De grands classiques du fantastique côtoient quelques agréables récits de Science-Fiction pour un numéro 18 très éclectique, comme souvent avec la revue Fiction.
Sommaire
du Numéro 18 :
NOUVELLES
1 - Jean RAY, Le "Psautier de Mayence", pages 3 à 26, nouvelle
2 - Philip Maitland HUBBARD, La Bouteille à l'espace (Manuscript found in a vacuum, 1953), pages 27 à 29, nouvelle, trad. (non mentionné)
3 - Dale JENNINGS, Un chien qui rapporte (The Gingerbread Man, 1954), pages 30 à 33, nouvelle, trad. (non mentionné)
4 - Fitz-James O'BRIEN, La Chambre perdue (The lost room, 1858), pages 34 à 47, nouvelle, trad. (non mentionné)
5 - Mildred CLINGERMAN, Dites-nous, grand-mère... (Minister without portfolio, 1952), pages 48 à 55, nouvelle, trad. (non mentionné)
6 - Randall GARRETT, Ressources infinies (Infinite Resources, 1954), pages 56 à 60, nouvelle, trad. (non mentionné)
7 - Gil MADEC, Le Contretype, pages 61 à 73, nouvelle
8 - Robert ABERNATHY, Recommencement (Heirs Apparent, 1954), pages 74 à 93, nouvelle, trad. (non mentionné)
9 - Robert SHECKLEY, Tu seras sorcier ! (The Accountant, 1954), pages 94 à 102, nouvelle, trad. (non mentionné)
10 - T. S. WATT, La Pêche et son péché... (Visitors from Venus, 1954), pages 103 à 105, nouvelle, trad. (non mentionné)
11 - Danièle LUCAIRE, Quelle planète étrange !..., pages 106 à 108, nouvelle
CHRONIQUES
12 - Jacques BERGIER & Igor B. MASLOWSKI, Ici, on désintègre !, pages 109 à 113, critique(s)
13 - Alain DORÉMIEUX, "Marianne de ma jeunesse" ou la nostalgie du "Grand Meaulnes", pages 114 à 115, article
14 - F. HODA, Mais où sont les vampires d'antan ?..., pages 117 à 119, article
15 - Jean-Jacques BRIDENNE, Un disciple de Jules Verne. André Laurie et la "science-fcition" d'hier, pages 121 à 123, article
16 - COLLECTIF, Courrier des lecteurs, pages 125 à 125, courrier
17 - (non mentionné), Le Cinquantenaire de la mort de Jules Verne, pages 126 à 126, article
Rapport du PreFeG (Juillet 2022)
- Relecture
- Corrections orthographiques et grammaticales
- Ajout du sommaire (inexistant dans l'epub d'origine, mais présent dans la revue).
- Ajout de nombreuses pages de publicité (repris du scan originel)
- Vérification des casses et remise en forme des pages de titre
- Mise en gras des titres in "Revue des livres"
- Ajout de la note (2b) (Erratum publié dans le Fiction n°20)
- Mise au propre et noms des fichiers html
- Vérification et mise à jour des liens internes
- Mise à jour de la Table des matières
- Mise à jour des métadonnées (auteurs, résumé, date d'édition, série, collection, étiquettes)
Des classiques du fantastique, donc. On démarre sur les chapeaux de roue avec "Le psautier de Mayence" de Jean RAY. Une magnifique nouvelle, même si c'est une habitude avec cet auteur, qui pourrait entrer sans se départir dans le panthéon des récits du Mythe de Cthulhu.
En 1957, Radio Luxembourg en réalisera une adaptation radiophonique de 52 minutes. Il eest possible de l'écouter sur archive.org ICI !
"La chambre perdue" aménagée par la belle plume de Fitz James O’BRIEN nous propose une histoire au fantastique ammené graduellement et de façon subtile.
Si "Un chien qui rapporte" par Dale JENNINGS est un petit conte
fantastique, sans grande envergure toutefois, "Tu seras sorcier !" par Robert SHECKLEY, par contre,
nous amène à la lisière du genre, avec son trivial vu comme une force tout
aussi magique que celles dont usent les démons. Nous n'en dévoilerons pas plus,
mais l'on s'amusera avec Sheckley à inverser les valeurs dominantes. (On notera aussi au passage que Sheckley, d'habitude publié dans les pages de la rivale "Galaxie", mensuellement même en cette période de 1955, le sera ce mois de mai dans Fiction...)
Quelques rencontre du troisième type... ou peut-être du quatrième ? Avec "Dites-nous, grand-mère…" par Mildred CLINGERMAN (nouvelle venue mais que l'on retrouvera régulièrement), et "La pêche est son péché" par T. S. WATT (un auteur qui ne fait que passer, semblerait-il), nous voilà avec deux histoires d'incrédules à leurs façon. Pour "Quelle planète étrange !" par la jeune Danièle LUCAIRE âgée de 13 ans, nous avons une belle preuve que Montesquieu avait encore la vie longue en 1955 !
Pour finir, de la S.F. à l'état brut : dans "Ressources infinies" par Randall GARRETT (l'auteur des enquêtes de Lord Darcy, soit du steampunk avant l'heure…) l'énergie d'un univers est mise au profit d'un seul individu, sur un ton que n'aurait pas renié Sheckley ni Brown. "Le contretype" par Gil MADEC (un pseudonyme, nous informe la revue) - où la tentation du banditisme rencontre un génial inventeur... On repense bien entendu à Roger Sorez, mais aussi à William Temple, avec moins de naïveté ici que chez ce dernier toutefois, et surtout une très bonne concision du récit. Dans "Recommencement" par Robert ABERNATHY, la civilisation, se détruisant elle-même, laisse la place vacante à la barbarie - ou à un simple nomadisme pour Abernathy. On pensera à "Terre brûlée" de John Christopher, qui viendra quelques années plus tard.
Comme extrait de ce numéro 18, nous vous proposons de parcourir ici la critique de "Malpertuis" de Jean Ray, ouvrage devenu un classique incontournable de la littérature fantastique. L'auteur des lignes suivantes (Bergier ou Maslowski, ou encore Dorémieux ?) ne s'y trompe pas…
" Vis-à-vis de ce livre extraordinaire, il y a deux attitudes possibles : la perplexité ou l’admiration qui vous laisse bouche bée. Les lecteurs non « prédisposés » à s’abandonner à l’ivresse qu’il procure ne dépasseront pas le premier chapitre… ils le refermeront avec consternation et le fuiront avec la stupeur que vous inspirerait un animal d’une autre planète ! Avis par conséquent à ceux qui, même amateurs de fantastique, tiennent à voir conservée dans les conséquences d’un postulat une certaine part de rigueur logique – mais pourquoi le fantastique aurait-il à se soucier de logique ? Celui de « Malpertuis » échappe aux mesures, prolifère avec une exubérance de jungle vénéneuse, coupe tous les liens avec le réel, le monde diurne, la vérité concrète. Il vous plonge dans une nuit peuplée de monstres inédits, où toutes les terreurs peuvent arriver, où l’impossible est possible, où le cauchemar vous guette à chaque détour comme les apparitions dans les « trains-fantômes » des foires. C’est hallucinant, irrespirable ; on en émerge comme d’une plongée dans un bain de soufre… Bref, c’est magnifique. Il n’y a que Lovecraft qui vous donne pareille sensation de démesure, qui vous communique à ce point le vertige. Il est significatif à ce propos que ce soit la collection « Présence du Futur » qui, après nous avoir révélé le grand auteur américain, « lance » enfin Jean Ray dans notre pays où il était scandaleusement ignoré, sinon de quelques amateurs. Le courage paie encore ! Les lecteurs de « Fiction », eux, auront pu le découvrir en « avant-première », grâce à « La ruelle ténébreuse » ; et ils trouveront dans le présent numéro une autre de ses histoires les plus célèbres. On a souvent dit que le genre fantastique n’était viable que sous forme de nouvelle ; on pouvait le croire une fois de plus, à voir Jean Ray porter à un tel degré de perfection cette formule qui est sa préférée. Mais « Malpertuis », que nous n’avions pas lu (bien que l’édition belge date de plus de dix ans), apporte la preuve du contraire. Ce roman fantastique est une de ses réussites les plus étonnantes, ce qui n’est pas peu dire.L’ouvrage porte en sous-titre : « Histoire d’une maison fantastique ». Discrète allusion à la cascade de phénomènes qui déferlent d’un chapitre à l’autre sur un rythme percutant ! Malpertuis est plus qu’une maison hantée ; c’est le lieu géométrique où convergent toutes les forces maléfiques issues d’un autre plan. L’auteur parle quelque part d’un « pli dans l’espace expliquant la juxtaposition de deux mondes d’essence différente, dont Malpertuis serait un abominable lieu de contact ». On reconnaît là une de ses données familières, déjà suggérée dans « La ruelle ténébreuse ». La nature de ce « second monde » nous est précisée dans les derniers chapitres. Ces explications laisseront peut-être certains lecteurs réticents. Pour nous, elles ont une simplicité dans l’évidence qui est un trait de génie. Elles referment le cercle, elles bouclent la boucle ; et pourquoi ne seraient-elles pas admissibles, dès le moment qu’on a pris le parti de tout admettre (il le faut bien !) ?Si les divers recoupements proposés aboutissent enfin à faire jaillir une lumière, on pourra quand même faire un léger reproche à l’auteur : à propos de l’obscurité un peu hermétique du début. Tout le roman est d’ailleurs présenté comme un assemblage de plusieurs manuscrits en apparence étrangers les uns aux autres, mais dont les données s’entrecroisent (toujours comme dans « La ruelle »). Au lecteur d’avoir la tête assez solide et la résolution assez ferme pour s’aventurer dans ces méandres. Bien vite, d’ailleurs, il n’aura plus le temps de réfléchir ; il sera emporté dans le maelstrom des épouvantes qui se déchaînent sur la sinistre maison de Malpertuis – et là, on est trop passionné pour se donner seulement la peine d’essayer de comprendre ! Quant aux explications finales déjà mentionnées, elles ont le mérite de résoudre les énigmes presque comme dans un roman policier… tout en nous faisant basculer dans un fantastique à l’échelle cosmique (mais sans rapports avec celui de Lovecraft).À le considérer de plus haut, le roman apparaît comme une synthèse de l’œuvre de Jean Ray, un « concentré » de son univers. Jamais son imagination n’a été plus fulgurante, ni le climat créé par elle plus saisissant. Ce climat, dont l’irréalité sue l’inquiétude et vous prend à la gorge, il fallait tout le talent de l’auteur pour nous imposer sa présence avec tant de force.Il faut lire les évocations du hideux Malpertuis, de ses spirales d’escalier, de ses labyrinthes de couloirs, de son jardin pareil à un puits… Dans ce décor parfaitement impensable – au sens littéral – se meuvent des personnages aussi insolites que les silhouettes qui, dans les dessins de Gustave Doré, semblent partir à l’assaut d’un burg géant sous la lune. Ils sont incompréhensibles, mais fascinants ; leurs faits et gestes semblent être autant de symboles ordonnés en une figure dont la clé ne se dévoile que par bribes. On se sent comme entré par erreur dans un rêve qui ne vous concerne pas et obligé de le vivre.Quant au style, on n’en finirait pas de louer ses ressources suggestives. Ce monde irrationnel ne nous est rendu parfaitement acceptable que grâce à une langue qui s’y adapte comme par mimétisme et nous en restitue l’envoûtement. Cette langue ruisselle, étincelle, charrie des pépites ; les phrases y éclatent comme des bourgeons sous trop de sève.Il est difficile d’en dire davantage, car un tel livre ne se raconte pas. Du moins espérons-nous avoir fait sentir quelle place exceptionnelle il occupe, à une hauteur illimitée au-dessus du niveau standard des collections dites « d’épouvante » ! Au firmament du fantastique, il brille comme un météore. "
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