dans le Fiction n°68).
Suivant une "trajectoire parallèle" à celle de Fiction, Galaxie ne montrait toutefois pas la même velléité d'imposer un genre en France et de s'en saisir pleinement, mais bien plutôt de proposer "un produit manufacturé" décalqué sur sa version américaine - du moins toujours à en croire Alain Dorémieux.

Cinq ans, donc, ont passé, "The times they are a' changin'" comme dit le poète, et les rivalités d'hier se muent alors en réappropriation. Fiction colonise-t-elle Galaxie, après avoir laissé les poussières de la faillite lentement retomber ? Nous inclinerons plutôt à croire en un souhait sincère d'amateur du genre, déplorant l'absence de diversité des revues professionnelles et la conscience qu'un trésor littéraire demeure encore inaccessible aux lecteurs français, par-delà une barrière de la langue large comme l'Atlantique.

Voyons ce qu'Alain Dorémieux nous dit dans l'annonce de la renaissance de Galaxie qu'il publie dans le n°125 de Fiction :
GALAXIE : Une renaissance
" À partir du mois d’avril, FICTION aura une sœur cadette (au nom déjà célèbre) : GALAXIE.
La première édition française de GALAXIE débuta en 1953 et fut interrompue en 1959. S’il est vrai que tous les lustres le phénix renaissait de ses cendres, pourquoi une revue de SF n’imiterait-elle pas cet oiseau légendaire ?
Le précédent GALAXIE n’avait qu’un défaut : celui d’être publié par des non-spécialistes. Cette nouvelle édition, dirigée par la même équipe rédactionnelle que FICTION, offrira à cet égard une garantie de sérieux.
Pour la première fois, vous seront présentés en version intégrale les meilleurs textes inédits des grands auteurs américains de SF. Le nombre de pages (160, uniquement consacrées à des récits) permettra en outre, chaque mois, une importante sélection.
Comme par le passé, GALAXIE sera la revue 100 % SF, destinée à l’amateur « inconditionnel » du genre. Mais la variété de ses sujets, la diversité des champs qu’ils embrassent, satisferont le plus grand éventail de goûts.
À un moment où la disparition du « Rayon Fantastique » avait paru sonner un coup de glas pour la science-fiction, nous sommes heureux de témoigner de sa vitalité, en réintroduisant sur le marché français la plus fameuse des revues d’outre-Atlantique. "

On pourra toutefois le constater, "Galaxie 2ème série" sera en effet, du moins au début, entièrement dédiée à la science-fiction anglo-saxonne, et conservera de la 1ère série son aspect "old school", ses illustrateurs d'avant-guerre (l'incontournable Virgil Finlay, par exemple), et ses "pitch" de présentations à l'emporte-pièce - soit "Galaxie", mais en mieux. Car un soin tout particulier sera apporté aux traductions (sous les plumes de Michel Deutsch, Pierre Billion, Christine Renard ou Michel Demuth himself...), et la revue tiendra finalement un rôle d'observatoire de ce qui s'écrit outre-Atlantique.

Mais témoigner de la vitalité d'un genre comme la science-fiction ne sera pas tout. Avec l'apparition ou l'envol d'auteurs comme Robert SilverbergPhilip K. Dick ou Cordwainer Smith, comme avec des chroniques régulières, celle de Philippe Curval par exemple, Galaxie sera aussi tournée vers les métamorphoses inévitables d'un genre dédié aux questionnements des lendemains.

Pour anticiper légèrement, et terminer cette note d'introduction à cette deuxième série de Galaxie, voyons ce que la rédaction de la revue écrit dans son numéro 4, quelques mois plus tard :

"GALAXIE" ET SES LECTEURS 
" La reparution de GALAXIE nous a valu un abondant et encourageant courrier.
A lire ces lettres, une constatation s'impose : GALAXIE comble un vide. Beaucoup de nos correspondants étaient lecteurs de l’ancienne édition et en avaient toujours regretté la disparition, L'amateur de S.F. et rien que de S.F. n'avait plus sa revue. Même réaction à notre formule consistant à présenter régulièrement des romans. La carence, dans ce domaine, des collections spécialisées semble laisser depuis longtemps le fervent de S.F. sur sa faim.
Satisfaction générale, donc, pour la renaissance de la revue. Et jugements dans l'ensemble favorables pour la composition des premiers numéros (seule une faible minorité s'estime déçue). Avouons pourtant une chose : nous avions un contingent de textes relativement restreint quand nous avons préparé ces premiers numéros. Actuellement, ce contingent est beaucoup plus étendu et nous pouvons faire de façon plus approfondie nos prochaines sélections. Voici notamment quelques auteurs dont nous avons une importante quantité de nouvelles ou de romans en stock : Brian W. Aldiss, Poul Anderson, Arthur C. Clarke, Philip K. Dick, Gordon R. Dickson, Damon Knight, Keïth Laumer, Fritz Leiber, Murray Leinster, J.T. Mclntosh, Cordwainer Smith, Robert F. Young, etc.
D'autre part, nous nous occupons activement de rechercher les anciens textes non parus en France du Galaxy américain. Et à ce propos, une précision s'impose. Beaucoup d'auteurs autrefois très productifs n'écrivent plus guère dans le Galaxy américain. C'est le cas notamment de Simak et Sheckley. Nous ne pouvons donc, au mieux, que présenter les nouvelles d'eux restées inédites mais non les inscrire régulièrement et constamment à nos sommaires.
Nous étant consacrés à l'étude des traductions de l’ancien Galaxie français, nous envisageons autre chose : présenter la version intégrale de textes qui, à l'époque, avaient été parfois considérablement abrégés ou altérés à la traduction, Un seul exemple suffira à exposer la situation : la nouvelle de Robert Sheckley Un billet pour Tranai, d'une longueur de 38 pages dans son texte original, fut ramenée à 20 pages dans le Galaxie français. Dans de pareils cas, une reprise nous semble s'imposer (mais pas plus d'une au maximum par mois). Qu'en pensent nos lecteurs ?
Si nos correspondants sont presque unanimes sur les textes présentés, il y a plus de divergences concernant l’utilisation des dessins américains. Disons simplement qu'ils nous paraissent certes de qualité inégale, et que nous nous efforcerons à l'avenir de ne conserver que les meilleurs. Mais ils correspondent à notre avis à l'esprit de GALAXIE, et les supprimer serait trahir cet esprit. "

Cette démarche de reprendre de fond en comble les traductions des nouvelles parues dans la première série de Galaxie, Michel Demuth la développera un peu plus tard, avec sa série d'anthologies "Marginal", compilant  selon des grands thèmes les nouvelles retraduites, avec des illustrations originales de dessinateurs français. Mais il faudra encore attendre presque dix ans et l'année 1973 pour cela…

Pour transiter en douceur vers la suite, citons Simak dans son roman "Au carrefour des étoiles" : 

" - Il y a un journal de Géorgie dont le slogan proclame qu'il couvre le Sud comme la rosée. Il faudrait inventer quelque chose du même genre au niveau de la galaxie.

- Un gant ! s'exclama Mary. Le quotidien qui enveloppe la galaxie comme un gant ! "


Galaxie propose donc de commencer ce nouveau voyage par un roman de Clifford D. Simak, publié en deux parties, Au carrefour des étoiles, qui obtiendra d'ailleurs le Prix Hugo en cette année 1964.

" Voici la Terre, se disait-il. Une planète faite pour l'Homme. Mais pas pour lui seul, cependant : c'était aussi une planète pour le renard, le hibou et la belette, pour le serpent, la sauterelle et le poisson, pour toutes les formes vivantes qui pullulaient dans l'air, sur le sol et au fond des eaux. Et qui n'était pas non plus le monopole des espèces indigènes : elle était également faite pour d'autres créatures, nées sur d'autres terres, sur d'autres planètes situées à des années-lumière mais qui, dans leur essence, étaient toutes autant de Terres. Car Ulysse, et les Lumineux, et tous les autres pouvaient vivre sur la planète Terre si besoin en était ou s'ils en avaient simplement envie. (…) Le fait fondamental : l'intelligence existait dans l'univers. L'Homme n'était pas seul. Pour peu qu'il s'engageât sur la bonne route, il ne serait, plus jamais seul. "

Partant de cette hypothèse que l'intelligence, ou que la conscience d'être existe partout à travers l'univers, Simak nous propose de s'interroger sur son sens. Car manifestement, il nous faut suivre la bonne route. Le débat est donc moral, et la question demeure : quelle est "la bonne route" selon Simak ?

—  (…) Que de choses avons-nous encore à apprendre ! Ils sont tellement plus savants que nous… Leurs notions en matière de religion, par exemple…
— Je ne sais pas s'il s'agit vraiment d'une religion. Cela n'a pas l'appareil généralement associé à la religion. Et ce n'est pas fondé sur la foi. La foi n'est pas une nécessité. La base de leurs croyances, c'est la connaissance. Ce sont des gens qui savent, voyez-vous.
— C'est à la force spirituelle que vous pensez ?
Enoch répondit :
— Elle existe au même titre que toutes les autres forces qui constituent l'univers. Oui, il y a une force spirituelle exactement comme il y a des choses que l'on appelle le temps, l'espace ou la gravitation pour ne parler que de ces seuls éléments immatériels. Elle existe et ils peuvent entrer en contact avec elle…
Cette idée d'une forme de conscience qui traverse le vivant, la "force spirituelle", sera reprise 13 ans plus tars dans le film "Star Wars". Chez Simak aussi, la "force" donne à ceux qui y sont les plus sensibles un pouvoir sur la matière, la vie, l'espace… Et si, comme dans "Star Wars", il y a un ordre quelque peu monastique qui veille sur les avatars de cette force, l'idée n'y est ici qu'évoquée de loin, comme un bruit de fond à l'ensemble de l'histoire.
Il y a déjà bien assez à faire, Simak le comprend bien, avec la posture de l'humain qui découvre, seul, l'immensité de la civilisation galactique, et le déploiement de la conscience par delà notre petite planète de banlieue. Car les chocs sont multiples, et parfois inattendus. 
Si votre forme physique vous interdit de coloniser une planète, vous n'avez qu'à changer de forme ! À vous métamorphoser en un être capable de vivre sur la planète en question ; il ne vous reste plus alors qu'à en prendre possession. S'il vous faut, pour cela, être un ver blanc, eh bien, vous devenez un ver blanc. Ou un coléoptère. Ou un crustacé. Ou n'importe quoi d'autre. Et ce n'est pas seulement votre enveloppe corporelle qui se transforme : votre esprit subit le même avatar, il devient le type d'esprit qu'il faut que vous puissiez vivre dans ce milieu étranger.
Bien que Simak poursuive ici en termes simples le principe de pantropie théorisé par James Blish en 1957, rappelons qu'il avait déjà évoqué cette idée dans "Demain les chiens" (1952).

La "bonne route", alors, qu'elle est-elle selon Simak ? Croire en la Force ? Se fondre dans la substance changeante de l'Univers et ses lois particulières ? 
A un contexte mondial qui exacerbe un certain pessimisme (qui pourrait faire sourire à présent - après la Guerre Froide s'entend - qu'a été évitée la 3ème Guerre Mondiale), Simak répond par une douce foi en l'intelligence et en la civilisation qui induisent bonté, tolérance, et curiosité pour les phénomènes étrangers, et ce d'où qu'ils soient - intergalactiquement parlant. On compatit finalement à ce mélange tragique entre immortalité et solitude d'une part, et ouverture d'esprit et limitation intellectuelle d'autre part, que vit Enoch Wallace, le protagoniste de cette belle histoire, où l'auteur déploie tous ses thèmes favoris. Pour conclure partiellement : le métier sûr de Simak n'a d'égal que son humanisme.

Le temps du froid, de Mary Carlson, parait bien fade après le roman de Simak. On ne peut que se demander pourquoi Dorémieux a choisi ce texte pour le premier numéro de Galaxie.


On le comprend nettement mieux avec la nouvelle suivante : Voir l'homme invisible.
Dostoïevski a écrit quelque part : « Sans Dieu, tout est possible. » Je peux le paraphraser et dire : À l'homme invisible, tout est possible – et sans intérêt. 
On commence ici à voir poindre l'un des thèmes récurrents de Robert Silverberg : l'individu exclu au sein de ses semblables, seul parmi la foule des autres. Ici, il s'agit d'un fait social qui ne portait pas encore le nom d'invisibilisation.

Mieux qu'une planète piège, John Brunner propose Le meilleur des pièges pour toute une planète ;  à l'instar de son titre en version originale : mieux qu'une tapette à souris. Si John Brunner n'a pas encore creusé sa voie dans la "speculative fiction", il possède déjà un métier sûr et une imagination convaincante.

Le réveil après une hibernation plus longue que prévue… et le monde est transformé. Un texte simple et une bonne nouvelle à chute de Jack Sharkey qui fait ici son entrée. 


Reprenant à son compte le "Waldo", une invention de Robert Heinlein dans un court roman qui porte ce même titre ("Waldo", 1942) , A. E. Van Vogt élabore dans Les sacrifiés une histoire où la télépathie d'une espèce extraterrestre se révèle être à sens unique (l'E.T. ne sait pas qu'on l'entend penser), mâtinée d'une intrigue de prise de pouvoir sur un vaisseau arche. Beaucoup de sujets, donc, et si l'on retrouve bien le goût de Van Vogt pour la mentalisation des tactiques de prises de pouvoir, il est ici bien trop bavard, et l'intrigue inutilement compliquée. Van Vogt semble un peu manquer sa cible.

Le carrefour des étoiles inspire au traducteur Pierre Billon un autre titre : dans La croisée des chemins, Poul Anderson, toujours doué pour décrire en quelques usages une société extraterrestre, évoque le dilemme qui traverse des explorateurs humains découvrant une société idyllique et en paix, sans aucune technologie, mais d'une intelligence moyenne manifestement très supérieure à celle des hommes. Faut-il éviter de les renseigner davantage, ou accepter de les avoir quelque peu corrompus et miser sur leur grande intelligence pour améliorer la civilisation galactique ? Une bonne nouvelle, et, contre toute attente, apaisante.

Le point de vue d'une race en voie d'extinction sur une planète désolée… quand survient un vaisseau terrien, semblerait-il. Jeux d'échelles à la William Morrison, et sarcasme léger de Lester Del Rey envers une représentation genrée des règles universelles de la vie, La fin d'une race est une bonne petite histoire de vampires de l'espace.

03 septembre, 2025

Fiction n°125 – Avril 1964

Quelque comètes américaines passent dans le ciel de Fiction, et notamment Ray Nelson, connu en France pour avoir co-rédigé avec Philip K. Dick "Les machines à illusions" ; on le découvre ici avec sa seule nouvelle publiée en français, d'une excellente qualité, mais qui ne sera curieusement jamais reprise dans un recueil ultérieur. Michel Demuth toujours en grande forme propose deux nouvelles (dont une sous pseudonyme pour faire taire les mauvaises langues), et puis, à l'aube du second jour de Galaxie - repris par les éditions Opta - Demètre Ioakimidis signe un article sur Clifford D. Simak qui sera la vedette des premiers numéros de la revue sœur qui renait de ses cendres le mois suivant.

En sortant de l'école, nous avons rencontré...


Comme pour toutes nos publications, un clic droit sur la couverture

vous invitera à télécharger le livre au format epub.
("Enregistrer la cible du lien sous...")

Sommaire du Numéro 125 :


1 - (non mentionné), Nouvelles déjà parues des auteurs de ce numéro, pages 4 à 4, bibliographie

NOUVELLES


2 - Michel DEMUTH, Nocturne pour démons, pages 5 à 25, nouvelle

3 - Ray NELSON, Les Fascinateurs (Eight o'clock in the morning, 1963), pages 26 à 30, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH *

4 - Avram DAVIDSON, Panne sèche (The Grantha Sighting, 1958), pages 31 à 40, nouvelle, trad. René LATHIÈRE *

5 - Jean-Michel FERRER, Céphéide, pages 41 à 47, nouvelle

6 - Lloyd Jr BIGGLE, La Musique de la Terre (Wings of Song, 1963), pages 48 à 62, nouvelle, trad. Michèle SANTOIRE

7 - Paul Jay ROBBINS, Gare au garou ! (Sweets to the sweet, 1963), pages 63 à 75, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH *

8 - Sasha GILIEN, Deux têtes sous le même bonnet (Two's a crowd, 1962), pages 76 à 84, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH *

9 - Henry SLESAR, Changements à vue (The Self-Improvement of Salvadore Ross, 1961), pages 85 à 96, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

10 - Kit REED, Depuis qu'est tombé l'ange... (Two in Homage, 1960), pages 97 à 113, nouvelle, trad. René LATHIÈRE *

11 - Fritz LEIBER, La Multiplication des pères (237 Talking Statues, Etc., 1963), pages 114 à 122, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH

 

CHRONIQUES


12 - Demètre IOAKIMIDIS, Clifford D. SIMAK, l'humaniste de la science-fiction, pages 124 à 137, article

13 - COLLECTIF, Ici, on désintègre !, pages 139 à 149, critique(s)

14 - Jacques GOIMARD, Au fil des revues, pages 151 à 152, article

15 - Anne TRONCHE, Topor: Époque panique, pages 153 à 154, article

16 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 154 à 155, courrier


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.


Pour commencer, un petit erratum débusqué par NooSFere : la couverture est créditée de Jean-Claude Forest ; elle est en réalité de Pierre Bassard (qui avait déjà réalisé la couverture du numéro 119).


Un mercenaire fraîchement recruté par une ligue mafieuse doit exécuter sa première mission : pénétrer dans un "Haut Château" et y pourfendre un démon.

Nocturne pour démons est d'une trame sensiblement similaire aux nouvelles de Curval et de Ferrer (qui est aussi Michel Demuth) qui paraissent ce même mois d'avril 64 dans le Fiction Spécial n°5. C'est à se demander jusqu'à quel point la composition ne résulte pas d'un défi littéraire. Bien que le contexte narratif soit assez bien ficelé, il y a - une fois n'est pas coutume chez Demuth- quelque chose de moins abouti et d'un peu hâtif dans la résolution.


La nouvelle Les Fascinateurs est excellente, tant par son thème, la lecture allégorique et même marxiste qui en est possible, que par sa concision. On peut aussi s'amuser à y retrouver les germes des séquences que John Carpenter utilisera pour le magnifique film qu'il en tirera "They live" ("Invasion Los Angeles" en VF). Assurément cette nouvelle est un sommet de la collection, mais est très étonnamment demeurée impublié ailleurs depuis.

Nous évoquions l'auteur dans le paragraphe d'introduction ; illustrateur et auteur, Ray Nelson est par exemple l'inventeur de la casquette à hélice. On lui doit "Les machines à illusions" coécrit avec Philip K. Dick.


Panne sèche est un récit d'Avram Davidson qui exprime bien comment naissent les légendes urbaines, sur un terreau véridique mais décevant de banalité, à quoi vient s'ajouter des éléments inventés pour rendre le récit plus extraordinaire.


Si le temps est relatif, l'évolution de la vie pourrait suivre une échelle tout à fait différente, où nos millions d'années deviennent des heures. Quel destin, alors, pour nos espèces lentes à l'extrême, si cette vie se met à conquérir l'espace ? Céphéide est une nouvelle bien concise de Jean-Michel Ferrer (Michel Demuth), qui pourra rappeler certains faits jupitériens de "2010 - Odyssée 2" de Arthur C. Clarke - dont Demuth traduira le célèbre premier volume "2001- L'odyssée de l'espace" en 1968.


Au temps du dernier arbre dans toute la Galaxie, on a oublié ce qu'est le bois, comme toute une catégorie d'objets, dont les instruments de musique. La découverte d'un violon chez un antiquaire par un riche collectionneur va impulser la tentative de retrouver ce qu'est La musique de la Terre. Une belle nouvelle un brin nostalgique de Lloyd Biggle Jr. .


Moins communes que les histoires de vampires, celles de loups-garous sont souvent sauvages, pleines de sensations exacerbées et pétries d'un érotisme brutal et flagrant. Dans Gare au garou !, on y retrouve ces codes et ces formes, transposées dans la médiocrité banale de "l'american way of life", non sans une bonne dose d'humour et de sarcasmes, composé par Paul Jay Robbins dans un style bien étudié (on y relèvera l'anaphore "Vous voyez le genre." qui rappelle beaucoup les effets de style qu'adoptera plus tard Kurt Vonnegut, ou la très jolie formulation "l’écume dyspepsique collée à la paroi de ce verre d’eau qu’était sa vie ").


Une fois passé le développement de l'idée première - la destinée des nouveaux nés gérée par une bureaucratie de l'au-delà - la nouvelle Deux têtes sous le même bonnet se déroule un peu en ronronnant. Dommage pour Sasha Gilien.


Avoir le pouvoir d'échanger tout et n'importe quoi, même la jeunesse… Le protagoniste de Changements à vue est doué de ce pouvoir, mais jusqu'où pourra-t-il aller ? Une bonne petite nouvelle à chute de Henry Slesar.


On retrouve encore, dans Depuis qu’est tombé l’ange, chez Kit Reed, ce goût pour les mythes antiques, celui-ci pouvant rappeler les sacrifices des crétois faits au Minotaure. Sans doute peut-on chercher plus loin encore, mais aussi se laisser guider par un récit simple et assez intriguant.


Hormis la question autobiographique, Fritz Leiber livre avec La multiplication des pères une nouvelle un peu falote comparé à ce qu'il est capable de produire autrement. Les 237 représentations d'un père acteur demandant l'oubli à son fils inhibé tournent un peu court.




Présentant l'article de fond sur Clifford D. Simak (que nous vous proposons de retrouver ICI dans sa page dédiée) Fiction justifie ce choix par la parution du roman dudit auteur "Au carrefour des étoiles", dans le numéro 1 de la nouvelle série de Galaxie en passe de parution, en ces termes : "Demètre Ioakimidis examine à cette occasion l’œuvre du plus « civilisé » des auteurs de science-fiction américains."

Nous constatons que les deux revues sont encore très liées, Galaxie étant comme une extension de Fiction. Les quelques années à venir passant, on assistera peu à peu à une rivalité éditoriale croissante.



Pour terminer pour ce numéro 125, après la parution de l'annonce de Jacqueline H. Osterrath dans le numéro précédent, on peut lire dans la rubrique "Entre lecteurs" :

AUTEURS ! Qui enverra des récits fantastiques pour le fanzine Atlanta à Michel GRAYN, Poste Restante, CIPLET (Belgique) ? Maximum 10 pages dactylographiées double interligne.

Ce fanzine mené par le belge Michel Grayn fera l'objet d'un peu plus d'une petite dizaine de numéros entre 1964 et 1965, et publiera des auteurs comme John Flanders, Michel Demuth, Claude Seignolle, ou des notes de lectures de Albert Van Hageland, puis publiera trois recueils  : "La griffe du diable" de John Flanders, "Le village assassin" de Raoul De Warren, et "Comme une odeur de soufre" de Michel Grayn, entre 1966 et 1967.

01 septembre, 2025

Cadeau bonus : Fiction spécial n° 5 : Anthologie de la science-fiction française (Avril 1964)

Pour ce Fiction Spécial et sa cinquième édition, on notera sans doute un pessimisme moins marqué que dans le numéro de l'année précédente. Alain Dorémieux aura sans doute eu raison de la noirceur des auteurs de son écurie, que l'on retrouve presque au complet (ne manque peut-être que Gérard Klein, et Jacques Sternberg de plus en plus lointain). Le thème récurrent - parfois trop - des nouvelles ici compilées en est la résistance, le plus souvent au pouvoir, quand il devient tyrannique, ou aux contraintes des voyages spatiaux. On le comprendra : sans verser dans l'humour goguenard ou sarcastique, et loin d'être d'un optimisme béat et brillant, nous avons ici une anthologie d'un très bon niveau qui fait appel à ce que la science-fiction peut avoir de plus politique, voire de philosophique.

Comme pour toutes nos publications, un clic droit sur la couverture


Sommaire du Fiction Spécial n°5 :


1 - (non mentionné), Introduction, pages 4 à 4, introduction
2 - Nathalie HENNEBERG, Les Vacances du Cyborg, pages 5 à 33, nouvelle
3 - Michel EHRWEIN, Les Statues dormantes, pages 34 à 44, nouvelle *
4 - Claude-François CHEINISSE, La Fenêtre, pages 45 à 48, nouvelle
5 - André HARDELLET, Le Verso, pages 49 à 58, nouvelle *
6 - Michel DEMUTH, À l'est du Cygne, pages 59 à 94, nouvelle
7 - Georges GHEORGHIU, Ainsi font, font, font..., pages 95 à 101, nouvelle *
8 - André RUELLAN, Chrysalia, pages 102 à 112, nouvelle
9 - Lieutenant KIJÉ, La Couronne de sable, pages 113 à 124, nouvelle *
10 -Jean-Michel FERRER, Le Jour de Justice, pages 125 à 140, nouvelle *
11 - Philippe CURVAL, Tous les pièges de la foire, pages 141 à 154, nouvelle
12 - ARCADIUS, La Pierre, pages 155 à 159, nouvelle *
13 - Jacqueline H. OSTERRATH, Un homme sans importance, pages 160 à 175, nouvelle
14 - Pierre VERSINS, L'Enfant né pour l'espace, pages 176 à 206, nouvelle
15 - Albert FERLIN, La Question, pages 207 à 213, nouvelle *
16 - Sophie CATHALA, Poète, prends ton luth..., pages 214 à 218, nouvelle *
17 - Luc VIGAN, La Femme modèle, pages 219 à 231, nouvelle
18 - Claude VEILLOT, En un autre pays, pages 232 à 253, nouvelle
19 - (non mentionné), Nouvelles déjà parues des auteurs de ce numéro, pages 254 à 256, bibliographie

* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.


Note éditoriale du Fiction Spécial n°5 :

Nos numéros hors-série, dont la création remonte à cinq ans, sont maintenant devenus une institution.

Leur succès est même tel qu’à partir de 1964, leur rythme de parution devient semestriel. Après ce numéro de printemps, nous pouvons donc d’ores et déjà vous annoncer pour l’automne le Fiction Spécial n° 6, qui sera consacré à la science-fiction italienne.

En attendant de vous faire découvrir sa sœur transalpine, nous ne pouvons que témoigner, avec la présente sélection, que la science-fiction française se porte bien. Les effectifs des auteurs se renouvellent selon une saine proportion, les valeurs sûres ne déçoivent pas, et l’ensemble des récits manifeste une grande vitalité.
 
Une fois de plus, on regrettera l’absence de quelques noms : Carsac, Klein et Sternberg, notamment. Leurs occupations les empêchent pour le moment d’écrire des nouvelles. Mais cette défection est compensée par l’activité que déploient, entre autres, des auteurs comme Nathalie Henneberg, Pierre Versins, Michel Demuth, Claude Veillot, Michel Ehrwein, André Ruellan.

Comme toujours, figurent ici des noms nouveaux, ou encore peu connus. Ils feront pour beaucoup de lecteurs figure de révélation.

Comme ses devancières, cette anthologie apporte la preuve qu’il peut exister une science-fiction nationale, peu dépendante des Américains, puisant en elle-même ses propres ressources. L’histoire de la S.F. s’écrit maintenant aussi à l’échelon européen.


On retrouve dans Les vacances du Cyborg tous les thèmes récurrents de Nathalie Henneberg : non seulement l'amour comme force du destin et plus fort que la mort, entre deux êtres au service de l'humanité et pourtant différents d'eux, mais encore la destruction d'un monde, jardin d'Eden écrasé par la médiocrité d'une espèce humaine moribonde et décadente… On reconnait aussi son gout pour les mots obsolètes (parfois poussé à l'extrême du néologisme, comme en témoignent par exemple les "fougères archéptoryx"... ). Une nouveauté toutefois : ici les êtres sont devenus des "différents", par le biais d'une science qui leur promet une réversibilité vers leur humaine condition d'origine. Ce sont un cerveau protéinique et désincarné dans une machine, et un cyborg, transformé pour les besoins de la survie dans l'espace. Ils devront aussi compter sur une troisième force, animale et jalouse.

Les statues dormantes de Michel Ehrwein sont des condamnés à une perpétuelle animation suspendue, enfermés dans le récit qu'ils font de leurs crimes. Difficile de ne pas se rappeler du meurtre de Meursault dans "L'étranger" d'Albert Camus ; même ivresse dans le crime, même racisme ordinaire. C'est aussi l'aveu désordonné du meurtre assez identique à celui du "Cœur révélateur" d'Edgar Poe ( "Il est là !… Il est vivant !… Je l’ai tué, coupé en morceaux, mais il est vivant !… Vivant !… Et il s’est jeté sur moi !" ). Nous passerons sur la naïveté habituelle de Ehrwein (qui imagine ici pour les besoins de son récit une source d'énergie atomique inépuisable qui puisse se maintenir en marche des siècles après la disparition de l'homme), mais nous ne manquerons pas de nous interroger sur la nature du plaidoyer que nous sert l'auteur : la peine de mort libèrerait-elle de la culpabilité ?

La fenêtre de Claude F. Cheinisse parait mal fermée, des choses s'y engouffrent. Voilà pourtant un beau récit concis et bien mené sur un premier contact, à l'image d'Orphée tenté de revoir Eurydice. Mais en connaissant le destin tragique de l'auteur (il se suicidera après avoir tué les enfants qu'il avait eu avec Christine Renard, décédée d'un cancer quelques mois avant cette tragédie), on saisira d'autant plus en frissonnant les obsessions déjà marquées de Cheinisse.

Poète et romancier, ami de Brassens et de René Fallet, auteurs de chanson comme "Le bal chez Temporel" chanté par Guy Béart, salué par André Breton, étudié en facultés de lettres modernes, André Hardellet fut pourtant décrié dans le courant des années 70 pour outrage aux bonnes mœurs. Situé en 1971 (il s'agit bien ainsi d'anticipation) Le verso, à la façon de faire croire d'un Borges, conte une histoire de temps superposés à l'heure où la Théorie des cordes n'a pas encore "corrompu" notre perception du temp.

Une tête de pont pour une future colonisation en la personne d'un être seul, est confronté à une présence cosmique qui émet mort et hostilité à l'approche d'une planète A l'est du Cygne. Dans une nouvelle qui deviendra l'une de ses classiques, et à son époque d'écriture en plaine effervescence, Michel Demuth nous invite à partager la solitude, la nostalgie et le péril qui sont le lot de l'astrogateur solitaire qui n'a que son entendement pour comprendre une échelle cosmique qui le dépasse de loin.

Ainsi font, font, font… titre un peu abscons d'une jolie et mélancolique histoire où Georges Gheorghiu réinvente Pénélope, ses soupirants, et son Ulysse parti à la recherche du bout du monde. Et après…


André Ruellan imite Henneberg, tant dans l'emphase que dans cette intrigue d'amour et de mort mêlés. Chrysalia n'est pas d'un style aussi intéressant que lorsque Ruellan se singularise, mais demeure bien agréable tout de même.
 
Lieutenant Kijé n'invente rien avec La couronne de sable : il reprend à son compte le parcours du colonel renégat Kurtz de "Au cœur des ténèbres" de Joseph Conrad. Simplement, il le transcrit à la première personne et le transpose sur une autre planète… 

Peut-être sans le pressentir, Jean-Michel Ferrer décrit une progression vers la source du Mal dans une cité étrange faite de quartiers et de voies de circulation, qui pourrait s'apparenter à la marche des électrons dans les circuits imprimés d'un appareillage électronique, ce qu'on appellerait plus tard une Matrice. Bien avant William Gibson et son Neuromancien, Le jour de Justice peut être considéré comme une odyssée déjà très post-moderne.

" Bel saisissait pourquoi le Gouvernement l’avait envoyé sur Ganymède ; ce n’était encore qu’une conjecture, mais déjà elle se dessinait avec précision : la Foire des Sept Trônes dissimulait, sous son apparence de cité en liesse, une criminelle entreprise. Le Garde ne devinait pas le fonctionnement et le but de cette organisation, mais il savait qu’elle était hostile au Système Social Solaire. " 

Tous les pièges de la foire, étant très similaire à la nouvelle précédente de Ferrer, par l'intrigue et l'enjeu,  et jusqu'à la chute elle-même, et comme annoncé par la rédaction dans son texte de présentation, le choix volontaire de les faire se suivre donne malheureusement (au détriment de Philippe Curval) le sentiment d'une redite. Seul le cadre de Fête foraine décadente parvient à en sauver l'intérêt. 

Petite plongée dans la solitude du voyageur spatial au long cours, avec les phases hallucinatoires qui s'ensuivent.  ; La pierre est un bien joli récit bien concis d'Arcadius


La rédaction écrit sur l'autrice de Un homme sans importance : " Jacqueline Osterrath nous offre ici un excellent exemple de cette science-fiction « rose », que seul peut concevoir un tempérament féminin. " Voilà tout de même une réflexion machiste, d'autant que Fiction compte beaucoup de ses meilleurs textes (ou traductions !) signés d'autrice talentueuses. 
Pour la nouvelle proprement dite, dont le héros, écrivain amateur, s'appelle Ferlin, comme l'auteur réel présenté plus loin dans l'anthologie, on pourrait se demander si Osterrath a choisi intentionnellement ou non ce patronyme. L'extrait suivant jette le trouble : " il y avait lu sans plaisir que le « ferlin » était, en vieux français, le plus petit poids dont se servaient les orfèvres et les monnayeurs : ce petit poids était devenu, par la suite, un surnom de marchand ou un sobriquet d’homme très petit ou insignifiant. Janvier se sentait fier d’avoir pu, pour sa part, faire mentir ce patronyme. " 
L'histoire est assez charmante, avec une once de rebondissement et un récit aux personnages bien tempérés. Mas l'ensemble est un peu gratuit, toutefois.

L'enfant né pour l'espace est un mutant, le seul de notre espèce à pouvoir ressentir la grande souffrance d'autrui et à la prendre pour lui. Cela coïncide avec la conquête de l'espace et la grande souffrance que subissent les premiers astronautes, tout soumis qu'ils sont à l'accélération et aux radiations. Ce récit de Pierre Versins fait état des différentes étapes de cette conquête et de l'utilisation des pouvoirs de ce mutant pour pousser au-delà de l'humainement supportable le potentiel des astronautes. Bien entendu, dans un contexte hiérarchique et militaire, cela ne va pas sans stratégie, bluff, et manipulation… 

Dernière nouvelle publiée d'Albert Ferlin, donc, avocat puis journaliste. La qualité de ses récits fait qu'il aurait bien mérité son recueil s'il avait écrit davantage. La question  traite encore d'une traque de L'ennemi, mais il s'agit cette fois de la chasse que pratique le pouvoir envers les indésirables. Et d'une Justice mécanisée et imparable.

Poète, prends ton luth…  de Sophie Cathala évoque un texte qui rend fou, comme l'est " Le Roi en jaune ", ou qui comme ici pousse au suicide. Bien entendu, chacun peut se croire supérieur à tous ceux qui ont succombé, et vouloir s'y frotter à son tour… Une bonne nouvelle sarcastique.

" Suis moi, je te fuis, fuis moi je te suis ", tel est l'adage qui se rapproche le plus de La femme modèle, un conte amoral. Son auteur, Luc Vigan, est un pseudonyme utilisé tant par Alain Dorémieux que par Gérard Klein, mais aussi par André Ruellan ou Philippe Curval. A l'instar d'un Jean-Michel Ferrer inventé pour masquer les doublons de parutions du prolifique Michel Demuth, tous les suspects, à l'exception de Klein, sont ici déjà réunis ; difficile d'y retrouver ses petits… Mais des sources sûres nous indiquent qu'il s'agit cette fois d'un texte d'Alain Dorémieux, et l'on y retrouve bien son goût pour un érotisme léger.

Dans un monde post apocalyptique, une troupe de survivants entament l'exploration de ce qui les entoure et au-delà. Ils découvrent une jungle qui rappelle "Le monde vert" de Brian Aldiss, des hommes redevenus chasseurs primitifs, des traces encore fonctionnelles de machines simples comme des fontaines...
D'autres se rassemblent, humoristiquement nommés comme des auteurs de S.F. : Pol (Pohl), Gricha (Grisham), Tubbs (E.C. Tubbs) ou Aldyss (Aldiss)… 
Mais ce monde qui semble se remettre de siècles de radiations est-il réellement ce qu'il semble être ? Claude Veillot aurait de quoi développer En un autre pays  sur un voire plusieurs roman, avec le contexte qu'il met ici en place - à l'instar de ce que fera quelques années plus tard Larry Niven et son roman "L'anneau-monde". Un très bon récit équilibré et qui, sur sa deuxième partie, aurait même mérité d'être développé.
Ce sera la dernière nouvelle publiée dans Fiction de Claude Veillot. Un fait un peu dommageable, car ses lecteurs ont pu, depuis "Araignées dans le plafond" jusqu'à cet "En un autre pays", en apprécier la progression, tant dans le style que dans l'originalité de ses histoires. Il sera plus tard le scénariste de "100 000 dollars au soleil" de Henri Verneuil, et co-signera avec Robert Enrico le scénario du très remarquable "Vieux fusil". On le retrouve également come complice d'Yves Boisset.
Il écrira durant les années 60 quelques romans pour la jeunesse. Après "Misandra", recueil qui reprendra ses nouvelles chez J'ai Lu en 1974, il fera paraitre chez ce même éditeur, en 1978, un roman quasi uchronique (un presque chef-d'œuvre selon le critique Jean-Pierre Fontana) intitulé "La machine de Balmer" (avec une superbe couverture de Caza).
  

Le PReFeG vous propose également