29 novembre, 2023

Fiction n°053 – Avril 1958

Pour la première fois, Jean-Claude Forest marque de son inimitable patte la couverture de Fiction – ce mois-ci avec une novella originale signée Ivan Efremov.


On clique droit sur Forest !

Sommaire du Numéro 53 :


NOUVELLES

 

1 - Damon KNIGHT, En scène ! (You're Another, 1955), pages 3 à 31, nouvelle, trad. Roger DURAND

2 - Robert SILVERBERG, La Sangsue (Warm Man, 1957), pages 32 à 42, nouvelle, trad. Suzanne RONDARD

3 - Gérard KLEIN, Le Visiteur, pages 43 à 46, nouvelle

4 - Robert SHECKLEY, Amour & Cie (Pilgrimage to Earth / Love, Incorporated, 1956), pages 47 à 58, nouvelle, trad. Alain DORÉMIEUX

5 - Mildred CLINGERMAN, La Sève de l'arbre (The wild wood, 1957), pages 59 à 67, nouvelle, trad. Yves RIVIÈRE

6 - Michel EHRWEIN, La Harpe, pages 68 à 72, nouvelle *

7 - Arthur Bertram CHANDLER, En cage (The Cage, 1957), pages 73 à 83, nouvelle, trad. Michel DEUTSCH *

8 - Ivan EFRÉMOV, L'Ombre du passé, pages 84 à 117, nouvelle, trad. Harald LUSTERNIK

CHRONIQUES


9 - M. POLETTI, Entretien avec Ivan Efremov, pages 120 à 121, entretien avec Ivan EFRÉMOV

10 - Jacques BERGIER, L'Anticipation en U.R.S.S., pages 122 à 123, article

11 - N. RAZGOVOROV, En style « marronnier », pages 124 à 126, article

12 - Jean-Jacques BRIDENNE, Du temps où les bébés-lunes étaient encore dans les choux, pages 127 à 129, article

13 - Forrest J. ACKERMAN, La Science-fiction américaine en deuil (Henry Kuttner Obit / Tragedy of 1958, 1958), pages 130 à 131, article

14 - COLLECTIF, Ici, on désintègre !, pages 133 à 137, critique(s)

15 - F. HODA, Résurrection de Frankenstein, pages 139 à 140, article

16 - COLLECTIF, Courrier des lecteurs, pages 141 à 142, article

 

* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

On pourra penser au "Truman show" avec En scène !, de Damon KNIGHT, nouvelle toutefois un peu trop longuette pour le propos défendu. Correct toutefois.

Robert SILVERBERG prodigieux, au vu de son jeune âge, et de la maturité de style qui l’accompagne, avec La sangsue, une très belle nouvelle qui renouvelle le thème du télépathe qu'il développera encore à l'avenir. Un classique.

Poésie en prose pour Gérard KLEIN qui s'amuse de et avec les mots, dans Le visiteur.

La Terre est différente, mes amis. Vous autres, vous êtes spécialisés dans l'agriculture ? Eh bien, la Terre, elle, est spécialisée dans des choses aussi merveilleusement inutiles que la folie, la beauté, la guerre, l'intoxication, l'horreur et tout le reste à l'avenant, et les gens viennent de partout dans l'espace pour avoir des échantillons de ces produits-là.

Après « Le langage de l’amour » (in Galaxie n°47), Robert SHECKLEY traite encore une fois de la nature de l'amour, dans Amour et Cie ; après l'avoir légiféré, il en fait un marché qui n'a d'authentique que sa courte temporalité. Bien mené.

Mildred CLINGERMAN nous étonne dans La sève de l’arbre, en explorant un des thèmes sans doute des plus intéressants du fantastique, mais si difficile à manier : la dépersonnalisation, ici en plus réhaussé par une l’unité d'un point de vue sidéré. Le tout dans un conte de Noël sans mièvrerie.

Un nouveau venu qui fera aussi partie de l’équipe d’auteurs de la revue Satellite : Michel EHRWEIN, qui visite les quinconces du temps en mouvement dans une bluette fantastique : La harpe. Délicat mais un peu creux.

Arthur BERTRAM CHANDLER nous propose dans En cage une sympathique histoire de naufragés qui pourra rappeler "Le péril bleu" de Maurice Renard, avec une chute rapide et inattendue, bien que parfaitement logique.

Le gros morceau de ce numéro réside dans L’ombre du passé, par le peu traduit Ivan EFREMOV. Une très belle novella, dans un style simple et efficace, riche en descriptions préhistoriques et en épisodes de franches camaraderies toutes soviétiques.



On aura su apprécier le talent particulier d’Henry KUTTNER, seul ou en binôme avec sa femme Catherine MOORE. Hélas, comme le dit l’adage,
ce sont es meilleurs qui partent les premiers, du moins leur départ souvent prématuré nous laisse un goût amer d’inachevé. C’est le critique et éditeur Forrest Ackermann qui lui rend ici hommage.

 

LA SCIENCE-FICTION AMÉRICAINE EN DEUIL.

par FORREST ACKERMANN.

 

L'un des plus riches et des plus féconds écrivains de la science-fiction américaine, Henry Kuttner, est mort le 3 février dernier. Henry Kuttner était un phénomène littéraire ; il écrivait sous près de vingt pseudonymes, tels que Lewis Padgett, Lawrence O'Donnell, C.H. Liddell, Paul Edmonds, Keith Hammond, Hudson Hastings, Kelvin Kent, etc. Les plus célèbres de ses ouvrages étaient « The fairy chessmen », « Tomorrow and tomorrow », « Robots have no tails », « A gnome there was », « Mutant », « Ahead of time ». Une partie de son œuvre fut écrite en collaboration avec sa femme, le grand auteur fantastique Catherine Moore. Ce fut lui qui eut l'honneur d'inaugurer la S.F. américaine dans notre pays, lorsque le « Mercure de France » publia dans son numéro de juin 1953 une de ses nouvelles les plus fameuses, signée Lewis Padgett : « Tout smouales étaient les borogoves » (précédemment reprise dans l'anthologie « Univers de la science-fiction », au Club des Libraires de France). « Fiction » avait publié, dans son numéro de janvier dernier, une remarquable nouvelle de Henry Kuttner et Catherine Moore : « La machine à deux mains ». Nous vous en présenterons une autre, peut-être plus exceptionnelle encore, dans notre numéro du mois prochain, en hommage à l'écrivain disparu. Il faut déplorer à cette occasion que l'œuvre de Kuttner soit à ce point inconnue des lecteurs français. On peut espérer – on doit espérer – que nos éditeurs de science-fiction s'aviseront de le découvrir et de le révéler définitivement auprès des amateurs de notre pays. 

 

Vous lirez ci-dessous l'article que Forrest Ackermann, le spécialiste numéro un de la science-fiction aux États-Unis, nous a câblé aussitôt après la mort d'Henry Kuttner, et que nous reproduisons en exclusivité.

 

 Nous avons assisté à l'événement, mais nous étions incapables d'y croire. Aucun de nous ne voulait y croire. Aucun de nous n'y croit vraiment encore. Vingt-quatre heures après cet enterrement qui nous parut inconcevable, le seul sentiment qui persiste en moi est qu'il s'agit là d'une des pires catastrophes qui aient frappé le monde de la science-fiction, du plus grand désastre qui s'y soit produit depuis la mort prématurée de Stanley Weinbaum. Kuttner avait à peine plus de quarante ans.

 

Nous tous, qui habitions comme lui sur la côte Ouest, avons sans doute été plus personnellement frappés encore que tous ceux qui l'admiraient dans le reste du pays. Cette mort soudaine nous laisse désemparés. En emmenant Ray Bradbury en voiture à l'enterrement, je le vis donner libre cours à son chagrin, tandis que l'emplissaient son admiration et sa gratitude envers Henry Kuttner. Ce dernier s'était montré d'une générosité immense à son égard, me confia-t-il, en venant en aide à l'écrivain débutant qu'il avait été. La réaction de Leigh Brackett au téléphone fut la même : elle exprima tout ce qu'elle devait depuis ses débuts à Kuttner.

 

C'est le 3 février que sa femme, Catherine Moore Kuttner, le découvrit au lit, où il avait succombé à une imprévisible crise cardiaque. Moins de quarante huit heures plus tard, se déroulait la cérémonie funèbre, à laquelle assistaient notamment Edmond Hamilton et sa femme Leigh Brackett, Ray Bradbury, Richard Matheson, A.E. Van Vogt, Charles Beaumont, William Campbell Gault, Stuart Palmer, ainsi que de nombreux amis et admirateurs de l'écrivain. Leur réaction à tous était unanime : un incroyable malheur s'était produit. 

 

Henry Kuttner était un homme modeste, qui fuyait la publicité. Il ne m'avait pas laissé lui rendre l'hommage qui lui était dû, jadis, quand j'avais voulu lui consacrer un de mes articles sur les « Maîtres du Fantastique » dans la revue « Famous Fantastic Mysteries ». Sa femme et lui, avec la réserve qui les caractérisait, avaient récemment refusé d'être Invités d'Honneur à la Convention Mondiale de la Science-Fiction qui devait se tenir en 1957 à Londres. Il y aurait des pages d'éloges à consacrer à Henry Kuttner, mais par respect pour sa personnalité et pour les volontés de sa femme, je me contenterai de dire ceci pour terminer :

 

« Merci, Henry Kuttner, en tant qu'amateur de S.F., pour les années de merveilleuses lectures que vous m'avez procurées et que vous me procurerez encore ; en tant qu'homme, vous me manquerez pour le restant de mes jours ; et vous, chère et unique Catherine, pleine de bonté et de dévouement, recevez de moi tout ce qui peut apporter le réconfort. »

Rapport du PReFeG (Novembre 2023)

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En cliquant sur les noms des auteurs de ce numéro

retrouvez les bibliographies complètes de leurs parutions dans Fiction et Galaxie !

Michel EHRWEIN


A suivre : Fiction n°054.

4 commentaires:

  1. Très bel hommage de de FJ Ackerman. Merci !
    signé Philippe from France qui ne peut pas se connecter avec son compte Google

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    1. Merci pour ton commentaire Philippe From France. J'ai ajouté dans l'epub une note relative aux œuvres citées en VO dans l'article, et leurs traductions postérieures, note que voici :
      "Tomorrow and tomorrow" et "A gnome there was" n'ont pas été traduits ; "The fairy chessmen" a été traduit aux Editions des Deux-rives en 1957 sous le titre "L'homme venu du futur", puis en 1976 sous le titre "L'échiquier fabuleux" (J'ai Lu Science-Fiction n°689), sous le pseudonyme de Lewis Padgett. Sous le même nom, "Robots have no tails" paraîtra dans le n°185 de Fiction (OPTA - mai 1969) ; "Mutants" paraîtra sous le titre "Les mutants", par Henry Kuttner (Galaxie Bis n°13 - OPTA 1969) ; "Ahead of time" paraîtra sous le titre "Déjà demain" sous les signatures conjointes d'Henry Kuttner et de Catherine L. Moore (Rayon Fantastique n°89 - Gallimard - 1961)

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  2. Je viens de lire la novella de Ivan EFREMOV "L’ombre du passé".
    Elle a en effet de nombreux points communs avec le texte de Maurice RENARD "Le Brouillard du 26 octobre" dans le n°6 de cette même revue, je la placerais tout de même un cran en dessous, la nouvelle de RENARD soulevait le paradoxe du scientifique qui détient seul contre tous une vérité qu'il se voit contraint d'abandonner faute de quoi il passerai pour un fou et perdrait toute crédibilité.

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  3. Merci Shocker pour cet avis de lecture.
    C'est en effet la crédibilité des intuitions scientifiques qui tissent l'étoffe de ces deux nouvelles. Dans les deux cas, une découverte est faite par accident, ou fortuitement, et là où Renard confronte son savant à un sentiment irrationnel et purement fantastique, Efremov, en bon matérialiste soviétique, fait persévérer son paléontologue vers la voie de l'achèvement (et d'une certaine façon, la nouvelle s'arrête où tout un univers peut commencer). On pourrait dire que Renard fait ici du fantastique, et Efremov de la fiction spéculative.
    Merci beaucoup d'avoir mis ces deux lectures en balance.

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