16 avril, 2025

Fiction n°107 – Octobre 1962

Pour ce dernier numéro d'une "ancienne" formule annoncée - 144 pages sur un papier presque "pulp", mais qui, un peu plus de 60 ans plus tard, tient tout de même encore assez bien la route - la rédaction de Fiction semble solder tous ses "auteurs mineurs" et prendre son élan avant le prochain numéro. Par "auteurs mineurs", il convient de préciser qu'il s'agit d'auteurs fort peu réédités ensuite, et en cela ce numéro est un festival de raretés, hormis l'illustrissime Jorge Luis Borges toujours d'une très grande qualité.


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Sommaire du Numéro 107 :


1 - (non mentionné), Pourquoi une nouvelle formule ?, pages 3 à 3, éditorial
2 - (non mentionné), Nouvelles des auteurs de ce numéro, pages 6 à 6, bibliographie

NOUVELLES

3 - Francis George RAYER, Un vaisseau d'un autre monde (Alien, 1959), pages 7 à 21, nouvelle, trad. (non mentionné) *

4 - Jérôme SERIEL, L'Œil du Sgal, pages 22 à 30, nouvelle *

5 - Murray LEINSTER, Les Robots assassins (The Case of the Homicidal Robots, 1961), pages 31 à 52, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

6 - Jorge Luis BORGES, Les Ruines circulaires (Las ruinas circulares, 1940), pages 53 à 57, nouvelle, trad. Paul VERDEVOYE

7 - Georges GHEORGHIU, Le Festin de l'araignée, pages 58 à 67, nouvelle *

8 - Wade MILLER, Chienne de vie ! (How Lucky We Met, 1960), pages 68 à 73, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

9 - Stuart PALMER, Déclaration d'amour à trois dimensions (Three-Dimensional Valentine, 1959), pages 74 à 84, nouvelle, trad. Elisabeth GILLE *

10 - Kit REED, Le Règne de Tarquin le Superbe (The Reign of Tarquin the Tall, 1958), pages 85 à 97, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

11 - Laurence ALBARET, Le Grand ventre, pages 98 à 104, nouvelle *

12 - Jacques BOUCHER DE CREVECOEUR dit BOUCHER DE PERTHES, Mademoiselle de la Choupillière, pages 105 à 115, nouvelle

13 - Monique DORIAN, Vous êtes si chaud, petit monstre..., pages 116 à 120, nouvelle *

14 - Jean-Pierre KLEIN, Quatre minutes de retard, pages 120 à 121, nouvelle *

15 - Bernard HALLER, Marguerite et Hermann, pages 122 à 123, nouvelle *

16 - Christine RENARD, Lettre de Claerista à l'hermite très saint, pages 123 à 125, nouvelle

 

CHRONIQUES

17 - Gil SARTÈNE Boris Vian : cet Etranger qui jugea la Terre, pages 126 à 129, article

18 - Demètre IOAKIMIDIS, Notes de lectures, pages 131 à 133, critique(s)

19 - (non mentionné), En Bref, pages 134 à 135, article

20 - Pierre VERSINS, Fanactivités, pages 137 à 140, chronique

21 - Jacques GOIMARD, Mythrobolant, mythrologique, ni trop glycériné, pages 141 à 144, article


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Il est question du problème passionnant d'un premier contact dans Un vaisseau d'un autre monde, de Francis George RayerUn aspect un peu hard science pourrait dérouter un lecteur peu sensible aux aspects scientifiques, dans un va et vient de perceptions entre deux systèmes confrontés l'un à l'autre. Rayer met surtout en avant combien la hiérarchisation des dimensions (hauteur, longueur, largeur et temps) rend notre perception de l'espace-temps subjective, et peut rendre toute compréhension mutuelle impossible. Dans son célèbre roman "Solaris", l'auteur polonais Stanislas Lem développera ce même postulat sur une échelle autrement plus cosmique.

On aurait pu croire à une parodie du style Henneberg si Jérôme Sériel ne s'était pas tant pris au sérieux dans L'œil du Sgal. Malheureusement, n'est pas Flaubert qui veut, et il ne suffit pas d'aligner des néologismes abscons et des aubes inutilement colorées de jade et d'émeraude pour embarquer le lecteur. On passera volontiers devant cet hymne guerrier qui n'apporte rien de plus qu'une progression inepte vers un but dont on n'a cure.

Murray Leinster s'amuse à faire une enquête à la Asimov en posant une situation qui irait à l'encontre de la première loi de la robotique : un robot ne peut nuire à un homme. Les robots assassins est une habile histoire de chasse aux pirates spatiaux, qui se déploie de façon un peu vieillotte, certes, mais tout à fait charmante.

Jorge Luis Borges maître des cercles concentriques ne pouvait que nous émerveiller dans Les ruines circulaires. D'un style forgé à l''aune du conte, il tisse son propos dans l'étoffe des songes. Ici, le fantastique devient l'universelle pulsion de la créativité. En bref, un récit inspirant d'un auteur visité par les muses de la fiction, rien de moins !

Mais les muses sont parfois fantasques. On sent bien que Georges Gheorghiu avait une idée en tête en commençant Le festin de l'araignée, mais qu'il en a trouvé une autre meilleure en chemin. Ce ne sont que des suppositions, mais elles témoignent avant tout de l'étrange polarité de genre et de traitement qui aurait peut-être méritée d'être plus lissée.

Deux êtres, qui se pensaient différents des autres, se rencontrent. Il n'en faut pas plus pour commencer à faire communauté. L'histoire de Chienne de vie ! est peut-être un peu gratuite, si elle n'avait une valeur allégorique. Au final, ce récit sert à véhiculer du réconfort, ce qui n'est déjà pas si mal. Son auteur, Wade Miller, est en réalité le double pseudonyme de Robert Wade et Bill Miller., qui signent aussi des nouvelles policières sous le nom de Whit Masterton.

Troisième et dernière publication de Stuart Palmer dans les pages de Fiction (et ses seules traductions françaises à ce jour), Déclaration d'amour à trois dimensions reprend, à partir d'expériences réelles, les observations sur les effets de différentes drogues sur le tissage des toiles par les araignées. C'est avant tout le prétexte à une bluette agréable, mais qui n'en rend pas moins un son creux. On peut se demander ce que l'auteur y a voulu expliciter.

Avec Le règne de Tarquin le Superbe, il faut se figurer tout ce qu'il peut y avoir entre les lignes pour compléter le tableau de ses enfants et jeunes adultes vivant en communauté. Tarquin le Superbe fut le dernier Roi de Rome au Vème siècle av J.C. ; on pressent, par un certain nombre d'indices, que personne n'a vraiment toute sa tête et que les jeux d'enfants sont ici les symptômes névrotiques - à moins que Kit Reed ne transpose ici Tite-Live (voir Fiction n°93).

Le grand ventre, de Laurence Albaret, propose un voyage corporel au pays de la famine, qui prend des allures à la Sternberg sur sa fin… Mais devant un dénouement attendu, on reste… sur sa faim.

On pourrait aussi se douter de la chute de Mademoiselle de la Choupillière, menée à la mode sarcastique du XVIIIème Siècle. On y découvrira toutefois l'un des plus anciens textes de science-fiction propre à défriser l'inventivité d'un Karel Čapek. Boucher de Perthes, qui fut peut-être le fondateur de l'étude de la Préhistoire en postulant l'existence d'un "Homme antédiluvien", fait preuve de beaucoup d'humour, dans un tableau sardonique de la vie bourgeoise de province, et un défilé d'hypocrisies qui ne lâche jamais prise.

Quelques courts récits complètent le florilège d'inédits de ce numéro 107 : Vous êtes si chaud, petit monstre… propose une variation autour du thème du vampire ; cette nouvelle comme la précédente de Monique Dorian (madame Alain Dorémieux) est troublante au regard de son triste destin (voir Fiction n° 78).

Ensuite, et sans fournir les explications qui en feraient une histoire de science-fiction, Jean-Pierre Klein s'amuse à imaginer deux êtres qui vivraient dans deux temps décalés, l'un avec Quatre minutes de retard par rapport à l'autre. Car après tout, tout est relatif.

Très courte, construite en poupées gigognes, Marguerite et Hermann, novelette du comédien et auteur Bernard Haller, a le mérite de poser son idée sans développement superflu. Sur le même thème, on repensera à la nouvelle de John Collier "L'âge tendre" (in Fiction n°101).

Lettre de Claerista à l'hermite très saint termine ce petit feu d'artifice de textes courts. Traitant du désarroi de l'être dépouillé de tout, même de son être, l'intérêt de ce court et beau texte de Christine Renard réside surtout dans les mots non formulés de l'hermite, qui lui s'est dépouillé du superflu et du terrestre.

Une rubrique "En bref" (qui rappelle les anciennes "notules cosmiques") nous propose un extrait d'article de Damon Knight qui pourrait figurer en en-tête de la revue :

"Fiction" vu des U.S.A.

Commentaire de Damon Knight à propos de « Fiction », dans un numéro récent de notre « revue-mère » américaine : « la longue vie de ce délicieux magazine est due au talent et à la ferveur de ses responsables, qui savent joindre aux histoires américaines les meilleures œuvres d'une nouvelle génération d'auteurs français de science-fiction et de fantastique. (…) Les auteurs français de science-fiction constituent maintenant un groupe, qui ne méconnaît pas sa dette envers la science-fiction anglo-saxonne, mais qui a su créer un ton personnel. » Citons encore un jugement sur Jean-Claude Forest, « dont les dessins, » dit Damon Knight, « devraient depuis longtemps figurer sur les couvertures américaines ». (On sait que grâce aux traductions de Knight, nos auteurs français – notamment Charles Henneberg – commencent à être connus en Amérique.)

Nous l'évoquions en début d'article : Fiction annonce une nouvelle formule pour le numéro 108 (Novembre 1962). En voici l'annonce :

Pourquoi une nouvelle formule ?


Depuis des années, deux remarques revenaient constamment dans le courrier de nos lecteurs :

« Donnez-nous plus à lire. »

« Votre contenant n’est pas digne de votre contenu. »

Après réflexion, le succès de la revue nous incite aujourd’hui à prendre cette décision :

A partir du mois prochain, « FICTION » passe à 176 pages (au lieu de 144) et paraît sur papier plus luxueux.

Notre nouveau prix de vente sera de 2,50 NF. Compte tenu de la présentation améliorée et d’un accroissement de lecture de l’ordre de 25%, ce prix reste modique. Faut-il souligner qu’il y a autant à lire dans un numéro actuel de « FICTION » que dans n’importe quel roman de science-fiction, vendu de 4 à 6 NF en librairie ?

Amis lecteurs, vous nous avez toujours fait confiance. Nous ^comptons sur votre fidélité pour aider à la réussite de cette tentative.

Nous vous faisons d’ailleurs une offre : si vous le désirez, vous pouvez continuer à lire « FICTION » pendant un an à son ancien prix. En effet, tout abonnement souscrit par vous avant le 1er novembre bénéficiera des tarifs actuels, ce qui sur douze mois vous fera économiser 13 NF ! (De même, tous les abonnements en cours seront servis jusqu’à leur terme, malgré l’augmentation de prix.)


A l’occasion de ce changement de formule, notre prochain numéro aura un sommaire hors série. Vous y trouverez : Poul Anderson, Jorge Luis Borges, Arthur Clarke, Robert Heinlein, Nathalie Charles-Henneberg, Fereydoun Hoveyda, Gérard Klein, Fritz Leiber, Richard Matheson, Jean Ray, Idris Seabright et, dans le Rayon des Classiques, Montague James.

Et dans le futur, bien entendu, vous lirez comme toujours dans « FICTION » les meilleurs récits des meilleurs auteurs !

Sans tout en dévoiler, et à propos de ce sommaire en effet très alléchant, nous pouvons toutefois annoncer qu'il n'y aura pas de texte de Nathalie "Charles-Henneberg" dans le numéro 108, bien qu'elle continue d'y être citée comme faisant partie du corpus de ce numéro. Iphigénie sacrifiée avant l'assaut pour faire se lever les… ventes ! 

09 avril, 2025

Fiction n°106 – Septembre 1962

Fiction mise sur ses valeurs sûres dans ce numéro, mais non sur les vedettes. Pas de Poul Anderson ni d'Asimov ou Bradbury, mais Farmer, Blish et le méconnu Jay Williams qui signe ici sa dernière publication dans la revue. Il en va de même pour le remarqué Jean-Claude Passegand, qui aura publié  six nouvelles en quatre ans (et deux de plus dans la revue Satellite), toutes de bonne, voire très bonne facture. Du reste, les auteurs français y sont bien servis.

 

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Sommaire du Numéro 106 :

1 - (non mentionné), Nouvelles des auteurs de ce numéro, pages 2 à 3, bibliographie

NOUVELLES

2 - Philip José FARMER, Prométhée (Prometheus, 1961), pages 5 à 45, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM

3 - Jay WILLIAMS, Les Présents des dieux (Gifts of the Gods, 1962), pages 46 à 59, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM

4 - Gérard KLEIN, Le Dernier moustique de l'été, pages 60 à 63, nouvelle

5 - James BLISH, L'Ordre des choses (Who's in Charge Here?, 1962), pages 64 à 68, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

6 - Michel EHRWEIN, En voyage, pages 69 à 71, nouvelle *

7 - Jean-Claude PASSEGAND, Le Fil d'Ariane, pages 72 à 83, nouvelle *

8 - Mildred CLINGERMAN, La Prophétie (The Last Prophet, 1955), pages 84 à 90, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

9 - Fernand FRANCOIS, Plat du jour, pages 91 à 102, nouvelle *

10 - Henri DAMONTI, Le Notaire et la conspiration, pages 103 à 111, nouvelle *

CHRONIQUES

11 - COLLECTIF, Ici, on désintègre !, pages 113 à 124, critique(s)

12 - Alfred BESTER, Livres d'Amérique, pages 125 à 129, chronique, trad. Demètre IOAKIMIDIS

13 - (non mentionné), Clarke couronné / Souscriptions du club Futopia, pages 130 à 131, article

14 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 131 à 133, article

15 - Jacques GOIMARD & F. HODA, L'Écran à quatre dimensions, pages 135 à 141, article



* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Philip José Farmer pose avec Prométhée la base d'un thème qui traversera toute son oeuvre : celui des démiurges, qui ne sont pas des dieux mais s'en arroge la puissance. Suite de "L'oeuf" (Fiction n°105), on pourra dorénavant (re)lire l'intégrale des aventures du Père John Carmody, avec "La nuit de la lumière" (Fiction n°82), "La planète du Dieu" (Fiction n° 33 et 34), et "Attitudes" (Fiction n°5).

Les présents des dieux de Jay Williams est présenté ainsi : " le thème (...) des premiers extra-terrestres débarquant sur Terre (...) pour jeter les bases de quelque union galactique (...) est une des mamelles de la science-fiction. " C'est aussi, et presque, le thème de la nouvelle de Farmer. Mais la proposition est faite sur un plan plus "sociologique", voire anthropologique, comme en témoignenet ces citation de la délégation extra-terrestre :
« Je crains, » dit le porte-parole, « que vous ne confondiez progrès avec changement. Il est exact que vous vivez dans une communauté sociale qui a changé profondément au cours des cent dernières années. Mais avez-vous progressé ? Vos citoyens sont-ils tous heureux, entièrement développés, intellectuellement mûrs ? » (...) « Vous estimez que le progrès consiste en procédés perfectionnés pour congeler les aliments, en moyens de transport plus confortables ou en méthodes nouvelles pour lutter contre les maladies. Ce n'est pas cela le progrès. Le progrès, c'est ce que vous faites avec les gens guéris, et où vous allez avec vos moyens de transport améliorés, et pourquoi vous y allez. Le progrès, c'est ce qui se passe dans votre cœur. La plupart d'entre vous sont bons, mais vous n'avez pas progressé d'un iota en cinq cents ans, ni même en mille. Si vous avez l'occasion d'un profit personnel, il n'y a pas un seul d'entre vous qui hésiterait à raser des forêts, à détruire toute vie sauvage, à tuer un millier d'autres êtres humains et à tourner le dos pour ne pas voir les souffrances de ses concitoyens. » 
En fait, un peu à la manière d'Howard Fast, Jay Williams interroge la notion de progrès à travers cette délégation extraterrestre censée apporter bienfaits et alliance. Nous sommes au final à l'antithèse de la nouvelle précédente.

On se souvient de l'avis, sans doute écrit par Dorémieux, sur l'évolution du style de Gérard Klein. En réalité, Le dernier moustique de l'été semble invoquer une forme plutôt ancienne chez l'auteur, la forme bradburyenne :
Est-ce en guise de coup de chapeau à ses années passées (aujourd'hui que sa manière a évolué) qu'il a décidé d'écrire ce conte symptomatique d'une mode datant d'hier ?
A bien y regarder, il s'agit plutôt du dernier été et non du dernier moustique dans cette nouvelle où, contrairement à l'indolence nostalgique d'un Bradbury, Klein nous dépeint ici la noirceur d'une inquiétude admise. On n'est cependant loin de notre éco-anxiété quant au réchauffement climatique, puisqu'il s'agit ici d'un refroidissement...

Avec L'ordre des choses, James Blish évoque ce curieux mélange d'intranquillité et de quotidien répétitif désabusé qui fut le lot de la Guerre Froide, et qui pourrait devenir le nôtre, tout en le contrastant avec des figures de mendiants roublards et faux aveugles menés par des chiens (dogs) et simulant leur foi envers dieu (god).

En voyage, Michel Ehrwein nous propose un nouveau récit dont l'ambiance est bien menée - le refuge imposé du voyageur de commerce - mais qui rend un son un peu creux (on aurait aimé qu'il s'y passe quelque chose).

A partir de la pratique de l'escalade (et les férus des rochers de Fontainebleau s'y retrouveront), Jean-Claude Passegand déploie Le fil d'Ariane en une allégorie initiatique... Mais une initiation à quoi ? La chute en est, comme le précise le texte de présentation, assez lovecraftienne.

La prophétie, de Mildred Clingerman, est un étrange récit, presque un conte, qui traite de la grande solitude de qui détient une prophétie et qui n'est pas en verve de la révéler.


Un peu comme ces lieux mystérieux qui n'apparaissent qu'à la faveur d'une impénétrable conjonction, il est de ces personnes ni fantômes ni rêves que nous savons destinées à n'habiter qu'un bonheur fugitif. Fernand François mêle dans Plat du jour son autofiction à une apparition de la sorte, qui cousinerait Jean Ray (malgré un style bien différent).

On se souvient de "Vocation de Reine" de Evelyn E. Smith (Fiction n°99) où les voyages dans le temps se font en incarnant quelqu'un du passé. Henri Damonti reprend pour lui ce stratagème narratif dans Le notaire et la conspiration, mais hormis un jeu de va et vient tourbillonnant, il ne pousse pas la proposition plus loin.


On connait Pierre Versins pour sa phénoménale "Encyclopédie de l'Utopie, des Voyages Extraordinares et de la Science-Fiction", parue en 1972. Nous assistons au fur et à mesure des annonces parues dans Fiction, à la création de cette phénoménale Encyclopédie, comme en témoigne cette parution du club que Versins fonda, le Club Futopia :


Souscriptions du Club Futopia
"Le Club Futopia met en souscription les deux premiers volumes de la Collection Denebienne, consacrée aux études conjecturales :
1) Régis Messac : « Esquisse d’une Chrono-Bibliographie des Utopies ; Avertissement de Ralph Messac ; 111 notes de Pierre Versins ».
Cet ouvrage qui comportera 80 pages ronéotypées au format 29,5 x 21 indique et commente plus de 550 utopies et romans de science-fiction de 1502 à 1940. Les 94 premiers exemplaires comprendront chacun une page du manuscrit original ; il sera tiré à petit nombre sur papier bleu, avec 10 % au plus d’exemplaires sur papier blanc toilé, plus 15 exemplaires H. C. réservés à Ralph Messac dont la générosité a permis cette édition." 

Connaissez-vous quelqu'un qui ait l'un de ces 94 premiers exemplaires, et donc une page du manuscrit original ??? Mazette !

02 avril, 2025

Fiction n°105 – Août 1962

Avec une très belle couverture de Jean-Claude Forest  - qui préfigure bien le style et l'esprit de celles de Pilote ou Métal Hurlant quelques années plus tard, voici un numéro recherché regroupant plus de la moitié de ses publications restées exclusives (six récits sur dix, dont un de Philippe Curval et un autre de Michel Demuth). On y notera une assez forte propension à l'humour, même un peu noir.

 

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Sommaire du Numéro 105 :


1 - (non mentionné), Nouvelles des auteurs de ce numéro, pages 2 à 3, bibliographie


NOUVELLES

2 - Philip José FARMER, L'Œuf (A Few Miles, 1960), pages 4 à 33, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM

3 - Arthur C. CLARKE, Dans la comète (Inside the Comet / Into the Comet, 1960), pages 34 à 43, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM

4 - Philippe CURVAL, On dément, pages 44 à 51, nouvelle *

5 - George P. ELLIOTT, L'Amour, rien que l'amour... (Nothing But Love, 1959), pages 52 à 59, nouvelle, trad. Régine VIVIER *

6 - Michel DEMUTH, L'Automne incendié, pages 60 à 66, nouvelle *

7 - Carol EMSHWILLER, Une fourrure de miel (Pelt, 1958), pages 67 à 75, nouvelle, trad. Régine VIVIER *

8 - Jean RAY, Les Noces de Mlle Bonvoisin, pages 76 à 80, nouvelle

9 - Kit REED, Dévotion (Devotion, 1958), pages 81 à 88, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

10 - Jacqueline H. OSTERRATH, Le Tapis rouge, pages 89 à 105, nouvelle

11 - John NOVOTNY, Un lac de whisky (The Bourbon lake, 1954), pages 106 à 116, nouvelle, trad. Arlette ROSENBLUM *

CHRONIQUES


12 - Jacques GOIMARD, L'Œuvre exemplaire d'A. E. Van Vogt (3), pages 117 à 124, article

13 - Demètre IOAKIMIDIS & Pierre STRINATI, Ici, on désintègre !, pages 126 à 132, critique(s)

14 - Jacques GOIMARD, L'Aube du rococosmique, pages 135 à 139, article

15 - F. HODA, Les Ornières de la S.F., pages 139 à 141, article

16 - COLLECTIF, Tribune libre, pages 143 à 144, article par ARCADIUS.


* Nouvelle restée sans publication ultérieure à ce numéro.

Philip Jose Farmer commence à être coutumier du fait d'être publié en feuilleton dans Fiction. L’œuf est en effet annoncé comme première partie d'un cycle de deux (la seconde partie, "Prométhée", paraîtra dans le numéro suivant.) Nous y retrouvons le Père Carmody dans ses début de Frère John de l'ordre de Saint Jaïre. Et résolument, Farmer change de ton avec cette aventure de jeunesse qu'on croirait scénarisée par Robert Sheckley.

Dans la comète, Arthur C. Clarke anticipe bien ce que pourront être les voyages spatiaux ainsi que le danger de s'en remettre exclusivement à la technique. Difficile de faire sans pour survivre dans cet environnement hostile, mais…

Voici, en attendant, une nouvelle histoire de [Philippe Curval] qui, comme tant d’autres, a fait autrefois ses débuts dans « Fiction ».

Autrefois… Quand Fiction n'a pas dix ans ! Dans On dément, il est question de percevoir l'humain dégradé au rang de mécanique, et s'en faire une psychose. Curval y est très dickien avant l'heure. Cette problématique fera aussi l'objet d'une décompensation psychotique du "héros" de "Le breakfast du champion", de Kurt Vonnegut. 

L’amour, rien que l’amour…, et trouver l'adversaire pour survivre dans la lutte. George P. Elliott renchérit sur une précédente nouvelle, "Incurables sauvages" in Fiction n°66, et comme dans les Watchmen d'Alan Moore ou dans "Les parasites de l'esprit" de Colin Wilson, la planète oublie ses rancœurs intestines pour déployer sa haine sur les espèces des autres mondes. On se rappellera à ce sujet de la nouvelle d'Howard Fasr "aux produits martiens" (in Fiction 75).

Michel Demuth nous revient, après deux ans de service militaire passé en Algérie, avec L’automne incendié, un récit de ressenti de guerre. Un homme aux abois et un contexte trouble. Sans être vraiment essentiel, ce texte de Demuth tente des effets de style avec succès. La figure du fugitif y revient après celui de "La ville entrevue" (in Fiction 77

Dans Une fourrure de mielCarol Emshwiller traite du conditionnement et de l'incapacité à conquérir sa liberté. Un thème qu'elle portera bien haut dans son roman " La monture". 

Jean Ray dit de lui-même manquer d'imagination s'il ne s'agit pas de broder son fantastique sur des modèles réels. Si tel est le cas, on frémirait en découvrant ses sources pour Les noces de Mlle Bonvoisin. Meurtres, entourloupes, messe noire et animal énigmatique forment le défilé de ces noces, le tout en quelques pages. 

Une Dévotion un peu gratuite, qui aurait profité d'avoir plus de mordant pour être tout à fait bien, car Kit Reed a tout de même son style ; mais un peu ennuyeux tel quel. 

Sortilège en héritage pour Le tapis rouge, avec beaucoup de style et de personnalité chez Jacqueline Osterrath, qu'on imagine avoir lu au moins "La menace de Khâli" parmi les aventures de Harry Dickson. Ici, pas d'enquête, pas de société secrète, mais un temps qui va s'accélérant vers un dénouement délicieusement meurtrier.

On termine dans Un lac de whisky, dernière publication de John Novotny dans Fiction. Bien que sans plus d'intérêt qu'une bonne blague, l'histoire divulgâchée par son titre se lit avec un plaisir un peu tourbe... euhh...hips.... Un peu trouble. Santé !

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